Cours sur Roch Hachana et Yom kippour
Bagatelle sans tonalité
Préambule
Ce cours peut surprendre. D’amblée il projette le lecteur dans une dimension étrange. Cette dimension c’est la vision du monde tel que Maimonide l’envisage dans le guide des égarés.
Dans ce livre, Maimonide s’oppose sur un point à rav Saadia gaon. Rab Saadia, comme le dira plusieurs siècles plus tard Kant, pense que l’on ne peut pas associer une réalité physique du monde avec la présence du divin.
Pour rav Saadia, comme pour Kant La présence du divin est transcendantale elle n’est donc pas vérifiable par l’expérience physique. En scolastique du moyen-âge cette idée s’exprime en disant que D n’a pas créé le monde à partir de lui-même, mais à partir du néant.
D a créé le néant, et ensuite, dans un deuxième temps il a créé l’existence. D n’est donc pas perceptible à travers l’expérience physique ou la science. Rav Saadia Gaon dit même, que D n’est pas perceptible à travers l’expérience mystique ou religieuse, ce que l’on peut atteindre au maximum c’est le néant.
Cette vision kantienne n’est plus remise en doute, même par les religieux à l’âge moderne. Elle est pourtant la racine de l’athéisme dans lequel baigne le monde contemporain.
Maimonide pense au contraire que D est perceptible par la science, il se révèle dans le monde physique. Même si cette révélation n’est pas corporelle, elle en demeure pas moins réelle. C’est pour cette raison que Maimonide essaie dans son livre de prouver l’existence de D par la science.
Personnellement je n’ai pas d’opinion tranchée sur la question, et ce genre de problème métaphasique m’intéresse peux.
Mais j’aime prier.
Pour moi ce qui m’importe c’est de savoir à qui je prie et quel est le sens de la prière. Si on prie à D et qu’on peut lui demander d’intervenir dans notre vie, on affirme de facto que l’on peut avoir accès à lui. C’est pour cette raison que dans ce texte, ou j’essaie une fois de plus, de donner un sens à la prière de Roch Hachana et de Yom kippour. Je suis obligé, d’entrainer le lecteur dans ce monde fantastique et baroque, qu’est celui de Maimonide.
1- Comment le temps peut-il avoir un commencement ?
Dans la prière de Roch Hachana nous disons après avoir sonné le chofar « aujourd’hui c’est le jour de la naissance du monde ». On dit aussi que ce jour-là tous les êtres vivants sont jugés. Il sera décidé ce jour-là, si ils vont vivre ou mourir, tous les pays sont jugés il sera décidé pour eux ils seront en guerre ou en paix. Il y aurait des livres dans lesquelles on serait inscrit. D se souvient des actions des hommes, chaque être humain est juge individuellement.
A Yom kippour, et pendant les selihot, on implore la clémence divine, on veut qu’il pardonne.
Tout ce rituel est difficilement compréhensible, à la lumière des connaissances scientifiques modernes. Einstein a découvert depuis longtemps que le temps est statique, c’est-à-dire qu’en fait il n’y a qu’une certaine rapidité de mouvement qui donne l’illusion à l’homme que le temps passe.
Mais en réalité, tout arrive simultanément, j’étais déjà mort au moment même où j’étais né. Il a été prouvé depuis longtemps par différentes expériences irréfutable que l’on pourrait remonter dans le temps si on dépasse la vitesse de la lumière. Dans la réalité du cosmos au moment où j’écris ce mail je suis déjà mort depuis longtemps. Si on sort de l’espace universel, le temps ne s’écoule pas. Toutes les actions que je vais faire sont inscrites depuis longtemps.
Il semblerait donc que D ne soit pas libre de juger ou d’intervenir dans le monde temporel puisque tout est déjà écrit d’avance. Les sefardim disent eux même dans les selihot « que peut changer le discours de l’homme, puisque toutes ses actions sont déjà inscrites dans le livre de ses jours »
Dans le talmud à chaque fois qu’il est question du livre écrit et donné à Adam, on parle d’un livre où l’histoire est écrite d’avance. Le livre des engendrements de l’homme est écrit depuis toujours, c’est une destiné immuable qui ne peut être changée d’un iota.
Le talmud parle du livre où sont inscrits chaque génération et chaqu’un de ses darchanim. Depuis toujours il était écrit que ce mail devait être écrit, comme les cours de rabbi Akivah étaient déjà donnés à l’époque de moise. (Avodah Zarah 5a)
Même en ce qui concerne la médecine le talmud dit qu’il est écrit d’avance depuis la création du monde quel médecin allait découvrir tel remède ou va guérir untel. (Baba metsiah 85 b)
Que l’on prenne l’optique scientifique ou l’optique midrashique il semblerait que l’histoire soit déjà écrite depuis toujours.
Si c’est le cas comment peut-on dire à Roch Hachana que c’est le commencement du monde ? Comment peut-on dire qu’à Roch Hachana on peut changer le cours de l’histoire ? Comment peut-on dire que D est libre de pardonner ? Comment peut-on dire que D oublie ou qu’il se souvient, alors que pour lui tout est un présent continu ?
D’autre part si D est juste et qu’il juge chaque action à sa juste valeur, comment peut-on penser que grâce à notre prière il va nous pardonner ? Quel impacte peut avoir le plaidoyer d’un avocat sur un juge qui connait déjà la vérité absolue ?
2- Le début du temps dans la physique quantique
Si dans la physique d’Einstein, le temps ne peut pas avoir de début ou de fin puisqu’il est statique et circulaire. Dans la physique quantique le temps a un début très précis. Ce début cela aurait été l’impulsion, la première vibration qui aurait déclenché le big bang.
Ce qui est primordiale dans la physique quantique, en ce qui nous concerne, c’est le fait que, jusqu’à aujourd’hui la vibration créatrice de l’espace continue de raisonner. Dans cette optique l’univers serait une sorte de bulle, sur laquelle quelqu’un aurait frappé avec un marteau, ce coup porté sur la bulle continue de raisonner aujourd’hui.
Dans la physique quantique, tel qu’on la conçoit aujourd’hui, ce n’est pas simplement la lumière qui est à la fois une onde et une particule, c’est tout ce qui se trouve dans cette galaxie.
En réalité, chacun raisonne d’une certaine manière en réponse à la vibration originaire. Si dans les molécules microscopiques, comme la lumière, la double nature d’onde et de particule est plus sensible, c’est uniquement par ce que plus on est précis dans la localisation de l’objet envisage, plus on perçoit son mouvement ondulant.
Plus l’objet est gros, moins on est précis dans sa localisation, plus on le voit dans son aspect particule statique et on perçoit moins sa résonance ondulante, mais en fait tous les éléments de l’univers sont des ondes raisonnantes au moment même où ils sont des particules.
C’est de cette manière que l’on interprète aujourd’hui, le principe d’incertitude d’Heisenberg. Ou, plutôt, que l’on a fait du principe d’Heisenberg une théorie cadre de la physique quantique.
(Pour être honnête avec vous je suis très succinct sur ce sujet, et c’a m’ennuie d’en parler, par ce que je vois déjà la tête de tous les ingénieurs à la manque qui lisent ce mail et qui disent « mais non ce n’est pas ça du tout, Bla Bla Bla » à tous cela je réponds, aller voir Wikipédia et ne faites pas chier.)
Ce qui est intéressant, c’est que cette vision de la physique est corroborée par le talmud. Dans Haguigah 12a le talmud explique que le tohu est une ligne verte qui ferme l’univers, le bohu par contre serait une énergie provenant de pierres venant du centre de l’univers qui se serait brisée sur les parois extérieures du tohu.
Pour le talmud, comme pour les scientifiques, il est question d’une onde qui agit sur un ensemble fermée. La différence entre la science actuel est le talmud réside simplement dans la source de l’onde. Pour la science moderne l’onde énergétique serait venue de l’extérieur de la bulle finie de l’espace-temps, alors que pour le talmud l’onde serait venue du centre.
3- Petit saut théorique
Ici je m’avance, je l’admets, en suivant mon intuition sans avoir réellement de preuve à ce que je dis. Ou plutôt sans comprendre ce que je dis mais en ayant des preuves des midrashim.
Le talmud dans Haguigah 15 nous raconte que lorsqu’Elisha le fils d’Avouya est monté au ciel, il a vu le « Meta tyran » qui effaçait ses mérites du livre de sa vie. Or ceci est très difficile à comprendre. Comment un ange ou D pourrait-il avoir la possibilité d’effacer les mérites de quelqu’un ?
Dans les psaumes 32 1 il est écrit “De David. Maskîl. Heureux celui dont les fautes sont remises, dont les péchés sont couverts » le midrash ad hoc et dans la psiktah rabati 45 explique que ce verset renferme l’essence du pardon de Yom kippour et de Roch Hachana.
Le Zohar emor (page 101 a) explique que lorsqu’un homme fait une faute pendant l’année, et qu’à Roch Hachana et à Yom kippour, il fait techouvah, alors les fautes qu’il a faites sont attribuées à quelqu’un d’autre, à une autre personne qui elle n’aurait pas fait techouvah pendant ce moment de l’année.
De plus les bonnes actions faites par la personne qui ne fait pas techouvah au moment où l’on sonne le chofar, sont effacées de son livre et son attribuées à celui qui fait techouvah au moment de Roch Hachana.
C’est le sens du verset « heureux est celui dont les fautes sont couvertes », non seulement ses fautes sont couvertes par la techouvah, mais en plus il est heureux par ce qu’on lui attribue des mérites qu’il n’a pas accomplie.
Comment comprendre ces midrashim ?
Ces midrashim sont tout à fait compréhensibles, si on applique le principe d’incertitude d’Heisenberg à l’âme humaine.
En fait les âmes humaines ne sont pas des entités figées et définies. C’est vraie que l’histoire est déjà écrite, qu’elle est immuable, tout ce qui va se produire dans ma vie est déjà arrivé, tout ce que je dois écrire est déjà écrit, dans ce sens on a l’impression que D n’a aucune liberté d’intervenir dans ce monde. Dans cette optique, cela n’a pas de sens de prier ou de demander l’aide divine.
Mais là où la liberté est infinie, là où dieu peut intervenir c’est si l’on considère que l’âme humaine n’est pas une entité stable. Si on considère qu’elle est faite de goutes, de nitsotsot. Qu’au niveau spirituel aussi nous sommes une onde et une particule.
Pour donner un exemple. Lorsque j’étudie une page de guemarah, ce n’est pas simplement moi qui étudie une page de guemrah, l’action que j’ai faite change mon âme, de même lorsque je fais une avéra, la avéra change mon âme. Nous sommes constamment en train d’onduler spirituellement sous l’influence d’énergies qui s’appliquent à nous et qui nous transforment.
A Roch Hachana, au moment du chofar nous sommes jugés en tant que particules. C’est-à-dire que l’on envisage à un moment t quel est la forme de notre âme. Suivant la forme de notre âme les actions passées ou futur nous sont attribuées que l’on en soit l’agent réel ou non.
Je vais donner un exemple. Christophe Colomb découvre l’Amérique, mais en fait il croyait arriver en Inde. À son retour il comprend qu’il n’était pas en Inde, mais dans un nouveau continent, on peut donc bien dire objectivement qu’il a découvert l’Amérique.
Mais, imaginons, que lorsque Christophe Colomb rentre en Espagne il reste persuadé d’avoir été en Inde et qu’il défend mordicus jusqu’à sa mort qu’il a été en Inde. Si un cartographe découvre que le pays qu’a visité Christophe Colomb ce n’était pas l’Inde, c’est le cartographe qui aura découvert l’Amérique bien qu’il n’aura jamais été sur un bateau.
En fait, ce n’est pas l’action qui importe c’est le rapport que l’on a à l’action que l’on fait.
Chacun a fait des mitsvot et des averot pendant l’année, en tant que onde mouvante qui se déplace dans le temps nos âmes sont tantôt bonnes tantôt mauvaise. Mais le jugement de Roch Hachana et de Yom kippour est un jugement qui se place au-dessus du temps. D nous arrête à un moment T pour savoir quel est notre essence en tant que particule stable.
Le talmud dans Roch Hachana dit que l’homme n’est jugé qu’en fonction de son niveau au moment même du son chofar et de la neilah, car si à ce moment l’homme arrive à purifier son âme et à éliminer le mal que les averoth qu’il a faites on fait en lui. Les averoth qu’il a faites ne lui sont plus attribuées, elles sont attribuées à celui qui aurait voulu les faire et qui se reconnait en elles.
En fait l’histoire est écrite d’avance mais elle est écrite en fonction de nitsotsot. C’est-à-dire qu’un aspect x entraine la parnassa, et qu’un aspect y entraine la maladie has vechalom.
Si on arrive à changer notre âme et se débarrasser de tous les aspects « y » on ne sera pas malade et la maladie écrite depuis l’origine du temps frappera celui qui se reconnait en l’aspect y. de même si on se reconnait dans l’aspect x on aura parnassa et la pauvreté frappera celui qui ne se reconnait pas dans l’aspect x.
C’est le sens des midrashim qui explique que pour être sauver il faut avoir une majorité de mérite, par ce que pour celui qui est majoritairement bon, le mal qu’il a commis est attribué à un autre. Et vice versa celui qui est majoritairement mauvais, le bien qu’il y a en lui est attribuée à un autre, vu que ce dernier ne se reconnait pas lui-même dans le bien qu’il a fait.
C’est dans ce sens que l’on peut comprendre le talmud dans taanith 25a où rabbi Eléazar ben Pedat demande la parnassa à D et D lui répond même si je devais recréer le monde de puis tohu et bohu je ne suis pas sure que je puisse te créer avec le mazal de la parnassa.
Ce passage du talmud parait étonnant à première vue. Mais en fait il nous montre la grandeur de rabbi Eliezer ben pedat qui ne voulait pas rejeter aucun aspect de son âme et qui les assumait tous même si à cause de ça il allait mourir de faim. Mais il est certain que si rabbi Eléazar avait prié et qu’il avait changé la structure de son âme alors, tous son avenir aurait pu être changé.
On retrouve cette idée dans le concept talmudique « on fait venir le bien, par celui qui est bon et le mal par celui qui est mauvais ». Le talmud (taanith 29) cite comme exemple le fait que D a allongé le mois de Tammouz pour que les explorateurs rentrent le 9 av pour qu’il faute ce jour-là, ce jour où les deux temples ont été détruits. Ce passage de talmud est étonnant puisqu’avant la faute des explorateur, le jour du neuf av n’était maudit, si les explorateurs étaient rentrés le 8 av alors c’est le 8 av qui aurait été maudit et les deux temples auraient été détruits le 8.
Le talmud veut dire que l’histoire est écrite d’avance, mais que l’on a le choix de s’attribuer l’action ou de ne pas s’attribuer l’action à venir. Si les explorateur étaient rentré le 8, et qu’ils auraient dit du bien du pays, et si les juifs étaient rentrés en Israël, malgré tout, un jour ou l’autre, les deux temples auraient été détruits le neuf, puisque c’était la destinée, mais dans ce cas, les juifs de la génération du désert n’auraient pas été responsables de cette destruction.
4- Explication du bouc émissaire et du chofar
A la lumière de ce que nous avons expliqué le rituel du bouc émissaire de Yom kippour est compréhensible. En fait, on rejette les fautes commises sur les autres, sur ceux qui se reconnaissent dans ces fautes et qui pensent qu’elles sont l’essence de leur nature.
Les fautes que nous avons commises existent dans la circularité finie de l’espace-temps, elles ne peuvent pas disparaitre. Elles peuvent simplement être attribuées à quelqu’un d’autre. C’est pour cela qu’il faut un sacrifice expiatoire.
Cela explique aussi pourquoi le talmud dans Baba Battra dit qu’il ne faut pas aider les idolâtres à faire de bonnes actions par ce que chaque bonne action faite par un idolâtre est un accusateur pour les croyants. En effet si l’idolâtre est moralement bon, il ne peut plus porter les fautes du croyant, et c’est donc au croyant d’assumer la responsabilité de ses errements. (Il faut donc se réjouir de l’affaissement moral de la société laïque, puisqu’il devient facile de rejeter toutes nos fautes et toutes les malédictions qu’elles amènent sur eux)
Le talmud dans Roch Hachana nous explique que le chofar a pour but d’imiter le son de la voix féminine, ou plutôt le son que les femmes font lorsqu’elles pleurent. Or, la voix humaine a cette particularité d’être à la fois une onde et une particule. Puisque lorsque la voix humaine s’arrête sur une note elle est toujours en train de vibrer. Le chofar décompose la voix humaine et pour la recomposer différemment.
Le meilleur exemple que l’on peut donner du chofar c’est la musique de Chopin. Chopin imite la voix des femmes par le piano. Seulement il la décompose en l’éclatant grâce à la fragmentation tonale du piano, puis il la recompose en l’enveloppant dans une harmonie où les notes passées et présentes se superposent. Je vais ici donner deux liens que mon ami Patrick Etyngier m’a aidé à préparer, le premier c’est 20 secondes de la nocturne numéro 1 chantée par une voix de femme, et la deuxième c’est la décomposition tonale de cette nocturne par le pianiste Garrick Ohlsson.
Je pense que toute la musique exprime une volonté d’éclater et de reconstituer la voix humaine, pour reformer cette concomitance entre la vibration et la stabilité. Le but du son de chofar est de donner la possibilité à l’homme la capacité de re-créer son âme, de se connecter avec le bien et la majesté qu’il y a en lui. Comme le dit JS. Bach « le but de la musique c’est la gloire de D et la re-creation de l’âme. »
A Roch Hachana l’homme se connecte avec la noblesse et la splendeur de son âme, à partir de cette reconnexion pendant les 10 jours de techouvah, jusqu’à Yom kippour, le but de l’homme est d’extraire de lui-même le mal qu’il y a dans son âme.
Cette extraction se fait par l’explicitation des fautes, lorsque l’on exprime le mal, on l’extériorise et d’une certaine manière il ne fait plus partie de nous.
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