Violence et subjectivité
1- Le don de la torah était il une nécessite?
Dans la Haggadah de Pessah nous disons “si Il (D.) nous avait ouvert la mer et qu’il ne nous avait pas donné la torah ça nous aurait suffit”, si on prend ce texte à la lettre il semble dire que le don de la torah n’était pas une nécessitée absolue pour le peuple d’Israël. Le peuple d’Israël aurait pu exister sans la torah. Maimonide dans les lois de l’idolâtrie dit que D n’a donné la torah qu’après avoir constaté que les juifs s’étaient assimilés en Egypte et qu’ils ne pouvaient pas survivre en tant que peuple sans une loi rigide pour les unifier et les distinguer. (Maimonide chapitre 1 des lois de l’idolâtrie troisième loi) « jusqu'à ce que les israélites aient séjourné de nombreux jours en Egypte et qu’ils aient recommencé à faire l’idolâtrie comme les égyptiens, à l’exception de la tribu de Levi, et encore un peu et la pousse qu’Abraham avait plantée aurait été déracinée, et par amour pour nous et pour garder le serment qu’il avait fait à Abraham, (à savoir que sa descendance propagerait le monothéisme dans le monde tout en restant fidèle à ses idéaux) il a créé Moshe et sa prophétie, et la prophétie de Moshe nécessitait que les juifs soient couronnés par les commandements de la loi». La torah n’est venue qu’après coup pour préserver l'héritage d'Abraham.
Maimonide dit encore des les lois qui sont la base de la torah (chapitre 8 loi 2) que D n’a donné la torah au mont Sinaï que sur l’insistance de Moshe qui doutait de la capacité des juifs à avoir la foi en D si ils ne recevaient pas une loi révélée par D lui-même dans le Sinaï.
Le fait de dire que le don de la torah n’était pas une nécessite, implique que les lois de la torah auraient pu être déduites par la spéculation raisonnée de l’homme. Or, il n’en n’est rien, comment comprendre par la logique que la torah commande le génocide complet de la race d’Amalek puisqu’il fallait tuer même les enfants ! Comment comprendre par la logique qu’il faille prendre 4 espèces végétales le premier jour de Soucoth ? Toutes ces mitsvoth ne peuvent pas être déduites par la raison. Alors comment ces commandements auraient-ils pu être acceptés par le peuple si ils n’avaient pas été dictés par une révélation directe de D ?
De plus si on pense que les commandements de la torah ne sont pas des nécessités absolues alors qu’est ce qui nous oblige à les faire ? Est ce uniquement par fidélité sentimentale à l’héritage d’Abraham ? Est ce qu’une fidélité sentimentale peut justifier un génocide et des massacres!
2- La torah et le monde futur
Le Maharal (auteur ashkénaze du 16e siècle) dans le chapitre 59 du Tifereth Israël cherche à prouver l’existence d’un monde à venir pour la torah. Ce fait doit être prouvé par ce que la torah ne parle jamais explicitement du monde futur. Les sages du talmud dans le traité de Sanhédrin s’opposent aux saducéens, et ils affirment que l’existence du monde futur est implicite dans la torah. Le Maharal cherche à justifier la position du talmud. Le Maharal prouve que la torah suppose le monde futur par le fait que certaines mitsvoth n’ont pas de sens. Pour le Maharal, le fait que certaines mitsvoth ne peuvent pas être expliquées rationnellement, implique que la finalité de ces commandements est orientée vers un autre monde, à venir, où la rationalité est dépassée. Le Maharal dit «Nous avons déjà prouvé qu’il est évident que grâce aux commandements qui sont accomplis par le corps, l’homme obtient un salaire spirituel...la raison peut prouver ce fait, car bien que les commandements s’appliquent dans le monde de la matière, malgré tout, les commandements de la torah ne peuvent pas avoir un impacte uniquement dans la nature (matérielle). Car si tout les commandements n’étaient que des obligations d’ordre naturel, ou moral, comme le commandement d’honorer ses parents ou d’aimer son prochain comme soi même, et come tous les autres commandements qui permettent un “arrangement” (tikoun) pour l’homme, alors, on pourrait penser que le salaire de ces commandements est dans ce monde ci. Car tous les commandements qui permettent un avantage et un arrangement pour l’homme apportent à l’homme un salaire dans ce monde là, aussi. Mais, le fait que beaucoup de commandements de la torah ne sont pas de cet ordre naturel et matériel, nous oblige à penser que ces commandements ne sont pas là pour être un arrangement pour l’homme. Car ces commandements surnaturels ne sont en rien un arrangement pour les humains. Cela prouve donc que les commandements sont avant tout des éléments divins ayant pour but de purifier l’homme (letsaref, purifier des métaux), pour l’apporter à un niveau surnaturel, c’est à dire au niveau de la spiritualité… Comment pourrait-on dire alors que le salaire des commandements n’est pas un salaire spirituel dans le monde futur ? Ou après la mort ! Et puisque nous avons prouvé que les commandements ne sont pas liés à la nature ou à la morale, il est donc évident que par l’accomplissement des ordonnances de la torah l’homme atteint un niveau spirituel (surnaturel). »
Le Maharal prouve par le fait que les commandements de la torah ne sont pas tous d’ordre logique ou moral, que la finalité de la torah est d’élever l’homme au dessus de la raison.
3- La torah est la rationalité selon le Maharal
On peut opposer le passage cité plus haut du Maharal à un autre passage de cet auteur dans le même livre. Dans le chapitre 69 le Maharal veut défendre le judaïsme rabbinique classique contre les sectes qui refusent la tradition orale de la torah. Le Maharal ne défend par le rabbinisme classique en disant que la tradition orale remonte au Sinaï, et qu’elle est une révélation imposée par D au même titre que la tradition écrite. Le Maharal au contraire soutient que plusieurs éléments de la tradition rabbinique sont l’œuvre des rabbins et leurs inventions propres, il prouve ce fait à partir de différents passages du talmud.
Pourtant, ce fait ne discrédite pas l’importance de la tradition orale, au contraire, le Maharal cite le talmud dans Baba Batra qui dit que « le niveau du sage est au dessus de celui du prophète », donc de qui vient de l’esprit du sage est supérieure à ce qui a été révélé au Sinaï par la prophétie.
Le Maharal dit dans ce chapitre que la raison dépasse le surnaturel. Le Maharal commence par citer le midrash Tanhouma : “tornotropos le rasha a demandé à rabbi Akivah “qu’est ce qui est plus parfait? Les actions de l’homme ou celles de D? Il lui a répondu celle de l’homme. Tornotropos a répondu à rabbi Akivah “tu as vu le ciel et la terre est ce que l’homme peux faire la même chose? Rabi Akivah lui a répondu je ne parle pas de choses qui sont à l’extérieur du contrôle de l’homme, mais des choses que les hommes peuvent contrôler. Tornotropos lui a répondu: "mais alors pourquoi faites vous la circoncision?" Rabbi Akivah a répondu: "je savais que tu voulais en venir à cela"... rabbi Akivah lui a apporté du pain et des épis de blé, pour lui montrer que le pain qui est l'œuvre de l'homme et plus parfait que le blé qui est l'œuvre de D. Tornotropos lui a dit "si Hakadoch Barouh Hou veut la milah, pourquoi l’enfant ne nait-il pas déjà circoncis?" Rabbi Akivah lui a répondu "et pourquoi l’enfant sort-il avec son cordon ombilical attaché au ventre?, et pourquoi sa mère doit le couper?" "Et pour répondre à ta question pourquoi l’enfant ne sort-il pas déjà circoncis? Car D n’a donné les mitsvoth que pour purifier (letsaref) l’homme à travers elles, c’est pour cela que David a dit “tout parole de D est purifiée”". En se basant sur ce midrash le Maharal continue « “N’est ce pas que si on observe les créations de D, nous constatons que tout ce qui a été crée a besoin d’être arrangé et transformé. N’est ce pas que les blés ont besoin d’être transformés pour devenir comestibles pour l’homme. Le blé n’a pas été créé sous la forme de son utilité finale. Comme le midrash le dit... et puisque la torah a été donnée aux juif par un prophète, et que le niveau de l’esprit est supérieur a celui du prophète , comme le dit la Talmud dans baba Batra “la sage est au dessus du prophète,” de la même manière que l’esprit transforme la nature, ainsi l’esprit doit transformer la prophétie.
Ainsi les sages sont ceux qui arrangent et qui parfont la torah. Bien que la torah a été donnée au Sinaï par Moshe qui était un prophète de D, malgré tout, en ce qui concerne la sagesse, qui est plus élevée que la prophétie, le perfectionnement de la torah vient de l’intellect qui éclaire tout.”
Pour le Maharal, le don de la torah c’est la possibilité pour l’homme de transformer la prophétie par la raison, c’est ce que symbolisent les pains qui étaient offerts à Chavouoth, qui sont une transformation des gerbes apportées à pessah.
En tout cas, il est tout à fait apparent que les paroles du Maharal semblent se contredirent. Dans le chapitre 59 le Maharal pense que la raison doit être dépassée par la spiritualité surnaturelle, et que la torah dépasse la raison. Alors que dans le chapitre 69 le Maharal soutient le contraire, c’est la raison qui dépasse à prophétie, comment résoudre cette contradiction ?
Si vous avez fait l’effort de suivre ce raisonnement méandreux et compliqué jusqu’ici vous méritez une récompense et un petit divertissement, il arrive tout de suite je vous l’assure.
Mais avant l’entracte je fais le point, il y a deux grandes questions à résoudre. La première question concerne la nécessité des commandements de la torah, les commandements de la torah sont-ils une nécessité absolue pour le monde ? Selon certaines sources il semblerait que non. Mais si c’est le cas, si les commandements de la torah ne sont pas des injonctions absolues, alors de quel droit et par quelle autorité ces commandements peuvent-ils exiger jusqu'à la mort de certains êtres humains ?
Deuxième grande question est-ce que la raison humaine a pour but d’être dépassée, était-ce cela le sens de la révélation de D au mont Sinaï ou bien au contraire est-ce que c’est l’esprit qui dépasse la vérité révélée? Le Maharal de Prague semble se contredire lui-même sur ces points.
Maintenant l’entracte.
La liberté et l’hystérie
On doit à la maison d’éditons Wild West la réédition des grands classiques du roman porno japonais, d’après tous les critiques le meilleur qui a été réédité à ce jour, en français, c’est « la femme aux seins percés ». Je n’ai pas vu le film mais j’ai entendu le script par hasard sur France culture et il m’a semblé très intéressant. C’est l’histoire d’une femme qui travaille comme assistante médicale dans un hôpital, elle n’aime pas son travail très routinier et elle attend une libération de sa vie sans intérêt. Un jour, elle commence à recevoir des fleurs quotidiennement chez elle. Ces fleurs viennent d’un admirateur inconnu. Puis, l’admirateur se fait connaitre, elle sort avec lui, là, dans un café, l’homme en question met un laxatif dans son chocolat, évidement elle descend dans les toilettes et là l’admirateur la sodomise. (Ils sont quand même fort les japonais). En suite, plus ca va, plus elle se fait martyriser par son amant et plus il la martyrise plus elle l’aime. À la fin, l’héroïne, de son propre gré, se laisse enfermer dans une cage. Elle dit « je veux être une bouteille dans ta cave ». Elle reste enfermée dans une cage dans la cave d’un bar en attendant le retour de son amant, qui la montre comme un trophée, tous les soirs, à ses amis.
La morale de l’histoire, c’est que la vie dans un bureau est tellement répétitive et tellement sclérosante, que le fait d’être enfermé dans une cage, en comparaison c’est une libération. Au deuxième degré le film nous montre que le désir de liberté c’est déjà une aliénation. Dans le film l’héroïne cherche la liberté à tout prix, c’est pour cela qu’elle va être prête a subir tous les martyrs pour se libérer, elle désir tellement la liberté que le fait de se retrouver enfermée dans une cage, c’est pour elle la libération, car le désir de liberté rend esclave. L’homme qui désir être libre ne peut pas être libre, la liberté ne peut être qu’un état passif présent et jamais un idéal à désirer. Pourtant la liberté et toujours vu depuis la nuit des temps come un idéal à atteindre, (dans la torah, chez les philosophes et les poètes) l’homme ne se sent jamais assez libre, il se sent toujours entravé par des contraintes qui le limitent. L’individu désir constamment se libérer de ses contraintes. La liberté c’est toujours pour l’homme le désir de dépasser son état actuel et de s’en évader. Comment comprendre la contradiction interne chez l’homme dans son rapport à la liberté ? Comment la liberté peut-elle être un désir aliénant un idéal à atteindre à tout prix, « la liberté ou la mort »; alors que cette même liberté se définit par l’absence totale d’aliénation ?
(J’espère que l’anecdote vous a plu, par ce que c’est fini, vous pouvez relâcher votre attention et retourner en mode veille)
La réponse tient au fait que l’homme est essentiellement hystérique, c'est-à-dire qu’il veut toujours la chose et son contraire. La liberté n’est qu’un exemple parmi d’autre de la relation de l’homme au monde. Dans la torah on se rend bien compte que les juifs sont complètement hystériques dans le désert. On leur ouvre la mer rouge, ils chantent et ils dansent dans une euphorie totale, ensuite, ils se peignent et ils disent qu’ils veulent rentrer en Egypte, ils acceptent la torah, et puis ils font le veau d’or, et ainsi de suite. Ce comportement des juifs dans le désert tout à fait irrationnel, n’en demeure pas moins tout à fait naturel, car l’hystérie est la condition première de l’homme.
L’homme travaille pour pouvoir se reposer et il se repose pour travailler; il gagne de l’argent pour pouvoir le dépenser, etc.., l’homme vit dans un état de contradiction perpétuelle.
Ce rapport irrationnel et inconsistant de l’homme au monde est le moteur de sa vie. Une jeune fille qui avait voulu se suicider dans la Seine a dit, lorsqu’elle a été repêchée, qu’elle a tenté de se suicider par ce qu’elle savait qu’elle avait une mission mais elle ne savait pas laquelle c’était. Ce rapport ambivalent, où l’homme est en demande de quelque chose qu’il ne connait pas lui même, c’est l’essence de la vie. C’est l’hystérie qui est le moteur et le carburant du psychisme. L’hystérie ce n’est pas une maladie mentale de l’homme, c’est l’état premier et naturel de l’homme.
L’étude de la torah est un comportement hystérique
Ce même mouvement de va et vient permanant, cette volonté d’une chose suivie de son contraire, caractérise la manière qu’ont les sages du talmud d’envisager l’étude de la torah. Les sages prennent des versets au sens littéral puis ils interprètent ce sens en attribuant ainsi un nouveau visage au verset, mais ensuite les sages retournent au sens littéral et ils essaient de montrer que l’interprétation était déjà présente dans le sens littéral. Il y a toujours un mouvement de va et vient contradictoire entre l’interprétation et la littéralité du texte. Il y a un mouvement incessant de va et vient entre la raison et la révélation imposée de l’écriture.
Si on reprend l’exemple du Maharal qui fait correspondre la torah interprétée a du pain, et le texte brut de la torah au blé. On peut être interpelé par le fait que le pain c’est du blé transforme, mais on se rend bien compte aussi que le pain c’est encore du blé.
Maintenant, il faut faire encore un petit effort de calcul mental, pour répondre aux deux questions de départ. Voici l’équation qu’il va falloir assimiler Si le rapport de l’homme a la vie est un rapport hystérique, (contradictoire, en va et vient) c'est-à-dire que la raison humaine est avant tout une relation hystérique au monde, (la raison humaine est, avant tout, contradictoire et en en va et vient) et comme le rapport au texte de la torah est un rapport hystérique, on peut comprendre qu’il n’y a pas de contradiction entre la révélation imposée d’une vérité absolue et la raison humaine, et qu’il n’ya pas de contradiction entre la rationalité de l’homme et le surnaturel.
C’est ce qu’il va falloir expliquer.
Maintenant, pour vous donner le courage d'aller jusqu'au bout je devrais vous donner une deuxième anecdote mais je suis à cours d’idée. Je pense que le plus simple c’est d’aller prendre un petit whisky.
Je suis désolé, mais je suis obligé de continuer de faire encore un peu de philo pour expliquer l’idée du cours et pour mieux définir le rapport naturel de l’homme à la spiritualité, mais je vous assure que c’est bientôt fini.
Descartes a dit « je pense donc je suis », l’ennui c’est que l’on pense toujours à quelque chose. On ne peut jamais penser à rien, la conscience de l’homme existe toujours comme conscience de quelque chose. Lorsque l’on réfléchit à quelque chose on réfléchit dans un mouvement hystérique de balancement à deux choses en même temps. D’un coté on réfléchit à la chose à laquelle on pense, et en même temps on réfléchit a l’idée que l’on se fait de la chose.
Je donne un exemple, j’ai en face de moi un verre de whisky, si je réfléchis à ce verre de whisky j’essaie de m’ouvrir au maximum à l’existence absolue de ce verre de whisky. L’existence absolue c’est l’existence de ce verre de whisky indépendamment de ma conscience, le whisky a des propriétés dont je ne suis pas conscient, en regardant le verre j’essaie d’abord de percevoir au maximum ces propriétés indépendantes du whisky. Mais d’un autre coté il faut aussi traiter les informations perçues, et les analyser, je suis donc obliger de penser et de reprendre conscience de ma perception du whisky, dans ce mouvement je me renferme sur l’existence révélé de l’autre.
Pour parler comme un ingénieur, il y a dans la perception d’une part la récolte des informations, et d’autre part le traitement et l’analyse des informations. La complexité vient du fait que ces deux mouvements se contredisent en un point, car, lorsque je récolte des infos je dois annuler ma conscience analytique, alors que lorsque j’analyse les infos je dois au contraire prendre conscience de moi-même et refermer l’ouverture que j’avais sur l’objet observé. Dans un système informatisé, comme par exemple une sonde spatiale les deux fonctions (récolte-analyse) coexistent et sont opérationnelles en même temps, parce qu’elles passent par deux système de réseaux. Mais chez l’être humain il y a une intégration des deux fonctions à un certain point puisque l’homme réagit à ce qu’il perçoit. C’est cette intégration des deux mouvements contradictoires qui définit le mieux la différence entre l’homme et la machine.
(Je reprends mon discours en mode normal, c'est-à-dire orienté aux filles et aux psychanalystes) ce point de jonction entre l’ouverture et la fermeture c’est l’hystérie.
Revenons au mont Sinaï, lors de la révélation de D sur la montagne il y avait une ouverture totale, le talmud dit que chaque parole de D causait la mort des juifs, les juifs devaient ensuite ressusciter après chaque parole de D pour remourir à nouveau en écoutant la parole d'après. Le premier mouvement de la mort des juifs c’est l’idée de la révélation par l’ouverture absolue. Mais grâce à la résurrection les juifs étaient capables de traiter les informations reçues et de les analyser et de les transformer par l’interprétation. Le fait que la voix de D est entrecoupée de silence, permet à l’homme de transformer sa perception et de l’adapter à lui-même. Cette capacité de reprendre conscience de soi par une résurrection c'est une fermeture sur la révélation divine.
Le mouvement de mort-résurrection décrit par le talmud, montre bien le rapport hystérique de l’homme face à la révélation de la parole divine. Et lorsque le talmud dit «n’importe quelle question qu’un élève va demander à son maitre, a été elle aussi révélée au Sinaï », on peut interpréter que ce rapport hystérique à la révélation au Sinaï c’est le rapport premier de l’homme au monde, et à la parole de l'autre.
Ainsi, lorsque le Maharal dit que la raison transforme la prophétie, et que la raison est supérieure à la prophétie, il ne contredit pas le fait que la torah a pour but d’élever l’homme au dessus de la nature. Car la perception de l’homme et la raison sont essentiellement un rapport de dépassement face à la réalité de la nature. L’hystérie est le moteur de la psyché humaine, le but de la torah est d’orienter cette hystérie dans un mouvement d’ascension vers D.
L’ascension vers D se produit a travers le va et vient hystérique de l’ouverture et de la fermeture devant la révélation de D et du monde. Ce mouvement alterne d’ouverture et de fermeture, de prise de conscience soi et de déprise de soi, c’est la modalité de l’étude de la torah.
Cela explique aussi le passage du talmud dans Taanith 15 qui dit que le ligotage d’Isaac a eu lieu sur le mont Sinaï, et pas a Jérusalem, le talmud veut dire que la suspension de la vie, a la limite de la mort, que l’on retrouve dans le ligotage de Isaac c’est l’essence de la révélation du Sinaï.
J’espère que la vous avez compris que l’on vient de répondre a la deuxième question du début. Je veux dire que l’on a résolue la contradiction dans le Maharal sur le rôle de la raison et la relation au surnaturel. En deux mots, la raison fonctionne comme une recherche du surnaturel, la raison est une relation transcendantale par essence, puisqu’ elle est hystérique, la raison ne contredit donc pas la prophétie, elle en est la continuation naturelle.
Le verre de whisky existe par lui même dans le monde de la matière, mais ma perception de ce verre lui donne un sens surnaturel. En d’autres termes percevoir un verre de whisky c'est déjà prophétiser. À plus forte raison que raisonner logiquement c'est s'abstraire du monde du réel, pour s'orienter vers le surnaturel de la spiritualité.
(Attention ! la je vais répondre à la première question) (Je dis ça parce qu’à chaque fois que je fais un mail qui fait plus que deux pages, je reçois invariablement des commentaires disant « tu n’as pas répondu aux questions du début »)
Puisque la raison et la prophétie sont de même nature, on comprend que la révélation du Sinaï n’était pas nécessaire. Car la révélation de D est déjà inscrite dans l’expérience même du monde et dans la relation naturelle de l’homme au monde. C’est pour cela qu’il y a beaucoup de midrashim qui dise que la torah existait avant la création du monde, et que le Zohar dit « Il a regardé la torah et il a créé le monde ». Ces midrashim ne contredisent pas la parole de Maimonide qui dit que le don de la torah était accidentel, au contraire elles sont la source même de Maimonide. Puisque la torah est inscrite dans la nature même du monde ce n’était pas la peine de la révéler au Sinaï. Pour l'homme qui sait saisir le monde, c'est à dire pour le prophète, c’est l’existence même du monde qui justifiait le génocide d’Amalek.
Voila le cours et fini.
Je suis quand même obligé de faire un petit épilogue philo, pour recadrer un peu la pensée et citer les sources. D’abord tout ce cours est plus ou moins repiqué d’un livre de Jean Christophe Godard qui s’appelle violence et subjectivité. C’est lui qui a eu l’idée de montrer que de l’hystérie est la condition naturelle de l’homme, c’est lui aussi qui fait le rapprochement entre ce rapport à l’hystérie et le ligotage d’Isaac. (Il a été d’ailleurs critiqué à ce sujet par tous ses potes deleuzien de la fac de Toulouse, ce qui est normal). L’intérêt philosophique de montrer que l’hystérie est la base de la raison c’est qu’elle permet de dépasser la phénoménologie de l’autre de Levinas et qu’elle peut rétablir une métaphysique du sujet même selon Foucault. Si vous voulez en savoir plus lisez le livre.
Chabath chalom
Comentarios