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  • Writer's pictureRav Uriel Aviges

Ki Tissa 5781

Updated: Nov 24, 2021

1-Monotheisme et guerre de religion.


« Il est logique que la religion interdise le meurtre des êtres humains, D ne peut pas permettre qu’une partie de ses créatures en détruise une autre, vu que c’est lui le créateur de tous les humains et qu’il s’est fatigué à les faire tous exister. »

Le rav Saadyah gaon. « Le livre des croyances et des connaissances » (892-942).

Cette remarque parait en effet pleine de bon sens !

Alors, comment comprendre les versets de la torah qui commande d’exterminer toutes les nations habitant en Israel ?

En effet, Dans le deutéronome on peut lire les versets suivants :

" mais dans les villes de ces peuples que l'Éternel, ton Dieu, te donne comme héritage, tu ne laisseras pas subsister une âme. 17 Car tu dois les vouer à l'extermination, le Héthéen et l'Amorréen, le Cananéen et le Phérézéen, le Hévéen et le Jébuséen, comme te l'a commandé l'Éternel, ton Dieu, 18 afin qu'ils ne vous apprennent pas à imiter toutes les abominations commises par eux en l'honneur de leurs dieux, et à devenir coupables envers l'Éternel, votre Dieu. »

Comment D peut il demander de massacrer des nations entières qu’il a lui-même créé ? si on suit la logique de Rav Saadyah Gaon, si D veux exterminer une civilisation, il pourrait le faire lui-même, les moyens ne lui manquent pas !

Comme l’expliquait Rav Saadyah Gaon, les religions monothéistes devraient interdire les crimes et les guerres de religions, vu que c’est le même créateur qui a créé toute l’humanité. Pourtant, toutes les religions monothéistes intègrent dans leur dogme le concept de la « guerre sainte », comment comprendre ce paradoxe ?

Pour comprendre le concept de la guerre sainte dans les religions monothéistes, il est important de comprendre son point de départ historique, il faut se demander à quel moment pour la première foi, D a-t-il demander d’agresser, un être humain par ce qu’il avait une autre religion.

La première foi ou D demande à un peuple d’agresser physiquement un autre peuple par ce qu’il a une autre croyance se trouve dans le livre de l’exode chapitre 34 verset 10.

Bizarrement, ce commandement est une réponse de D a la faute du veau d’or. Il semblerait que si les juifs n’avaient pas commis la faute du veau d’or, D n’aurait jamais demandé aux hébreux d’agresser les peuples idolâtres. Mais, puisqu’ils ont commis la faute du veau d’or, alors, si les juifs veulent être pardonnés par D, ils doivent s’engager dans des guerres de religions.

Le texte dit en effet :

« Et il dit : "Ah ! si j'ai trouvé faveur à tes yeux, Seigneur, daigne marcher encore au milieu de nous ! Oui, ce peuple est indocile, mais tu pardonneras notre iniquité et nos péchés et nous resterons ton héritage." 10 Il répondit : "Eh bien ! je renouvelle le pacte : à la face de tout ton peuple, je ferai des prodiges qui n'ont encore été opérés dans aucun pays, chez aucune nation ; et tout le peuple qui t'entoure verra combien est imposante l'œuvre de l'Éternel, que j'accomplirai par toi." 11 Mais prends garde à ce que je te commande aujourd'hui. Voici, j'écarterai de devant toi l'Amorréen, le Cananéen, le Héthéen, le Phérézéen, le Hévéen et le jébuséen. 12 Garde-toi de contracter alliance avec l'habitant du pays que tu vas occuper : il deviendrait un danger au milieu de toi. 13 Au contraire, vous renverserez leurs autels, vous briserez leurs monuments, vous abattrez leurs bosquets. 14 Car tu ne dois pas te courber devant une divinité étrangère, parce que l'Éternel a nom JALOUX, c'est un Dieu jaloux ! 15 Garde-toi de faire alliance avec l'habitant de ce pays : prostitué au culte de ses dieux, il leur sacrifierait et il te convierait à ses sacrifices et tu en mangerais… »

Le verset semble bien conditionner le pardon de la faute du veau d’or a la violence qui va devoir être exercée contre ceux qui pratique l’idolâtrie. C’est par ce que les juifs ont eux-mêmes pratiqué l’idolâtrie qu’ils doivent maintenant détruire ceux qui la pratique.

Ceci peut paraitre étrange, car on pourrait s’attendre a ce que cela soit celui qui n’a jamais péché qui doive jeter la première pierre, or ici il semble bien qu’au contraire, c’est justement par ce que les juifs ont pratiqué l’idolâtrie qu’ils doivent absolument détruire les idoles des autres, pourquoi ?


Le talmud dans le traité de avodah zarah 53 b, explique :


« Lorsque la Torah leur a ordonné de détruire tous les arbres qui étaient utilisés dans le cadre de rites idolâtres [asherim], comme le dit le Miséricordieux : "Vous démolirez leurs autels... et vous brûlerez au feu leurs asherim" (Deutéronome 12 :3). Or, Erets Israel est l'héritage du peuple juif de ses ancêtres, et une personne ne rend pas interdit un objet qui ne lui appartient pas. Si tel est le cas, comment les Gentils pourraient-ils rendre les arbres interdits, puisque la terre ne leur appartient pas ?

Si les arbres étaient interdits parce que certains d'entre eux auraient pu être les arbres qui étaient adorés au départ, avant que Dieu ne donne la terre à Abraham, il n'aurait pas été nécessaire de les détruire. Au contraire, les Juifs auraient pu forcer les Gentils à révoquer leur statut, et puisque les « asherim » étaient des objets de culte idolâtre des Gentils, une simple révocation aurait suffi à les rendre autorisés.


Au contraire, puisque le peuple juif a adoré le veau d'or, il a révélé ses intentions et a indiqué qu'il était prêt à adorer les idoles. Et lorsque les Gentils sont venus et se sont adonnés au culte des idoles, ils ont, en fait, exercé leur mandat au nom du peuple juif. Les asherim étaient donc considérés comme des objets du culte idolâtre des Juifs, dont le statut ne peut être révoqué.

La Guemara conteste : Mais peut-être que le peuple juif était disposé à adorer uniquement le veau d’or, mais pas tout autre type de culte idolâtre. La Guemara réplique : Le verset dit à propos du veau d'or : "Et ils dirent : Voici tes dieux, ô Israël" (Exode 32 :4), au pluriel. Cela enseigne qu'ils désiraient plusieurs dieux, et qu'ils ne désiraient pas adorer uniquement le Veau d'or. »

Il ressort de ce passage du talmud, qu’en effet, l’obligation de détruire les idoles des autres peuples, est une conséquence de la faute du veau d’or, c’est par ce que les juifs ont pratiqué l’idolâtrie qu’ils se sont obligé à détruire les idoles des autres nations, car à ce moment toutes les nations ont été déléguées par Israel pour pratiquer l’idolâtrie.


Quel est le sens de cette explication ? Arrêtons-nous sur la fin du passage. « Mais peut-être n'est-ce que le veau d'or que le peuple juif était disposé à adorer, mais pas tous les autres types de culte idolâtre. La Guemara réplique : Le verset dit à propos du veau d'or : "Et ils dirent : Voici tes dieux, ô Israël" (Exode 32 :4), au pluriel. Cela enseigne qu'ils désiraient plusieurs dieux, et qu'ils ne désiraient pas adorer uniquement le Veau d'or. »

Les juifs auraient donc voulu pratiquer tous les cultes idolâtres.

Pourtant, à plusieurs reprise le midrash et d’autres commentateurs (Rabbi Yehuda Halévy, Kuzari livre 1 chapitre 97) expliquent que le veau d’or était un intermédiaire sensé remplacer Moshé, et qu’en réalité les juifs, étaient fidèles à la foi de leurs pères.

Dans le midrash (Tanhouma Ki tissa 21, Rabah exode 3) on peut lire

« Le Saint, béni soit-Il, était conscient de ce qui se passait dans le cœur de Moïse, et c'est pourquoi Il lui dit : Ne t'ai-je pas déjà dit au buisson ardent « j'ai sûrement vu » (Exode 3 :7) ? Tu n'as vu qu'une vision, mais moi j'en ai vu deux. J'ai vu qu'ils venaient au Sinaï et acceptaient Ma Torah, et j'ai vu aussi que Je descendrais au Sinaï sur Mon char avec quatre animaux et qu'ils l'examineraient et en détacheraient un pour Me braver, comme il est dit : Et ils avaient tous les quatre la face d'un bœuf, etc. (Ezek. 1 :10), et il est écrit ailleurs : Ainsi ils ont échangé leur gloire contre un bœuf qui mange de l'herbe (Ps. 106 :20). »

Il apparait clairement dans ce midrash que le veau d’or était un des animaux de la merkavah, le char divin, et qu’il avait pour but d’être un intermédiaire entre D et les hommes.

Comment le talmud peut il donc dire que les juifs avaient accepté sur eux tous les types d’idolâtrie ?


En réalité, le talmud veut nous expliquer la dynamique des guerres de religions dans le monothéisme.

D est universel, il a créé toute l’humanité, en fait chaque être humain a une connexion innée avec son créateur, les religions ne sont que des intermédiaires entre l’homme et D.

Lorsque les membres d’une religion, donnent trop d’importance a l’acte religieux et qu’ils en font une idolâtrie, ils sont dans l’égarement et l’erreur. On peut pratiquer l’idolâtrie des tefilines ou du Chabath, si on pense que les tefilines ou le Chabath sont divins par eux même de manière intrinsèque, lorsque l’on oublie que ce ne sont que des intermédiaires, des instruments qui doivent nous sensibiliser à la présence de D.

Ceci était l’idolâtrie des juifs, lorsqu’ils se sont prosternés au veau d’or, ils ont idolâtré la torah et le veau qui était un des animaux de la merkavah, du char céleste, qui devait être pour eux un intermédiaire vers le divin. Ils ont divinisé l’intermédiaire, c’est-à-dire la religion.

Il est difficile de se débarrasser de ces errements idolâtres autrement que par la violence de la guerre.


Pour comprendre la dynamique des guerres de religion, dans le monothéisme, il faut avoir en tête que ces guerres sont des guerres suicidaires, qui n’ont pas pour vocation à être gagnées sur le long terme.

Les croisades étaient des expéditions suicidaires qui ne pouvaient pas subsister dans le long terme. Plus proche de nous, les attentats des terroristes islamistes sont des attentats suicide, l’état islamique de Daesh n’était pas organisé pour subsister durablement. Inconsciemment, celui qui agresse l’autre au nom d’une religion monothéiste, sait qu’il a tort, et il cherche simplement à se le prouver en perdant la guerre ou en se suicidant.


Dans la torah, D prévoit, et répète à plusieurs reprises que de manière inéluctable, ce sont les juifs qui seront chassés d’Israel et pratiquement détruit à la fin. Tout ces massacres et ces défaites sont décrites dans les midrashim comme une réparation de la faute du veau d’or.

Comme le dit la torah dans le deutéronome :


« J'entasserai sur eux tous les malheurs ; contre eux j'épuiserai mes flèches. 24 Exténués par la famine, dévorés par la fièvre et des pestes meurtrières, j'exciterai contre eux la dent des carnassiers, et le venin brûlant des reptiles. 25 Au dehors, l'épée fera des victimes, au dedans, ce sera la terreur : adolescent et jeune vierge, nourrisson et vieillard. 26 J'aurais résolu de les réduire à néant, d'effacer leur souvenir de l'humanité, 27 Si je ne craignais le dire insultant de l'ennemi et l'aveuglement de leurs persécuteurs, qui s’écrieraient : "C'est notre puissance qui triomphe, ce n'est pas l'Éternel qui en est la cause." 28 Car c'est une race aux idées fausses ; ils sont dépourvus d'intelligence. 29 S'ils étaient sages, ils y réfléchiraient ; »


La guerre a pour but de corriger les idées fausses de l’agresseur et de la victime, puisque la victime a elle-même été un agresseur dans le passé.

Dans la torah, le croyant qui agresse cherche à perdre, car c’est la seule manière qu’il a de se prouver a lui-même que ses idées étaient fausses.

Il fallait que les juifs antagonisent les autres nations, pour qu’ensuite ils soient chassés par elles et exilés chez elles, mis à leur merci, dépendant uniquement de leur hospitalité, pour qu’ils comprennent enfin qu’il ne fallait pas qu’ils idolâtrent leur religion.

Pratiquer l’idolâtrie c’est penser que l’on est spécial et supérieur, par ce que l’on a accès au divin par des moyens suprêmes que l’on est seul à posséder.

Il fallait que les juifs soient exilés d’Israel, pour leur montrer que le temple et les sacrifices ne pouvaient pas les protéger de l’extermination et de la défaite. Pour leur montrer qu’ils étaient des hommes comme les autres.

Paradoxalement, ce n’est qu’a cette condition, que le peuple juif peut devenir une nation de prêtre, un peuple saint et une lumière pour les nations.

Dans le traité de Chabat (89) le talmud dit :

“Rav Ḥisda et Rabba, fils de Rav Huna on dit : Pourquoi l'appelle-t-on le mont Sinaï ? C'est parce que c'est une montagne sur laquelle est descendue la haine [sina] des nations du monde ».

Il semble, lorsqu’on relie le texte de la bible, que cette haine n’était pas liée au don de la torah, comme le dit Rashi, mais plutôt, a la faute du veau d’or.

C’est par ce que les juifs n’ont pas établie un rapport sain aux commandements de la torah et qu’ils les ont idolâtrés, en ce conférant par la même un statut de peuple sacré et supérieur, que la haine entre Israel et les nations est née.

Le sens de l’histoire d’Israel c’est de réparer cette faute, de comprendre qu’essentiellement tous les êtres humains sont égaux, que les juifs sont des êtres humains comme les autres, que nous avons reçu la torah uniquement pour nous permettre de nous connecter d’une manière plus intense et plus durable avec le D de tous les humains.

Si nous observons les commandements de la torah dans ce but, alors, nous devenons nous même un moyen pour les autres nations d’avoir une connexion plus forte avec le créateur, « un royaume de prêtre et un peuple saint ».

Penser que chaque juif est spécial, par ce qu’il a une « âme plus sainte » qui le différentie essentiellement des autres nations, et que les commandements de la torah ont un pouvoir magique qui apporte les succès et le bonheur, c’est l’idolâtrie du veau d’or, c’est ce qui retarde l’avènement messianique et qui cause l’exil d’Israel.

2 l’acte religieux comme source de violence.


La Torah dans la genèse nous raconte l’histoire du premier meurtre. Kain tue Abel. Quel est la cause de ce crime ? Si on s’en tient au sens littéral du texte, Cain n’a pas tué Abel pour de l’argent ou pour une femme, mais pour un motif religieux.

Le texte dit :

« Au bout d'un certain temps, Caïn présenta, du produit de la terre, une offrande au Seigneur ; 4 et Abel offrit, de son côté, des premiers-nés de son bétail, de leurs parties grasses. Le Seigneur se montra favorable à Abel et à son offrande, 5 mais à Caïn et à son offrande il ne fut pas favorable ; Caïn en conçut un grand chagrin, et son visage fut abattu. 6 Le Seigneur dit à Caïn ; "Pourquoi es-tu chagrin, et pourquoi ton visage est-il abattu ? 7 Si tu t'améliores, tu pourras te relever, sinon le Péché est tapi à ta porte : il aspire à t'atteindre, mais toi, sache le dominer !" 8 Caïn parla à son frère Abel ; mais il advint, comme ils étaient aux champs, que Caïn se jeta sur Abel, son frère, et le tua. »

Cain a tué Abel, par ce que D avait agréé le sacrifice de ce dernier, alors que celui de Cain avait été rejeté.

Il est intéressant de remarquer que le narratif de la Torah s’attarde à décrire en détail les sacrifices apportés par Cain et Abel, mais qu’il est très elliptique lorsqu’il s’agit de raconter le meurtre de Abel par Cain.

Le rav Kook (1865-1935), dans le « Orot » explique, que la faute la plus grave de Cain, n’a pas été de tuer Abel, sa plus grande faute a été celle d’apporter un sacrifice. Si Abel a mérité la mort, c’est par ce qu’il a imité et amplifié l’erreur de son frère en apportant un sacrifice encore plus important et grandiose que celui de son frère. Tout acte religieux est une folie, qui entraine une folie encore plus grande, qui finit toujours par engendrer la violence, et la révolte envers D.

D n’avait demandé aucun sacrifice, c’est pour cette raison qu’il n’accepte pas le sacrifice de Cain, il accepte celui de Abel, juste pour punir Cain.

(Le rav Kook interprète ce passage de la torah de cette manière, pour critiquer la ferveur religieuse des « Haredim », qui était pour lui la cause du rejet du judaïsme par le reste de la population.)

Quoi qu’il en soit, il apparait nettement de ce texte deux choses, la première, c’est que l’acte religieux n’est pas l’initiative de D. c’est Cain qui décide volontairement d’apporter une offrande à D, alors que le créateur n’a rien demandé.

De plus, il semble que D lui-même, ne soit pas très encourageant ou favorable à ce type de comportement puisqu’il n’agrée pas le sacrifice de Cain. Il apparait de plus, que malgré l’échec et le résultat négatif de l’action de Cain, Abel, éprouve le besoin de l’imiter et même de le dépasser dans son acte puisqu’il offre le meilleur de son troupeau. Il apparait par la suite que la ferveur religieuse de Cain se transforme en haine meurtrière envers son propre frère.

Comment comprendre tous ses phénomènes qui semblent si irrationnels et pourtant si consubstantiel a l’histoire de l’humanité ?

Nahmanide en expliquant le Zohar donne à plusieurs reprises dans son commentaire sur la Torah, une grille de lecture et une explication du phénomène religieux.


Reprenons les mécanismes un par un.

D’abord, étrangement, Cain éprouve le désir d’apporter une offrande a D. quelle est exactement la nature de ce désir ?

Les anthropologues et les sociologues diront, que c’est pour calmer une angoisse ou gérer un sentiment de fragilité face aux forces immenses de la nature, que les hommes préhistoriques ont désiré apporter des offrandes à D, en vue de s’attirer les faveurs de forces supérieures.

Ah ! les pauvres petit hommes préhistoriques ! qui ne connaissaient pas internet et Uber eat !

Nahmanide donne une autre explication, il explique en citant le Zohar, qu’il est naturel pour l’homme de vouloir s’élever vers un idéal abstrait. En réalité le sacrifice de Cain, n’est pas envisagé par la cabale comme un acte religieux en soi, c’était avant tout l’expression d’un désir de surélévation vers un idéal abstrait et utopique.

Dans la cabale, les idéologies comme le communisme, le capitalisme ou le nationalisme, sont des désirs comparables a celui de Cain, ou l’homme exprime la volonté de faire advenir un idéal abstrait, pour donner sens à sa vie et a la société.

Cette volonté de rejoindre un idéal ou de donner un sens a l’histoire est une folie. Mais elle est inhérente à la nature humaine. Il ne s’agit pas de la condamner, il s’agit de la gérer.

Pour la Kabale, si le sacrifice de Cain débouche sur le meurtre de son frère, c’est pour nous montrer l’aspect destructeur et fou qu’il existe dans la volonté de trouver un sens à l’existence.

Pourtant, le fait même qu’Abel ne puisse rien faire d’autre que d’imiter son frère en offrant lui aussi un sacrifice, montre le côté incompressible de ce désir inhérent a la nature humaine.

Alors, que faire pour éviter les guerres et la violence, qui sont pourtant des résultants inhérents et inévitables d’une vision rationnelle et sensée du monde. Une vision rationnelle et sensée dont l’homme ne peut pas se passer.


Nahmanide explique en citant le Zohar que c’est dans la gestion de la raison que se trouve l’originalité du judaïsme.

Dans l’exode, Moshé trouve une solution originale et géniale au problème posé par Cain et Abel, Itzhak et Ismaël, Jacob et Esaü, Josef et ses frères. C’est cette solution qui constitue la colonne vertébrale du judaïsme.


De quoi s’agit il ?

Lacan a toujours pensé, a juste titre, qu’il y avait une métaphysique de la sexualité dans la Kabbalah, mais il n’a jamais réussi à comprendre exactement de quoi il s’agissait.

Nahmanide explique de manière codée, a plusieurs reprises dans son commentaire sur la torah, qu’il faut comprendre la métaphysique de la sexualité dans la cabale, comme dans son sens étymologique francais, une rupture, ou une fracture.

C’est-à-dire qu’il y a une rupture a un endroit où il y aurait dû avoir une continuité. Cette rupture entre deux éléments qui auraient dû être en continuité entraine une dynamique réactive entre les deux éléments qui réagissent chacun a leur manière, a l’attirance qu’ils créent chez l’autre.

Ces réactions ne créent pas une unité, de « l’un », comme dirait Lacan, mais plutôt, une dynamique et un mouvement.

Le but n’est pas de réunifier des éléments qui ont pour vocation à rester séparer, mais plutôt de créer une dynamique positive et constructive entre ces éléments.


Prenons l’exemple du monde de l’abstraction ou de l’idéal, versus l’univers matériel et tangible.

Voilà deux éléments qui auraient dû être en continuité dans leur développement. C’est ce que pense Cain lorsqu’il fait une offrande a D. il veut réunifier le monde de l’idéal avec le monde de la matière, il veut faire advenir l’idéal messianique dans le monde concret du réel immédiat.

Lorsque l’on cherche à créer cette unité, à réunifier le monde de l’abstraction avec le monde du réel, on arrive au meurtre a la violence et a la guerre.

Si nous voulons faire advenir l’idéal de la liberté dans le monde, il faut immédiatement déclarer la guerre à la Chine à la Russie et à l’Iran. Cela ne semble pas être une bonne idée.

C’est la même erreur que commet Josef lorsqu’il raconte ses rêves à ses frères, il veut agir pour faire advenir sa prophétie. C’est cette erreur que Moshé commet en tuant l’égyptien au début de l’exode.

Par la suite, lorsque D demande à Moshé dans la vision du buisson ardent, de libérer les juifs, ce dernier refuse. Par ce refus, Moshé ne cherche pas à se faire prier, par fausse modestie. Il refuse, par ce qu’il a compris que pour que la réalité sociale change, il ne faut pas agir afin de faire advenir ce changement par un engagement politique.

Il faut au contraire s’élever vers le monde de l’abstraction et de la méditation, car c’est la réflexion abstraite qui va tôt ou tard de manière quasi surnaturelle pousser la réalité à s’adapter à cette réflexion.


La Révolution française est un exemple historique proche qui montre que la réalité s’adapte à la rationalité, sans que la rationalité ait à agir directement sur le monde concret du réel.

C’est le mouvement des lumières qui a permis la prise de la bastille, pourtant, jamais Rousseau ou Voltaire ne se sont engagés politiquement de manière directe ou indirecte pour changer la société. S’ils avaient agi en ce but, il y a fort à parier, que leur pensée aurait eu beaucoup moins d’impacte et qu’elle serait restée l’apanage d’un petit groupe d’originaux.


Dans toute sa carrière Moshé est passif, il ne fait que prier, il attend que D fasse la révolution, ou ouvre la mer, ouvre la terre ou le protège de la colère des hébreux.

L’originalité du peuple juif, c’est qu’elle est la seule nation à avoir accepté un récit fondateur, ou elle n’a pas de part active dans sa propre création ou dans sa libération.

Les hébreux n’ont jamais prétendu avoir battu militairement les Égyptiens pour se libérer. Le livre de Josué nous raconte que c’est D qui a livré les ennemis d’Israel entre leurs mains. Les hébreux n’avaient qu’à sonner du chofar et tourner autour de la muraille pour qu’elle tombe.

Le judaïsme, à partir de Moshé, accepte le fait, que, pour qu’un idéal se réalise, il ne faut pas agir et mettre en œuvre une stratégie pour qu’il se matérialise, il faut au contraire déplacer la raison vers une abstraction encore plus grande.

Le temple est détruit, il ne faut pas chercher à le reconstruire, il faut essayer de complexifier au maximum les lois du temple, pour créer une arithmétique abstraite, qui permet à la raison de s’exprimer pleinement, sans pour autant qu’elle ait à se mettre en pratique dans le monde réel présent.

La logique du talmud est basée sur la volonté de déplacer la rationalité vers un terrain rationnel mais abstrait. Le talmud cherche rarement à discréditer une idée en la remettant en cause dans ses fondements, elle accepte toujours l’idée proposée, mais elle la critique en calculant les tenants et les aboutissant pratique de cet avis. Le talmud ne cherche jamais à définir ou à analyser des concepts abstraits.

Ainsi, la logique talmudique parait être une logique très pragmatique alors qu’elle est tout à fait le contraire, puisque dans le talmud, les implications pratiques sont infimes par rapport à la recherche théorique.

Le but du talmud étant de déplacer la logique pragmatique dans un monde idéal qui n’existe pas.

L’idée sous-jacente a cette démarche, c’est une foi forte et inébranlable en ce que l’on pourrait appeler la métaphysique de la sexualité.

Pour le Talmud, si on s’élève dans le monde de l’abstraction et de la raison, alors, un jour ou l’autre, irrémédiablement, la matière et le monde réel vont devoir s’aligner à cette abstraction. Comme un vagin qui se contracte mécaniquement lorsqu’il est pénétré, la réalité matérielle doit réagir à l’ascèse spirituelle.

C’est cette foi qui s’exprime à travers toutes les promesses de bénédictions qui se trouve dans la torah et le talmud concernant celui qui fait le bien ou qui se consacre à l’étude de la torah.

L’homme ne doit pas changer le monde, il doit créer un univers d’abstraction et se conformer lui-même aux lois qu’il lui donne, le reste suivra tôt ou tard automatiquement.

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