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  • Writer's pictureRav Uriel Aviges

Yom Kippour 5774


1- Il y a une grande différence entre Roch Hachana et Yom Kippour en ce qui concerne le rapport au Satan. A Roch Hachana les juifs "antagonisent" le Satan. Le shofar a pour but « d’embrouiller » le Satan et de lui faire peur. Le shofar était sonné durant les guerres, il appelle à un rassemblement pour combattre le Satan. Alors qu’à Yom Kippour, les juifs ont un rapport amical avec le Satan, il lui offre même un animal en sacrifice, le bouc expiatoire.

Le midrash dit dans Pirkei de Rabbi Eliezer « Le Samael a dit au saint béni soit il, « maître de tout l’univers sur toutes les nations tu m’as donné un pouvoir, et sur Israël tu ne me laisses aucun pouvoir ? » D lui a répondu : « je te donne un pouvoir sur eux, le jour de Yom Kippour, si ils ont des fautes mais si il n’en font pas tu n’auras aucun pouvoir sur eux. » C’est pour cette raison que l’on donne un pot de vin au Satan à Yom Kippour pour qu’il ne puisse pas empêcher les juifs d’apporter leurs sacrifices à Yom Kippour. Comme le verset dit « un sort et pour D et l’autre est pour Azazel ». Le sort pour D est le sacrifice holocauste alors que celui qui est pour Azazel est le bouc expiatoire, et toutes les fautes d’Israël sont sur ce bouc. Lorsque Samael voit qu’il n’y a aucune faute sur les juifs il dit au saint béni soit il « il y a sur la terre un peuple qui ressemble aux anges, de même que les anges ne mangent pas et ne boivent pas ainsi les juifs ne mangent pas et ne boivent pas pendant le jour de Kippour, de la même manière que les anges ne portent pas de chaussures de la même manière les juifs ne portent pas de chaussures, de même que les anges ne s’assoient pas ainsi les juifs ne s’assoient pas, de même que chez les anges il y a la paix entre eux ainsi les enfants d’Israël ont aussi la paix entre eux. » Lorsque le saint béni soit il entend les louanges du peuple d’Israël de la bouche même de leur accusateur, alors il pardonne toutes les fautes de l’autel du temple des kohanim et de tout le peuple. »

Cette transformation du rapport au Satan montre la différence existant entre Roch Hachana et Yom Kippour. À Roch Hachana, l’homme cherche à se découvrir lui-même, à savoir qu’elle est le but de sa vie, et la manière dont il peut s’épanouir personnellement. Le ligotage d’Isaac a eu lieu à Roch Hachana et il est central dans le rituel de cette fête, puisque le shofar rappelle le bouc offert par Abraham à cette occasion. Or, dans le ligotage d’Isaac Abraham est prêt à sacrifier son fils pour accomplir sa propre mission et s’épanouir spirituellement. En apprenant le ligotage d’Isaac Sarah meurt d’un arrêt cardiaque (selon la tradition rabbinique). A Roch Hachana on admet le fait que l’ascèse spirituelle et l’accomplissement de soi se fasse en opposition à l’intérêt et à l’épanouissement de l’autre. 

A Yom Kippour au contraire on cherche à intégrer l’intérêt de l’autre à notre intérêt personnel. L’homme cherche à s’ouvrir sur l’autre en intégrant l’intérêt de l’autre dans son propre développement. C’est pour cela qu’a Yom Kippour, on désire que le Satan aussi soit heureux, qu’il soit de notre coté. On lui offre donc un pot de vin.

2- le talmud dans le traité de Yomah rapporte l’anecdote suivante

Rav avait un grief contre un boucher, il s’est dit je vais aller le voir la veille de Yom Kippour, peut être lorsqu’il verra que je vais dans son magasin, il va être touché et il va me demander des excuses. Rav Hunah a dit à Rav « en faisant cela le rav va tuer quelqu’un ». Rav est cependant allé voir le boucher, lorsque le boucher l’a vu, il lui a dit « Qui es tu ? Je ne te connais pas ! Le boucher était entrain de désossé une tête en disant cela, un os a sauté de la tête qu’il était en train de coupée, cet os est rentré dans sa gorge et il est mort étouffé »

On pourrait poser la question suivante sur ce passage du talmud, si Rav voulait pardonner le boucher, il n’avait pas besoin, pour cela, que le boucher lui demande des excuses. Avant de dormir nous disons dans la prière du coucher que nous pardonnons à tous ceux qui nous ont fait du tort, on fait aussi cette prière avant de mourir. Quoi qu’il en soit un homme peut pardonner un grief qui lui a été fait même si celui qui l’offense ne lui demande pas des excuses. Alors, pourquoi Rav est-il parti tenter le diable, en allant voir le boucher pour qu’il lui demande des excuses ?

La réponse à cette question est la suivante : à Yom Kippour nous ne pardonnons pas à l’autre, en se disant « voila, bien que tu m’as fait du mal, et que tu es contre moi, je te pardonne, par ce que je m’écrase, et j’oublis mon intérêt propre », au contraire, on doit pardonner l’autre en disant « j’ai mes intérêt et tu as les tiens, tu as ton point de vue et j’ai le mien, mais je veux intégrer ton point de vue au mien et tes intérêts aux mien et je veux que toi aussi tu intègres mes intérêts avec les tiens ». C’est pour cela que Rav voulait que le boucher lui demande des excuses. Le pardon de Yom Kippour ne doit pas être un pardon gratuit, où l’un accepte de perdre face à l’autre, cela doit être un pardon qui crée du lien, où l’on intègre l’intérêt de l’autre au sien, en contre partie du fait que l’autre aussi est prêt à intégrer notre intérêt au sien.

A Yom Kippour D nous pardonne, par ce que nous acceptons son intérêt comme étant le notre, en contre partie notre intérêt devient le sien.

Dans le midrash que nous avons cité plus haut il est écrit que les anges sont unis et qu’il n’y a pas de haine entre eux. On pourrait croire que la raison pour laquelle il n’y a pas de haine entre les anges tiens au fait qu’ils ont tous le même but, celui de servir D.

Mais, en fait, lorsque l’on regarde le conseil d’administration d’une synagogue ou d’une école, on se rend compte que tous les membres ont le même but, ils veulent le succès de la synagogue et celui des enfants, cependant, tous les membres sont souvent en désaccord, ils s’insultent et se haïssent. Ceci montre bien que ce n’est pas le but commun qui crée l’union chez les anges ou chez les hommes.

Ce qui crée l’union chez les anges, c’est le fait qu’ils intègrent tous le point de vue de l’autre, ils travaillent comme un seul corps. Bien qu’ils aient des intérêts et des missions différentes, ils travaillent en synergie, en tenant compte du point de vue de l’autre.

En Europe continental lorsqu’il y a des conflits, les deux partis, pour se mettre d’accord, font un compromis, qui en fait, ne satisfait pleinement aucun des partis et qui ne fait que reculer l’échéance du prochain conflit. Dans les pays anglo-saxons, la paix est obtenue en faisant des pactes où l’on introduit des closes éparses et contradictoires qui permettent de donner des avantages à tout les belligérants. C’est ce qui explique que la politique de Washington est souvent irrationnel et contradictoire, le but de la politique n’étant pas d’établir une ligne de conduite politique, mais plutôt de gérer les conflits de manière à ce que toutes les minorités et les différents lobbyistes soient contents à la fin.

Le congrès va voter une loi qui permet l’importation des fruits d’Amérique latine, en faisant une close excluant les pommes de terre, pour préserver les cultivateur de l’Idaho. C’est ce que les anglo-saxons appellent « l’intégrative management » (Pauline Graham). 

Le talmud en nous rapportant l’histoire de Rav nous montre que c’est de cette manière qu’il faut envisager le pardon de Yom Kippour.

Dans les selihoth de la veille de Yom Kippour les ashkenazim disent « la vérité et la paix vont se rencontrer, c’est demain qu’aura lieu ce miracle ! ».

La vérité c’est Roch Hachana où chacun cherche son intérêt propre, même si cet intérêt spirituel ne peut aboutir qu’au détriment d’un autre. Et à Yom Kippour on arrive à la paix, c'est-à-dire que l’on intègre l’intérêt de l’autre à son intérêt propre. A Yom Kippour, on se demande comment l’autre pourrait-il bénéficier du but que je me suis donné dans ma vie ? Comment le but de l’autre peut-il s’intégrer à mon propre but ? 

A Roch Hachana, Abraham a égorgé le bouc, on sonne le shofar, le midrash dit que lorsque le Satan entends le son du shofar, il pense que le messie est la pour venir l’égorger, alors qu’à Yom Kippour on fait la paix avec le Satan on lui offre le bouc en cadeau.

3- Pour arriver à cette synergie il faut deux choses. Premièrement il faut avoir confiance en l’autre. Pour pouvoir intégrer l’intérêt de l’autre, il faut penser que l’autre aussi cherche notre intérêt. Cette confiance peut être naïve. Rav (qui ne se trompe jamais dans le talmud) s’est trompé sur ce point en pensant que boucher cherchait à faire la paix avec lui.

Cependant cette confiance est nécessaire pour que la paix et le pardon puisse exister. 

A Yom Kippour le service du temple devait être accompli uniquement par le grand prêtre, aucun autre Cohen ne pouvait l’assister. Or, le Cohen Gadol c’est celui qui avait confiance dans l’amour des juifs. On retrouve cette idée dans le passage du buisson ardent lorsque D parle à Moshé.

Moshe refuse d’être le leader qui va sauver son peuple par ce qu’il ne veut pas laisser son frère Aharon qui était le leader en fonction. Les versets disent : « Il repartit: "De grâce, Seigneur! Donne cette mission à quelque autre!" 14 Le courroux de l'Éternel s'alluma contre Moïse et il dit: "Eh bien! C’est Aaron ton frère, le Lévite, que je désigne! Oui, c'est lui qui parlera! Déjà même il s'avance à ta rencontre et à ta vue il se réjouira dans son cœur. 15 Tu lui parleras et tu transmettras les paroles à sa bouche; pour moi, j'assisterai ta bouche et la sienne et je vous apprendrai ce que vous aurez à faire. 16 Lui, il parlera pour toi au peuple, de sorte qu'il sera pour toi un organe et que tu seras pour lui un inspirateur. » 

Rashi commente « La colère de Hachem s’enflamma, Rabi Yehochou‘a ben Qor‘ha a enseigné : Toutes les fois que, dans la Torah, « s’allume la colère » de Hachem, cela comporte des conséquences, sauf ici. Rabi Chim‘on bar Yo‘haï a enseigné : Ici aussi elle comporte des conséquences, car il est écrit : « N’est-ce pas Aharon ton frère le Levi ». « Aharon était destiné à être un Levi, et non un Cohen, et c’est à toi que je me proposais de conférer le sacerdoce. Désormais, c’est lui qui sera Cohen, et toi Levi, ainsi qu’il est écrit : “Et Mochè, homme de Eloqim, ses fils seront nommés dans la tribu de Levi ” » (II Divrei Hayamim 23, 14) (Zevahim 102a). »

Moshe a manqué de confiance en son frère, il pensait que son frère allait être jaloux de lui, alors qu’en fait Aharon s’est réjouit d’entendre la nomination de Moshé. Puisque Moshé a manqué de confiance en l’autre, il ne pouvait pas être le grand prêtre.

Dans la torah il y a un deuxième personnage qui devient Cohen Gadol c’est Pinhas. Pinhas devient Cohen en tuant le prince de la tribu de Chimon, lorsque ce dernier avait des relations avec une femme non juive. Le talmud explique que selon la halacha le prince aurait eu le droit de tuer Pinhas, puisque c’était Pinhas l’assaillant et toute la tribu de Chimon aurait pu tuer Pinhas pour protéger leur prince, ils avaient la loi de leur cote.

Mais Pinhas a eu confiance en la tribu de Chimon et en son prince en se disant que bien qu’ils faisaient des fautes avec les femmes non juives, ils préféreraient mourir pour avoir transgressé cette faute plutôt que de tuer Pinhas. C’est par ce que Pinhas avait confiance en l’amour que les autres avaient pour lui, qu’il a mérité d’être le Cohen Gadol. 

4- La deuxième chose qui est nécessaire pour arriver à une synergie entre les hommes, c’est la prise de conscience de la flexibilité de l’homme et de son adaptabilité. Lorsque la France et l’Allemagne ont signé la paix en 1918, leurs sentiments de haine n’avaient pas changé. Les deux pays faisaient la paix faute de munitions. En 1945, l’Allemagne en signant la paix a changé ses sentiments, elle a intégré les intérêts de la France au sien.

Pour que la paix soit possible il faut avoir confiance dans le fait que les désirs de l’autre peuvent changer, que l’homme n’est pas figé dans sa vision du monde et de ses intérêts. Les accords sont performatifs et ils opèrent un changement dans la vision des deux contractants.

On peut même aller plus loin en disant que l’homme n’est capable de changer que grâce à l’intégration des désirs de l’autre. La techouvah n’est possible que grâce à l’autre.

Chaque année l’homme prend de bonnes décisions, il regrette les fautes qu’il fait et pourtant il recommence ensuite à faire les même fautes. Il est incapable de se débarrasser de ses habitudes.

Même lorsqu’il ne fait rien de mal, il fait ses actions par habitude comme une routine qui se répète inlassablement ennuyeuse. Pourquoi l’homme est-t-il tellement incapable de sortir la répétition de l’habitude alors, qu’il sent pourtant un sentiment mortifère et angoissant à chaque fois qu’il répète de manière compulsive ses actions ? 

Freud a expliqué que l’habitude est une réaction psychique que l’homme met en place pour calmer le traumatisme de l’absence de l’autre. L’enfant sait que sa mère part, mais pour se convaincre qu’elle va revenir il joue avec une poupée, en la faisant s’éloigner et se rapprocher. Si la poupée revient toujours, alors cela veut dire que la mère aussi reviendra toujours.

Tous les comportements compulsifs, ont pour but de combler un vide affectif, il en va de même avec les fautes qui nous répétons sans être capable de nous arrêter.

Cependant le vide affectif n’est pas du au fait que l’homme ne reçoit pas assez d’amour de l’autre. Le vide affectif vient du fait que l’homme est incapable d’intégrer le désir de l’autre dans son propre désir. L’homme qui se sent seul, ce n’est pas celui auquel personne ne pense, c’est celui qui ne pense pas aux autres, qui n’intègre pas l’intérêt de l’autre comme étant le sien.

La techouvah de Yom Kippour est liée au lien que l’on crée avec l’autre, car c’est le lien que l’on crée avec l’autre qui nous donne la force de nous transformer et de nous dépasser. L’homme n’est pas capable de changer s’il reste exclusivement fixé sur ses intérêts propres, il ne peut changer que s’il intègre les intérêts des autres. C’est l’intégration des désirs de l’autre qui donne à l’homme la possibilité de vivre pleinement, de rester créatif et de sortir de la routine de l’habitude en faisant techouvah.

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