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  • Writer's pictureRav Uriel Aviges

Haye Sarah 5772

Dans ce cours nous parlons de la divination, et de la difficulté pour l'homme de prévoir le futur par la logique. Eliezer cherche à deviner qui est la femme de Isaac par une divination. Maimonide pense qu'Eliezer a transgressé un interdit de la torah en faisant passer un test à Rebecca et en lui demandant de lui servir de l'eau. Mais d'autres rabbins pensent que dans certains cas la divination est permise et même conseillée, puisqu'elle permet à l'homme d'envisager le futur d'une manière irrationnelle et donc plus en phase avec l'irruption possible d'événements nouveaux, alors que la rationalité par contre se borne souvent à prévoir le futur comme une répétition du passé...

Le Prix de l'Election d'Israel


La torah nous raconte en détail l’enterrement de Sarah, mais elle ne raconte que de manière très allusive la manière dont Sarah et morte. Cependant les allusions des versets nous révèlent un terrible secret. Ce secret n’en sera plus un lorsque vous aurez lu la présente page. Mais, avant de vous le livrer, je ne peux pas m’empêcher de vous citer un très beau texte de Sacha Guitry sur la mort de Balzac.


« Si on voulait se faire une opinion sur l’attitude de madame de Balzac à l’heure où mourait son mari, il suffirait de rouvrir « choses vues » ce livre admirable de Victor Hugo. Le grand poète relate sa visite au grand romancier qui mourait. Il s’était rendu 14 avenue fortunée, là où demeurait Balzac et il raconte: « je sonnais on ne vint pas, je sonnais une seconde fois la porte s’ouvrit, une servante m’apparue avec une chandelle à la main. Elle pleurait, une autre femme vint qui pleurait aussi et qui me dit « il se meurt, Madame est rentrée chez elle, les médecins l’ont abandonné depuis hier, ils ont dit « il est perdu » puis ils ne sont plus revenus. Depuis onze heure il râle, il ne voit plus rien. Il ne passera pas la nuit ». On me fit entrer dans le salon. J’attendis quelques instants, Monsieur de Surville beau frère du grand homme entra. Il me confirma tout ce que m’avait dit la servante. Je demandais alors à voir monsieur de Balzac. Le lit était au milieu de la chambre, monsieur de Balzac était dans ce lit, il avait la face violette presque noire, inclinée à droite, la barbe non faite, l’œil ouvert et fixe. Je le voyais de profile et il ressemblait ainsi à l’empereur. Une odeur insupportable s’exhalait du lit, je soulevais la couverture et pris la main de Balzac, elle était couverte de sueur. Je la pressais, elle ne répondit pas à la pression, il mourut dans la nuit. Il avait 51 ans. » Peut être me direz vous que cette magnifique page de Victor Hugo n’a rien qui soit accablant pour madame de Balzac, et bien, nous ne sommes pas d’accord, car lorsque Victor Hugo vient saluer Balzac à son heure dernière, il est inadmissible que madame de Balzac ne soit pas là pour l’accueillir. Le plus grand romancier du 19ème siècle abandonné par les médecins et soigné par deux bonnes, est mort seul et il était marié ».

La mort de Sarah est très similaire à celle de Balzac, dans le sens où Sarah est morte seule abandonnée par son mari. Rashi nous apprend que si Sarah habitait Hébron, Abraham lui habitait à Béer Sheva, le verset dit en effet « et Abraham est venu à Hébron pour pleurer Sarah » ce qui implique qu’Abraham n’était pas à Hébron lorsque Sarah est morte. En fait Abraham vivait à Béer Sheva depuis 12 ans, on peut même avancer (je n’ai pas de preuve irréfutable sur ce dernier point) que pendant ces 12 ans à Béer Sheva Abraham a vécu séparé de Sarah qui vivait, elle à Hébron.

Certains commentaires (dont le Nahalath Yaacov, le plus grand rav polonais du 16ème siècle) vont même jusqu'à accuser Abraham d’avoir causé indirectement la mort de Sarah. En effet, lorsque Abraham retourne de Jérusalem après le ligotage d’Isaac, il ne retourne pas voir sa femme à Hébron, il rentre chez lui a Béer Sheva avec Itzhak. C’est pour cela que Sarah prend peur et qu’elle meurt d’une crise cardiaque lorsqu’elle apprend le ligotage d’Isaac de la bouche d’un étranger. Si Abraham était rentré chez lui après le ligotage d’Isaac pour annoncer son retour et celui de son fils, Sarah ne serait pas morte, dit le Nahalath Yaacov.

Le talmud dans Sanhédrin 46a dit qu’Abraham a mis du temps pour arriver à l’enterrement de Sarah, et on a du retardé l’enterrement de Sarah pour attendre l’arrivée tardive d’Abraham.

Il est notre tache de comprendre pourquoi Abraham vivait séparé de Sarah à Béer Sheva, et pourquoi il n’est même pas revenu après le ligotage d’Isaac rassurer Sarah. Pour cela il nous faut étudier le texte de la torah relatant l’existence d’Abraham à Béer Sheva.

Pour décrire le séjour d’Abraham à Béer Sheva la torah écrit « Abraham planta un bouquet d'arbres à Béer Sheva et y proclama le Seigneur, Dieu éternel. 34 Abraham habita longtemps encore dans le pays des Philistins.»

Rashi explique :  « Un bosquet (échel) : Rav et Chemouel sont en désaccord (Sotah 10a, Beréchith Raba 54, 6). L’un enseigne que échel était un verger producteur de fruits qu’il servait à ses hôtes pendant le repas, l’autre que c’était une auberge pour accueillir les passants, dans laquelle on trouvait toutes sortes de fruits. Nous trouvons le mot « planter » à propos de tentes, comme dans : « il plantera les tentes de son royal campement » (Daniel 11, 45).

Il y appela : C’est grâce à ce bosquet que le nom du Saint béni soit-Il a été invoqué comme D dans le monde. Après leur avoir offert à manger et à boire, il leur disait : « bénissez Celui à qui appartient ce que vous avez mangé ! Croyez-vous que ce que vous avez mangé était à moi ? Non ! Ce que vous avez mangé appartient à Celui qui a créé le monde par Sa parole ! » (Sotah 10b).

Dans ce passage du talmud, cité par Rashi, il apparait qu’Abraham ne s’attribue pas de possession matérielle, il dit que tout appartient au maitre du monde. Ce discours où Abraham se désapproprie de ses biens semble opposé aux nombreuses prières où Abraham demande à D. l’héritage de la terre d’Israël. Dans le chapitre 15 verset 8 il demande même à D une alliance tangible pour s’assurer de l’héritage de la terre d’Israël. La torah dit « Et D lui dit: "Je suis l’Éternel, qui t’ai tiré d’Our-Kasdim, pour te donner ce pays en possession." 8 Il répondit: "Dieu-Éternel, comment saurai-je que j’en suis possesseur?" » Si Abraham pense honnêtement ne rien posséder pourquoi est il tellement attaché à la possession de la terre d’Israël ?

En fait, Abraham a une double vocation, d’un coté Abraham se sent responsable de propager la connaissance de D de manière universelle, il veut que D soit reconnue par la terre entière, dans ce sens, la terre d’Israël n’a aucune spécificité, et le fait d’avoir une descendance est tout à fait secondaire. Abraham se consacre à cette mission mondiale lorsqu’il est à Béer Sheva.

Mais d’un autre coté, Abraham doit aussi être le patriarche de la nation d’Israël, et de ce point de vue il est primordial qu’il ait une descendance et que sa descendance possède une terre située au centre du monde civilisée.

Les prophéties reçues par Abraham sont toujours axées sur le fait qu’il va être le père d’une nation en Israël. Mais indépendamment de ses prophéties Abraham poursuit son but personnel qui est la propagation du nom de D travers le monde.

Maimonide (dans les lois sur l’idolâtrie) explique que les deux missions d’Abraham étaient liées. Dans le court terme, Abraham avait raison de vouloir propager le monothéisme universellement, mais, dans le long terme le message d’Abraham risquait de se désagréger et de disparaitre après sa mort.

Il fallait donc qu’il y ait un peuple consacré à poursuivre le travail d’Abraham à travers les âges, il fallait aussi que ce peuple ait une terre pour qu’il puisse conserver son identité religieuse.

Cependant ces deux missions d’Abraham sont contradictoires, car si D doit être reconnu universellement, il est inadmissible qu’un peuple soit élu. Et si D possède la terre, alors, de quel droit une nation peut elle revendiquer un droit à posséder une terre ? Abraham résout partiellement ce conflit en se séparant de Sarah et en attribuant à Sarah la propriété de la terre et en s’investissant lui-même d’un rôle universel.

Il y a plusieurs passages de la bible qui vont dans ce sens.

Le départ d’Abraham pour Béer Sheva a lieu après le renvoi d’Hagar et d’Ishmael à la demande de Sarah. Sarah veut aussi qu’Ishmael soit déshérité, Sarah dit « celui là n’héritera pas avec mon fils, avec Isaac ! ». Abraham écoute Sarah et il déshérite Ishmael.

Les commentateurs posent deux questions sur cette décision d’Abraham. Premièrement il est interdit par la torah de déshériter un de ses enfants au profit d’un autre, même si c’est un « rasha » que l’on déshérite pour le bénéfice d’un juste.

Le talmud justifie cet interdit par le fait les enfants du juste peuvent être des rechaim, alors que les enfants du rasha pourront être des justes, puisque le futur est incertain, un père n’a pas à intervenir contre ce qui semble être la volonté naturelle de D. Alors pourquoi Abraham déshérite-t-il Ishmael ?

D’autre part, selon la halacha tous les biens d’un couple appartiennent au mari, la femme n’hérite pas son mari selon la halacha. On ne voit donc pas de quel droit Sarah se permet de dire à Abraham je ne veux pas qu’Ishmael hérite avec Isaac, vu que légalement elle n’a aucun droit sur l’héritage.

Quoi qu’il en soit le fait qu’Abraham écoute Sarah, nous montre qu’Abraham considérait que l’héritage de la terre d’Israël revenait à Sarah plutôt qu’à lui-même.

D’autre part les péripéties d’Abraham en Israël montrent qu’Abraham voulait que les bénédictions promises par D, s’accomplissent grâce à Sarah. Ceci s’explique du fait qu’Abraham voulait que Sarah possède la terre d’Israël. Abraham va en Égypte puis chez les philistins pour s’enrichir en faisant passer Sarah pour sa sœur. Ces pratiques paraissent surprenantes. Elles ne peuvent s’expliquer que par le fait qu’Abraham voulait que les richesses promises par D appartiennent à Sarah. Abraham ne voulait que sa richesse lui appartienne, il voulait qu’elle appartienne à Sarah.

Abraham voulait se déposséder de la terre d’Israël pour pouvoir préserver l’universalité de son message, c’est pour cela qu’à Béer Sheva il dit « je ne possède rien. »

Dans la parasha de la semaine, il y a un autre endroit où il apparait clairement qu’Abraham pense que la terre appartient à Sarah et qu’elle ne lui appartient pas à lui. Au début de la parasha Rashi explique qu’Abraham a menacé les hiteens en leur disant que s’ils refusaient de lui vendre la terre de Hébron pour enterrer Sarah, il la prendrait de force. Rashi dit en effet « Je suis étranger et habitant parmi vous : Un étranger venu d’un autre pays, et je me suis installé parmi vous. Le Midrach explique (Beréchith Raba 58, 6) : Si vous me la vendez de bonne grâce, je me considérerai comme un étranger [et donc vous la paierai]. Sinon je serai un « habitant » parmi vous, et je prendrai la sépulture de mon plein droit, par la force, car le Saint béni soit-Il m’a dit : « je donnerai ce pays à ta descendance » (supra 12, 7). »

Tous les commentateurs s’étonnent de ce midrash rapporté par Rashi, car Abraham s’est toujours considéré comme un étranger dans la terre et il a toujours refusé d’en prendre possession, au point où il avait empêche les bergers de Loth de brouter l’herbe de la terre d’Israël.

Pour comprendre ce midrash nous devons dire que si Abraham ne se sentait pas le possesseur de la terre d’Israël, il pensait que Sarah en était la propriétaire. Le midrash nous montre bien qu’Abraham pensait que la terre appartenait à Sarah et que pour enterrer Sarah il avait le droit d’utiliser la force.~

Lorsque D annonce la naissance d’Isaac à Abraham et Sarah il doit d’abord changer leur nom. Les versets disent : « Abram tomba sur sa face, et Dieu lui parla de la sorte: 4 "Moi-même, oui, je traite avec toi: tu seras le père d'une multitude de nations. 5 Ton nom ne s'énoncera plus, désormais, Abram: ton nom sera Abraham, car je te fais le père d'une multitude de nations. 6 Je te ferai fructifier prodigieusement; je ferai de toi des peuples, et des rois seront tes descendants…. Dieu dit à Abraham: "Saraï, ton épouse, tu ne l'appelleras plus Saraï, mais bien Sara. 16 Je la bénirai, en te donnant, par elle aussi, un fils; je la bénirai, en ce qu'elle produira des nations et que des chefs de peuples naîtront d'elle."

Le fait que le texte sépare les bénédictions faites à Abraham de celles faites à Sarah en les envisageant de manière complètement indépendante, indique que les bénédictions dont il est question ne sont pas identiques. La postérité qui est promise à Abraham n’est la postérité promise à Sarah. Abraham est le père d’une multitude de nation, alors que Sarah est la matriarche d’une nation unique élue. En changeant leurs noms Abraham et Sarah séparent leurs destinées.

Saray devient Sarah, Avram devient Abraham. Saray veut dire « ma princesse » alors que Sarah veut dire « la princesse ». Ce changement de nom indique une dépossession de Sarah par rapport à Abraham. En se dépossédant de Sarah, Abraham se dépossède aussi de la terre d’Israël. Sarah n’est plus la princesse d’Abraham elle devient la princesse d’Israël (le nom « Sarah » et le nom « Israël » sont de la même racine).

Parallèlement, Avram devient Abraham, Rashi explique que jusqu'à la naissance d’Isaac Abraham n’était que le père d’une nation unique, par la naissance d Isaac Abraham devient le ère d’une multitude de nation, le « hé » symbolisant la multitude.

 Par la naissance d’Isaac, Abraham ne sera plus seulement le patriarche d’Israël, il sera le patriarche universel, alors que Sarah elle devient la matriarche spécifique d’Israël, ce n’est qu’au prix de ce déchirement qu’Abraham et Sarah pouvaient enfanter Isaac.

Isaac personnifie l’élection d’Israël, cette élection ne peut avoir un sens que si la raison d’être d’Israël est de continuer la mission universelle d’Abraham. Paradoxalement, Isaac ne pouvait naitre que si Abraham se dépossédait de lui pour se consacrer à une mission universelle.

Après la naissance d’Isaac, Abraham se consacre à propager la croyance en D de manière universelle à Béer Sheva, alors que Sara reste a Hébron.

Dans cette optique le ligotage d’Isaac prend un sens nouveau. Abraham voulait montrer par ce ligotage que l’élection d’Israël ne pouvait se justifier que si Israël était prêt à mourir pour propager le message monothéiste à travers le monde. Si le peuple d’Israël n’est pas prêt à mourir pour propager le monothéisme dans les nations, alors, l’élection d’Israël n’a pas lieu d’être. Isaac comprend cela, c’est pour cela qu’il se laisse ligoter par Abraham, mais Sarah elle n’accepte pas cette idée, pour Abraham, de ce fait, Sarah ne pouvait plus continuer à vivre.


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