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  • Writer's pictureRav Uriel Aviges

Vayeshev 5772

Dans ce cours nous parlons de l'interdit de la prostitution dans la torah, et sur l'evolution du rapport à la sexualité dans l'époque moderne. A partir de texte du "Sefer Hahinuch" et du "Panim Yafot", ainsi qu'en utilisant des textes de Foucault et de Georges Bataille. Il apparait que l'evolution du rapport à la sexualité découle d'une évolution du rapport à la morale en general. Aujourd'hui l'homme doit etre capable de se controler lui meme pour etre accepté socialement.


Transcendance et sexualité à l’âge moderne

1- Introduction

La parasha de la semaine nous raconte comment Juda a eu des relations avec une femme qu’il croyait être une prostituée. Cette union va donner naissance à la dynastie messianique. Ce passage de la torah peut servir de prétexte pour analyser l’interdit de la prostitution selon la torah, un sujet d’actualité vu qu’en France le gouvernement légifère en ce moment même sur cette question. Dans cette étude nous allons d’abord constater l’évolution du rapport à l’interdit sexuel dans la morale à travers l’histoire, du moyen âge à l’âge moderne. Dans un deuxième temps nous allons essayer de comprendre comment le rapport moderne à la sexualité influe sur le rapport au divin, à ce stade nous devrons juger si cette influence est négative ou positive. Dans un troisième temps nous allons tenter de comprendre les conséquences philosophiques de cette évolution, ce faisant, l’influence déterminante de la morale sur la philosophie spéculative sera mis en évidence. Maintenant que vous avez lu le menu, il est donc temps pour moi de servir l’apéritif.

2- La sexualité au moyen âge : l’acte reproductif, une fonction vitale comme une autre.

Le voici, c’est un texte du 13ème siècle écrit par un rabbin prééminent de Barcelone. Dans ce texte l’auteur tente de donner un sens aux interdits sexuels de la torah. Les raisons qu’il avance paraissent tout à fait surprenantes aujourd’hui. 

« Parmi les raisons de cette mitsvah, il apparait que le monde doit être peuplé de la manière dont D le désir. Et D a voulu que tous les sujets de son monde donnent leurs fruits chacun suivant son espèce, qu’il n’y est pas de mélange parmi les différentes espèces, de même, il faut que la semence du père soit reconnaissable. De plus, il est évident que les rapports sexuels interdits sont la cause de l’annulation de plusieurs commandements de la torah, puisque la torah nous commande d’honorer nos parents, et les enfants adultérins ne connaissent pas leurs véritables parents. De plus, la torah interdit les rapports consanguins avec ses sœurs et d’autres membres de la famille proche, et ces interdits sexuels ne peuvent pas être respectés si l’adultère est pratiqué, par ce que les gens ne connaitront pas leur famille proche. De plus dans le rapport adultère il y a un interdit lié au vol. De ce fait il est évident que l’esprit honnête ne l’accepte pas. De plus l’adultère est une cause de mortalité, car il est connu que ceux qui ont été trompés sont prêts à tuer celui qui les a trompés. » 

Le livre du « hinouch » mitsvah 35

L’auteur justifie les interdits sexuels par trois raisons principales. Premièrement, il ne faut pas que les races se mélangent dans l’anonymat, il faut que la filiation paternelle soit retraçable comme la filiation maternelle. Deuxièmement, il faut que les frères et sœurs se connaissent pour ne pas avoir de relations incestueuses. Troisièmement, il faut que les enfants connaissent leurs parents pour pouvoir les honorer. Ensuite, l’auteur donne deux raisons spécifiques à l’interdit de l’adultère, l’adultère est une sorte de vol, de plus, il peut entrainer la mort de celui qui le pratique, si l’époux trompé cherche à se venger.

Selon le « hinouch », les interdits sexuels sont principalement liés à une nécessité de filiation et de généalogie. Cette idée peut être prouvée du fait que pour le talmud, dans le traitée de Eruvin, avant la faute, Ève pouvait être mariée à plusieurs hommes à la foi. Avant la faute, Ève donnait naissance à des enfants immédiatement après avoir eu des relations avec son conjoint, la filiation paternelle était toujours irréfutable. Ce n’est que lorsqu’Ève a été maudite par les douleurs de la grossesse et de l’enfantement que l’adultère lui a été interdit.

Dans la même veine, un auteur du 18ème siècle, le baal Haflaah, explique que Juda s’est permis d’avoir des relations avec une prostituée par ce qu’il pensait qu’elle n’était pas juive. Or, Selon cet auteur, la torah n’interdit pas les relations avec une prostituée non juive. Puisque les enfants conçus avec une non-juive ne sont jamais affiliés au père juif, dans ce cas, la filiation paternelle n’a pas vocation à être identifiée. (Il n’en demeure pas moins que, par décret rabbinique, il est interdit d’avoir des relations avec une prostituée non juive).

Ces justifications données par le talmud et ses commentateurs sur les interdits sexuels semblent tout à fait inappropriés aujourd’hui. Premièrement puisque les moyens contraceptifs et les tests d’ADN existent, il n’y a plus lieu de respecter des interdits sexuels pour déterminer la filiation paternel. De plus les fécondations in vitro effectuées à partir de sperme ou d’œuf anonymes brouillent les liens de filiations et de paternité bien plus que les rapports interdits. Pourtant, les rabbins modernes restent assez permissifs sur ce type de procréation, alors qu’ils interdisent l’adultère et la prostitution. Il faut donc interpréter différemment le sens des interdits sexuels de la torah aujourd’hui.

D’ailleurs, sur ces points, la loi de la torah coïncide avec la loi civile, puisque la loi civile permet les fécondations à partir de dons anonymes de sperme et d’œuf, alors qu’elle interdit la prostitution. Nous sommes donc confrontés à deux problèmes. Le premier, consiste à définir la logique qui articule les lois de la torah. Le deuxième est de savoir pourquoi ces lois sont acceptées spontanément par l’opinion publique.

Le livre du Hinouch, et tous les auteurs du haut moyen âge, envisagent la sexualité uniquement comme un acte de procréation. Pour eux, la sexualité est une fonction vitale comme une autre. Souvent dans le talmud l’acte sexuel est comparé à l’acte de déféquer, le talmud appelle la relation sexuel « faire ses besoins ». 

2- la sexualité à l’âge moderne, une nouvelle expérience mystique

Par contre, à partir de la renaissance l’acte sexuel prend une connotation transcendantale, on parle d’amour, puis d’amour-passion, puis de romantisme. C’est comme si à travers l’acte sexuel l’homme ou la femme rentrait en osmose avec l’essence même de l’existence cosmique. Dans les textes de Pic de la Mirandole le désir sexuel acquiert une dimension mystique. Aujourd’hui le désir sexuel a remplacé l’âme du moyen âge.

 Je cite à ce propos ce très beau texte de Foucault, dans « la volonté de savoir ».

« Au nombre de ces emblèmes, notre société porte celui du sexe qui parle. Du sexe qu’on surprend, qu’on interroge et qui contraint et volubile a la foi répond intarissablement. Un certain mécanisme assez féerique, pour se rendre lui-même invisible, l’a un jour capturé, il lui fait dire, dans un jeu ou le plaisir se mêle à l’involontaire et le consentement à l’inquisition, la vérité de soi et des autres.

 Nous vivons tous depuis de nombreuses années au royaume du prince mangobulbe, en proie a une immense curiosité pour le sexe, obstiné à le questionner, insatiable à l’entendre et à en entendre parler, prompt à inventer tous les anneaux magiques qui pourraient forcer sa discrétion. 

Comme si il était essentiel que nous puissions tirer de ce petit fragment de nous même, non seulement du plaisir, mais du savoir et tout un jeu subtil qui passe de l’un à l’autre. savoir du plaisir, plaisir a savoir le plaisir, plaisir-savoir et, comme si ce fantasque animal que nous logeons avait de son coté une oreille assez curieuse et des yeux assez attentifs, une langue et un esprit assez bien fait pour en savoir fort long et pour être tout a fait capable de le dire, dès qu’on le sollicite avec un peu d’adresse.

 Entre chacun de nous et notre sexe, l’occident a tendu une incessante demande de vérité. A nous de lui arracher la sienne puisqu’elle lui échappe. A lui de nous dire la notre, puisque c’est lui qui la détient dans l’ombre. Caché le sexe! Dérobé par de nouvelles pudeurs ! Maintenu sous le boisseau par les exigences mornes de la société bourgeoise ! Incandescent au contraire! Il a été placé voici plusieurs centaines d’années au centre d’une formidable pétition de savoir. Pétition double, car nous sommes astreints à savoir ce qu’il en est de lui, tandis qu’il est soupçonné lui, de savoir ce qu’il en est de nous. »

Dans ce texte, Foucault montre que la sexualité est devenue une transcendance. Le désir sexuel nous dépasse, il est à l’extérieur de nous, il nous connait nous même, plus que nous nous connaissons nous même, il est ce qui nous lie au cosmos. La description de Foucault sur le désir sexuel s’appliquerait à merveille à la conception de l’âme chez les religieux du moyen âge. L’âme c’est notre vérité ultime, une vérité que nous ne connaissons pas, mais que nous pouvons quand même interroger, pour nous comprendre nous même, et comprendre le divin.

Il est évident que les interdits sexuels dans la société moderne s’articulent autour de cette vision transcendantale de la sexualité. Si la sexualité est l’expression la plus profonde de l’être, alors, la promiscuité et la permissivité sexuelle sont des crimes graves, puisqu’ils nient jusqu'à la justification de l’existence de celui qui les commet. Faire du commerce avec son sexe c’est transgresser un tabou, puisque la tarification de la transaction nie la sacralité transcendantale du désir sexuel. Le sexe ne peut pas avoir de prix, puisqu’il est la justification même de la vie.

 Il est tout à fait amusant de constater que, dans le même temps, il est devenu parfaitement acceptable de faire du business avec la religion. Alors qu’au moyen âge, c’était ce type de business qui était totalement tabou. Ceci prouve bien que malgré les prières D est absent de la religion moderne. On a l’impression que la transcendance de D et celle du sexe ne peuvent pas exister simultanément. Comme dit le talmud deux rois ne peuvent pas porter la même couronne.

Cette constatation faite, il reste à comprendre par quel miracle le sexe a pris la place qu’il occupe aujourd’hui. Comment le sexe a-t-il pu prendre la place de D ?

3- Comment le sexe a-t-il prit la place de D dans la société moderne

Pour répondre à cette question il suffit d’analyser les conditions psychologiques qui rendent ce rapport à la sexualité possible. Foucault les décrit lui-même avec beaucoup de précision, le désir sexuel n’est plus vu comme intrinsèque à l’individu, le désir n’est plus uniquement motorisé de l’intérieur de l’homme, il est décrit comme une puissance qui agit du dehors, une force qui dépasse l’homme. Or, cette manière d’envisager le désir comme quelque chose d’extérieur à soi est très étrange, en général elle est même le symptôme d’une maladie mentale. Spontanément, l’homme s’identifie à son désir sans réserve !

Ce qui permet, néanmoins, d’envisager le désir comme quelque chose d’extérieur à soi, c’est la morale et la volonté de contrôle sur soi même. En fait, ce qui a permis à la sexualité de devenir transcendante c’est la volonté de contrôle sur soi exigée par la morale sociale. 

La notion de devoir moral existait déjà au moyen âge à l’époque du Hinouch, pourtant, la sexualité n’était pas envisagée comme une valeur transcendante à cette époque.

Ce qui a changé à l’âge moderne c’est notre rapport à la morale. Dans l’antiquité et jusqu’au moyen âge, la bonne conduite morale de la société dépendait d’abord de la société elle-même. L’homme pouvait se considérer comme un homme, même si il n’était pas capable de se contrôler, l’homme n’avait pas de devoir de s’autocontrôler. Si un homme faillissait à son devoir moral, sa dignité humaine n’était pas remise en cause par ces errements. Il devait être puni par le tribunal ou par D, mais le coupable restait intrinsèquement un être humain. Un être humain passible de punition, mais un être humain qui restait quand même un élément à part entière de la société.

Le talmud dit que tous les hommes reconnus passibles de peine de mort par le tribunal possèdent une part dans le monde futur. Si un maitre tue par mégarde un homme, et qu’il devient passible d’exil dans une ville de refuge, alors, tous ses élèves doivent aller en exil avec lui, pour qu’il puisse continuer à enseigner. La faute ne remet pas en cause le statut social de l’individu, ni sa dignité en tant qu’être humain. La prison n’existait pas dans l’antiquité, celui qui avait volé devait payer le double de la somme qu’il avait prise, mais lorsqu’il avait payé, le voleur était tout à fait accepté socialement comme un autre individu. Le voleur ne perdait pas sa dignité d’être humain malgré sa faute. 

La faute morale était avant tout une infraction envers la société et envers D, des éléments extérieurs à l’homme lui-même. Le coupable devait réparation à D ou à la société mais pas à lui même. Aujourd’hui la faute morale remet en cause l’existence même de celui qui a transgressé l’interdit. 

Dans la société moderne, l’homme est astreint a un devoir d’autocontrôle, si un homme n’est pas capable de se contrôler, il faute d’abord envers lui-même. La faillibilité à contrôler ses désirs remet en cause l’individu dans son humanité même. L’homme qui ne peut pas se contrôler doit être soigné, il est malade, ce n’est plus un être humain normal. Ce n’est pas la société qui doit contrôler la conduite morale de l’homme, c’est l’homme lui-même qui doit s’auto-dominer. 

Ce nouveau rapport à la morale, entraine mécaniquement la transformation du désir en une force transcendantale qui dépasse l’homme lui-même. La nécessité vitale de l’auto contrôle oblige l’individu à considérer son désir comme une force dominante partiellement étrangère a lui-même. La nécessité de l’auto contrôle rejette le désir a l’extérieur du sujet moral. Si le désir doit être combattu, il ne fait plus partie de l’homme, c’est une force invincible adverse qu’il faut affronter. Paradoxalement, en sortant de l’homme le désir devient dieux. C’est la subordination inconditionnelle de la dignité humaine a l’auto contrôle morale qui crée la transcendance du désir. 

Retenons donc de cette analyse l’axiome suivant. Pour que l’homme puisse envisager un rapport transcendant avec le divin, il lui est nécessaire d’envisager le devoir moral comme une dette du a un autre et pas a soi même. Ce qui donne aussi la réciproque : si on considère le devoir moral comme une nécessité vitale a l’amour de soi, alors c’est le désir qui devient dieux et le divin disparait.

Dans la suite du texte je vais essayer d’expliquer la raison du basculement historique du rapport à la morale. Je vais essayer d’expliquer pourquoi la nécessité d’auto contrôle est devenu la condition nécessaire a l’acceptation sociale uniquement a partir de la renaissance et pourquoi elle est devenue de plus en plus indispensable depuis ce moment historique. 

Pour comprendre ce phénomène il importe d’abord de définir la nature exacte du contrôle morale exigée dans la société moderne. On peut comprendre la nature de ce contrôle en prenant comme exemple la législation sur la prostitution. En Amérique, dans certains états, la prostitution est illégale, cependant, il est tout à fait légal de produire des films pornographiques. Techniquement, cela veut dire que l’on n’a pas le droit de payer une personne pour avoir des relations sexuelle avec elle, mais on peut payer une personne pour qu’elle ait des relations avec une tiers personne, à condition que la relation soit filmée. Certains propriétaire de maison close, conseillés par des avocats ont ainsi pu contourner l’interdit légal de la prostitution. En fait, il suffisait filmer la prestation rendue et de vendre la vidéo au client pour un dollars symbolique, ainsi on sortait du statut légal de la prostitution pour entrer dans celui de producteur de film pornographique.

Cette anomalie la loi, a priori, tout à fait absurde nous permet de comprendre la nature exacte de l’interdit morale dans la société moderne. L’homme ne doit pas s’auto contrôler dans le but d’atteindre une perfection morale quelconque. Le but de l’auto contrôle est uniquement de se mettre en scène dans un spectacle où l’on est l’unique spectateur. Lorsque l’homme a créé une image narcissique de lui-même, et qu’il la mise en scène, alors il peut être accepté dans la société. Frédérique Mitterrand est soupçonné d’être un pédophile pratiquement avoué et non repenti, cela ne l’empêche pas d’être ministre de la culture, par ce qu’il s’est mis en scène dans une autobiographie.

Contrairement à ce que pensait Foucault, la société ne cherche pas la transparence pour pouvoir punir. La transparence n’est pas un moyen nécessaire à l’exercice de la pression sociale, la transparence est le but de la pression social. La société ne s’organise pas pour surveiller et punir mais pour montrer et permettre. 

En bref, la morale moderne s’impose sous la nécessité d’un autocontrôle, le but de cet auto contrôle est de se mettre en spectacle et de créer une image de soi. Le rapport à l’image dans le conditionnement social moderne est donc double. Premièrement, l’identification à une image est une condition nécessaire et préalable à l’exigence de l’autocontrôle, un individu ne peut pas s’auto contrôler si il ne crée pas d’abord une image de lui-même à laquelle il doit s’identifier. 

Deuxièmement, la mise en spectacle de soi est le but ultime de la morale sociale. Le but ultime de l’auto contrôle c’est de pouvoir mettre en scène l’image que l’on a créé de soi, et rien d’autre.

4- transcendance du désir et idolâtrie de l’image de soi comme condition de la démocratie

Il est évident que cette manière d’envisager la morale est tout à fait inconnue de la torah et de tout les moralistes juif (et même chrétiens) de l’antiquité ou du moyen âge. Cependant, on peut retrouver les racines de cette éthique dans les récits homériques de la Grèce antique. Dans les récits grecs, Les dieux ne sont pas des forces transcendantes qui dépassent la nature matérielle du monde. Dans le chant grec ce qui transcende le monde, c’est l’esthétisme narcissique de l’héroïsme. 

Je pense, qu’historiquement ce rapport esthétique et absurde à la morale s’est développé, en occident, avec l’avènement de la démocratie. La démocratie se définit comme « le pouvoir de la majorité », en démocratie, il est impératif de suivre l’opinion de la majorité. La difficulté de cet axiome fondamental, réside dans le fait que la majorité n’est pas une personne, ce n’est pas un individu, la majorité n’a donc jamais d’opinion à proprement parler. 

Pour que la démocratie existe, il faut donc postuler que le pouvoir est absurde et qu’il s’impose de lui-même. Or il est difficile pour les êtres humains d’accepter une société reposant sur l’absurde, de plus l’individu a du mal à intégrer les valeurs d’une société, lorsque ces valeurs ne sont pas justifiées par un discours fondateur. Il fallait donc créer une interface pour permettre à la société démocratique d’imposer ses valeurs. Cette interface ce fut la recherche narcissique de l’esthétique et l’autocontrôle. Le culte de l’image de soi et de ses désirs permet de justifier l’absurde et le néant de la société démocratique.

Les implications de ces observations en ce qui concerne l’observance religieuse aujourd’hui.

5- Idolâtrie de l’image de soi dans le mouvement haredi moderne

Le rapport esthétique à la morale, la nécessité incompressible d’un contrôle de soi pour garder le statut d’être humain, est la racine de l’idolâtrie. C’est un culte de l’image et de la représentation de soi qui empêche un rapport authentique avec D.

Inévitablement cette constatation nous oblige à nous demander si le mouvement des baalei techouvah et des haredim actuel remet en question ce rapport esthétique à la morale ou s’il reste prisonnier du rapport à l’image. A mon avis, le fait que tous les adhérents de ces mouvements s’habillent de la même manière (chapeau noir et veste noir) prouve malheureusement que c’est la deuxième proposition qui est la vraie. 

Il n’y a en fait que très peu de différence entre une adolescente qui s’identifie à l’image d’une photo de mode, et un élève de yeshivah qui veut ressembler physiquement au rav Shah ou au rabbi de Loubavitch.

Dans les deux cas, on observe le même mécanisme de négation de son désir propre dans l’identification à une image idéalisée de soi. Dans les deux cas on est plus proche de la Grèce antique que de la torah. Je ne condamne pas le mouvement juif ultra-orthodoxe au contraire, je m’en revendique et j’en suis issus moi-même, mais je pense que justement ce mouvement n’est pas assez radical dans sa critique de la modernité. 

Il est certain que c’est une bonne chose de remplacer sur les murs de sa maison la photo de Madona par celle du rabbi de Loubavitch, mais je pense que c’est encore mieux de ne pas avoir de photo du tout. Pour le véritable croyant la conscience de soi est une donnée immédiate et spontanée, elle n’a pas à se donner de model. S’identifier à des modèles c’est rejeter son désir hors de soi en attribuant un pouvoir transcendant a ce désir. En s’identifiant au rabbi de Loubavitch ou au rav Shah, le croyant attribut un pouvoir transcendant à son désir de pureté. Or, pour le véritable juif religieux seul D est transcendant. 

6- La dialectique transcendantale de Kant et le guide des égarés de Maimonide 

Les implications philosophiques de l’autocontrôle 

Dans les paragraphes précédents nous avons montré que la désubstantialisation de la personne décrite par Foucault, n’est pas une analyse philosophique mais une posture morale. Il n’y a pas un concept d’identité défini objectivement, soit comme intégrant le désir, soit comme l’excluant. Ce qui peut être définie comme « identité » ou comme la « conscience de soi » dépend de choix moraux. On peut choisir d’assumer son désir comme étant une partie spontanée et inaltérable de soi, ou on peut choisir de vivre son désir comme extérieur à soi et transcendant en le représentant par des modèles. 

Maintenant il va s’agir de montrer l’implication philosophique de cette constatation. 

Dans « la dialectique transcendantale » Kant admet comme une évidence le fait que le désir de l’homme et « la conscience de soi », sont des expériences transcendantales subjectives que l’on ne peut pas vérifier par des expériences objectives sensibles.

Descartes avait prouvé l’existence de l’âme par la déduction suivante : « si je pense, donc j’ai une âme qui permet la pensée ». Kant objecte que même si logiquement Descartes a raison, même si il est impossible de penser si on ne possède pas une âme capable de penser, malgré tout, rien ne nous dit que cet âme est une « chose », une substance. Pour Kant, le raisonnement de Descartes permet de déduire logiquement le fait qu’il y a un principe théorique qui permet la pensée, mais il ne permet pas de savoir si ce principe est une abstraction logique, ou si c’est une véritable substance existant concrètement. Kant pense que l’on ne peut pas transformer des vérités logiques en des réalités métaphysiques.

Kant applique la même critique à l’idée de D. Pour lui, même si on peut prouver par la logique que, si le monde existe tel qu’il est, il est certain qu’il y a une cause a cette existence et que cette cause dépasse la finitude du monde, même si on peut prouver par la logique, que D est la cause du monde et qu’il est infini. Malgré tout, la raison ne peut pas démonter que D existe vraiment comme une chose objective et concrète. Peut être que D, n’est qu’une abstraction logique qui nous permet de comprendre l’existence du monde.

A partir de ces raisonnements, Kant démontre que la logique ne peut rien nous apprendre sur l’existence d’une substance supposée de D ou de l’âme. Si D existe on ne peut pas le prouver par la logique. Pour Kant on ne peut pas prouver, non plus, l’existence de D par l’observation objective scientifique. Car l’expérience objective scientifique nécessite impérativement que l’observateur de l’expérience soit détaché de l’expérimentation elle-même. Or l’homme ne peut pas examiner l’expérience de D « du dehors », puisque D est partout. De même l’homme ne peut jamais observer le phénomène de son âme « du dehors » vu que son âme le dépasse et l’englobe.

Pour Kant la science et la logique ne peuvent rien nous apprendre sur D. 

Cependant, pour Maimonide et rabbi Bahyah ben Pakoudah ainsi qu’une multitude de rabanim séfarade du moyen âge, il est évident que l’on peut prouver l’existence de D par l’observation scientifique et la logique. Maimonide veut prouver l’existence de D par la force de l’inertie qui permet le mouvement des planètes. Pour Maimonide, D c’est la force qui fait bouger les planètes dans le ciel ; l’esprit organisateur du monde. À première vue, la pensée de ces rabanim séfarades parait compromise par les objections kantiennes. Les preuves de Kant ont l’air irréfutable. Comment Maimonide a t’il put penser que l’on pourrait prouver l’existence de D par la force d’inertie des planètes ? Pourquoi Maimonide a-t-il voulu substantialiser D en le déduisant d’une expérience scientifique ? 

Pourtant à la lumière de notre découverte, il apparait clairement que toute la dialectique transcendantale de Kant est basée sur un parti pris moral. Ce parti pris étant la transcendance des désirs individuels. Kant, comme Hume, choisis de penser que l’expérience de l’âme est inobservable par ce qu’il pense que les désirs de l’homme dépasse l’âme. Pour eux observer ses désirs ce n’est pas s’observer soi même. Kant prend pour acquis que les désirs dépassent l’homme, il vit dans le royaume du prince mangobulbe, c’est pour cela que nécessairement, pour lui, D ne peut plus être vécu comme une expérience objective. Pour Kant comme pour les grecs D ne peut être qu’un concept abstrait (Platon) ou un rêve subjectif (Épicure, Homère).

Pour le penseur juif, au contraire, il est nécessaire de penser que D est observable objectivement à travers la nature, par ce qu’il faut justement sortir D du statut d’un concept logique abstrait, pour lui donner une existence concrète. Ceci est possible si on intègre ses désirs propres à la conscience de soi, c'est-à-dire, si on nie la transcendance de ses propres désirs. Dès que l’on fait se mouvement de pensée, alors, c’est l’existence du monde concret qui devient transcendante, alors, la matérialité physique de l’univers se spiritualise dans un rayonnement esthétique divin.


 

Les documents

 

ספר החינוך מצוה לה

משרשי מצוה זו, כדי שיתיישב העולם כאשר חפץ השם, והשם ברוך הוא רצה שיהיו כל עניני עולמו עושין פירותיהן כל אחד ואחד למינהו ולא שיתערבו מין במין אחר, וכן רצה שיהיה זרע האנשים ידוע של מי הוא ולא יתערבו זה עם זה. ועוד ימצאו כמה הפסדין בניאוף שתהיה סיבה לבטל כמה ממצוות האל עלינו, שצונו בכבוד האבות ולא יוכרו לבנים עם הניאוף. ועוד יהיה כשלון במה שנצטוינו גם כן לא לבוא על האחות ועל הרבה נשים, והכל יעקר בסיבת הניאוף, שלא יכירו בני אדם קרובותיהן, מלבד שיש בענין הניאוף עם אשת איש צד גזל שהוא דבר ברור שהשכל מרחיקו, גם כי הוא סיבה לאיבוד נפשות, כי ידוע הדבר בטבע בני איש שמקנאים על ניאוף בת זוגם עם אחרים, ויורדין עם הנואף עד לחייו, וכמה תקלות מלבד אלה.

Parmi les raisons de cette mitswah, il apparait que le monde doit être peuplé de la manière dont D le désir. Et D a voulu que tous les sujets de son monde donnent leurs fruits chacun suivant son espèce, et qu’il n’y est pas de mélange parmi les différentes espèces. De plus, il est évident que les rapports adultères sont la cause de l’annulation de plusieurs commandements de la torah, puisque la torah nous commande d’honorer nos parents, et les enfants adultérins ne connaissent pas leurs véritables parents. De plus, la torah interdit les rapports consanguins avec ses sœurs et d’autres membres de la famille proche, et ces interdits sexuels ne peuvent pas être respectés si l’adultère est pratiqué, par ce que les gens ne connaitrons pas leur famille proche. De plus dans le rapport adultère il y a un interdit lié au vol. De ce fait il est évident que l’esprit honnête ne l’accepte pas. De plus l’adultère est une cause de mortalité car il est connu que ceux qui ont été trompés sont prêts à tuer celui qui les a trompés.

פנים יפות דברים פרק כג פסוק יח

(יח) לא תהיה קדשה מבנות ישראל. בספרי ולא באומות, נראה פירושו לפי שכתב הרמב"ן דאין איסור קדשה אלא במופקרת לכל, אבל האנוסה והמפותה במקרה אין זה בכלל קדשה, והוכיח זה מדחייבה תורה קנס באונס ומפותה מכלל דלית ביה מלקות, ונראה טעם האיסור הזה כיון שמופקרת לכל כענין שאמר הכתוב [ויקרא יט, כט] בלאו אל תחלל בתך להזנותה וגו' ומלאה הארץ זימה, ואחז"ל ביבמות דף ל"ז [ע"ב] נמצא אח נושא את אחותו ואב נושא את בתו, ולפ"ז היינו דוקא בזונה ישראלית, אבל בזונה נכרית כיון דהולד אחריה, ונראה דמהאי טעמא לא הכירה יהודה דכתיב [בראשית לח, טז] ויט אליה אל הדרך משום דסבר בודאי היא נכרית משום דפריש מרובה פריש וסבר שהיא נכרית ואין בזה איסור קדשה, ונראה דיש לפרש סמיכת הכתוב לא תביא אתנן זונה, לרמז על הא דאמר בפרק השוכר את הפועלים [ב"מ צא א] אתנן אסרה תורה אפילו בא על אמו, משום דחייב בידי שמים אע"ג דמיתה וממון לא עבדינן וכיון:

Panim yafot deuteronome.

Il n’y aura pas de prostituées parmi les filles d’Israël. Le « Sifri » dit « mais pas parmi les nations ». Il semble que cet avis du Sifri peut être démontré logiquement du fait que l’interdit de la prostitution ne s’applique qu’a une femme qui est totalement donnée à tous. Mais si une femme se fait violer ou si elle se laisse séduire accidentellement elle n’est pas considérée comme une prostituée. Comme le verset le dit dans le lévitique « ne profane pas ta fille pour en faire une prostituée, car la terre sera remplie de transgression sexuelle ». Et nos maitres ont expliqué, dans la traite de Yevamoth, que les transgressions sexuelles rendues possible par la prostitution, selon le verset, concernent l’inceste. Puisqu’il peut arriver qu’un frère et une sœur se marient ensemble et qu’un père se marie avec sa fille. Il en découle que l’interdit ne s’applique qu’a une prostituée juive mais pas a une prostituée non juive, puisque la descendance d’une non juive n’est pas affiliée au père. Et c’est pour cette raison que judah a eu des relations avec une prostituée, par ce qu’il ne savait pas qu’elle était juive, puisqu’il y a toujours lieu de penser que « ce qui se sépare du groupe provient de la majorité du groupe », et la majorité des femmes sont non juives.

רמב"ן דברים פרק כג פסוק יח

והנראה בעיני בלאו הזה, כי הוא אזהרה לב"ד שלא יניחו אחת מבנות ישראל להיות יושבת בפרשת דרכים בעינים על הדרך לזמה או שתתקן לה קובה של זונות כמנהג ארצות זרים, יושבות על הפתח בתופים ובכנורות כענין שכתוב (ישעיה כג טז) קחי כנור סובי עיר זונה נשכחה הטיבי נגן הרבי שיר למען תזכרי. וכן יזהיר לב"ד על הקדש, ועל דרך הפשט אפילו שישכב עם הנשים בקובה אשר יעשה לו מזומנת לזמה או שישב בעינים על הדרך הזהירם לבית דין. ויראה לי שכן דעת אונקלוס, אבל צירף לזה העבד והשפחה הבאים בישראל דרך נשואין, מפני שהכל יודעין בעבד הזה שנשא בת ישראל שאין לו בה קדושין, והיא עמו כאשה עם בעלה אם כן היא קדשה לעיני השמש:

וראיתי בספרי (תצא קכו) לא תהיה קדשה מבנות ישראל, אין אתה מוזהר עליה באומות, ולא יהיה קדש, אין אתה מוזהר עליו באומות, שהיה בדין, ומה אם קדשה קלה אתה מוזהר עליה בישראל, קדש חמור אינו דין שתהא מוזהר עליו בישראל, או חלוף, אם קדש חמור אי אתה מוזהר עליו באומות, קדשה קלה אינו דין שלא תהא מוזהר עליה באומות וכו'. ונראה מזה שאין מדרשם כדברי אונקלוס, שהרי לדבריו אין חומר בקדש יותר מן הקדשה. ועוד, מהו זה שאומרים אין אתה מוזהר עליו באומות. וכן אם היה מדרשם בקדש לזכר הנשכב כמדרשו של רבי ישמעאל במסכת סנהדרין (נד ב), גם בזה לא יתכן שיאמרו אי אתה מוזהר עליו באומות, שהנשכב מן הגוי בסקילה הוא:

אבל נראה שדעת בעל הברייתא הזו כענין שהזכרנו, יזהיר לב"ד שלא תעמוד האשה על אם הדרך לזנות, כי שם תנאפנה מאיסורי הביאות קרובים ורחוקים, ולכן מכסות פניהן לזנות גם מאחיהם וקרוביהם, והוא מה שאמר (בראשית לח טו) ויחשבה לזונה כי כסתה פניה. וכן יזהיר לב"ד על המזומן להיות נשכב מן הזכרים, כענין שכתוב (מ"א יד כד) וגם קדש היה בארץ עשו ככל התועבות הגוים. ומלבד האזהרה בעושי העבירה יזהיר כאן בבית דין שלא יניחו להיות קדש בעינים על הדרך, כידוע מהם בארץ מצרים שעומדים על הדרך מכוסי הפנים כנשים לעשות התועבה הזאת. ודרשו בברייתא הזו, שאין אנו מוזהרים באחרים זולתנו אם יעשו עם רעיהם כן, שלא הוזהרנו אנחנו בגוים אלא בענין ע"ז בלבד:

Au nombre de ces emblèmes, notre société porte celui du sexe qui parle. Du sexe qu’on surprend, qu’on interroge et qui contraint et volubile a la foi répond intarissablement. Un certain mécanisme assez féerique, pour se rendre lui-même invisible, l’a un jour capturé, il lui fait dire dans un jeu ou le plaisir se mêle a l’involontaire et le consentement a l’inquisition, la vérité de soi et des autres.

Nous vivons tous depuis de nombreuses années au royaume du prince mangobulbe, en proie a une immense curiosité pour le sexe, obstine à le questionner, insatiable a l’entendre et a en entendre parler, prompt a inventer tous les anneaux magiques qui pourraient forcer sa discrétion.

Comme si il était essentiel que nous puissions tirer de ce petit fragment de nous même, non seulement du plaisir, mais du savoir et tout un jeu subtil qui passe de l’un à l’autre. savoir du plaisir, plaisir a savoir le plaisir, plaisir-savoir et, comme si ce fantasque animal que nous logeons avait de son coté une oreille assez curieuse et des yeux assez attentifs, une langue et un esprit assez bien fait pour en savoir fort long et pour être tout a fait capable de le dire, des qu’on le sollicite avec un peu d’adresse.

Entre chacun de nous et notre sexe, l’occident a tendu une incessante demande de vérité. a nous de lui arracher la sienne puisqu’elle lui échappe. A lui de nous dire la notre puisque c’est lui qui la détient dans l’ombre. Caché le sexe! Dérobé par de nouvelles pudeurs ! Maintenu sous le boisseau par les exigences mornes de la société bourgeoise ! Incandescent au contraire! Il a été placé voici plusieurs centaines d’années au centre d’une formidable pétition de savoir. Pétition double, car nous sommes astreints à savoir ce qu’il en est de lui, tandis qu’il est soupçonné lui, de savoir ce qu’il en est de nous.

Foucault. La volonté de savoir.

Mais il me semble qu’il est très important d’apercevoir le caractère enfantin de l’érotisme dans son ensemble. Est érotique quelqu’un qui se laisse fasciner, comme un enfant par un jeu, et par un jeu défendu. Et l’homme que l’érotisme fascine est tout a fait dans la situation de l’enfant vis-à-vis de ses parents, il a peur de ce qui pourrait lui arriver. Et il va toujours assez loin pour avoir peur. Il ne se contente pas de ce dont les adultes vraiment sains se contentent, il lui faut avoir peur, il lui faut se retrouver dans la situation ou il était enfant et ou il était menacé constamment d’être grondé, même très sévèrement, d’une façon insupportable, intolérable. Il est certain que c’est une mise en garde, c'est-à-dire que l’on doit mettre en garde contre un danger, mais il est possible que lorsque l’on a mis en garde contre un danger on donne à celui que l’on a mis en garde des raisons de l’affronter. Et je crois qu’il est essentiel pour nous de l’affronter. Et somme toute, cet homme qui joue, trouve dans le jeu la force de surmonter ce que le jeu entraine d’horreur.

Georges Bataille

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