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  • Writer's pictureRav Uriel Aviges

Toldot 5769


La torah nous dit que Jacob et Esaü se haïssent avant même de naitre, dans le ventre de leur mère ils se battent déjà.

La torah nous dit qu’ils sont morts le même jour et qu’ils ne pouvaient pas vivre l’un sans l’autre. Les midrashim expliquent qu’Esaü, c’est Rome et le christianisme, l’Evangile des ghettos dit que jésus est le guilgoul d’Esaü, car en hébreu Esaü et jésus peuvent s’écrire avec les mêmes lettres.

Nous avons vu aussi, la semaine dernière, que c’est cette haine judéo chrétienne, qui est la cause du progrès dans le monde occidental, car en effet, cette haine crée un sentiment de culpabilité chez les frères, qui occasionne une remise en question radicale, finalement, ils n’arrivent à sublimer cette culpabilité qu’en sentant un devoir de transformer le monde et de le créer.

(Pour continuer à fêter le centenaire de Levi Strauss, le patriarche des juifs français exilés à New York, on pourrait opposer deux types de civilisations, les civilisation autochtones comme les indiens d’Amériques, par exemple dont les mythes sont basées sur l’amour fraternel, ou les frères jumeaux s’aiment, ces civilisations sont des civilisations de l’amour, de la stabilité, et de la dissolution du sujet ; ces civilisations s’opposent à la civilisation judéo chrétienne, qui est la civilisation de la haine, du progrès de la création et de l’indépendance du sujet individuel.)

Le but de ce dvar torah (qui est la suite du précédent) et d’analyser, à travers le conflit qui agite Jacob et Esaü dans les midrashim, la dialectique qu’il y a entre l’individu comme sujet individuel, le langage et le progrès.

1- L’enterrement de Jacob et Esaü

Comme d’habitude je commence par la fin.

Le talmud dans Sotah 13a nous décrit l’enterrement de Jacob à Hébron, dans la grotte de Mahpela, là où Avraham et Sarah, Isaac et Rivkah ainsi que Leah avaient été enterrés. Lors de l’enterrement Esaü s’interpose, il dit que la moitie de la place restante dans la grotte lui appartient, car à la mort d’Isaac il restait deux places libres, Jacob en a utilisé une pour enterrer Leah, Esaü pense que la deuxième place dans la grotte lui revient de droit, puisqu’il est aussi un fils héritier. Mais les enfants de Jacob répondent à Esaü qu’il a vendu à Jacob ce droit à être enterré dans la grotte, puis, Esaü demande au enfants de Jacob de prouver ce qu’ils disent et de montrer le contrat de la vente, les enfants de Jacob répondent que le contrat est en Egypte, alors Naftali court en Egypte pour chercher le contrat. Pendant ce temps, Hush le fils de Dan qui est sourd (selon le Pirkei Derabi Eliezer il est aussi muet) n’a pas compris pourquoi l’enterrement est arrêté, un des enfants de Jacob lui raconte l’histoire, alors, Hush Ben Dan prend un bâton et frappe la tête d’Esaü, le coup est si fort qu’Esaü est décapité, la tête d’Esaü roule dans la grotte de Mahpela, et le sang d’Esaü mouille les pieds du cadavre de Jacob, à ce moment miraculeusement Jacob ouvre les yeux et souris, c’est ce que le verset dit, “le juste -c’est à dire Jacob-, se réjouit car il a vu la vengeance, il se lave les pieds dans le sang du racha”.

On voit que le talmud explique que la haine de Jacob pour Esaü ne s’arrête pas avec la mort. Il faut cependant comprendre pourquoi Jacob ne peut voir la mort d’Esaü qu’après qu’il soit lui même mort, et qu’il doive ressusciter pour voir la mort d’Esaü. Il faut aussi comprendre pourquoi c’est Hush le fils de Dan qui tue Esaü et pas quelqu'un d’autre?, pourquoi faut il qu’il soit sourd? Pourquoi la tête d’Esaü est enterrée dans la grotte de Mahpela et pas le reste du corps? Pourquoi Jacob se lave les pieds dans le sang d’Esaü? Le Pirkei Derabi Eliezer rapporte que la tête d’Esaü est tombée sur les genoux d’Isaac qui prie pour qu’Esaü rentre dans le monde futur, mais qu’est ce que cela veut dire?

2- Dan le serpent qui mord la monture et désarçonne le cavalier

Jacob avant de mourir a béni ses enfants il dit à Dan “que Dan soit un serpent sur le chemin, un python sur la route qui mord les talons du cheval, en renversant celui qui le chevauche, c’est en ta délivrance que j’ai espérée D!”, cette bénédiction est une allusion à Shimshon qui est un descendant de Dan, Jacob pensait que Shimshon serait le messie, lorsque Jacob voit prophétiquement que Shimshon n’est pas le messie, alors il termine sa bénédiction par une prière en disant “c’est en ta délivrance que j’ai espéré Hashem”, pourtant les midrashim disent que Shimshon lors de la venue du messie va ressusciter, et ce sera lui qui va “déraciner les pieds d’Edom du mont seir”. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre le fait que Dan mord le talon du cheval que chevauche Edom, l’ennemi juré de Jacob.

Il faut cependant comprendre pourquoi Shimshon et Dan sont comparés dans la bénédiction de Jacob à un serpent. Il semble qu’ici Jacob veuille faire une allusion à la malédiction que D a fait au serpent, tout au début de la Genèse, après que le serpent ait fait fauter Eve en la séduisant pour lui faire manger l’arbre de la connaissance. Là bas D dit à Eve “je mettrais la haine entre toi et le serpent, il te mordra le talon et toi tu lui écraseras la tête”, encore une histoire de haine, de pied et de tête.

Il faut aussi remarquer qu’après la faute du premier homme le serpent a perdu ses pieds il rampe sur son ventre, pourquoi?

3- Samael l’ange d’Esaü se bat contre le premier homme

Il est temps d’en venir au début. Tout avait déjà commencé bien avant la naissance de Jacob et d’Esaü, au moment de la création du premier homme, Adam. A cette époque, les anges sont jaloux d’Adam car il est capable de nommer tout les êtres vivants, alors qu’eux, les anges, en sont incapables, (Pirkei Derabi Eliezer, 13), il y a parmi les anges un ange qui a deux fois plus d’ailes que les autres et qui est aussi deux fois plus jaloux d’Adam, c’est Samael, que fait Samael?, le Pirkei Derabi Eliezer nous dit qu’il chevauche le serpent comme on chevauche un cheval, en le contrôlant et en habitant son esprit, il va séduire Eve, pour la faire fauter en mangeant de l’arbre. Or Samael, nous dit le midrash ailleurs (Tanhoumah Vayshlah) c’est l’ange d’Esaü, avec lequel Jacob s’est battu. Il semble donc que la dialectique Jacob - Esaü soit une dialectique, Adam - Samael, et qu’au milieu de cette dialectique il y a la femme le serpent et le cheval. (Je suis sûr que Levi Strauss s’amuserait bien ici à faire de l’interprétation ethnographique. Or si on veut comprendre la torah c’est exactement ce qu’il ne faut pas faire, car le message de la torah doit avoir une particularité propre qui n’existe pas dans les autres cultures).

4- Le langage et l’identification à l’objet

Revenons à l’idée centrale du Pirkei Derabi Eliezer, l’ange est jaloux par ce que l’homme peut donner un nom aux êtres vivants, et le verset dans la Genèse dit même que “ce à quoi l’homme donnait un nom, il correspondait à l’essence même de sa vie”. Or ce verset est difficile car nous savons que le langage humain n’est pas descriptif, c’est à dire qu’il ne décrit jamais la chose en elle même, le langage est toujours métaphorique et différentiel, c’est à dire qu’il nomme les choses les unes en rapport aux autres, sans jamais en décrire la forme ou l’essence, “une table” ce n’est pas un panneau avec quatre pieds, il peut y avoir des tables de multiplication, etc.., le langage ce n’est qu’une convention, une structure, pourquoi les anges ne seraient ils pas capable de faire une convention entre eux pour inventer un langage et nommer les choses? Pourquoi il n’y a que l’homme qui peut le faire?

Le talmud dit dans Chabath rav Yossef disait je n’ai jamais appelé mon bœuf, un bœuf, mais mon champ. “Rav Yossef continue en disant je n’ai jamais appelé ma femme ma femme, mais ma maison” Qu’est ce que cela veut dire? Peut être que la gemarah dans Chabath veut nous donner le sens des noms qu’Adam a utilisé pour nommer les animaux, ce que le talmud veut dire c’est qu’Adam savait donner une fonction à l’animal en l’objectivant, et lorsque l’animal avait reçu une fonction, l’animal s’identifiait à la fonction que l’homme lui avait donnée.

C’est à dire que l’homme en nommant l’animal par un mot, rend l’animal comme un objet, l’homme objective l’animal dans une fonction ou dans une signification qu’il prend en rapport à lui, mais ensuite par phénomène de retour, l'animal s’identifie au rôle que l’homme lui a donné, l’animal est transformé par le langage, grâce à un mécanisme d’identification.

C’est le sens du verset de la genèse qui dit “ce à quoi l’homme donnait un nom, il correspondait à l’essence même de sa vie” ce qui veut dire que tout les êtres vivants que l’homme appelle, le nom correspondait à la nature de leur être, par ce que les êtres vivants s’identifiaient au rôle qu’Adam voulait leur donner.

Le Pirkei Derabi Eliezer veut mettre en opposition Samael qui est obligé de chevaucher le serpent comme un cheval, de “l’habiter de son esprit comme lorsque quelqu’un est pris par un démon”, et le rapport d’Adam aux animaux qui est capable de les apprivoiser en les objectivant par le nom et le langage.

5- La séduction par le langage nécessite une identification au langage

Ici on arrive à un paradoxe, Esaü est l’homme de la parole qui “sait chasser avec sa bouche” dit la genèse, c’est dire qu’il séduit son père Isaac par un discours trompeur à l’image du serpent de la Genèse, Esaü est abattu par un sourd muet, qui est insensible à la séduction du langage, et pourtant son ange Samael, qui a le même visage que lui, selon le midrash, est celui qui est incapable de nommer les choses?

Pour comprendre ce paradoxe il faut approfondir le rôle du serpent qui a servi de cheval à Samael avant la faute. Rashi lorsqu’il explique la faute du premier homme dans la Genèse s’interroge sur une anomalie du texte, le verset dit avant de raconter la séduction d’Eve par le serpent “et ils étaient nus et il n’avaient pas honte”, ce verset est mis juste après le verset qui dit “et le serpent était le plus rusé des animaux,”, de plus Rashi remarque qu’après la faute D va faire des habits à Adam et Eve, bien qu’ils s’étaient déjà eux même habillés avec des feuilles de figuiers, pourquoi D veut il habiller Adam et Eve alors qu’ils sont déjà habillés?

Rashi explique, qu’en fait, que ce qui a causé la faute, c’est qu’Adam et Eve manquaient de connaissance du bien et du mal, et donc qu’ils n’avaient aucun sentiment de culpabilité face à la jouissance, “qui n’avaient pas honte”, ils ne se rendaient pas compte que lorsqu’ils avaient des rapports sexuels publiquement ils excitaient le désir des autres animaux. Et c’est pour cela que D, déjà avant la faute, avait voulu leur faire des habits pour qu’ils ne deviennent pas des objets de désirs pour les autres, il semble cependant qu’Hashem soit intervenu trop tard, et que le désir du serpent était déjà éveillé par Eve et que c’est cela qui a causé la faute de l’homme.

6- Le piège du langage, c’est l’objectivation de celui qui parle

Ce que Rashi veut dire, dans ce commentaire, si on l’interprète à la lumière des découvertes précédentes c’est que lorsque l’homme objective par le langage un animal, ou une chose et qu’il lui donne un rôle, ou une signification, l’homme par la même, se retrouve lui même piégé par le langage et il devient lui même un objet, il ne peut plus se comprendre lui même qu’à travers le langage objectif qu’il a créé, de plus l’animal lui même identifie l’homme à un objet, pour l’animal aussi l’homme devient une fonction, le dompteur, celui qui amène la nourriture, l’homme se retrouve piégé par son propre piège d’objectivation par le langage, et il finit par devenir lui même un objet, comme Eve qui est devenue un objet de désir pour le serpent.

7- Le libre arbitre comme une conséquence du langage

Mais à cet instant, lorsque l’homme se retrouve piégé dans son système de référence, l’homme a le choix soit d’accepter cette objectivation, et d’être un objet de désir pour l’autre, comme Eve qui se laisse séduire par le serpent, (selon le midrash et le talmud elle a des rapports sexuel avec lui), soit l’homme peut rejeter cette objectivation, et il peut chercher à fuir l’image que le langage veut lui renvoyer. L’homme peut chercher à fuir l’image qu’on lui donne de lui même et le rôle que le langage veut lui donner.

Mais quelque soit la décision prise, l’homme est devant un choix morale, quoi qu’il arrive on est devant l‘arbre de la connaissance du bien et du mal.

Ce que la torah voulait dire c’est que le choix moral est une conséquence directe et inéluctable du langage. Le langage est une objectivation, cette objectivation peut entrainer, soit une identification au langage, soit une prise de distance face à cette objectivation.

Esaü séduit Isaac par le langage, comme le serpent a séduit Eve, Esaü est capable de chevaucher les autres, car il s’identifie au langage qu’il parle, mais il n’a pas de pieds, car il n’a pas de locomotion propre, il est comme le serpent qui rampe sur son ventre.

(Pour le talmud, si un homme veut séduire quelqu’un, cet homme doit se laisser séduire lui même par son propre discours, car c’est le cœur qui séduit l’autre cœur, Baba Metsia).

8- Les pieds, la locomotion autonome

Par opposition la torah dit que Jacob “porte ses pieds” (début de la parasha de la semaine prochaine), il bénit Dan qui va pouvoir mordre le cheval que chevauche Esaü, cette bénédiction est une allusion à Shimshon, que Jacob prend dans un premier temps pour le messie, il est le plus indépendant des juges, il attaque seul, il doit garder son secret, le jour où il parle il perd tout, c’est l’homme qui doit s’opposer au langage.

9- La prière et l’étude dépendent du langage et d’Esaü

La locomotion de Jacob, ses deux jambes, dans la Kabbale, se sont la prière et l’étude, ces deux choses dépendent du langage. Rav Saadia Gaon dit que lorsque l’homme prie il se trompe toujours car tous les adjectifs qui décrivent D ne peuvent être que métaphoriques, D n’est pas un père ni un roi, tous ces noms sont des inventions humaines, qui sont fondamentalement fausses, mais nous devons utiliser ces métaphores pour prier.

Faire la prière cela veut dire des métaphores auxquels on ne s’identifie pas, et auxquels on n’identifie pas D, mais c’est dans ce rapport en creux que l’on peut se retrouver soi même, et que l’on peut avoir un rapport avec D. C’est en rejetant l’identification du langage que l’on peut se retrouver et retrouver Hashem, cependant ce rejet nécessite le langage, c’est pourquoi Jacob ne peut pas vivre sans Esaü, si il se lave les pieds dans son sang, c’est par ce qu’il sait qu’il doit rejeter l’identification à toutes les formes de langage possible par la prière et par l’étude qu’il peut vraiment arriver à sa plénitude.

L’étude de la torah est aussi un discours par rapport auquel on prend position pour se retrouver soi même, faire des métaphores du texte et le paraphraser, c’est donner du sens au texte et l’expliquer, pourtant on sait que plus on parle, plus on explique, plus on ouvre des questions, et plus on met à distance le langage.

C’est pour cela que le talmud Avodah Zarah dit que le messie ne peut venir que lorsque la civilisation occidentale d’Esaü aura régné sur le monde entier pendant 9 mois, le Maharal explique que les neufs mois, symbolisent les 9 mois de grossesse de la femme, par ce que le messie sera un produit de la civilisation occidentale chrétienne. C’est lorsque l’on aura exploité toutes les possibilités du langage, et de la pensée, et que l’on aura su s’identifier par opposition à elle, que le messie pourra venir. C’est pour cela que la venue du messie dépend du renouveau constant de la torah, qui est lié au renouveau du langage occidental.

C’est pour cela que Jacob ne peut tuer Esaü qu’après sa propre mort, il doit d’abord s’ouvrir à la séduction du langage pour être capable de s’en débarrasser, Shimshon aussi selon les midrashim va ressusciter pour tuer Esaü dans le temps messianique, comme Jacob, Shimshon ne détruit ses ennemis qu’après sa mort, lorsqu’il détruit le stade des philistins

Deux annexes le langage imagé et les habits de Nimrod

Le midrash dit qu’il y a un lien entre les pleurs d’Esaü lorsqu’on lui vole les berahot et le crie des juifs à pourim. Jacob se déguise en Esaü. Il y a une opposition entre d’une part la séduction par la mise à nu du serpent, qui symbolise le discours séducteur d’Esaü qui fonctionne par ce qu’il s’identifie à son langage pour séduire, en se mettant a nu. (Aroum ruse veut dire aussi nu en hébreu) et d’autre part la séduction par le déguisement de Jacob, qui ne s’identifie pas à son rôle, Jacob séduit Isaac en portant l’habit qu’Hashem a voulu faire à Adam pour le protéger du regard des animaux, alors qu’Esaü utilise cet habit pour capturer les animaux.

Le talmud dans Avodah Zarah parle du langage codé de Rabbi avec Antonin pour montrer que c’est l’identification au langage qui est dangereuse chez Esaü et pas le langage lui même.

Une question sur la philosophie de Levi Strauss

Il y a une incohérence dans la pense de Lévi-Strauss, il est contre la mondialisation et l’envahissement universel de la société occidentale, il a bien compris que cette envahissement fonctionne par la communication, (internet, télé, etc..) et d’autre part il pense que le sujet individuel doit se dissoudre dans la société, or, si le sujet se dissout dans la société il y a automatiquement mondialisation, par le langage et la communication.

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