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Writer's pictureRav Uriel Aviges

Hoshana Rabba 5770

Le talmud dans Soucah 52 fait le récit de la simhat beth hashoevah, “la joie de la maison du puits” (à soucoth on faisait des libations d’eau sur l’autel, et chaque nuit la foule accompagnait les prêtres qui allaient puiser l’eau dans une rivière qui coulait au pied du mont du temple). C’était une fête immense qui avait lieu tous les soirs de soucoth, cette fête commençait à la tombée de la nuit et se terminait au matin. La mishnah décrit les danses et les orchestres qui se produisaient à cette occasion. Le talmud raconte qu’à cette occasion la foule était mixte, et que cela causait des problèmes d’ordre moral. C’est pour cela que plus tard les rabbins ont créé un système de séparation à l’aide d’estrades placées dans l’enceinte du temple. Ce système permettait de séparer les hommes des femmes puisque les femmes étaient en haut des estrades. Cependant le talmud questionne la légitimité de cette institution rabbinique, on sait en effet que le temple et toute l’esplanade avait été construite par Salomon, et nous savons aussi que Salomon avait reçu le plan du temple en détail dans un parchemin qui lui était tombé du ciel. Salomon, lui même, n’avait pas le droit de changer le moindre détail du plan qui lui avait été donné par l’esprit prophétique, comment peut-on donc comprendre que les sages se soient permis d’ajouter des cloisons, même provisoires, à la construction de Salomon ?

Le talmud répond que les rabbins ont trouvé un verset pour justifier leur innovation. Ce verset est un verset de Zacharie qui parle de la guerre de Gog le roi de Magog contre le messie. Le prophète prédit que le messie sera tué par Gog, et il raconte l’éloge funèbre qui sera faite au messieaprès sa mort, or dans cet éloge funèbre le prophète Zacharie spécifie que les hommes et les femmes seront séparées. Les rabbins ont donc fait le raisonnement suivant ils ont dit :“si déjà lorsque le messie va venir et qu’il n’y aura plus de domination du “yetser harah” (mauvais penchant) et que de plus les juifs seront entrain de porter le deuil, ce qui n’est pas propice à la légèreté d’esprit, malgré tout, la torah dit que les hommes et les femmes doivent être séparés à plus forte raison, dans nos générations ou le mauvais penchant prédomine, et qui plus est lorsque l’on fait une fête avec des danses et de la musique, il ya lieu de dire que les hommes et les femmes doivent être séparés.

On peut déjà s’arrêter sur ce passage de la guemarah, pour poser deux questions. La première porte sur la construction logique du texte, en effet le talmud n’a pas répondu à sa question de manière satisfaisante, car même si on admet qu’i il est nécessaire d’avoir une séparation entre les hommes et les femmes, la question initiale continue à se poser, pourquoi cette séparation ne fait pas parti du plan initial donné à Salomon? Cette omission par Salomon de la séparation ne peut pas être interprétée comme un oubli ou une erreur. Même si le raisonnement des rabbins est valide il n’empêche qu’ils n’ont pas le droit de rajouter quoi que ce soit à la construction du temple. (Cette question est de Tikvah Nadjari).

On peut poser une deuxième question sur le passage du talmud. Cette fois si sur la conclusion de ce passage. Le talmud semble penser, en s’appuyant sur la prophétie de Zacharie, que même si on fait abstraction du mauvais penchant, il n’en demeure pas moins nécessaire de séparer les hommes des femmes. A première vue on peut justifier cette idée du talmud comme étant le respect de la politesse. “Le dereh erets “ “l’étiquette universelle” veux qu’une telle séparation soit faite. Or, cette interprétation de la loi ne peut pas être juste, car le talmud dans Baba Batra dit qu’un rav est entré dans la grotte de Mahpelah et qu’il a vu là bas Avraham et Sarah qui se faisaient des câlins devant Eliezer, le rav a demandé à Avraham “n’est ce pas un manque de “dereh erets” et de respect de faire des choses comme ça devant tout le monde?” et Avraham lui a répondu, “non, puisque dans notre monde (celui des morts) le mauvais penchant n’a plus de prise, on ne peut plus considérer ces caresses comme un manque de dereh erets et un manque de pudeur”. On peut déduire la guemarah de Baba Batra que si le mauvais penchant n’existe plus, il n’y a pas lieux de séparer les hommes des femmes pour des raisons de politesse ou d’étiquette. Il faut donc comprendre pourquoi le prophète Zacharie pense que même lorsque le yetser harah n’existe plus, à l’époque messianique où l’on fera la shehitah au yetser harah, il n’en demeure pas moins nécessaire se séparer les hommes des femmes.

Avant de répondre à ces questions et avant de proposer une nouvelle interpretation du talmud, je vais apporter un passage du midrash rapporté par Nahmanide dans la parasha de Ki Tetse. Le verset dit que lorsque l’on rencontre sur son chemin un nid, et que la mère couvre les œufs ou lespoussins, il faut rejeter la mère et ensuite prendre les enfants. La torah promet pour l’observation de cette mitswah le rallongement de la vie et des biens faits. Nahmanide s’interroge sur l’importance que la torah donne à cette mitswah, en effet, comment comprendre qu’une mitswah si facile apporte une telle récompense. Nahmanide cite un midrash qui voit dans ce verset une allusion à la fête de soucoth. Le midrash dit que la mère dont il est question ici c’est “la grande intuition” “binah guedolah”, la mère qui engendre toute chose, lorsque tu rejetteras la mère qui est “la grande intuition” alors, seulement tu pourras posséder les enfants, qui sont les sept jours de la semaines et les sept jours de soucoth”. Qu’est ce que ce midrash veut dire ?

Pour comprendre ce midrash il faut savoir le mot “binah” qui veut dire intuition et qui veut dire aussi compréhension, à la même racine que le mot “bnyah” construction. En effet le midrash dit que l’intuition c’est “comprendre une chose à partir d’une autre chose”, c’est construire un raisonnement. D’autre part le chiffre 7 rapporté dans le midrash symbolise le chiffre parfait (le Maharal). C’est à dire que le 7 c’est le chiffre qui montre l’accomplissement d’un cycle. Le sept symbolise le système qui arrive à son aboutissement et à sa finalité. Le midrash qui lie l’intuition au chiffre sept doit donc s’interpréter comme parlant d’un plan (la bina) qui engendre par un mécanisme irréversible un aboutissement. La mère c’est la construction d’un système ou d’un mécanisme qui engendre une série de réalisation qui s’engendrent les unes les autres d’une manière irrémédiable.

Celui qui ne rejette pas le plan ne possède pas les fruits fécondés par ce plan. C'est-à-dire que l’homme qui est pris dans l’application d’une stratégie, ne peut pas posséder vraiment ce qu’il a créé s’il ne prend pas de recul face a cette stratégie constructive.

Lorsque l’homme est pris dans l’application de son plan, ses propres réalisations lui échappent, l’homme n’est lui même que le jouet de sa stratégie, il est possédé par une mère trop possessive. La soucah c’est le contraire de la construction. La torah dit “sort de la construction que tu t’es bâtie pour aller dans une maison provisoire”. Le midrash interprète la mitswah de la soucah comme une injonction de D disant “prends du recul face à la construction à ta vie, pendant les sept jours d’un cycle”. Par cette interprétation le midrash peut justifier la promesse du verset qui devient une évidence “et si tu fais cela, alors tu auras une longue vie et tu seras heureux”.

La fête de soucoth c’est la fête ou l’homme prend du recul face à la construction de sa vie. Ce recul ne se fait pas dans une contemplation muette de la nature. L’essence de ce recul face à la construction de la vie quotidienne vient par le fait que le juif s’identifie à un idéal spirituel, il s’identifie aux juifs qui allaient dans leurs soucoth pendant les fêtes de pèlerinage (Psaume 42). Le juif en allant dans la soucah s’identifie à une autre construction que celle de la quotidienneté, il s’identifie à la construction historique du peuple d’Israël. C’est à travers le balancement de ces deux constructions, celle de la vie personnelle et celle de la construction de l’identité spirituelle, que l’homme devient capable d’avoir un recul face à ces deux processus, pour en gouter les fruits. C’est le sens la loi qui dit que “celui qui souffre dans la soucah n’a pas à y rester”, même la construction spirituelle doit être prise avec du recul, et ce recul viens du refuge que peut être la maison solide du réel matériel.

Dans le psaume que l’on dit à soucoth (42) le deuxième verset dit “comme un “ayal” bouc qui hurle devant un cours d’eau, ainsi mon âme hurle devant toi D”. Il y a une anomalie grammaticale dans ce verset le bouc est un male mais le verbe “hurle” est conjugué au féminin. Rashi apporte de nombreux midrashim pour expliquer cette anomalie.

Mais le malbim donne une autre explication lumineuse, il montre que mot “ayal” ne veut pas dire “bouc” dans la bible lorsqu’il n’est pas mis en opposition avec son feminin “Rachel”. C’est à dire que le mot ayal n’est masculin que lorsqu’il est mis en opposition au feminin. C’est pour cela que dans le talmud une femme qui n’a pas de sein et qui a une voix grave est appelée une “aylonith” ce qui veut dire une “androgyne”, puisque le mot ayal est le terme qui dénote une identité sexuelle qui ne peut se définir que en opposition à celle d’un autre sexe.

Pourquoi nous parler du bouc androgyne à soucoth? C’est par ce que les sages veulent nous montrer que la détermination d’une identité même sexuelle c’est une construction, que l’on peut identifier la construction de son identité à la construction d’une maison ou d’une soucah. La construction de son identité est un processus toujours en progrès qui ne peut se définir que par opposition à un autre. L’homme peut se construire en tant qu’homme que si il est en face d’une femme, et la femme ne peut se construire en tant que femme que par opposition à un homme.

Même lorsque le yetser harah n’a plus de prise, il faut séparer les hommes des femmes, par ce que la construction de leurs identités respectives et leur progrès personnels ne peuvent se faire que dans un rapport de vis avis, et pour qu’il y ait vis à vis, il faut qu’il y ait une séparation.

Le rapport homme femme peut être un rapport de construction ou chacun se construit et grandit dans la symétrie à l’autre. Mais le rapport homme femme peut aussi être un rapport de régression. Une femme peut identifier son conjoint à son père et va vouloir devenir complètement dépendante et prise en charge. Un homme peut chercher sa mère dans sa femme et va vouloir revenir à l’état infantile. Qu’est ce qui fait que le rapport homme femme devient un rapport de progression et de construction, ou qu’il devient une régression?

Le talmud nous dit que ce n’est pas le conjoint qui fait la différence, c’est le rapport à la réalité. Si un homme a un rapport facile à la realite, par ce qu’il sait prendre du recul, et qu’il ne voit pas la vie comme un système qui le broie et duquel il doit s’échapper par le rêve, alors il aura un rapport constructif avec les autres. Par contre si un homme se sent broyé par le réel et qu’il n’y voit que de la routine, il cherchera dans l’autre une manière de s’évader et de régresser.

Par exemple, si une femme s’ennuie et qu’elle se sent prisonnière d’une routine ennuyeuse et répétitive, elle va chercher un homme qui lui permette de fuir de la réalité en la faisant rêver. Elle va chercher à fuir la réalité dans une régression infantile, elle veut que son conjoint la fasse sentir comme “Alice au pays des merveilles”. Si par contre la femme prend du recul face à “la grande intuition mère de toute chose” dont parle Nahmanide, et qu’elle arrive à voir la réalité d’une manière moins systématique, et plus complexe, en prenant du recul face au système dans lequel sa vie évolue, alors elle devient capable d’une relation constructive et non plus régressive avec l’autre.

On peut prendre un exemple parallèle du coté masculin, si un homme se sent enfermé dans un système de responsabilité rigide duquel il ne peut pas sortir, il va chercher le rêve dans le rapport à l’autre. Il va idéaliser les femmes ou les diaboliser, juste pour “se faire un trip”. Lorsque l’autre devient le prétexte à la fuite du réel on est dans une relation malsaine de régression.

C’est ce que le talmud que nous avons cité voulait dire, la soucah c’est le recul que l’homme peut avoir face a la construction solide de la réalité. Ce recul permet à l’homme de saisir la véritable beauté de la vie. La soucah est mise en parallèle par le talmud avec les estrades qui étaient utilisés pendant la simhat beth hashoevah. Ces estrades ne devaient pas faire partie de la construction du temple, car c’est uniquement lorsque l’homme peut prendre du recul face à la construction permanente, qu’il peut avoir un rapport sain avec les autres.

Le rapport entre les sexes est un rapport constitutif et constructif qui continue à avoir un sens même après la venue du messie, mais c’est justement par ce que c’est un rapport fondamental et essentiel, qu’il ne peut se créer qu’a travers une séparation. Car, ce qui rend le rapport hommefemme essentiel c’est le fait qu’il est une construction d’un soi toujours inachevé, mais cette construction ne peut se faire qu’à travers une symétrie et un face à face.

Question de David : Est ce que la question de Tikvah a été répondu?

Reponse du Rav Uriel Aviges :

J’ai répondu mais d'une manière difficile.

Ce que je pensais dire c'est que la séparation entre la femme est l'homme faite par les estrades ne devait pas faire partie du plan du temple de Salomon.  Le plan de Salomon représentait la construction éternelle et permanente que l'homme a construit pour D par contre, la bonne distance que l'on crée entre l'homme et la femme dépend de la distance qu'ils mettent eux même avec la construction permanente de la réalité. C’est grâce au recul face à la construction de la réalité que l'homme et la femme peuvent créer une relation harmonieuse. Il est donc normal que les estrades qui mettaient la distance entre les hommes et les femmes ne fassent pas partie du plan de Salomon.

Ce qui est difficile dans cette réponse c'est qu'elle n'apparait pas dans la guemarah, c'est pour cela que techniquement il faut expliquer que la guemarah demandait uniquement "Comment les rabbins ont-ils pu rajouter une partie au temple?", ce a quoi le talmud répond par le verset de Zacharie. La deuxième question, celle de Tikvah, "pourquoi Salomon n'a pas intégré cette construction dans son plan?" n'est pas abordée par le talmud, ceci nous donne donc la possibilité de dire la reponse allégorique que nous avons donnée.

Techniquement ça marche mais ça reste faible, par ce qu'il est difficile de comprendre pourquoi le talmud n'a pas posé la question de Tikvah. Mais disons que ce raisonnement est assez solide pour être une construction temporaire qui tiendra jusqu'a l'année prochaine.

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