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  • Writer's pictureRav Uriel Aviges

Vayishlah 5772

La vie rêvée des anges


Dans ce cours nous parlons du rôle des anges dans le judaïsme. Comment les anges peuvent-ils être jaloux des hommes? Pourquoi Jacob doit-il se battre contre un ange ? Quelle est la signification du rêve de l'échelle?Ce sont ces questions que nous essayons d'aborder a la lumière du Talmud et des midrashim.

Première partie : la signification morale des anges


A quatre reprises Jacob rencontre des anges dans la torah. Au début de la parasha de Vayetseh, lors de la vision de l’échelle, Jacob voit des anges qui montent et qui descendent de l’échelle. En suite, lorsque Jacob rentre dans la terre de Canaan, il rencontre un campement d’ange. Puis il envoie des anges à la rencontre d’Esaü pour lui apporter des cadeaux. Enfin, Jacob se bat avec l’ange et il le domine. Parmi ces quatre rencontres, trois au moins ne sont pas des rencontres pacifiques.

Lors de la vision de l’échelle, les anges qui descendent de l’échelle avaient pour mission de protéger Jacob, puis, par la suite ils décident de l’attaquer. Le talmud dans le traité de Hulin 91a dit à ce sujet 

« Les anges montaient et descendaient, ils montaient pour voir l’image du ciel, et ils descendaient pour voir l’image du visage de Jacob. Les anges ont voulu mettre Jacob en danger, tout de suite, le verset dit « et D s’est dressé sur lui, (pour le protéger,) (D est descendu de l’échelle pour protéger Jacob de l’attaque des anges).

Rabi Shimon ben Lakish dit si le verset ne le disait pas explicitement, on ne pourrait pas le dire, mais D est venu protéger Jacob comme un père qui berce son fils. (Ou, comme un père qui chasse les mouches devant son fils). »

Selon Rashi, les anges ont constaté en descendant de l’échelle que le visage de Jacob était exactement le même que celui de D. A cet instant, ils ont été jaloux de lui et ils ont voulu le tuer, et c’est D lui-même qui a du descendre de l’échelle pour protéger Jacob.

Ce passage du talmud nécessite un éclaircissement sur deux points. Premièrement : comment peut-on dire que Jacob avait le même visage que D ? Puisque l’on sait que D n’a pas de corps ou de visage. Deuxièmement, même si Jacob ressemblait étrangement à D, on ne voit pas pourquoi les anges seraient jaloux de lui ? De quelle manière la ressemblance de Jacob avec D est elle un danger ou une attaque contre les anges, au point où ils enfreignent la parole divine pour attaquer Jacob ? 

Dans le livre « Nefech Hahaim », le rav Haïm de Volozyn répond à la première question (Première Porte chap. 8-10). Pour ce faire, il part de la constatation suivante, dans la littérature rabbinique, l’homme crée des anges, alors que les anges sont incapables de créer quoi que ce soit.

 La Mishna dans les Maximes des Pères dit en effet « celui qui accomplit une mitsvah, crée un ange amical et protecteur, et celui qui fait une faute, crée un ange accusateur et antagoniste. » Dans ce sens, pour les anges, l’homme symbolisé par Jacob ressemble à D, puisque c’est lui leur créateur.

Les pieds de l’échelle sont posés sur la terre et son sommet touche le ciel, pour signifier que l’homme inclut en lui toutes les forces de l’univers, qu’elles soient matérielles ou spirituelles. C’est par ce que l’homme inclut toutes les forces de l’univers qu’il est capable de créer à l’image de D.

Les anges sont uniquement spirituels, pour cette raison ils ne peuvent que monter ou descendre sur l’échelle, et ils ne peuvent rien créer. Dans un premier temps, Jacob est protégé par des anges lorsqu’il sort d’Israël, puisqu’il est en train d’accomplir une mitsvah : il suit l’ordre de ses parents.

Mais alors, pourquoi Jacob est-il, par la suite, attaqué par les anges qu’il a lui-même créé ? 

A travers cette vision, la torah nous apprend qu’il n’est pas suffisant pour un homme d’accomplir des mitsvoth et de créer des anges. Il faut aussi que, par la suite, l’homme se batte contre les anges qu’il a créés.

Une foi que la mitsvah est accomplie, la mitsvah existe indépendamment de celui qui la faite, de même l’homme continue à exister indépendamment de la mitsvah qu’il a accomplie.

Si quelqu’un étudie la torah pendant une heure, il fait une mitsvah, ensuite il peut fermer le livre et continuer à vivre comme si la mitsvah existait d’une manière autonome, indépendamment de lui. Dans ce cas l’existence de l’homme ne dépend pas l’action qu’il a créée.

Se battre contre l’ange signifie créer un rapport de dépendance entre l’homme et la mitsvah qu’il a accomplie.

Cette idée est exprimée plus clairement dans un autre passage de la torah. Lorsque Jacob rentre en Israël il doit se battre contre un ange, l’ange blesse Jacob. Nahmanide explique que l’ange a arraché les testicules de Jacob.

En effet, après le combat avec l’ange, Jacob n’aura plus d’enfants. (A ce moment Rachel était déjà enceinte de Benjamin.) Lorsque Jacob avait engendre ses treize enfants, il avait accomplit sa mission historique. Il avait créé les fondements du peuple d’Israël. Après la mort de Rachel, Jacob aurait pu, comme Abraham après la mort de Sarah, (ou comme Yves Montand après la mort de Simone Signoret) se remarier avec d’autres femmes et avoir d’autres enfants.

Jacob, comme Abraham ou Isaac, aurait pu avoir une progéniture qui n’avait pas de lien avec sa mission historique.

Il l’aurait sans doute fait, puisque c’est une mitsvah d’avoir le plus d’enfant possible. Mais lorsque Benjamin est conçu, un ange vient lui archer les testicules, pour l’empêcher de procréer plus. Cette attaque de l’ange était nécessaire, par ce qu’il fallait que l’existence de Jacob soit fondamentalement dépendante de la famille qu’il avait créé. Il fallait que cette mitsvah soit l’essence unique de Jacob.

Les tributs d’Israël ne pouvaient pas être mises au monde accidentellement, par hasard par Jacob. Il fallait que les tributs d’Israël soient une nécessité vitale pour Jacob.

D’une manière générale il faut que les mitsvoth que nous faisons soient des nécessités vitales pour nous et non pas des actions accidentelles passées. Le combat de Jacob contre les anges symbolise le devoir de créer un lien vital avec les mitsvoth que nous faisons. Nous ne devons pas simplement accomplir les mitsvoth, nous sommes responsables aussi du service après vente.

Deuxième partie : l’enjeu philosophique de l’existence des anges

Le talmud dans Haguigah 4b dit :

« Rav Yossef pleurait lorsqu’il lisait ce verset « il y en a qui meurt sans être jugé » il se disait : « est-il possible de mourir quand son temps n’est pas venu ? Oui, comme nous le montre l’histoire de rav Bibi le fils de Abbaye. » Rav Bibi le fils d’Abbaye avait l’habitude de converser avec l’ange de la mort. L’ange de la mort a dit devant lui a son envoyé « va me chercher l’âme de Marie Magdeleine (Magdeleine=celle qui fait pousser ses cheveux). L’envoyé est revenu à la place avec l’âme de Miriam la puéricultrice. L’ange de la mort a dit a son envoyé : « mais, moi je t‘avais demandé de prendre l’âme de Marie Magdeleine ! pas l’âme de la puéricultrice ! » L’envoyé a dit à l’ange de la mort : « si c’est une erreur je peux lui rendre son âme ». L’ange de la mort a répondu : « si déjà tu l’as prise, elle peut faire partie du compte ».

Par cette histoire, le talmud nous montre que les anges symbolisent l’aléatoire et le hasard dans le monde. Pour le judaïsme, le monde est contingent, ce qui existe aurait pu ne pas exister. Ce prédicat découle du fait que dans la théologie monothéiste juive D peut tout faire. Si D peut tout faire et qu’il n’a pas de but, si D n’a pas besoin de se justifier par une finalité et une raison d’être, alors le monde aurait pu ne pas exister.

Le monde existe de manière hasardeuse contingente et aléatoire, le monde aurait pu ne pas être créé.

Évidement, ce prédicat semble contradictoire au fait que pour la torah, la vie a un sens et que l’histoire a un sens. Le fait que l’histoire doive se réaliser dans l’avènement messianique nous oblige à penser que cet avènement a une signification. De plus, la distinction morale que la torah fait entre le bien et le mal n’est possible que si la vie a un sens. 

Or, si le monde et l’homme auraient pu ne pas exister comment peut-on postuler que la vie de l’homme n’est pas absurde et qu’elle a un sens ?

Comment résoudre cette contradiction théologique et philosophique ?

Pour ceux qui aiment la philo, on peut même demander la question d’une manière plus amusante : si la vie de l’homme a un but, cela veut dire que ce but nous dépasse et qu’il existe indépendamment de nous, ce but n’a pas besoin de nous pour exister. De même, si l’histoire a une finalité, il est nécessaire de penser que cette finalité dépasse l’histoire et qu’elle s’accomplira nécessairement quoi qu’il arrive. Ce qui revient à dire que quoi que nous fassions cette finalité va s’accomplir d’une manière ou d’une autre, c'est-à-dire que notre vie n’a pas de sens. Grosso modo, logiquement, prétendre que la vie a un sens revient à dire du même coup qu’elle n’en n’a pas.

Pour résoudre cette contradiction on a besoin de faire intervenir les anges. Le passage du traité de Haguigah nous a montré que les anges symbolisent l’aléatoire et l’accident. Le monde est naturellement dirigé par les anges, c'est-à-dire par le hasard.

Mais l’homme doit chercher à dépasser cette contingence en rendant D nécessaire dans le monde.

D n’est pas immanent au monde, d’une certaine manière D est naturellement étranger au monde, pour D le monde est absurde. Cet état d’absurdité définit le monde avant l’action de l’homme. Mais le rôle de l’homme est justement faire résider D dans le monde. 

Israël est celui qui se bat contre les anges. Israël fait résider D dans le monde, il fait descendre D de son échelle. Israël motorise cette descente de D dans le monde en se battant contre les anges et l’aléatoire.

L’action de l’homme a un impacte sur l’histoire par ce que sans l’action de l’homme, l’histoire aurait pu s’écrire autrement. L’histoire aurait pu être écrite d’une manière aléatoire par les anges. C’est par ce que les anges et le hasard existent, que l’action de l’homme a un impacte sur l’histoire et qu’elle a un sens.

L’action de l’homme donne un sens au monde puisqu’elle sort le monde du chaos du développement hasardeux. (Mais l’action de l’homme n’a pas d’impacte sur la définition de la morale et l’idée du bien et du mal).

Les anges sont nécessaires à la théologie par ce qu’ils permettent d’envisager une alternative à la guidance humaine qui ne nie pas la volonté de D.

Les anges contrôlent le monde et le dominent en accomplissant la volonté divine. Si elle n’est pas contrecarrée, cette guidance des anges amènera à une finalité écrite d’avance. Une finalité différente de celle qui serait écrite par l’homme. Une finalité hasardeuse et insensée pour l’homme.

L’homme a le devoir de se battre contre les anges pour que l’histoire s’écrive d’une autre manière. L’homme a le devoir d’introduire la rationalité et une certaine forme d’humanisme dans le monde. Lorsqu’il fait cela l’homme devient le visage de D.

D’une certaine manière, comme dirait Sartre, le sens n’existe qu’après coup, pour celui qui a choisi.

Mais pour la torah, à la différence de ce que disait Sartre, une règle morale existe indépendamment des choix de l’homme. Pour la torah, le bien n’est pas immanent à l’existence du monde, mais il le devient par l’action de l’homme.

Troisième partie : la sexualité des anges

Dans les midrashim les anges sont sexués. Ils sont généralement male, ils aiment les femmes et les séduisent mais ils détestent les hommes. On peut citer à cet égard le midrash d’Hazael et Chemhazay que voici.

Les élèves de rav Yossef lui ont demandé « qu’est ce que le Hazael ? » Il leur a répondu, « lorsque la génération du déluge a pratiqué le culte idolâtre, D était triste. Spontanément deux anges Chemhazay et Hazael lui ont dit « nous t’avions déjà dit lorsque tu avais créé l’homme qu’il ne valait pas la peine d’être créé ». Et D a répondu « mais qui va s’occuper du monde ? » les anges ont répondu « nous allons nous en occuper ! ». D leur a dit « je sais que si je vous envoie sur la terre vous serez pire que les hommes, car le mauvais penchant vous dominera ». Les anges ont répondu « donnes nous la permission d’habiter parmi les créatures et nous allons te montrer comment on sanctifiera ton nom dans le monde » D a dit « d’accord allez habiter avec eux ». 

Dés qu’ils sont descendus, les anges ont fauté avec les filles de l’homme, par ce qu’elles étaient belles et ils ne pouvaient pas se contrôler….. Lorsqu’ils ont vu que (certaines femmes étaient prêtes à mourir plutôt que d’avoir des rapports sexuels avec eux) alors ils se sont mariés et ils ont eu des enfants nomes « Oy » et « Vay ». Et Hazael est devenu l’ange qui s’occupe de tous les habits de couleur et de tous les bijoux qui excite les hommes sexuellement. Tout de suite le Meta-Tyran a envoyé un messager à Chemhazay lui disant « D va détruire le monde et envoyer le déluge !» tout de suite Chemhazay a commencé à pleurer et il s’est attristé sur le sort du monde et de ses enfants. Comment ses enfants allaient-ils survivre si le monde était détruit ? Puisque chacun des enfants mangeait mille chameaux et mille chevaux et mille taureaux. Pendant la nuit Oy et Vay ont fait un rêve…le lendemain ils sont allés voir leur père qui leur a expliqué que D allait détruire le monde et que seul Noé et ses enfants allaient survivre.

Lorsqu’ils ont entendu cela ils ont commencé à pleurer et à hurler. Leur père leur a dit « ne soyez pas tristes, car vos noms ne disparaitront jamais, car à chaque fois que D fera un décret néfaste à l’homme, ou lorsqu’un homme devra tirer un lourd fardeau ou un bateau, ils diront toujours « oy vay » ». Tout de suite ils se sont calmés.

Chemhazay a fait techouvah et il s’est pendu entre le ciel et la terre, et sa tête est en bas et ses pieds sont en hauteur, et il est suspendu dans un mouvement de techouvah entre le ciel et la terre. Hazael lui n’a pas fait techouvah et il continu à fauter et à exciter les hommes sexuellement par des habits colorés. C’est pour cela que les juifs apportent deux sacrifices a Yom kippour un sacrifice pour D pour pardonner la faute des enfants d’Israël, et un sacrifice pour Hazael qui doit supporter les fautes d’Israël, et c’est lui le Azazel qui est mentionné dans la torah. 

Ce midrash montre bien que les anges sont attirés par les femmes et qu’ils aiment les séduire. Même après le déluge Hazael excite les femmes en les poussant à porter des habits de couleur qui excite sexuellement les hommes, cependant Hazael ne cherche pas à exciter sexuellement les hommes directement. Il y a d’autres midrashim qui vont dans ce sens.

Pour le pirkei derabi Eliezer, c’est un ange jaloux d’adan qui séduit Ève par l’intermédiaire du serpent. Maimonide remarque dans le guide des égarées que l’ange ne pouvait pas séduire directement Adam, il ne pouvait que séduire Ève pour ensuite séduire Adam. 

Il y a un parallèle certain entre le fait que l’ange arrache les testicules de Jacob et le fait qu’Ève donne à manger A Adam le fruit de l’arbre défendu après en avoir elle-même mangé. Sachant qu’elle va mourir, Ève ne veut pas qu’Adam se remarie avec une autre femme après sa mort, c’est pour cela qu’elle donne à Adam le fruit interdit. (Midrash cité par Rashi).

Dans le cas d’Ève et dans celui de Jacob, l’ange cherche à posséder l’homme à travers la femme, exactement comme Hazael cherche à exciter sexuellement l’homme en prenant possession de la femme.

Le midrash semble dire que le désir de possession, castrateur envers le conjoint, ce n’est pas l’expression d’un désir propre, c’est plutôt l’effet de la soumission passive devant les hasards de la vie.

C’est lorsque la femme ne désir plus son partenaire qu’elle éprouve le besoin de le posséder et de le castrer. L’expérience montre que les femmes commencent à dilapider l’argent de leur mari, comme pour essayer de le posséder, quand elles n’arrivent plus à le désirer. Les hommes possessifs sont des hommes qui ne désirent plus leurs femmes, mais qui n’arrivent pas à admettre la disparition de leur désir. Vouloir posséder l’autre c’est déjà admettre que l’on ne le désir plus. L’amour est un balancement incessant entre le désir de l’autre et la volonté de le posséder. L’amour balance entre la soumission ou le combat avec l’ange.

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