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Writer's pictureRav Uriel Aviges

Yom Kippour 5778


1- Le paradoxe du pardon

Dans les selihot de la veille de Roch Hachana, les Ashkenazim disent le texte suivant « nous n’avons pas fauté envers toi Hachem, mais envers nous-même, et ce n’est pas toi que nous avons énervé, mais bien nous-même, car si un homme a fauté qu’elle impacte cela pourrait avoir sur toi, et si ses fautes sont nombreuses qu’est-ce que cela te fait ? mais malheur a ceux qui ont fauté envers toi, par ce qu’ils se sont fait du mal à eux même.» les sefaradim disent un texte similaire au moment de la « neilah ».

 Or, si nous n’avons pas fauté envers D, comment peut-il nous pardonner ? si on suit la logique du texte des selihot, c’est nous qui devons-nous pardonner a nous-même, ce n’est pas D. pourtant pendant toute la journée de Yom kippour nous demandons à D de nous pardonner, comment est possible ?

Cette question est d’autant plus forte qu’elle expose un paradoxe en ce qui concerne le pardon divin. Selon la Kabbalah, le pardon divin est possible justement par ce que la faute n’a pas d’impact sur D. Lorsque Moshe demande à D de pardonner la faute du veau d’or, il demande aussi à voir le visage de D. Les commentateurs expliquent que pour obtenir le pardon des hébreux, Moshe devait accéder à la révélation de la divinité a son niveau le plus élevé, celui où il n’y a plus de différence entre le bien et le mal. Car il était nécessaire d’accéder à ce niveau, ou la faute n’a plus d’impact, pour que D puisse pardonner et effacer la faute des hébreux. (Ce niveau de la révélation ce sont les treize attributs de miséricorde). Si la faute avait un impact sur D, D ne pourrait pas la pardonner.

Le pardon repose donc sur un paradoxe apparemment insoluble. Soit la faute à un impact sur D dans ce cas il ne peut pas la pardonner, soit, la faute n’a pas d’impact et dans ce cas il n’y a rien à pardonner.

Cette question est difficile mais on peut trouver un premier élément de réponse à partir du midrash suivant.

2- Féminité et virilité chez D

Le midrash (aggadah, tazria 12) rapporte le dialogue ci-après : « Les élèves de rabi Dostai fils de rabi Yanai lui ont demandé : « pourquoi la femme sort du ventre de sa mère en regardant le ciel, alors que l’homme sort en regardant la terre ? » Il leur a répondu : « chacun regarde selon sa position lors des rapports sexuels. C’est pour cette raison qu’un homme accepte le pardon, et qu’une femme n’accepte pas le pardon, mais au contraire, plus on lui demande pardon, plus elle devient agressive, et son cœur, plus on lui demande des excuses, se durcit comme la pierre. »

Le midrash dit qu’une femme accepte difficilement des excuses, ceci étant dû au fait que la femme regarde toujours le ciel. La femme a besoin d’admirer, elle admire les robes dans les vitrines des magasins, elle admire la maison du voisin, elle admire son reflet dans le miroir. Or demander des excuses, c’est faire preuve de faiblesse, et pour une femme c’est inadmissible, puisqu’elle ne peut plus admirer celui qui lui parle. Et, plus on en rajoute, plus son cœur se durcit comme la pierre.

Pourtant, ailleurs le midrash dit qu’une femme pardonne et change plus facilement d’avis qu’un homme. En effet, puisque la femme a besoin d’admirer, elle va décider de ne pas voir le mal chez l’autre, elle va faire abstraction de la partie de la réalité qui la dérange, elle ne va plus voir que ce qui est admirable. Selon le midrash, la femme pardonne à condition qu’on ne lui demande pas des excuses.

Il est intéressant de noter qu’une fois de plus, le talmud décrit une opposition radicale entre le comportement de la femme et celui de D.

D ne pardonne que si on lui demande des excuses, alors qu’une femme pardonne que si on ne lui demande pas d’excuses.

Après la faute des explorateurs lorsque D veut détruire le people d’Israël, moshe va prier pour le pardon du peuple.

Le texte dit « 1 Et l'Éternel dit à Moïse : "Quand cessera ce peuple de m’outrager ?  Combien de temps manquera-t-il de confiance en moi, malgré tant de prodiges que j'ai opérés au milieu de lui ?  12 Je veux le frapper de la peste et l'anéantir, et te faire devenir toi-même un peuple plus grand et plus puissant que celui-ci."  13 Moïse répondit à l’Éternel : "Mais les Egyptiens ont su que tu as, par ta puissance, fait sortir ce peuple du milieu d’eux, 14 et ils l'ont dit aux habitants de ce pays-là ; ils ont appris, Seigneur, que tu es au milieu de ce peuple, que celui qu'ils ont vu face à face, c'est toi-même, Seigneur ; que ta nuée plane au-dessus d’eux ; que, dans une colonne nébuleuse, tu les guides le jour, et, dans une colonne de feu, la nuit.  15 Et tu ferais mourir ce peuple comme un seul homme !  Mais ces nations, qui ont entendu parler de toi, diront alors :  16 "Parce que l'Éternel n'a pu faire entrer ce peuple dans le pays qu'il leur avait solennellement promis, il les a égorgés dans le désert."  17 Maintenant donc, de grâce, que la puissance d'Adonaï se déploie, comme tu l'as déclaré en disant :  18 "L'Éternel est plein de longanimité et de bienveillance ; il supporte le crime et la rébellion, sans toutefois les absoudre, faisant justice du crime des pères sur les enfants jusqu'à la troisième et à la quatrième génération."  19 Oh !  Pardonne le crime de ce peuple selon ta clémence infinie, et comme tu as pardonné à ce peuple depuis l'Egypte jusqu’ici !"  20 L'Éternel répondit : "Je pardonne, selon ta demande »

Ce texte est la base d’une grande partie du rituel de Yom kippour surtout dans le rite ashkénaze. Or, sur le verset 16 « Parce que l'Éternel n'a pu faire entrer ce peuple dans le pays ». le talmud commente dans le traité de berahot (32 a) « c’est par ce que D n’a pas la capacité », on aurait dû dire « c’est par ce que D ne peut pas ! » rabi Eliezer dit :  « moshe a dit à D « les nations du monde vont dire, maintenant D est comme une femme, et il ne peut pas les sauver » …d’où savons-nous que c’est à cause de cet argument que D a pardonné au peuple ? par ce qu’il est dit « Je pardonne, selon ta demande ».

Le talmud semble dire que si on demande des excuses à D pour qu’il nous pardonne, c’est par ce qu’on ne veut pas qu’il ressemble à une femme.

Qu’est-ce que ça veut dire ?

En fait, le pardon d’une femme a un prix. Elle ne peut pardonner qu’en biaisant son regard sur l’autre, et à condition de s’interdire de se voir elle-même telle qu’elle est.

En voilant sa face la femme s’interdit aussi bien de voir l’autre objectivement, que de se voir elle-même impartialement. De ce, fait sa capacité à choisir une orientation solide dans sa vie se réduit fortement. Pour s’orienter dans la vie l’homme a besoin d’avoir une vision claire et unifiée de ce qu’il est lui-même.

Par contre, celui qui s’imagine d’une manière floue et morcelée explore souvent différentes directions essayant, toujours en vain, de se saisir. Il finit en général par s’adapter passivement au milieu ambiant.

Ceux qui ont des filles, savent que jusqu’à la fin de l’adolescence elles sont en général pleines de volonté et très sures de leur chemin, et qu’ensuite, elles ne font que régresser. Cela s’explique du fait que tant qu’une femme peut admirer objectivement ses parents, elle n’a pas besoin de se voiler a elle-même pour pouvoir vivre. Mais lorsqu’elle ne peut plus les admirer spontanément, elle est obligée de flouter son rapport a elle-même pour pouvoir continuer à admirer. (Bien entendu, le mariage ne fait qu’augmenter ce phénomène.) (Les rabanim sont très utiles aux femmes, par ce que c’est en les admirant, les femmes retrouvent un sens de direction.)

Tout le but de prière de Yom kippour est d’éviter que ce même processus arrive à D.

D veut admirer le peuple d’Israël, il peut leur pardonner facilement, comme une femme même si les juifs ne s’excusent pas ! mais à condition qu’il se voile lui-même la face, et qu’il n’intervienne plus pour donner un sens à l’histoire.

Dans les lois de la techouvah (chapitre 1) de Maimonide on peut trouver ces lois qui découlent du talmud.

« Le bélier envoyé [à Azazel,] étant donné qu’il est une expiation pour tout le peuple juif, le grand prêtre se confesse dessus au nom de tout le peuple juif, comme il est dit : « il confessera tous les péchés des enfants d’Israël ». Le bélier envoyé [à Azazel] fait expiation pour toutes les fautes mentionnées dans la Torah, [les fautes] légères comme graves, que la transgression ait été [commise] délibérément ou par inadvertance, qu’il [le pécheur] ait eu connaissance [de sa faute] ou non, tout est expié par le bélier envoyé [à Azazel], pourvu qu’il [le juif ayant fauté] se soit repenti. Mais s’il ne s’est pas repenti, le bélier ne fait expiation que pour les [fautes] légères. Quelles sont les [fautes] légères et quelles sont les [fautes] graves ? Les [fautes] graves sont les fautes passibles de mort par le tribunal ou de retranchement. Le serment vain ou mensonger, bien qu’il ne soit pas passible de retranchement, fait partie des [fautes] graves. [La transgression des] autres commandements négatifs et [la négligence des] commandements positifs qui n’impliquent pas de [peine de] retranchement sont [considérés comme] des [fautes] légères. 3. À l’époque actuelle, ou le Temple n’est plus et que nous n’avons pas l’autel d’expiation, le repentir est la seule issue possible »

A l’époque du temple le bélier envoyé au diable, (azazel) pardonnait la majorité des fautes du peuple, même s’il ne faisait pas techouvah. Comment comprendre cette loi ?

En réalité, le bouc émissaire symbolise les forces que l’on envoie au Satan. A l’époque du temple, même si les juifs ne faisaient pas techouvah, les fautes étaient pardonnées. Mais sans techouvah, D devenait comme une femme, il réduisait son rôle de guide dirigeant l’histoire, et il laissait une place plus importante au Satan, c’est-à-dire a l’homme et a l’aléatoire de la nature.

(C’est pour cette raison que même à l’époque du temple, le fil rouge placé entre les cornes du bélier ne devenait blanc que si les juifs avaient fait techouvah. Les fautes étaient de toutes manières pardonnées par le bouc, mais parfois au prix de l’augmentation du rôle donne au Satan dans le monde.)

3- Féminité et virilité d’Israël.

Le talmud dans kidoushin (49b) dit « si quelqu’un dit à une femme je me marie avec toi, à condition, que je sois un juste parfait, même, si c’est un Racha toute sa vie, le mariage est valide, car surement au moment où il a donné la bague, il a pensé faire techouvah »

Les commentateurs déduisent de ce passage de la guemrah, que la techouvah est une décision évaluée a un instant donne. Si un homme décide de ne plus fauter, au moment où il prend la décision, il est un juste parfait.  Même si une heure plus tard, il va recommencer à fauter. L’homme a le libre arbitre, il ne peut pas savoir s’il va pouvoir se tenir à sa décision ou non. Mais l’obligation de la techouvah est de prendre la décision de bonne foi, en espérant pouvoir s’y tenir.

Le fait de prendre la décision verbalement, devant D, de devenir parfait et de ne plus fauter entraine le pardon automatique des fautes à Yom kippour.

Cependant, si l’homme a fait techouvah verbalement en décidant de ne plus fauter et d’être parfait, mais qu’il sait au fond de lui qu’à la sortie du jeune, il va reprendre ses anciennes habitudes.

En prenant cette décision, l’homme s’est voile la face pour pouvoir s’admirer, il s’est de la sorte affaiblie comme une femme. Il a morcelé son ego et son identité, et de par la même, il a affaibli le potentiel de persévérance dont il disposait pour diriger sa vie.

Rien ne sape plus le moral ou la volonté que de prendre des décisions que l’on ne tient pas.

Tout le but de la prière de Yom kippour est d’essayer d’intégrer cette décision absolue et presque irréalisable qu’est la techouvah, de l’assimiler comme faisant partie de nous, pour qu’elle ne soit plus un sur moi, qui nous brise et qui nous broie.  

Cette incorporation de la techouvah s’effectue en demandant pardon à D.

Si un homme vexe ou énerve une femme, même si l’homme décide de changer pour faire plaisir à sa femme, cette décision et ce changement seront toujours un poids pour lui, une contrainte.  Par ce que l’homme sait que la femme n’a pas accepté d’excuses, et que même si elle a pardonné, ce n’est pas par ce qu’il a changé, c’est par ce qu’elle a décidé de ne plus le voir tel qu’il est. (En général dans ce cas, la femme sent qu’elle et devenu une contrainte pour l’homme et elle se vexe encore plus), c’est ce genre de dynamique que l’on veut éviter à Yom kippour.

On ne peut intégrer une contrainte morale de manière bénévole, que lorsque l’on ressent que l’autre nous pardonne par ce qu’il accepte nos excuses.

Sans la prière, la relation naturelle du peuple avec Hachem a Yom kippour est une relation doublement féminine. D est une femme par ce qu’il pardonne naturellement sans demander d’excuses, et Israël est une femme par ce qu’il accepte une contrainte contre son gré. Le but de la prière de Yom kippour est de rétablir la virilité de D et d’Israël. On atteint ce but en demandant des excuses à D.

Lors du premier Yom kippour, moshe a demandé avoir le visage de D, ce que moshe voulait, c’est que D puisse se regarder en face lui-même en face, en acceptant les excuses des enfants d’Israël.

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