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  • Writer's pictureRav Uriel Aviges

Behoukotai 5771

Le salaire de la peur

La parasha de Behoukotai est composée principalement des malédictions promises au peuple d’Israël s’il n’accomplit pas la torah. Ces malédictions sont nombreuses et terribles. On pourrait s’interroger sur le rôle de ces malédictions, en effet, l’histoire montre que la motivation par la peur n’a pas un effet très long sur les juifs. Pendant toute la période des juges les juifs sont menacés par les prophètes, et ils sont punis, et à chaque fois les juifs font techouvah, ils se repentent, cependant cette techouvah ne dure pas et dès que le danger passe les juifs retournent à leurs errements. L’histoire montre que les sages sont plus efficaces que les prophètes à éduquer le peuple dans le droit chemin. C’est en expliquant logiquement l’intérêt du judaïsme et sa justesse que les sages sont parvenus à maintenir le judaïsme présent dans le peuple pendant deux mille ans.


Alors, pourquoi la torah s’acharne-t-elle à promettre des malheurs inhumains à ceux qui transgressent les lois de la torah ? Pourquoi D et Moshé s’acharnent-ils à faire peur au peuple ? La peur aurait quelque chose de positif en elle ? Serait-elle une nécessité vitale ? Ces questions constitueront le sujet de notre cours.

1- Il ne peut pas y avoir d’espoir sans peur


La haftarah est issue d’un passage de Jérémie. Jérémie, comme Moshé, annonce des malheurs inhumains au peuple s’il ne se repent pas et s’ils ne l’écoute pas. Une étude approfondie de certains versets de Jérémie peut nous éclairer sur le rôle des malédictions.

Dans le chapitre 16 Jérémie dit « Et lorsque tu communiqueras à ce peuple toutes ces paroles et qu'ils te demanderont: Pourquoi Dieu menace-t-il de cette grande calamité? Quels sont donc nos péchés et nos fautes que nous aurions commis contre l'Eternel, notre Dieu? 11 Tu leur répondras: C'est que vos pères m'ont abandonné, dit l'Eternel, pour suivre d'autres dieux, les adorer et se courber devant eux, tandis que, moi, ils m'ont abandonné, se refusant d'observer ma loi. 12 Et vous avez fait pis encore que vos pères, car vous voici chacun en train de vous abandonner aux mauvais instincts de votre cœur pour ne pas m'écouter. 13 Aussi vous rejetterai-je de ce pays dans un pays inconnu à vous et à vos pères, et là vous servirez, jour et nuit, d'autres dieux, car je ne vous ferai rencontrer aucune pitié." 

Arrêtons nous sur le verset 12 « Et vous avez fait pis encore que vos pères, car vous voici chacun en train de vous abandonner aux instincts de votre cœur pour ne pas m'écouter. »

Du fait que Jérémie met en opposition la faute des pères ; l’idolâtrie, et la faute des enfants qui consiste à « s’abandonner aux instincts de son cœur », on peut déduire que la génération des « enfants » ne pratiquait plus l’idolâtrie. Cette assomption est vérifiée historiquement puisque la prophétie de Jérémie se situe sous le règne de Josias. Josias est décrit comme le roi le plus pieux ayant existé en Israël. Le roi Josias est celui qui a éradiqué complètement les cultes idolâtres de la terre d’Israël. 

Alors, quelle est la faute que dénonce Jérémie lorsqu’il dit que les juifs suivent chacun les instincts de leurs cœurs ? 

L’expression « cherirut libo » utilisée par Jérémie est tirée du Deutéronome. Elle signifie que chaque juif pratique son judaïsme à sa manière, comme il l’entend. Chaque juif interprète le judaïsme en écoutant son cœur. Pour Jérémie le fait d’interpréter la loi à sa manière c’est une faute grave.

(Cette idée de Jérémie mérite d’être débattue, car, du fait que la torah nous commande de l’interpréter en l’étudiant, on ne voit pas comment on peut condamner les juifs s’ils veulent accomplir leur judaïsme suivant une interprétation personnelle. Nous reviendrons plus tard sur cette question.)

Mais, pour le moment, continuons à étudier le verset 12 de Jérémie. La dernière partie du verset 12 reste quand même la plus surprenante. A la fin du verset Jérémie analyse la cause de la faute du peuple. Jérémie explique qu’il est lui-même la cause de la faute du peuple, puisqu’il dit que la raison pour laquelle les juifs suivent les errements de leurs cœurs c’est uniquement par ce qu’ils ne veulent pas l’écouter. Le verset dit « car vous voici chacun en train de vous abandonner aux instincts de votre cœur pour ne pas m'écouter. » 

Le verset 12 nous ouvre la clef du sens de la prophétie de Jérémie. Lorsque Jérémie reçoit sa première prophétie le peuple est revenu vers le service de D. Le culte du Baal est aboli, les juifs retournent vers la religion de leurs ancêtres.

C’est alors que Jérémie reçoit la prophétie, cette prophétie annonce des malheurs terribles sur Israël, l’exil et les massacres. Les juifs ne supportent pas d’entendre les prophéties de Jérémie. Le message de Jérémie étant trop dur et trop difficile, les juifs se sentent trahi par D, mais pour ne pas abandonner le judaïsme complètement, les juifs essaient de se créer un judaïsme plus humain, plus personnalisé, qui leur est adapté. 

Jérémie sait qu’il est la cause du mal, c’est à cause de son discours traumatisant que les juifs s’éloignent petit à petit de la pratique des mitsvoth. Jérémie a compris que c’est lui la cause de la destruction du temple et de la chute du peuple à venir. C’est pour cela qu’il demande constamment à D d’arrêter de lui donner l’ordre de faire ces prophéties terribles et néfastes.

C’est ce qui explique les versets où Jérémie demande à D de le sauver et d’arrêter sa prophétie. Par exemple à la fin de la haftarah après avoir prévu une terrible punition sur le peuple, Jérémie prie «Guéris-moi, Seigneur, et je serai guéri; sauve-moi et je serai sauvé, car tu es l'objet de mes louanges. »

Jérémie se sent malade de sa propre prophétie, il prophétise à contre cœur par ce qu’il est forcé par D. Il dit « Pourtant, moi, je n'ai point cherche à être un [fidèle] pasteur à ta suite, ni appelé de mes vœux le jour du malheur, tu le sais bien! Les paroles sorties de mes lèvres sont à découvert devant toi ! »

Alors, si ce sont ces malédictions qui causent la chute du peuple, pourquoi D demande-t-il à Jérémie de les proclamer, surtout si le peuple était en train de faire techouvah avant la prophétie de Jérémie?

On peut trouver une réponse à ces questions en lisant le texte de la haftarah (Jérémie chapitre 17)

« Ainsi parle I’Eternel: Maudit soit l'homme qui met sa confiance en un mortel, prend pour appui un être de chair, et dont le cœur s'éloigne de Dieu! 6 Pareil à la bruyère dans les landes, il ne verra point venir de jour propice; il aura pour demeure les régions calcinées du désert, une terre couverte de sel et inhabitable. 7 Béni soit l'homme qui Se confie en l'Eternel, et dont l'Eternel est l'espoir! 8 II sera tel qu'un arbre planté au bord de l'eau et qui étend ses racines près d'une rivière: vienne la saison chaude, il ne s'en aperçoit pas, et son feuillage reste vert: une année de sécheresse, il ne s'en inquiète point, il ne cessera pas de porter des fruits. 9 Le cœur est plus que toute chose plein de détours, et II est malade: qui pourrait le connaître? 10 Moi, l'Eternel, moi je scrute les cœurs, je sonde les reins, je sais payer chacun selon ses voies, selon le fruit de ses œuvres. 11 La perdrix s'entoure d'une famille qu'elle n'a point mise au monde; tel est celui qui acquiert l'opulence d'une manière inique au beau milieu de ses jours, il devra l'abandonner et sa fin sera misérable. 12 C'est un trône glorieux, sublime de toute éternité, que le lieu de notre sanctuaire! 13 O espérance d'Israël, Eternel, tous ceux qui te délaissent seront confondus! Oui, ceux qui se tiennent éloignés de moi seront inscrits sur la poussière, car ils ont abandonné la source d'eaux vives: l'Eternel »

Dans ce texte le mot qui revient le plus souvent c’est l’espoir, « l'Eternel est l'espoir », « O espérance d'Israël, Eternel !». Si D est comparé à une source d’eau vive c’est par ce que l’eau vive c’est l’espoir pour un arbre dans une saison de sécheresse. Or, il ne peut pas y avoir d’espoir s’il n’y a pas de peur. La peur et l’espoir sont deux sentiment liés l’un à l’autre.

Si D demande à Jérémie de faire peur au peuple c’est par ce qu’il veut leur donner de l’espoir. 

A l’époque de Jérémie le peuple est revenu vers la religion, mais ce retour c’est simplement l’expression d’un désir de confort spirituel. Les juifs sont contents de manger leur dafinah le chabath après midi et ils sont heureux de se retrouver tous ensemble à Jérusalem pour Pessah, ils apprécient aussi de lire un petit dvar torah le chabath après midi avant la sieste.

Mais, le peuple a perdu de vue sa mission en tant que peuple élu. Le but du peuple d’Israël est de sanctifier le nom de D dans l’univers. Si les juifs utilisent le judaïsme uniquement pour apporter du confort à leurs vies, le temple et la nation d’Israël n’ont plus de raison d’être. C’est pour cela que D demande à Jérémie de terroriser le peuple pour redonner au peuple la possibilité d’espérer un renouveau et un dépassement. Le but de la peur c’était l’espoir.

Mais, plus Jérémie essaie de pousser le peuple vers un idéal, plus les juifs le rejette et plus ils cherchent le confort spirituel en fuyant le dépassement. Au point que les juifs en arrivent à interpréter le judaïsme pour l’adapter à leur style de vie. À l’époque de Jérémie le judaïsme est devenu un objet de consommation comme un autre.

2- L’espoir et la peur, des sentiments nécessaires à la vie de l’homme et à son épanouissement

En lisant avec plus d’attention les versets de Jérémie on peut en apprendre un peu plus sur la nécessité de l’espoir et de la peur pour une société et un individu.

Le verset 10 semble se contredire lui même lorsqu’il dit «Moi, l'Eternel, moi je scrute les cœurs, je sonde les reins, je sais payer chacun selon ses voies, selon le fruit de ses œuvres ». Le verset se contredit car, dans la première partie du verset il semble que Jérémie reproche une faute invisible et inexprimée, une faute de cœur que seul l’eternel peut voir. Il semble à première vue que dans le domaine de l’action à proprement parler les juifs sont irréprochables, ils ne sont critiquables que sur leurs intentions. Par contre dans la deuxième partie du verset il semble que Jérémie promet une punition sur les actions commises ouvertement par l’homme puisqu’il parle « des fruits des œuvres » de l’homme. Comment faire coïncider les deux parties du verset ?

Le verset 11 semble résoudre la contradiction « La perdrix s'entoure d'une famille qu'elle n’à point mise au monde; tel est celui qui acquiert l'opulence d'une manière inique au beau milieu de ses jours, il devra l'abandonner et sa fin sera misérable »

La perdrix couve des œufs qui ne lui appartiennent pas en croyant se les approprier. Mais lorsque les poussins sortent des œufs, ils ne reconnaissent pas la perdrix comme leur mère, et la perdrix elle-même les rejette. Ainsi la faute qui est reprochée aux juifs n’est pas dans l’accomplissement de leurs actions, la faute est dans le cœur, mais cette faute entraine qu’ils ne se reconnaissent pas eux même dans leurs actions. De même que la perdrix se sent étrangère à ses poussins d’adoption, ainsi, les juifs se sentent étrangers à leurs actions. 

Un homme qui fuit la peur et l’espoir, celui qui a peur d’avoir peur, celui qui cherche le confort dans la sécurité de la raison, celui là, se sentira toujours étranger à ses propres réussites.

C’est la peur et l’espoir qui permettent à l’homme de se sentir le père de ses propres enfants, c’est la peur et l’espoir qui permettent à l’homme de se réaliser dans une création. C’est par la peur et l’espoir que l’homme arrive à se lier pleinement avec le monde.

Pour Jérémie la peur ce n’est pas ce qui s’oppose à l’action et à la création c’est au contraire ce qui permet à l’homme de se réaliser a travers une création.

3- La peur est elle justifiable par la raison ?

On pourrait critiquer cette idée, en effet, pour certains penseurs la peur est au contraire ce qui s’oppose a l’action, lorsque l’homme agit il n’a plus peur. A cet égard on peut citer un texte d’Alain. 

« On a assez remarqué que la peur est plus grande de loin, et diminue quand on approche. Et ce n'est point parce qu'on imagine le danger plus redoutable qu'il n'est ; ce n'est pas pour cela, car à l'approche d'un danger véritable on se reprend encore. C'est proprement l'imagination qui fait peur, par l'instabilité des objets imaginaires, par les mouvements précipités et interrompus qui sont l'effet et en même temps la cause de ces apparences, enfin par une impuissance d'agir qui tient moins à la puissance de l'objet qu'aux faibles prises qu'il nous offre. Nul n'est brave contre les fantômes. Aussi le brave va-t-il à la chose réelle avec une sorte d'allégresse, non sans retour de peur, jusqu'au moment où l'action difficile, jointe à la perception exacte, le délivre tout à fait. On dit quelquefois qu'alors il donne sa vie ; mais il faut bien l'entendre ; il se donne non à la mort, mais à l'action »… « Il n'y a point d'autre peur, à bien regarder, que la peur de la peur. Chacun a pu remarquer que l'action dissipe la peur, et que la vue d'un danger bien clair la calme souvent ; au lieu qu'en l'absence de perceptions claires, la peur se nourrit d'elle-même, comme le font bien voir ces peurs sans mesure à l'approche d'un discours public ou d'un examen »

On voit bien que le prophète Jérémie et Alain on une vision opposée sur la nature de la peur. Pour le prophète Jérémie, objectivement, l’homme doit avoir peur et celui qui a peur d’avoir peur se réfugie dans le confort de la raison par lâcheté. Par contre pour Alain, objectivement l’homme n’a aucune raison d’avoir peur, la peur est un reflexe de fuite devant la raison, la peur d’avoir peur est ce qui crée la peur. 

Pour le prophète Jérémie une œuvre ne peut avoir un sens existentiel pour le sujet que si il est habite par la peur lorsqu’il l’accomplie, alors que pour Alain au contraire, la peur n’existe que dans l’imagination et elle s’oppose a l’action créatrice. 

Qui a raison ?

Alain pense que la peur est le fruit d’un manque de connaissances claires, l’homme a peur lorsqu’il doit imaginer ce qu’il ne peut pas connaître. C’est l’inconnu qui est la cause de la peur.

On peut fournir un contre exemple à la thèse d’Alain.

L’enfant qui a laissé la main de sa mère et marche à côté de l’alligator au zoo n’a pas peur. C’est sa mère qui est terrorisée et qui a peur, parce qu’elle sait que l’alligator peut être dangereux. C’est en vertu de ce savoir qu’elle a peur et de rien d’autre. Elle a appris que cet animal est capable d’avaler un enfant. Elle a vu des films montrant un homme emporté dans une rivière par un crocodile. Elle a en pensée l’image de la peur, une représentation bien connue qui engendre de la peur. L’enfant par contre n’a pas peur par ce qu’il est inconscient du danger. L’inconnu n’est donc pas la cause de la peur.

Alors si ce n’est pas l’inconnu qui fait peur d’où vient la peur ? comment se fait il que parfois l’homme puisse envisager l’inconnu sans avoir peur et que parfois l’inconnu le terrorise ?

En fait l’homme peut envisager sereinement le futur inconnu s’il fait abstraction de l’image de son corps dans cette projection. C’est la projection imaginaire du corps dans la situation inconnue qui fait peur ou qui donne l’espoir.

Si l’enfant n’a pas peur du crocodile c’est par ce qu’il n’imagine pas mentalement une image de son corps dans la situation futur. L’enfant n’envisage le futur que dans une sorte d’abstraction ou l’image de son corps n’est pas présente. Contrairement aux enfants, les adolescents sont souvent angoissés, par ce qu’ils commencent à projeter mentalement une image de leur corps lorsqu’ils envisagent le futur. 

Si l’homme n’a plus peur au moment de l’action c’est par ce qu’au moment de l’action l’homme ne projette plus une image de son corps dans un futur possible inconnu. L’inconnu en lui-même ne fait pas peur, mais c’est la projection mentale de l’image du corps dans cet espace inconnu qui procure de la peur ou de l’espoir. La peur et l’espoir sont la connexion entre l’imagination et la logique raisonnée. La peur et l’espoir sont ce qui

lie la conscience du corps avec l’esprit.

L’homme peut ne pas avoir peur en envisageant le futur, il peut avoir confiance en la projection de ses propres calculs raisonné, uniquement à condition qu’il s’abstienne d’imaginer son corps dans cette projection. 

C’est ce qui explique le rejet de la vieillesse dans la société actuelle, la société moderne veut avoir confiance en la raison, elle veut nier la peur, elle ne peut le faire que si elle fait abstraction de l’image du corps dans le futur, ainsi le corps ne peut exister que jeune. L’image d’un corps vieux nie le calcul prévisionnel et justifie la peur du futur. 

L’ennui, c’est que lorsque l’on « oublie » de projeter l’image du corps en calculant le futur, on fait par cela même une erreur de calcul qui peut fausser le résultat de la prévision. Car c’est la projection mentale du corps dans le futur nous permet de critiquer le calcul abstrait raisonné.

Si la société moderne instrumentalise l’homme à l’économie de marché ou à la technologie, c’est par ce que lorsque l’on pense le futur on n’ose pas s’imaginer comme vivant dans ce futur avec un corps. Il arrive donc, que certains progrès qui étaient destinés par le calcul logique à être des outils pour l’homme, s’avèrent être des instruments de torture pour lui.

De même, si un homme fait un plan pour le futur, il aura tendance à ne pas imaginer l’évolution de son corps et ses besoins dans ce plan, sauf si il accepte d’avoir peur lorsqu’il fait son plan. Cette peur le renseignera sur ses besoins intimes. Un peu comme le « sens d’araignée » de spider-man l’averti d’un danger pressenti.

Ainsi, il semblerait que Jérémie ait raison, la peur n’est pas la fille de l’imagination qui s’oppose à la raison comme le pense Alain, au contraire, la peur est une partie à part entière de la raison. Puisque la peur permet de réintégrer l’image du corps dans le calcul prévisionnel abstrait.

Si un homme n’a pas peur lorsqu’il raisonne, c’est une preuve que quelque chose lui échappe. Si un homme n’a pas peur lorsqu’il réfléchit cela prouve qu’il ne se projette pas pleinement dans la vision de son raisonnement, et donc qu’il se ment. La peur est nécessaire au calcul de l’action juste.

Nier la peur c’est nier le lien qui unit le corps et l’esprit ; c’est casser le lien entre l’imagination et le calcul. C’est cette négation qui est le fondement de la philosophie de Spinoza, et c’est sa faiblesse car nier la peur c’est nier l’espoir. Lorsque l’on identifie la raison avec le désir, comme le fait Spinoza, on a détruit le désir. Pour la torah, le désir cherche toujours à dépasser la raison, c’est pour cela que la peur et l’espoir sont fondamentaux pour l’homme.

4- La peur est le symptôme qui détermine la validité de l’interprétation personnelle de la torah

Le premier verset de la parasha nous commande, selon Rashi, d’étudier les commandements de la torah et de les interpréter pour en déduire une règle morale. Le Maharal remarque que la torah nous donne ce commandement en parlant des « hukim », les lois dont le sens raisonné n’est pas apparent. Le Maharal explique que le sens que l’on donne aux « hukim » ne peut être qu’une interprétation personnelle incomplète et partiale, puisque le véritable sens du » hok » reste toujours mystérieux.

Pour le Maharal c’est pour cela que la torah utilise le mot « halicha » « cheminement » pour designer l’étude. L’étude est un cheminement infini où l’on donne un sens au mitsvoth en progressant constamment. Dans ce même verset la torah nous demande de nous comporter en fonction de notre compréhension de torah. « La compréhension doit déboucher sur l’action » dit Rashi.

Par exemple, lorsque la torah interdit de cuisiner le lait avec la viande. Cette loi est un « hok », elle n’a pas de sens apparent. On peut interpréter cette mitsvah en disant que cela serait cruel de cuisiner un enfant dans le lait qui aurait du servir à le nourrir. A partir de la on peut bâtir une loi morale qui nous interdit d’être cruel avec les animaux et tous les êtres vivants. Mais, d’autres interprétations de ce « hok » sont possibles.

L’interprétation citée n’est qu’un avis partiel qui peut être accepte critiqué ou rejeté. 

A priori, ce commandement de la torah au début de la parasha semble s’opposer à la prophétie de Jérémie qui reprochait au juif d’interpréter la torah chacun à sa manière.

On peut répondre à cette question, si on sait que la torah conditionne l’interprétation de la torah à des malédictions terribles si l’interprétation s’avère fausse ou malhonnête.

L’homme peut être maudit s’il se trompe, par ce que la liberté d’interprétation ne doit pas être confortable. L’interprétation de la torah a un sens si elle nous fait peur et si elle nous remet en questions et qu’elle nous donne l’espoir d’un dépassement. Une interprétation de la torah est justifiée si elle nous dérange, mais elle ne l’est pas si elle nous arrange. Jérémie critiquait les juifs de son époque par ce qu’ils cherchaient un confort et une justification d’eux même à travers l’interprétation de la torah. L’homme doit chercher un dépassement de lui-même dans l’étude de la torah, il doit se remettre en question.

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