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Writer's pictureRav Uriel Aviges

Vayetse 5773


La torah nous raconte que lorsque Jacob s’est enfuit de son beau père Laban, Rachel a volé les idoles de son père. La torah nous dit « Comme Laban était allé faire la tonte de ses brebis, Rachel déroba les pénates de son père. 20 Jacob trompa l'esprit de Laban l'Araméen, en s'enfuyant sans lui rien dire. 21 II s'enfuit donc, lui et tout ce qui lui appartenait; il se mit en devoir de passer le fleuve, puis il se dirigea vers le mont Galaad. »

Rashi explique « Rachel déroba les pénates : Dans l’intention de détacher son père de l’idolâtrie ». Or si c’était dans cette intention que Rachel avait pris les statues, il est difficile de comprendre pourquoi elle ne les a pas brulées ou détruites. Lorsque Laban rejoint Jacob et son clan et recherche ses statues, on voit bien que Rachel les a gardées, puisque le verset dit « Mais Rachel avait pris les pénates, les avait cachés dans la selle du chameau et s'était assise dessus. Laban fouilla toute la tente et ne les trouva point. 35 Elle dit à son père: "Ne sois pas offensé, mon seigneur, si je ne puis me lever devant toi à cause de l'incommodité habituelle des femmes." II chercha encore et il ne trouva point les pénates. ». Pourquoi Rachel a-t-elle gardé les idoles de son père ?

On peut poser une question similaire sur un autre passage de la torah. en arrivant en Israël, D parle à Jacob et lui dit : « Le Seigneur dit à Jacob: "Va, monte à Béthel et y séjourne; et élèves-y un autel au Dieu qui t’apparut, lorsque tu fuyais devant Ésaü ton frère." 2 Jacob dit à sa famille et à tous ses gens: "Faites disparaître les dieux étrangers qui sont au milieu de vous; purifiez vous et changez de vêtements. 3 Disposons-nous à monter à Béthel; j'y érigerai un autel au Dieu qui m'exauça à l'époque de ma détresse et qui fut avec moi sur la route où je marchais." 4 Ils remirent à Jacob tous les dieux étrangers qui étaient en leur possession et les joyaux qui étaient à leurs oreilles et Jacob les enfouit sous le tilleul qui était près de Sichem. » Là encore, on est étonné d’apprendre que la famille de Jacob avait des idoles de dieux étrangers, et qu’ils en portaient même des miniatures comme des bijoux sur leurs oreilles. Que faisaient les enfants de Jacob avec des statues de D étrangers?

De plus, on sait que les idoles doivent êtres brulées et détruites, on n’a pas à les enterrer. Dans la tradition juive, on enterre les livres de torah et les tefillines ou les mezouzoth, mais on n’enterre pas des idoles païennes. Alors comment comprendre que Jacob demande à ses enfants d’enterrer ces statues sous la terre sans les détruire.

Le talmud explique que par la suite, plusieurs siècles plus tard, ces statues ont été déterrées et qu’elles sont devenues les divinités d’une religion idolâtre, celle de cuthéens. Ce fait renforce notre question, pourquoi Jacob n’a-t-il pas détruit ces idoles, alors qu’il aurait évité ainsi le retour de l’idolâtrie ?

Le talmud dit encore que ces idoles avaient la forme d’ailes de colombes. Pourquoi le talmud nous dit-il cela ? Il semble que le talmud veuille faire une analogie entre ces statues et les chérubins qui se trouvaient dans le tabernacle de Moise et dans le temple de Salomon. Les chérubins aussi avaient des ailes de colombes. Les statues que Rachel avaient volées étaient le prototype des chérubins qui allaient être placés dans le temple quelque siècle plus tard.

La famille de Jacob croyait en un D unique, mais il n’était pas interdit pour eux de représenter D par des images ou par des statues. Les enfants de Jacob utilisaient les statues lorsqu’ils priaient à D pour les aider à orienter leur prière vers le D unique invisible. C’est pour cela que, par la suite, Jacob demande à ses enfants d’enterrer les statues et il ne demande pas de les bruler, car du fait que les statues avaient aidé a faire des « mitsvoth », à prier D, alors il fallait leur donner le même statut que l’on donne aujourd’hui à des tefillines ou à un sefer torah, il fallait les enterrer et pas les bruler. Si Rachel a volé les statues de son père, c’était pour le séparer de l’idolâtrie, mais c’était aussi pour utiliser ces idoles dans le service de D. 

Le mot « terafim » utilisé dans la torah est un mot rare. On ne le retrouve que trois ou quatre fois dans la bible. Le mot « terafim » est utilisé, dans le livre de Samuel, pour décrire une sorte de statue que Michal la femme de David a utilisée pour camoufler la fuite de son mari. Les versets disent « Saül envoya des émissaires à la maison de David, pour le surveiller et le tuer au matin. David en fut informé par Michal, sa femme, qui ajouta: "Si tu ne te sauves pas cette nuit, demain tu seras mis à mort." 12 Michal fit descendre David par la fenêtre; il s'enfuit et se mit en sûreté. 13 Michal prit les terafim, qu'elle plaça dans le lit, mit au chevet le coussin de poil de chèvre et jeta un drap par-dessus. 14 Saül ayant envoyé des émissaires pour s'emparer de David, elle leur dit: "Il est malade". 15 Alors Saül donna mission à ces gens d'aller voir David, en ajoutant: "Amenez-le-moi dans son lit, pour que je le fasse mourir". 16 Les envoyés entrèrent, et voici que les terafim étaient dans le lit, et le coussin de poil de chèvre au chevet. ». Le rav David Kimhi (Narbonne 1160- 1235) explique que les terafim étaient des statues que les femmes se faisaient faire au moment de leur mariage, ces statue avaient la forme et le visage du mari, et les femmes dormaient avec ces statues lorsque leur mari était absent. (Voila une idée originale pour un cadeau de mariage).

En fait les terafim symbolisent le simulacre. De même que la statue est un ersatz du mari, ainsi les chérubins étaient un simulacre de D. La torah ne condamne par le simulacre religieux, car c’est uniquement de cette manière que l’homme peut avoir un lien avec la divinité. 

D est au delà des mots et des choses, il existait avant la création du monde, on peut ressentir sa présence et espérer en lui, mais des qu’il s’agit de parler ou d’agir, il est évident que nos paroles et nos actions n’ont aucun intérêt pour D ; elles sont des simulacres. Lorsque les hébreux apportaient des sacrifices à D, c’était un simulacre, D n’a pas besoin de manger. Mais après coup, un feu divin venait consumer les sacrifices pour montrer l’agreement de D devant l’action humaine. 

A priori, les mitsvoth n’ont pas de sens pour D, mais a posteriori, lorsque l’homme choisit de servir D par des actions rituelles ou morales, D vient résider dans la nature à travers les actions de l’homme.

Les chérubins comme les terafim étaient des simulacres, mais puisque les juifs les utilisaient pour le culte du D unique, celui qui est au-dessus de toutes les représentations, alors, la présence divine venait résider sur ces objets.

Le mot terafim est aussi utilisé lorsque le prophète Samuel parle au roi Saul. Le prophète a demandé à Saul de détruire Amalek, Saul a enfreint le commandement de D de deux manières, il a laissé le roi d’Amalek en vie et il a laissé les animaux en vie pour les utiliser comme sacrifice. Dans les versets Samuel dit « Samuel répondit "Des holocaustes, des sacrifices ont-ils autant de prix aux yeux de l'Eternel que l'obéissance à la voix divine? Ah! L'obéissance vaut mieux qu'un sacrifice, et la soumission que la graisse des béliers! 23 Mais la rébellion est coupable comme la magie, et l'insubordination comme le crime de terafim. Puisque tu as repoussé la parole de l'Eternel, il te repousse de la royauté." ». Les commentateurs explique que la première partie du verset 23 « Mais la rébellion est coupable comme la magie, » fait allusion au fait que Saul n’a pas accompli l’ordre de D en laissant en vie le roi, car le rebelle c’est celui qui enfreint le commandement. Si un homme se permet d’enfreindre les commandements de D, c’est parce qu’il ne comprend pas l’importance de ces commandements, il croit que ce sont uniquement des actes magiques, alors que les commandements ont une importance transcendantale et métaphasique qui découle de la nature même du monde. Et la deuxième partie du verset « l'insubordination comme le crime de terafim » fait allusion au fait que Saul a voulu rajouter au commandement de D en apportant des sacrifices que D n’avait pas demandé.

Le concept des terafim est toujours lié à une volonté de servir D d’une manière spontanée et non commandée. Samuel critique Saul parce qu’il croit que les commandements de D sont des actes aléatoires et magique, et qu’il se permet en plus d’y ajouter sa propre manière d’agir.

Servir D par les terafim cela peut être positif, comme dans le cas des chérubins de Rachel, ou négatif comme dans le cas de Saul. Ce n’est pas l’action qui est bonne ou mauvaise en soi, c’est l’intention qu’il y a derrière qui est pure ou impure. En montrant qu’il était prêt à enfreindre le commandement divin, Saül montre que même lorsqu’il cherche a servir D de manière spontanée, son intention n’est pas pure. Il croit accomplir un rituel magique. 

A travers l’histoire, les rabbins et les prophètes ont ajouté ou restreint certaines mitsvoth de la torah. Sur certain commandements les rabbins ont été très extensifs et ils ont rajouté beaucoup de barrières, alors que sur d’autre commandements, ils ont été très laxistes, ils ont cherché des permissivités.

Par exemple, la torah interdit de cuisiner le lait et la viande ensemble et de les consommer, mais, pour la torah, il est permis de manger du lait et de la viande en même temps, si ils ne sont pas cuisinés ensembles. Et les rabbins ont interdit de consommer le lait et la viande, même si ils ne sont pas cuisinés ensembles, ils ont instauré un temps de plusieurs heures entre les deux, et ils ont demande d’avoir deux vaisselles. Ils ont aussi interdit de cuisiner le poulet avec le lait. 

Sur d’autres interdits, les rabbins ont, au contraire, été très laxistes ; comme par exemple dans le cas du « eruv » qui permet de porter dans une ville fermée, alors que la torah dit simplement que le shabbat un homme ne doit rien sortir de son endroit. Ils ont permis le prêt à intérêt à travers certains contrats très tendancieux, ils ont aussi permis au préteur de récupérer sa dette après la chemitah, en inventant le « prouzboul ». 

Ces décrets rabbiniques posent problème, comment les rabbins ont-ils eu le droit de rajouter ou d’interpréter les lois de la torah ? Si la torah interdit le lait et la viande spécifiquement, comment peuvent-ils rajouter le poulet ? Les lois de la torah sont des décrets incompréhensibles émanant de D, y rajouter des décrets, n’est ce par une façon de nier la justesse des décrets de la torah et leur précision ! N’est ce pas une manière d’envisager la torah comme un livre de magie ?

Cette question est difficile, elle a été demandée par tous les philosophes juifs à travers les âges (rabbi Yehudah Halevi (Kouzari) et le Maharal de Prague (béer hagolah) en particulier). 

Je pense, que les interdits et les décrets établis par les rabbins, découlaient, d’une manière évidente, pour ces mêmes rabbins, d’une lecture personnelle de la torah. Ces interdits étaient la continuation de l’esprit de la torah tel qu’ils le percevaient en toute honnêteté. Même si, ces lectures étaient contestables, et que ces décrets n’étaient que des « terafim », des volontés de servir D par le simulacre. Il n’empêche que, puisque les rabbins avaient une intention pure lorsqu’ils ont fait ces décrets, après coup, ils deviennent d’une certaine manière la parole de D.

De même que le sacrifice n’a pas de sens pour D, mais qu’après coup, D se dévoilait en venant bruler le sacrifice pour montrer son amour à celui qui l’avait apporté, pareillement, même si le décret n’avait pas de sens pour D a priori, il devient l’expression de la parole de D, a posteriori, par ce que cette loi avait été établie par les sages dans une intention pure et honnête. Le décret devient immuable et divin après coup.

De même que les terafim volées par Rachel sont passées à la postérité en devenant les chérubins dans le temple de Salomon, de même les décrets des sages deviennent une partie intégrée des commandements de la torah.

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