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  • Writer's pictureRav Uriel Aviges

Mikets 5774

Dans ce cours nous parlons de la necessite d'un certain degres de malhonnetete dans les rapports humains, souvent c'est par ce que l'on sait que l'on ne peut pas etre honnete avec les autres que l'on peut rester soi-meme.

C'est une des leçons qui ressort de l'histoire de Josef et de ses freres.

Le personnage de Josef est énigmatique à plus d’un titre ; on ne sait pas s’il aime vraiment ses frères ou s’il les déteste, on ne sait pas s’il aime son père ou s’il le soupçonne d’avoir été a l’origine du complot de sa vente. Mais, ce qu’il y a de plus énigmatique chez Josef, c’est le fait qu’il soit demeuré un juste, c'est-à-dire un juif attaché a  la torah et a ses valeurs morales, alors qu’il détenait un pouvoir absolue a vie, sur le pays le plus puissant  et le plus corrompu du monde. Il est très difficile de comprendre comment Josef a-t-il put résister a toutes ces influences et toutes ces tentations.

Pourtant, le parcours de Josef aurait du le pousser à toutes les débauches. C’est un homme qui a passé sa jeunesse en prison, en en sortant il aurait du être comme le marquis de Sade, rempli d’un désir de revanche sur la vie, il aurait du vouloir jouir de la vie et rattraper le temps perdu.

 Aujourd’hui, aucun dirigeant politique ne peut être comparé a Josef, ces dirigeant sont élus pour un laps de temps assez court, ils sont soumis a des contre-pouvoirs, et cependant, la plus part de ces dirigeants deviennent malhonnêtes, et on peut dire qu’ils sont presque tous paranoïaques. Josef reste roi pendant 80 ans, et il garde les pieds sur terre sans être happé par son pouvoir et sa position. Comment comprendre un tel phénomène qui reste unique dans la bible. Les autres rois d’Israël vont toujours finir par perdre leur haute stature morale lorsqu’ils s'installent au pouvoir, Saül, David et Salomon, sont les exemples les plus connus. Les rois d’Israël qui restent pieux jusqu'à la mort sont des souverains dont le pouvoir est fragile et faible, (Ézéchias et Josias). Comment comprendre que Josef garde le pouvoir en l’assumant, tout en restant intègre moralement ?

La réponse cette question se trouve dans les versets suivants. Après la mort de Jacob, dans la parasha de vayehi, les frères de Josef ont peur que Josef se venge d’eux.  Ils disent: «Or, les frères de Joseph, considérant que leur père était mort, se dirent: "ah ! Si Joseph nous prenait en haine! S'il allait nous rendre tout le mal que nous lui avons fait souffrir!" ». Dans ces versets, la tournure traduite « ah si ! » n’existe pas, on l’a traduite de cette manière pour que le texte paraisse cohérent. Dans la torah c’est la locution « Lou » qui est utilisé, elle devrait se traduire « pourvu que », littéralement les frères semblent souhaiter la haine de Josef en disant « pourvu que Josef nous haïsse » , le baal hatourim (16 Emme siècle)  cherche a donner un sens a ce verset  : « Pourvu que Yossef nous haïsse, et qu’il nous rende le mal que nous lui avons fait, car nous, en voulant lui faire du mal, nous avons causé a ce qu’il soit roi en Égypte, pourvu qu’il veule nous faire la même chose ! »

Évidement, ce commentaire est étrange, car ce n’est pas, par ce que les frères ont vendu Josef, qu’il est devenu roi en Égypte, c’est plutôt malgré le fait qu’il ait été vendu par eux, qu’il est devenu roi. L’esclavage de Josef et son emprisonnement ont retardé l’avènement de Josef au pouvoir.  A priori, la haine des frères pour Josef n’est pas la cause de sa réussite !

Cependant, on peut interpréter ce verset de la manière suivante. Si Josef arrive à rester lui même malgré le pouvoir qu’il reçoit et malgré toute sa réussite, si son pouvoir est une bénédiction et pas une malédiction, c’est justement, par ce qu’il se sait haï par ses frères. 

La haine des frères est importante pour Josef, elle est une bénédiction, elle lui permet de cerner sa propre identité, c’est pour cette raison, que Josef entretient savamment une relation trouble avec sa famille, qu’il ne cherche pas leur amour. Paradoxalement, le fait d’entretenir une relation obscure, douce amère,  avec ses frères, permet à Josef de se retrouver lui-même. 

Le talmud dans le traite de yomah (22b) dit «rav  yehudah dit au nom de rav : pourquoi le roi Saül a-t-il été puni ? C’est par ce qu’il a pardonné les affronts qui lui avaient été fait.» en effet, les versets disent (Samuel 1 12) « Et Samuel dit à tout le peuple: "Voyez-vous qui le Seigneur a choisi? Il n'a point son pareil dans le peuple entier." Et tous l'acclamèrent, en criant: "Vive le roi!" 25 Samuel exposa au peuple les conditions de la royauté, et les consigna dans un document qu'il déposa devant le Seigneur; puis il renvoya tout le peuple à ses demeures. 26 Saül aussi s'en alla chez lui, à Ghibea, accompagné d'un groupe d'hommes dont Dieu avait touché le cœur. 27 Mais il y eut des hommes pervers qui dirent: "Quel bien celui-là peut-il nous faire?" et ils le méprisèrent et ne lui offrirent point de présents. Saül s'y montra indifférent. » « Le peuple dit à Samuel: "Qui donc disait: Saül régnerait-il sur nous? Qu'on nous livre ces hommes, nous voulons les mettre à mort!" 13 Mais Saül dit: "On ne doit faire mourir personne en ce jour, car aujourd'hui l'Eternel a procuré la victoire à Israël." »

Le talmud objecte, « mais comment peut on reprocher a Saül d’avoir pardonné, pourtant, la torah interdit de se venger, puisque le verset dit « ne te venge pas et ne sois pas rancunier » le talmud répond «  il faut pardonner si un homme a causé un dommage financier, mais pas si on a souffert dans son corps ou dans son honneur ». Puis, le talmud conclut, qu’il faut pardonner uniquement si l’autre vient s’excuser, mais si l’autre ne s’excuse pas, il est interdit de lui pardonner, surtout dans le cas ou c’est D qui met l’autre entre nos mains. 

Les commentateurs  du talmud expliquent, que si un homme nous a causé un dommage physique ou sentimental sans s’excuser, et que plus tard, D. nous met dans une situation ou l’on peut se venger. Ne pas tirer avantage de cette situation c’est blasphémer contre la justice de D. Car D veux que la justice soit appliqué dans le monde, c’est pour cette raison qu’il nous donne l’occasion de nous venger, ne pas appliqué la vengeance, c’est enfreindre la volonté de D.

Si on applique la règle du talmud a l’histoire de Josef et ses frères, Josef n’aurait jamais du pardonner a ses frères vu qu’ils ne se sont jamais excusés. 

Or, le Zohar dit que Josef ne s’est pas vengé de ses frères. En effet le zohar dit : « Et Yossef qui connaissait la thora, lorsque ses frères sont tombés entre ses mains, pourquoi leurs a t il fait subir tout cela ? Il connaissait pourtant la torah qui disait « ne te venges pas et ne sois pas rancunier » ?

 En fait, il a fait tout cela pour que les frères ramènent benjamin et qu’ils fassent techouvah, et Yossef n’aurait jamais laissé tomber ses frères, puisque l’on voit qu’il a fait remplir leurs sacs de provision en remettant de l’argent dedans. »

Pour le Zohar, il semble que Josef n’a jamais voulu se venger de ses frères et qu’il leur a pardonné, pourtant  à aucun moment les frères ne demandent  des excuses à Josef. Même lorsqu’ils ont peur que Josef se venge après la mort de Jacob, ils ne s’excusent pas directement, ils mentent comme le montrent les versets : « Or, les frères de Joseph, considérant que leur père était mort, se dirent: "Si Joseph nous prenait en haine! S'il allait nous rendre tout le mal que nous lui avons fait souffrir!" 16 Ils mandèrent à Joseph ce qui suit: "Ton père a commandé avant sa mort, en ces termes: 17 ‘Parlez ainsi à Joseph: Oh! Pardonne, de grâce, l'offense de tes frères et leur faute et le mal qu'ils t'ont fait!’ Maintenant donc, pardonne leur tort aux serviteurs du Dieu de ton père!". Or Jacob n’avait jamais rien dit de la sorte, car il n’était pas au courant de la vente de Josef. Comme le dit  rashi : Ton père a ordonné : « Ils ont altéré la vérité dans l’intérêt de la paix (Yevamoth 65b). Ya‘aqov n’avait jamais donné un tel ordre à Yossef ». les frères mentent et ils n’ont pas le courage ni le désir de s’excuser, alors pourquoi Josef ne se venge t il pas de ses frères ? ou plutôt, pourquoi Josef ne demande t il pas des excuses claires de la part des frères ? pourquoi Josef ne cherche t il pas a avoir un rapport transparent avec ses frères ?

Le fait est, que Josef a besoin de se sentir « ahi » par ses frères pour se retrouver lui même. Si Josef avait établi un relation honnête de confiance avec ses frères, il se serait complètement perdu. 

Pour comprendre cette  idée, prenons un exemple concret. Celui d’un  homme  très riche et très généreux avec ses amis et sa famille.  Il est évident que la générosité de l’home riche, fausse le rapport qu’il a avec les autres. Le donateur ne sait pas si on l’aime pour lui même ou si on l’aime pour son argent. Ici, l’homme généreux a le choix entre deux options. Soit il clarifie le plus possible la relation qu’il a avec sa famille et ses amis en étant le plus honnête et ouvert possible avec eux, et en attendant la même chose de leur part, soit, il reste dans le trouble tout en étant conscient de la facticité relative du rapports qu’il a avec les autres.

 Si l’homme généreux choisit la première solution, celle qui parait être moralement la meilleure, et la plus droite, que va-t-il se passer ? Si le don matériel fait aux autres se double d’une relation sentimentale ouverte et honnête, alors, le riche risque de s’identifier a son argent. Le trouble qui existait dans la relation qu’il avait avec les autres risque de se déplacer vers la relation qu’il a avec lui même. Lorsqu’un homme généreux crée une relation sentimentale ouverte avec ceux qui dépendent de lui, il risque de se perdre lui-même en s’identifiant à sa richesse.

Par contre, si l’homme généreux laisse une certaine distance et un certain trouble dans sa relation avec les membres de sa famille et ses amis, dans ce cas, l’homme riche arrive facilement à garder une distance et une clarté par rapport a sa richesse. Le riche sait qu’ « il n’est pas  son argent ».  Le malaise que crée sa richesse dans le rapport aux autres, l’oblige à se retrouver lui même. La générosité oblige a une sorte de solitude, et cette solitude permet une redécouverte de soi et une clarification du rapport entre ce que l’on est  et ce que l’on a acquis.

Ce qui est vrai pour l’homme riche est vrai pour le savant qui enseigne un savoir, ou pour un artiste ou un chanteur. Celui qui donne doit nécessairement créer une certaine distance entre lui et les autres s’il ne veut pas lui même s’identifier et se perdre dans la marchandise qu’il donne.

Ainsi Josef choisit de garder un certain trouble dans sa relation avec sa famille pour pouvoir rester en contacte avec lui même, pour ne pas être happé par son propre pouvoir et sa position de roi.

2- voir D à travers l’homme

Dans le texte précédent nous avons expliqué que Josef entretient une sorte d’opacité dans le rapport a ses frères, et nous avons vu que c’est grâce a ce « trouble » qu’il arrive à se retrouver lui même sans s’identifier a sa fonction sociale. Dans le paragraphe suivant nous allons montrer le rôle de D dans cet écran de fumé que Josef projette entre lui et les autres.

Dans la parasha de vayehi Jacob semble se  prosterner à son fils Josef. Normalement il est interdit de se prosterner à un homme, à plus forte raison à son fils. Pourtant les versets disent : « Les jours d'Israël approchant de leur terme, il manda son fils Joseph et lui dit: "Si tu as quelque affection pour moi, mets, je te prie, ta main sous ma hanche pour attester que tu agiras envers moi avec bonté et fidélité, en ne m'ensevelissant point en Égypte. 30 Quand je dormirai avec mes pères, tu me transporteras hors de l'Égypte et tu m'enseveliras dans leur sépulcre." Il répondit: "Je ferai selon ta parole." 31 Il reprit: "Jure-le-moi" et il le lui jura; et Israël s’inclina sur le chevet du lit. »

Les versets ne disent pas que Jacob s’est prosterné à Josef, ils disent que Jacob s’est prosterné au chevet du lit. Rashi explique, en citant le midrash, « A la tête du lit : Il s’est tourné vers la chekhina. D’où l’on apprend que la chekhina se trouve au-dessus de la tête d’un malade (Nedarim 40b) »

On retrouve ici le rapport trouble que Jacob entretient avec son fils, d’un coté il fait semblant de se prosterner a lui, alors qu’en fait, son intention est de se prosterner a D. (on retrouve exactement le même scenario lorsque Jacob se prosterne a son frère essav, il semble se prosterner a essav, alors qu’en fait, le midrash dit, qu’il pense se prosterner a D).

Jacob voit D à travers les hommes, on retrouve cette manière d’envisager  D chez l’autre chez Josef, de manière beaucoup plus systématique et plus récurrente.

 Dans l’épisode ou Josef est désiré par la femme de Putiphar les versets disent « il s’y refusa en disant a la femme de son maitre : « vois, mon maitre ne me demande compte de rien dans sa maison et toutes ses affaires il les a remises en mes mains. Il n’est pas plus grand que moi dans cette maison et il ne m’a rien défendu sinon toi, par ce que tu es son épouse et comment puis je commettre un si grand méfait et offenser le Seigneur ? ». Josef refuse de fauter par ce qu’il ne veut pas se sentir coupable envers D, alors que son argumentation semblait plutôt indiquer une culpabilité envers Putiphar.

 Les versets montrent que Josef ne voit  l’autre que comme un reflet de la volonté de D. Lorsque Josef parle a ses frères il leur dit « Josef leur répondit : soyez sans crainte, car suis-je a la place de D ? Vous avez médité contre moi le mal. D l’a combiné pour le bien, afin qu’il arrivât ce qui arrive aujourd’hui, qu’un peuple nombreux fut sauvé ».

 Josef ne nie pas la mauvaise intention des frères, mais il ne se sent pas concerné par cette mauvaise intention, il ne voit pas le visage des hommes, il voit la main de D.

 Lorsque Josef interprète les rêves de pharaon il dit : « c’est D qui va garantir la sauvegarde de pharaon ». Josef ne se voit lui même que comme un instrument dans la main de D  et c’est de cette manière qu’il voit ses frères et les autres.

Lorsque Josef est béni par son père il est appelé « celui qui est séparé de ses frères », cette expression est reprise par Moshé lorsqu’il béni les enfants de Josef à la fin du livre de Devarim.

 Le mot utilisé est le mot « nazir », un mot a triple signification : celui qui est séparé, celui qui porte une couronne, celui qui est un ascète consacré a D. Josef porte une couronne par ce qu’il se sent séparé des hommes, il ne voit que D.

Il y a une discussion, parmi les maitres de la moral, a savoir si l’homme est redevable moralement a D uniquement, ou bien si l’homme est redevable d’abord aux autres hommes et ensuite a D.

 Maimonide pense que tout devoir moral doit  être envisagé uniquement comme un devoir envers D. L’homme doit aimer et aider son prochain, par ce que D l’a demandé et par ce que l’autre est une créature de D, donc un reflet de la volonté divine. Mais, l’homme ne doit rien a l’autre en tant qu’  individu, l’homme n’a aucun devoir envers l’autre en tant qu’être humain. L’homme a des devoirs envers le cosmos et ceux qui le composent, car le cosmos est la manifestation de la volonté de D, mais il n’a pas de devoir envers l’autre en tant que personne.

 Le rav yehudah Halevi et rashi considèrent que l’homme a des devoirs moreaux envers les autres hommes, et que le rapport au divin n’intervient que dans une deuxième temps, lorsque l’homme a remplit ses devoirs envers l’autre. 

 il apparait clairement que Josef est l’exemple de la morale « maimonidiene » il ne cherche pas l’autre, il ne cherche pas être honnête avec ses frères, il fait abstraction de la personnalité de ses frères et il n’envisage son rapport aux autres qu’en l’interprétant comme le reflet de la volonté de D. Josef fait même abstraction de lui même, il voit son action comme l’expression de la volonté divine.

Yehudah, par contre, envisage la morale comme un devoir envers l’autre, lorsqu’il parle a son père Jacob il dit : « laisse aller le jeune homme avec moi… c’est moi qui réponds de lui, c’est a moi que tu le demanderas, si je ne te le ramène pas et ne te le remets en ta présence je me déclare coupable envers toi » (vehatati leha). Ce verset fait échos au verset ou Josef parlant a la femme de Putiphar dit « je serais coupable envers D » (vehatati lelokim).

 Dans les bénédictions que Moshé fait a judah, lors de sa mort, il dit « écoute, seigneur le vœu de Juda en l’associant a son peuple » ceci s’oppose a ce que Moshé dit a propos de Josef en l’appelant « celui qui est séparé de ses frères.»

Josef parait moins sympathique que judah, il n’est pas aimé par ses frères, mais il est irréprochable moralement. Judah est plus humain et plus populaire, mais il fait des erreurs, judah protège benjamin mais il ne supporte pas Josef. D’une certaine manière, chercher l’autre et s’ouvrir a lui entraine de manière irrémédiable une imperfection morale. 

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