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Writer's pictureRav Uriel Aviges

Pourim 5767

1 LE PROBLEME DE L'HISTOIRE D'ESTER DANS LA HALACHA (LA QUESTION DU RASHBAH)

Le talmud ainsi que le midrash disent qu' Ester était marié avec problème, or nous savons qu'une femme n' a pas le droit d'avoir des rapports volontaires avec quelqu'un qui n'est pas son mari, même si on la menace de mort, ceci pose donc un problème halachique dans le récit de la megilah, si les premiers rapports avec le roi Assuérus étaient forcés, donc permis, lorsque les juifs sont menacés par Haman c'est Ester qui demande à avoir des relation avec Assuérus (s'interdisant par la même sa relation avec Mardoché), or ceci n'est pas permissible même si il y avait danger de mort pour elle, et a fortiori, si la menace planait sur quelqu'un d'autre. il est amusant de constater que le talmud n'adresse pas ce problème c'est pour cela que le Rashbah un commentateur de la fin du moyen age dit que lorsque le talmud dit qu'Ester était mariée avec mardoché ce n'est pas à prendre au mot mais uniquement dans un sens allégorique.

2 LA REPONSE DU MEIRI, UNE PERMISIVITE SPECIALE QUE L'ON APPREND DE L'HISTOIRE DE YAEL

Par contre un autre commentateur de la même époque le Meiri rétablit ce midrash au sens littéral et répond la difficulté en se basant sur ce que le talmud dit à propos de Yael. Yael est aussi une femme mariée, dans la bible, elle part de son plein grés faire des avances à Sisra, le général de l'armée philistin, alors que celui ci est sur le chemin de la fuite, mis en déroute par les armées d'Israël, après avoir eu plusieurs relations avec lui elle lui fracasse la nuque avec un pieux. Or Devorah la prophétesse chante la gloire de Yael comme surpassant celle des matriarches Sarah, Rivkah, Rachel et Leah. Or la même question se pose que sur Ester comment un tel comportement était-il permis ? Le talmud dit deux choses, premièrement Yael n'avait aucun plaisir dans les rapports avec Sisra, au contraire elle souffre, c'est pour cela qu'elle est supérieure aux matriarches, qui ont eu du plaisir en ayant des relations avec les patriarches. deuxièmement il y avait ici la vie de milliers de personnes en jeux, c'est pour cela, à cause de ces deux conditions, que le comportement de Yael est permis selon la halacha, le Meiri dit que ces deux conditions existaient aussi dans le cas d'Ester et Assuérus

3 CETTE REPONSE NECESSITE UNE DIFFERENCIATION ESSENTIELLE ENTRE LE MEURTRE ET LE VIOL

Reprenons, une femme pourrait tromper son mari volontairement dans le cas où deux conditions sont réunies 1-elle sauve la vie de milliers de personnes, 2- elle n'a aucun plaisir dans le rapport au contraire elle en souffre. Cependant il y a une difficultés sur cette axiome du Meiri; du fait que la mishnah donne le cas d'une ville que des goyim attaquent et disent "soit on viole toute la ville, soit vous nous donnez une fille ou un homme à violer et on vous laisse tranquille", La mishnah dit toute la ville doit se défendre et tomber, et on n'a pas le droit de sacrifier une fille ou un homme pour le groupe, même si il y a des volontaires. Cette mishnah semble s'opposer à l'avis du Meiri. Cependant il faut répondre que la permissivité du Meiri n'est donnée qu'en cas de danger de mort pour le groupe mais pas dans un danger de viol, ou de transgression d'autres interdits même graves.

4 DEUX INTERROGATIONS SUR L' AXIOME DU MEIRI

Il faut donc s'interroger sur deux points: premièrement, pourquoi fait-on une différence entre des viols et des meurtres? Deuxièmement, si le fait de sauver un grand nombre de vie peut permettre de transgresser même les interdits capitaux, tel que giloui araiot les rapports interdits, pourquoi a-t-on besoin de la deuxième condition qui veut que le héros salvateur n'ai aucun plaisir dans les rapports, de deux choses l'une; soit c'est un rapport interdit soit ce n'en n'est pas un, qu'est ce que le plaisir a à faire ici?

5 LES DEUX QUESTIONS SE REPONDENT MUTUELLEMENT ET NOUS MONTRENT LA NATURE DE POURIM

En fait les deux questions se répondent l'une l'autre, si l'on ne peut pas faire une faute pour sauver quelqu'un d'autre du péché, c'est par ce que la fin ne justifie pas les moyens dans la morale, c'est a dire que si quelqu'un est sauvé du péché par ce que j'ai fauté pour lui, il n'est pas vraiment sauvé du péché et on n'a rien gagné "au finish", toute la ville est responsable du viol du héros, et il vaut mieux pour un individu de porter sa propre faute plutôt que de porter celle des autres, il est moralement moins grave de fauter que de faire fauter un autre.

Par contre lorsque l'on parle de la survie du corps il y a quelque chose d'incorruptible dans le corps c'est l'idée de Yael et de Ester qui peuvent s'échapper de leurs corps et ne pas participer à la avéra, donc lorsqu'il y a à sauver des vies, des corps, on peut dire la fin justifie les moyens.

6 POUR COMPRENDRE LE MEIRI NOUS AVONS BESOIN PASSER PAR HUSSERL ET SARTRE

Le Meiri dit donc que la conscience peut se dégager du corps et qu'il y a une sorte d'existence du corps qui échappe à la morale et à la conscience. Pour comprendre cette idée il faut passer par Husserl, vous allez voir, c'est simple.

Que dit Husserl? Il dit que la conscience c'est toujours la conscience de quelque chose, on ne peut pas envisager de prendre conscience de rien. ce à quoi Sartre ajoute, donc la conscience c'est le néant, cela ne veut pas dire que la conscience c'est rien, cela veut dire que la conscience en elle même est toujours dans une situation d'infinie liberté de choisir de prendre conscience de telle ou telle chose, ou de telle ou telle manière, c'est une argile fluide qui peut se former et se déformer en toute liberté, (la différence fondamentale entre Husserl et Sartre c'est que Husserl parle de la conscience uniquement comme mode de connaissance, car il est spinoziste, alors que Sartre parle de conscience comme existence propre de l'homme car il est cartésien), le talmud prend parti pour Sartre lorsqu'il dit que la conscience morale de la femme dans le cas d'Ester ou de Yael peut échapper complètement a son corps, il est dans une infini liberté .

7 PEUT ON S'HABILLER SANS SE DEGUISER? POURQUOI ON SE SAOULE ET ON SE DEGUISE A POURIM?

Or une des implications de cette philosophie c'est que l'homme est toujours en train de jouer un rôle, il choisit d'être garçon de café et de jouer ce rôle, en fait le fait de choisir un comportement morale c'est déjà échapper à sa conscience, puisque lorsque l'on a choisi on est plus libre, si l'on suit une morale on n'est plus le "néant" qui est soi même et sa conscience, on joue un rôle si je veux faire les mitsvot je rentre dans le rôle écrit pour moi par D, mais je ne suis plus moi, c'est ce que dit Devorah, lorsqu'elle loue Yael, Sarah Rivkah Rachel Leah jouent le rôle de la tsadeket, alors que Yael et Esther échappe à ce scénario pour exister vraiment au moment de leurs choix, elles ont un niveau supérieur par ce qu'elles ont choisi. On peut remarquer que c'est à chaque fois des femmes (Yael et Esther) qui sont prises pour exemple de la fuite de la conscience de soi, car cette possibilité de fuite est beaucoup plus grande chez la femme que chez l'homme, c'est pour cela que la fête de pourim et plus la fête Esther que celle de Mardoche, c'est elle qui institue la fête, et la megilah est nommée à son nom par ce que pourim c'est la fête de la conscience libre qui dépasse le rôle. La relation à D dépasse donc la morale et l'esprit c'est une revalidation spontanée sur les corps, le reste n'est que déguisement, déguisement de D, en la nature ou du juste en rashah. Reprenons il y une partie de l'existence humaine qui échappe à la morale, cette partie c'est l'existence même du corps, à pourim toute la fête est basée sur l'exaltation du corps et la perte de la conscience de soi dans l'alcool, il faut se saouler jusqu'a ce que l'on ne sache plus, mon rav avait l'habitude de dire que le sens de cette mitswah nous l'apprenons de l'ânesse de Bilaam qui voit l'ange, alors que Bilaam ne le voit pas, parfois l’animal a une plus grande conscience de D que l'homme car l'esprit limite l'homme, pourim c'est sortir de cette limitation de l'esprit pour prendre conscience de la révélation de D qui dépasse l'esprit.

8 LA GUERRE D'AMALEK ET LA REMISE EN QUESTION DE CE RAPPORT

Mais est ce vrai? Est ce que naturellement l'homme a une conscience de D par son corps même?

Amalek prétend le contraire. Qui est amalek? Il est le premier à attaquer Israël, mais encore il n'attaque pas comme les autres ennemis de face, non, il attaque les faibles et les vieillards ceux qui traînent à l'arrière, ceux qui sont même moralement faibles puisque D ne les protége pas avec les colonnes de nuées, ce sont les idolâtres, les idiots qui n'ont toujours rien compris, Amalek pense que le faible n'a pas le droit de vivre. Amalek a une bible elle s'appelle "la généalogie de la morale", dans ce livre Nietzsche montre qu'il est contre la nature de l'homme de ne pas écraser le plus faible, et de se sentir redevable à qui que ce soit, pour lui la morale des hébreux et leurs religions c'est une haine de soi, une haine de sa force et de sa volonté de puissance qui régit la nature. Pour Nietzsche comme pour amalek, la nature est l'ennemie de D.

9 L'IDEE DU RENVERSEMENT "LE VENAHAFOH HOU"

La fête de pourim c'est la fête du renversement, c'est les juifs qui auraient du être massacrés et ce sont eux qui massacrent, on voit comment la pensée de Nietzsche est au fond très proche de celle du Meiri, les deux partent de l'existence irréversible incorruptible et inaltérable du corps, seulement le Meiri y voit une révélation de D, comme le midrash le dit qu'à chaque fois que le mot roi apparaît dans la meguila c'est de D qu'on parle, alors que Nietzsche et Amalek voient dans le corps le chaos. Ce que l'on peu dire en tout cas c'est que dans le règne animal le sadisme n'existe pas ni la perversion, si la lionne chasse c'est par ce qu'elle a faim et qu'elle veut nourrir sa famille, l'altruisme est la règle dans la nature, la violence n'est que l'expression d'une faiblesse; de la faim, de la douleur, de la peur, l'homme heureux ne se sent pas en conflit avec les autres au contraire. (Lire sur ce point les écrits de rav Eliaou Dessler 1er tome)

(Lorsque Sartre parle de la liberté individuelle qui est agressée par existence des autres je ne peux y voir que le symptôme de la paranoïa).

10 L'EXULTATION DU CORPS PAR LA DANSE ET LA MUSIQUE COMME RECONCILIATION DE L'HOMME AVEC SON ROLE

Je finirais par ce dernier point. (par ce qu'il faut quand même que je fasse une connexion avec la couverture du Newsweek de cette semaine) on pourrait demander une contradiction entre les versets en ce concerne l'échec de la royauté de Saul, d'un coté on nous dit que sa faute était d'avoir écouté la voix du peuple et de ne pas avoir exterminé entièrement amalek, c'est sur ce point que le prophète Samuel le sermonne, par contre lorsque Michal la fille de Saul sermonne David par ce qu'il danse comme un crétin de toutes ses forces devant l'arche sainte David dit en substance ceci "c'est par ce que ton père était un snob qui ne se mélangeait pas avec le peuple que D lui a enlevé la royauté", or ceci semble exactement le contraire du reproche de Samuel. la réponse vient du verset qui rapporte la parole de Samuel disant "si tu es petit à tes yeux saches que tu es le chef des tributs d'Israël", en fait Saul joue un jeu, (comme Josef et Esther et les descendants de Rachel) il joue le grand roi dédaigneux mais en fait au fond il se sent étranger à ce rôle, il se sent petit, c'est ce qui résout la contradiction entre les reproche de David et ceux de Samuel mais lorsqu'un homme ne se sent plus en phase avec son rôle social, et qu'il sent qu'il est en train de jouer un rôle qui n'est pas le sien, ce qui arrive c'est la dépression, c'est ce qui se passe avec Saul et "le mauvais esprit" qui l'attaque, il est déprimé, ce qui le sauve de la dépression c'est la musique de David, celui qui danse et chante de toute sa force, par la danse et la musique l'homme peut opérer un retour à la conscience première de lui même, de l'harmonie qu'il y a entre lui même et l'univers, (le narcissisme ontologique de Spinoza) tout en se dégageant de toute finalisme c'est un des message de pourim et une des manières de détruire Amalek (Abrabanel remarque qu'il n'y avait pas de musique dans le banquet d'Ahasverosh bien qu'il ne manquait rien d'autre et il dit que toute les fautes des juifs durant ce banquet découlent du fait qu'il n'avait pas de musique).

Annexes:

1) D commande à Moshe de combattre Amalek pour sauver ceux qui sont dans l'erreur les juifs idolâtres qui ne sont pas protégés par les colonnes de nuée, pourquoi? Si D veux les sauver il n'a qu'à le faire lui même, mais D ne peut pas parce ces juifs n'ont pas le mérite être sauvés. Qu'est ce que ça veut dire? Ca veut dire que même si ces juifs étaient coupables D ne pouvait pas accepter qu'ils soient massacrés sauvagement par la race des seigneurs, et si D ne peut rien faire c'est l'homme qui devient responsable du massacre

2) LOSQUE L'ON PARLE DE YAEL ET D'ESTER QUI ECHAPENT A LEURS CORPS, EST CE DE LA MAUVAISE FOI? Sartre dans être et le néant dans le passage où il nous montre qu'il était un vrai professionnel de la drague, lorsqu'il nous parle de la fille qui se laisse draguer en laissant sa main dans celle du type, comme si elle était plus consciente de ce qu'elle faisait et qu'elle s'échappait de son corps, vers les plus hautes sphères des sentiments les plus complexes et les plus profondes, parle de mauvaise foi de la part de la fille, car en fait on ne peut pas ne pas être conscient de ce que l'on fait avec son corps. Cette critique, même pour Sartre, ne peut s'adresser à Yael ou à Ester car Sartre ne reproche pas aux femmes de quitter leurs corps quand elles veulent, mais il reproche plutôt le fait de faire semblant ne pas être consciente de le faire, comme si elles ne l'avaient pas décidé et qu'elles n’étaient que passives, or Ester et Yael sont conscientes de ce qu'elles font et de leurs décisions.

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