Féminisme, homosexualité et l’intégrisme religieux
La légalisation du mariage homosexuel a mis à jour les conflits opposants les courants idéologiques à la mode. Les féministes de femen ont manifestées les seins à l’air devant le cortège des catholiques intégristes, Dantzig et Olivier PDA ont envoyés des salves peu aimables au grand rabbin Bernheim dans les colonnes du monde, prétendant défendre les valeurs républicaines de l’état de droit et le Beth Haverim, (groupe juif gay et lesbien de France) s’est même mis à la Kabale pour l’occasion. Bref, on a eu droit au cirque habituel des grands débats.
Bien que tous ces courants de pensée se soient opposés les uns aux autres, au fond ils se ressemblent beaucoup. Ils ont tous un dénominateur commun. C’est justement grâce à ce point commun qu’ils peuvent se croiser et s’opposer, si ils n’avaient pas ce tronc commun, tous ces vecteurs seraient parallèles et ils ne se rencontreraient jamais.
Ce point commun, c’est la manière d’envisager l’individu comme étant avant tout le produit d’une époque ou d’une culture. Pour tous ces courants l’homme est « à construire », il est malléable. Les intégristes religieux passent leur temps à citer des passages de la bible de la halacha ou de la charia, ces citations font office de démonstration, elles doivent être mises en pratique d’une manière radicale et indiscutable. (Le Ben Ich Hay a dit …. Maimonide a dit…. Jaques a dit a dit… « Chapeau noir ! ».) Il n’y a pas à discuter la loi de D ! L’homme doit obéir et se conformer.
Au fond, pour les intégristes, la nature humaine n’existe pas, elle est, en tout cas, parfaitement malléable et soumise à la volonté de la loi.
De même, les féministes pensent, pour la plus part, qu’il n’y a pas de différences entre les femmes et les hommes à proprement parler, il n’y a que des comportements sociaux féminins ou masculins qui pourraient être inter-changés sans jamais s’opposer à une nature préexistante et incompressible qu’il ne faudrait pas contrarier. Pour les féministes comme pour les religieux la nature humaine est à construire, c’est une invention.
Les homosexuels pensent la même chose, il n’y aurait pas d’orientation naturelle sexuel chez l’humain le désir ne serait que le fruit d'une construction personnelle et d'un choix.
En ce qui concerne l’idéologie qui se cache derrière la défense des valeurs républicaines de l’état de droit, l’individu que le droit est censé défendre, c’est un individu sans aucun attribut, complètement neutre et anonyme, parfaitement adapté à une société homogène et raisonnable. Tous ces courants de pensée nient l’existence d’une nature humaine innée et incompressible.
En fait, le débat sur l’homosexualité montre le triomphe de la pensé post moderne de Foucault et de Liotard et le naufrage de la pensé existentialiste de Sartre et d’Heidegger.
Mais, contrairement à ce que pensaient Foucault, et Liotard, le naufrage de l’humanisme n’a pas été causé par la fin des grands récits, puisque l'on observe au contraire la résurgence des grands récits fondateurs, (le plus incroyable et le plus improbable étant celui du big bang.) ce qui a causé le naufrage de l’humanisme c’est le « progrès » scientifique.
A partir du moment ou l’humain peut se reproduire sans avoir de rapports sexuels, par la fécondation in vitro, ou par le clonage, il est évident que la signification existentielle des rapports sexuels et ceux du mariage et de la filiation change. Or, tout le monde anticipe déjà d’autres changements à venir où l’on pourra sélectionner les naissances en fonction de la race et de l’intelligence de la cellule souche que l’on choisira, tout le monde sait, que même cette étape, que l’on envisage à peine, sera dépassée elle aussi par une autre étape que l’on ne peut même pas imaginer. De facto, le progrès scientifique place l’humain dans une situation évolutive rapide qui l’empêche de considérer qu’il possède une essence propre, non malléable. Le progrès scientifique nous pose dans l’ère du post humanisme ou du trans humanisme, c’est cette posture qui rend les pseudo-débats actuels possibles.
Le rabbin Bernheim et monseigneur André vingt trois ont du mal à tenir un discours cohérent pour justifier leur position face au mariage homosexuel, par ce qu’ils ne s’opposent pas a la procréation assistée aux banques de sperme et aux dons d’ovules. Ils ne peuvent pas dire que l’enfant doit avoir un rapport de filiation avec ses parents, alors qu’ils autorisent déjà le don de sperme ou d’ovaire anonymes aux couples hétérosexuels mariés. Ils disent « on ne doit pas considérer l’enfant comme un objet », très bien, mais alors, comment peut-on permettre aux couples stériles de féconder des œufs anonymes ? Le seul argument qui justifierait leur position consisterait à dire que les homosexuels sont incapables d’élever des enfants, or ils ne peuvent pas le dire, par ce que ce n’est pas vrai et surtout par ce que ce n’est pas politiquement correcte.
Les innovations de la médecine nient de facto l’essence de l’humain. De ce fait l’individu, n’est plus qu’une molécule malléable sans attributs définitif, il n’est plus que le produit d’une société ou d’une loi qui le défini. L’individu n’est plus le but de lui-même, il est devenu l’instrument d’une société ou d’un progrès toujours à venir.
Le fait d’être réduit à être un « instrument » est très dur à vivre, c’est pour cela que l’on assiste à un retour en masse vers la religion et le conservatisme moral. Tous ces mouvements réactifs à la modernité n’ont aucune solution à proposer, ils s’accommodent de la nouvelle donne « post-humaniste », ils cherchent uniquement à calmer l’angoisse des individus en leur faisant croire que rien n’a changé et en proclamant que tout doit rester comme avant. Ce retour à la religion a les mêmes effets qu’un cachet d’aspirine que l’on donnerait à homme atteint d’une tumeur au cerveau (has vechalom), il calme la douleur momentanément, mais il ne résout rien.
De plus, l’humanisme et l’existentialisme se sont effondrés pour une deuxième raison. Ces idéologies étaient arrivées à une impasse théorique, elles n’arrivaient pas à donner un sens à l’existence humaine. Pour Sartre, si l’homme a le choix, alors toutes les décisions se valent et tout est absurde. Il y a un fossé entre l’existence telle qu’elle est perçue au delà du langage et de la raison et le sens intelligible des mots et de la morale. En bref, si l’homme existe et qu’il a une essence inaltérable et non malléable, alors cette essence est au-dessus de la raison et du langage, elle est donc absurde. Pour les humanistes modernes l’homme existe mais il est absurde. Or, si il est difficile pour l’homme se percevoir comme un instrument, il lui est encore plus difficile de se sentir vide de sens.
Le malaise de la société, dont les pseudo-courants idéologiques cités sont les symptômes, est l’expression de l’impasse devant laquelle l’homme moderne se trouve, il est devenu impossible pour lui de donner un sens et une importance quelconque a sa vie. L’homme n’est plus rien et il ne peut pas espérer devenir plus.
Mais la torah nous donne la solution. Le midrash Rabah (genèse chapitre 44) dit « les mitsvoth ont uniquement été données pour purifier l’homme, en effet quelle différence cela peut faire à D si on abat l’animal par la gorge ou par la nuque? ». Ce midrash nous apprend, que d’une certaine manière, les mitsvoth n’ont pas de sens transcendant. Pour D, cela ne fait aucune différence si l’homme mange cacher ou non, si il tue ou si il vole, l’enjeu des mitsvoth est avant tout humain.
Ce passage du midrash semble s’opposer à un autre passage de la torah, ou au contraire D est décrit comme étant astreint à la loi et incapable de s’affranchir lui-même de la torah. Le talmud dans Berahot nous dit que D met lui-même les tefillines et qu’il observe les interdits du jour du chabath. Ces contradictions, nombreuses dans la littérature rabbinique, expriment un double aspect de D dans le judaïsme.
D’un cote, D est « celui qui n’a pas de début » c'est-à-dire il est celui qui existait avant la création du monde, avant les choses et les mots, avant l’homme, le discours et le sens. L’interdiction dans le judaïsme de représenter D découle de ce fait. D est l’ « un » qui est avant la fragmentation de la création. Il est l’énergie qui a actionné le big bang (si on veut utiliser un langage moderne.) D est avant le temps, il est éternel. Cette énergie qui dépasse la matière est encore présente après la création de la matière. Elle continue à motoriser l’univers vers une certaine direction.
Cette énergie c’est un aspect de D, on ne peut rien en dire. On ne peut pas le définir, par ce qu’il existe avant le langage, pour cet aspect de D la torah n’a aucun sens. Pour « ce D » cela ne fait aucune différence si l’homme vole ou tue, mange cacher ou halal.
Paradoxalement, dans la torah, c’est uniquement ce D que l’on doit servir, il n’y a qu’à lui qu’on peut prier. Ce D est très proche de nous, il est en nous, il suffit de fermer les yeux et d’imaginer le vide pour se retrouver en face de lui, en face de celui qui a décidé de créer l’univers, de celui qui continue à le faire exister. Les kabbalistes disent que si un homme prie en adressant sa prière au tétragramme, il est proche de l’idolâtrie, car D est au dessus de l’écriture des lettres, il est au dessus de son nom. Lorsque l’homme prie il doit uniquement avoir en tête le vide qui existait avant la création du monde, et c’est à travers ce vide qu’il se retrouve face à face avec D. C’est à travers ce vide qu’il doit adresser sa prière au D qui n’a pas de commencement.
Cependant, il y a un autre aspect de D, c’est celui qui fait chabath et qui met les tefillines, c’est le D de la loi, le « méta-tyran ». Le D du tétragramme est « celui qui n’a pas de fin », c’est l’aspect de D qui se dévoile à travers l’histoire et la culture d’un peuple, d’une famille ou d’un individu. C’est le D qui a demandé à Abraham de quitter sa famille et de se circoncire, c’est le D qui a fait sortir les juifs d’Égypte en leur donnant la loi de la torah, c’est le D du sens et de la culture. C’est le D qui s’inscrit dans un discours cohérent, qui apparait aux prophètes sous la forme d’un homme. C’est le D qui se révèle à travers l’histoire et l’esprit humain.
Tous les jours en disant le « chema Israël » nous disons que le D du tétragramme et celui dont on ne peut pas dire le nom sont une seule et même chose, qu’ils sont « un ». Le but de l’être humain et du peuple d’Israël, le but de l’histoire, c’est de réunifier les deux aspects de D, de créer une symbiose entre la nature et la culture, entre la raison et la matière, entre l’essence et l’existence.
La techouvah, « le retour » est toujours un retour vers l’origine du monde, le trône céleste. A travers la pratique de la loi, l’homme arrive à unifier l’origine préverbale de sa nature et sa rationalité. Le talmud dit « la sortie d’Égypte aurait eu un sens, même si le seul interdit de la torah eu été celui de ne pas manger des fruits de mer, par ce que l’on répugne à les manger ».
Que veut dire le talmud ? Il veut expliquer le sens général des mitsvoth à travers l’exemple des interdits alimentaires. Le respect continu des interdits alimentaires de la torah changent la perception naturelle de l’homme avec les aliments. Puisque la torah a interdit les fruits de mer, les juifs pratiquants ressentent une répulsion naturelle envers ces aliments.
Cette répulsion nait de l’habitude, elle est le signe d’une symbiose entre la nature et la culture. Par le respect de la culture l’homme sculpte sa nature et s’identifie à elle.
Lorsqu’un homme transgresse un interdit volontairement, il casse le lien qu’il y avait entre son corps et sa raison, il déconnecte son esprit de son corps. Il brise le lien qui existait entre la partie qui n’a pas de commencement en lui, sa nature préverbale, et la partie qui n’a pas de fin, sa culture.
La techouvah répare la faute par ce qu’elle est un « retour » à l’état original d’avant sa propre création. La techouvah est un face à face avec le créateur qui n’a pas de début, un face à face avec son essence préverbale.
Le peuple d’Amalek est étymologiquement le peuple qui fracture la colonne vertébrale de l’humanité, alors que, par opposition le peuple d’Israël est celui qui reste constamment lié à l’origine. Par son attachement à la torah, par son rejet de l’évolution de la loi, le peuple juif constitue la colonne vertébrale de l’histoire. Le peuple d’Israël est celui qui lie ce qui n’a pas de fin avec ce qui n’a pas de début. Il fait le lien des tefillines de la tête avec le corps. Le peuple juif veille à ce que la nature ne se détache pas de la culture.
Donner un sens à sa vie c’est intégrer une culture à l’intérieur de soi, au point où sa sensibilité naturelle réagit en fonction de cette culture. Cette intégration n’a pas pour but de nier la nature présente de l’individu, en l’obligeant à revivre constamment un passé révolu. Au contraire, le but de cette intégration est de donner un sens au progrès à venir, car le futur ne peut avoir un sens que si il peut se lire aussi de droite à gauche, comme une volonté de revenir à son origine. L’homme disparait et devient un instrument du progrès, s’il suit le progrès, même lorsque ce dernier renie son origine et sa culture. Pour que le progrès ait un sens il faut qu’il s’inscrive dans des repères symboliques inamovibles eternels.
Je vais revenir à des choses plus terre à terre. Deux milliards de personnes ont regardé le mariage de Kate Middleton avec le prince Charles, pourquoi ? Que signifie encore aujourd’hui le mariage ? Que représente la famille royale anglaise ?
Pour répondre à cette question je vais citer un passage du talmud à propos du mariage homosexuel. Le talmud dit « les non croyants existent uniquement par le mérite de deux choses. Ils ne célèbrent pas de mariage homosexuel et il ne mangent pas la chair des cadavres de leurs parents ». On pourrait s’étonner sur le lien que le talmud établie entre le mariage homosexuel et le fait de se nourrir de cadavre. Pourtant l’analogie est pertinente, si un homme suit la raison, il devrait considérer comme un devoir le fait de manger la chair de ses parents, écologiquement c’est le recyclage le plus logique.
Or, les non croyants gardent une certaine fidélité à leur passé et ils s’interdisent de manger la chair de leurs parents. Les non croyants, eux aussi, ont intégré certains interdits culturels. Dans une certaine mesure, les non croyants aussi relient, à travers l’histoire, la nature et la culture, ils ont donc aussi un lien avec le tétragramme, ils peuvent donc exister d’une certaine manière.
Le fait de ne pas prononcer des mariages homosexuels s’apparente au fait de ne pas manger la chair de ses parents, car la raison ne peut pas justifier l’interdiction du mariage homosexuel, comme elle ne peut pas justifier l’interdit de manger la chair de ses parents. C’est simplement par respect à la tradition ancestrale et par ce que les non croyants ont intégré une certaine fidélité à leur histoire, qu’ils s’interdisaient de faire ces cérémonies.
La cérémonie du mariage est un symbole qui relie le futur au passé, qui donne un sens à l’histoire de l’individu. Le mariage de la princesse reste un symbole fort, par ce qu’il symbolise la symbiose de la nature et la culture à travers l’histoire. Changer les fondements de cette institution constitue une fracture dans la colonne vertébrale de l’histoire de l’humanité. La raison ne peut pas l’interdire, mais on ne peut le permettre que si l’on renie le fondamentalement l’existence de la nature humaine.
Question d’un élève : Néanmoins Bernheim ne se focalise pas sur l’enfant-objet. Le gros de son argumentation est l’existence d’une différence/complémentarité homme-femme que l’on ne pourrait nier. http://www.grandrabbindefrance.com/sites/default/files/ESSAI-HOMOPARENTALIT%C3%89-GILLES-BERNHEIM.pdf
Mais le Maharal de Prague explique dans le Guevourot Hachem que Moshe était plus grand que Isaac parce qu’il avait été élevé par deux femmes Joceved et Bityah et qu’il ne connaissait pas sa mère, de plus le talmud donne l’exemple d’Esther élevée par Mardoché le verset dit Mardoché était pour elle une mère le talmud interprète que des seins avait poussés à Mardoché pour allaiter Esther. On voit bien que le talmud pense qu’un homme peut être une mère, beaucoup d’orphelins ont été éduqués dans des orphelinats sans mère ou sans père. Tous ces arguments qui disqualifient les homosexuels ne tiennent pas la route.
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