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Writer's pictureRav Uriel Aviges

Vayishlah 5770

Introduction

Dans ce texte nous allons parler de la mitsvah d'étudier la torah. Il y a une mitsvah de la torah d'étudier la torah le jour et la nuit, nous avons vu à plusieurs reprises que Maimonide pense que le but de l'univers c'est uniquement de permettre l'étude de la torah, pour Maimonide les préceptes de la torah ont pour but ultime leurs études théoriques. L’accomplissement n'est qu'une condition à l'étude mais l'étude est la finalité réelle de l'accomplissement des mitsvoth. Il y a lieu de s'interroger sur le sens de cette mitsvah, pourquoi est ce tellement important d'étudier la torah? Comment l'étude de la torah peut être un but en soi?

Lorsque l'on regarde les différentes manières d'étudier aujourd'hui on peut distinguer deux types de manière. La première manière consiste à reconnaitre des pensées ou des problématiques du monde profane ambiant dans le texte de la torah. Par exemple il y en a qui reconnaissent dans le récit du retour de Jacob en Israël et son dialogue avec Esaü qui occupe la terre, les problématiques du retour des juifs en 1948 et leurs dialogues avec les arabes. Il y a des physiciens qui travaillent sur les midrashim de la genèse pour reconnaitre dans la création de la lumière la description des mouvements browniens. La plus grande radicalité dans cette manière d'étudier est celle de Levinas qui dit dans un de ces cours que l'on ne peut pas avoir une lecture transcendantaliste des textes sacrés juifs. C'est à dire que pour Levinas, le talmud ou les midrashim ne parlent absolument pas de D. Levinas prouve ce point très simplement (en se basant sur la philosophie de Heidegger), il dit la relation a D dépasse la rationalité, D est au dessus de la raison, or les discours des textes rabbiniques sont des discours rationnels qui sont basés sur un discours articulés par la raison, donc les livres des rabbins ne parlent pas de D. (C'est pas mal comme raisonnement pour un talmudiste amateur).

Levinas conclue dans ce cours qui n'a jamais été édité, mais que l'on peut trouver dans les archives, que les textes rabbiniques sont à envisager comme une partie des sciences humaines, et c'est dans cette optique que l'on peut les lire. Sans le savoir la plus part des intellectuels qui étudient la torah se mettent dans la lignée de cette vision heideggérienne de Levinas qui dissocie la raison de l'être.

L’ennuie avec cette pensée c'est qu'elle est castratrice pour la torah et la littérature rabbinique. C’est à dire qu'à partir du moment on l'on postule que l'on doit envisager la torah sans D, celui qui étudie la torah est condamné à reconnaitre dans la torah et ses textes des idées qu'il aurait pu voir ailleurs. C’est très bien de penser que la torah nous parle des mouvements browniens!, ou de la politique à suivre en Israël, mais il n'empêche que si je veux connaitre les mouvements browniens, il est préférable pour moi d'aller consulter un livre de physique.

Dans cette lecture de la torah, le midrash ne peut être lu qu’"après coup", le midrash n'a rien à nous apprendre de nouveau, pour Levinas le talmud n'est la que pour dire "amen". Le talmud dit "amen" à Heidegger, comme il disait "amen" à Platon à l'époque de Maimonide, comme la torah disait amen à Durkheim à l'époque de rav Shimshon Rafael Hirsch.

Et, même si celui qui étudie la torah dit quelque chose d'original et de nouveau, comme c'était le cas de Lacan, le texte n'est la que pour dire "amen" après coup à l'idée de celui qui étudie. Par exemple, Lacan voit dans la brith milah la séparation du sexe mâle et de sa partie féminine, (le prépuce étant le fourreau qui recouvre la partie mâle de l'homme, comme le sexe de la femme) une separation nécessaire pour l'enfant d'avec l'identification avec la mère. C’est très original et peut-être vrai, (surement plus vrai que la lecture freudienne). Il n'empêche que Lacan, a pensé d'abord, que dans le développement de l'enfant mâle cette étape existait, sans connaitre l'existence même de la milah, et ce n'est qu'ensuite qu'il a interprété la milah à la lumière d'une découverte qu'il avait déjà faite. Le texte n'a de sens qu'après coup.

Lorsque l'équipe de France perd, tout le monde l'avait déjà prévu la veille, et c'est la même chose si elle gagne, pour les intellectuels la torah ne peut pas faire mieux que monsieur tout le monde devant un match de foot.

Cette critique que je fais sur la lecture intellectualisée de la torah ce n'est pas mon "hidouch" c'est une critique déjà énoncée clairement par Spinoza dans l'éthique sur la lecture platonicienne de la torah de Maimonide.

La deuxième manière d'étudier la torah c'est la manière de beaucoup de rabbins orthodoxes, qui s'opposent diamétralement à la manière précédente. Il est amusant de voir que la base théorique de cette approche est exactement la même que celle énoncée par Levinas, mais elle aboutit sur le résultat inverse. Le théoricien le plus explicite de cette manière d'étudier c'est rav Barouh Beer Leibowitz zal. Dans l'introduction à son commentaire sur le talmud (le tome sur Baba Metsiah) rav Barouh Beer part de la même distinction qu'a faite Levinas entre la rationalité logique d'origine humaine et la pensée divine qui dépasse la raison. Rav barouh Beer, qui ne connaissait pas Heidegger, appuie cette distinction sur le fait que la révélation du Sinaï ne peut avoir de sens que si la torah dépasse la raison, car ce que l'homme comprend par lui même il n’a pas besoin que D le lui dise. Il y a donc une distinction essentielle entre la vérité révélée et la vérité spéculative.

Mais rav Barouh Beer rajoute un détaille qui change tout, à la différence de Levinas, rav Barouh Beer voit la transcendance et le rapport à D à travers la torah comme un postulat de la torah (ce qui est évident à mon avis). Pour rav Barouh Beer la raison de la torah s'oppose radicalement à la raison humaine, mais l'homme doit arriver à travers l'étude à annuler sa raison humaine pour accéder à la raison divine, le travaille de l'homme dans l'étude est donc avant tout un processus d'intégration en soi d’une autre rationalité. Pour ces rabbins l'homme doit faire taire en lui sa raison naturelle, il doit apprendre et intégrer une autre rationalité exposée dans les textes de la torah. Grosso modo pour ces rabbins l'étude de la torah c'est un peu comme apprendre le bottin par cœur, sauf que le talmud c'est un peu plus compliqué que le bottin.

Ce qui est difficile avec cette manière de voir, c'est que le talmud reste un discours logique et que la torah est un récit construit dans un rapport au réel. Personnellement, je ne comprends pas comment l'homme peut prétendre nier sa raison tout en articulant un discours logique.

A travers l'interprétation du combat de Jacob avec l'ange qui débouche sur l'éternité d'Israël je voulais donner un autre sens a la mitsvah d'étudier la torah.

1- Le combat de Jacob avec l'ange

La torah nous raconte que Jacob s'est battu avec un ange: Jacob étant resté seul, un homme lutta avec lui, jusqu'au lever de l'aube. Voyant qu'il ne pouvait le vaincre, il lui pressa la cuisse; et la cuisse de Jacob se luxa tandis qu'il luttait avec lui. Il dit: "Laisse moi partir, car l'aube est venue." II répondit: "Je ne te laisserai point, que tu ne m'aies béni." Il lui dit alors: "Quel est ton nom?" II répondit: "Jacob." Il reprit: "Jacob ne sera plus désormais ton nom, mais bien Israël; car tu as jouté contre des puissances célestes et humaines et tu es resté fort." Jacob l'interrogea en disant: "Apprends-moi, je te prie, ton nom." II répondit: "Pourquoi t'enquérir de mon nom?" Et il le bénit alors. Jacob appela ce lieu Penïel "parce que j'ai vu un être divin face à face et que ma vie est restée sauve". Mais qui est cet ange qui s'est battu avec Jacob? Rashi rapporte l’explication du midrash en disant " Nos maîtres ont expliqué que l’homme en question était l’ange gardien de Esaü ". On peut poser une question sur ce midrash, nous savons que Jacob possède aussi (au moins) un ange gardien. A la fin de la parasha de la semaine dernière Jacob rencontre deux camps d'anges qui prennent la relève pour le garder, au début de la parasha Rashi explique que Jacob a envoyé des anges à la rencontre de son frère, en bref Jacob est entouré d'anges, pourquoi ces anges ne l'ont pas protégé de l'ange gardien d'Esaü? Pourquoi Jacob a du se battre lui même contre l'ange d'Esaü? La réponse tient au fait que l'ange d'Esaü suivait le commandement de D lorsqu'il a attaqué Jacob.

C’est ce que Rashi dit dans son commentaire "Pourquoi demandes-tu mon nom? Nous n’avons pas de nom immuable. Nos noms changent suivant les missions dont on nous charge ". Les commentateurs expliquent que ce combat de Jacob avec l'ange ce n'était pas un accident de l'histoire, c'est un combat perpétuel que l'homme doit livrer contre l'ange d'Esaü.

2- Esaü et Jacob, l'être et la raison

Pour mieux comprendre l’enjeu du combat de Jacob avec l'ange il faut donc comprendre ce qu'est Esaü dans la torah et dans l'histoire. le talmud dans Yomah 10 dit : rav Yehudah dit au nom de rav, le fils de David ne peut venir avant que la royauté de Rome l'impie se propage sur tout le monde pendant neuf mois comme le verset dit " (Or, c'est de toi Bethléem-Ephrata, si peu importante parmi les groupes de Juda, c'est de toi que je veux que sorte celui qui est destiné à dominer sur Israël et dont l'origine remonte aux temps lointains, aux jours antiques.) C'est pourquoi il les abandonnera [à eux-mêmes] jusqu'au jour où enfantera celle qui doit enfanter, et où le reste de ses frères viendra retrouver les enfants d’Israël" (Mihah 5).

Le talmud dans Yomah déduit du verset de Mihah que celui qui doit enfanter le messie ce n'est pas Israël, c'est Rome c'est à dire Esaü! Comme si le père du messie c'est Israël mais que la mère c'est Esaü. Le Maharal explique longuement ce passage du talmud, il dit que le messie sera un fruit de culture occidentale. Le maharal semble dire dans son commentaire que la force d'Esaü qui est décrite par le talmud c'est la force de la mondialisation et de l'universalité. Le messie doit avoir une portée universelle, or le peuple d'Israël est par définition centré sur le particularisme et la subjectivité. Le messie qui doit faire une symbiose entre le subjectivite et l'universalité, entre l'être et la raison, doit donc être fécondé par la société occidentale, c'est à dire par Rome.

À partir de ce passage du talmud qui décrit Esaü comme l'essence de la communication et de la mondialisation on peut expliquer que le combat de Jacob avec l'ange c'est le combat de la vérité subjective contre la rationalisation universelle. C’est le combat entre "l'être" de l'humain, et la raison universelle.

Ce n'est qu'à travers cette dialectique que l'on peut comprendre que Jacob arrive à surpasser l'ange, car l'homme ne peut être supérieur à l'ange que parce que l'âme humaine et l'essence de son être dépassent en sainteté la nature des anges. (Midrash rapporté dans l'introduction du Messilat Yesharim).

Il faut cependant expliquer comment cette confrontation entre l'essence de l'être et la raison universelle se produit dans la réalité et dans l'histoire. À mon avis cette opposition advient à travers l'étude de la torah.

Je vais essayer d'expliquer ce que je veux dire en montrant la différence qu'il y a dans le rapport entre le sujet subjectif et la rationalité universelle dans la culture occidentale et dans la culture juive.

Dans la culture occidentale, le sujet qui s'exprime est clairement dissocié du discours qu'il exprime. Par exemple si Einstein dit e=mc2, on ne pense pas qu'il y ait un rapport essentiel entre cet axiome et l'âme d'Einstein. La vérité découverte par Einstein reste séparée de lui même, elle s'exprime dans la raison universelle. Même dans l'art et la littérature il y a la même distinction; ce que peint Monet a une valeur à part entière indépendamment de l'âme de Monet, l'importance de l'œuvre d'un peintre ou d'un artiste tient au fait qu'il sait exprimer quelque chose d'universel dans son oeuvre, et que tout le monde peut s'y reconnaitre. C’est pour cela que la civilisation occidentale est une civilisation du progrès, le résultat de la vie d'un homme c'est son œuvre et sa création, ensuite cette création a pour but de servir de base à une autre creation et d'être dépassée elle même à son tour.

C’est ce que la torah dit dans un verset, en faisant parler Esaü le verset dit "Ésaü prit Jacob en haine à cause de la bénédiction que son père lui avait donnée. Et Ésaü se dit en lui même: " que le temps du deuil de mon père se rapproche; que je fasse périr Jacob mon frère." or on sait que Esaü aimait beaucoup son père, alors comment Esaü peut-il souhaiter la mort de son père? Ce que la torah veut nous montrer ici c'est qu'Esaü est dans une optique de progrès, ainsi même si il aimait son père et qu'il lui donnait beaucoup de respect, Esaü pensait que la finalité de son père c'était d'être dépassé par la nouvelle génération. (On comprend que l'idée du meurtre du père c'est une idee romaine plus qu'une idee juive, c'est d'ailleurs évident quand on connait l'histoire de jésus qui n'a pas de père, Freud lorsqu'il critique le judaïsme fait inconsciemment la critique du christianisme, c'est un beau cas de transfert, c'est la même chose avec la castration sexuelle qui est une idée chrétienne et pas une idée juive. Freud pense que les juifs par la milah sont le symbole de la castration, pourtant la négation de la sexualité n'existe que dans l'église. La psychanalyse freudienne n'est qu'un embranchement du christianisme et n'a de sens que par rapport à lui, si le christianisme disparait la psychanalyse disparait aussi, c'est en fait ce que pensait Freud inconsciemment quand il a écrit son livre sur Moshé, et il avait raison).

Même si dans la culture occidentale on s'intéresse à la vie d'un auteur ou à la conjoncture historique d'une création c'est toujours pour expliquer la cause du résultat donné, jamais pour que cette vie soit réellement l'aboutissement de la création. Si on étudie les poèmes de Pic de la Mirandole ce n'est pas pour faire revivre la fin du moyen-âge, c'est pour comprendre la portée de l'œuvre dans son contexte. Et si un auteur veut faire revivre le moyen-âge c'est une nouvelle création qui a pour prétexte une biographie de Pic de la Mirandole.

Il est vrai que chez certains philosophes modernes il y a un essai de dépassement de la dissociation entre le corps et l'esprit, on trouve cette idée déjà chez Nietzche et ensuite chez les philosophes post husserlien, mais à chaque fois l'auteur est tiré par le bas à cause de sa subjectivité et par son corps. De manière caricatural ces philosophes pensent que Descartes a douté de la réalité du monde par ce qu'il avait du mal à digérer le pot au feu de sa femme ce jours la, et que si Platon a dit que le monde n'était qu'esprit c'est par ce qu'il avait un corps moche etc., à chaque fois la subjectivité est là pour limiter la portée de la parole de l'auteur et jamais pour la justifier de manière universelle.

3- Le but de l'étude de la torah c'est de ressusciter les morts

Par contre dans le judaïsme la parole est justifiée par ce qu'elle est l'expression de l'âme de l'auteur, le but de l'étude c'est de ressusciter les morts. Le talmud dans Yebamoth dit rav Yehudah dit au nom de rav : que dit le verset "Je voudrais séjourner dans les deux mondes sous ta tente", est ce qu'un homme peut résider dans les deux mondes? Seulement David a dit devant hkb"h, "Maitre du monde! Que cela soit ta volonté qu'ils disent une parole de la tradition (un enseignement) en mon nom dans ce monde!" car rabbi Yohanan dit au nom de rabbi Shimon bar Yohay "tout talmid haham dont on dit une parole de tradition dans ce monde ces lèvres bougent dans sa tombe".

Rabbi Itzhak le fils de zehira (il y en a qui dise "Shimon le coupé") dit: "de quel verset peut-on déduire l'enseignement de rabbi Shimon bar Yohay? Du fait qu'il est dit dans le Cantique des Cantiques "et ton palais comme un vin exquis… Qui coule doucement pour mon bien-aimé et rend loquaces même les lèvres assoupies." comme ce "comer" (l'endroit ou l'on fait fermenter le vin) de la même manière que si l'homme presse sur le "comer" tout de suite des bulles apparaissent en faisant sortir le vin, de la même manière les talmidei hahamim dès que l'on dit un enseignement en leur noms dans ce monde leurs lèvres bougent dans leurs tombes."

La parole de David est sacrée par ce qu'elle est l'expression de l'âme de David, c'est la même chose avec Samuel ou Jérémie et c'est la même chose avec Rashi ou Maimonide. Le but de l'étude de Rashi c'est de ressusciter l'âme de Rashi. Mais cette résurrection passe par le combat à mort de l'âme de Rashi avec Esaü. C’est à dire qu'il faut confronter Rashi avec la rationalité universelle pour que la parole de Rashi ressuscite. C’est à travers une critique rationnelle de Rashi que l'on peut continuer à faire parler son âme. C’est de cette manière que le talmud fonctionne, il essaie de critiquer la parole de la tradition par la raison en poussant le raisonnement logique à son maximum. Ce qui ressort de cette critique logique ce n'est pas une raison décharnée c'est au contraire l'expression d'une subjectivité, mais cette subjectivité nous parle par ce qu'elle peut s'exprimer dans le monde de la raison.

C’est ce que symbolise le déboitement de la hanche de Jacob, l'âme de Jacob continue à nous parler, par ce qu'elle marche, elle évolue. Une parole ne peut évoluer que si à un certain point elle est déséquilibrée. Une parole ne peut être éternelle que par ce qu’elle est l'affirmation d'une subjectivée, et qu'elle repose sur un déséquilibre, mais ce déséquilibre ne peut apparaitre que grâce à une critique rationnelle.

Le talmud dans Menahot raconte que Moshé a assiste a un cours de rabbi Akivah et qu'il ne comprenait pas ce que rabbi Akivah disait, il était triste, et à la fin du cours rabbi Akivah a dit: "la base de cette enseignement c'est une loi reçue par Moshé au Sinaï", alors Moshé a été apaisé. Ce que le talmud veut dire, c'est que toutes les déductions logiques que l'on fait à partir de la torah étaient déjà potentiellement incluses dans le discours initial, même si, Moshé lui même ne l'avait pas pensé explicitement. (C’est par la critique logique que l'on peut découvrir la pensée inconsciente de Freud). C’est la critique rationnelle qui permet de donner une éternité à la parole de Moshé. Ce rapport à l'eternite c'est le but de la torah.

Le talmud dans Taanith dit Jacob est encore vivant, comme le verset dit et je ramènerais Jacob et ses enfants de l'exil, le talmud objecte pourtant il est dit clairement que Jacob a été enterré. Le talmud ensuite en guise de réponse rapporte un autre enseignement comme quoi tout celui qui disait le nom de "Rahav", (la prostituée la plus célèbre de son époque,) éjaculait sur place, s’il la connaissait un peu. Que veut dire le talmud? Le talmud veut dire que, de la même manière que l'homme peut recréer une présence virtuelle dans le fantasme sexuel, de la même manière, par l'étude de la torah l'homme peut recreer l'âme de Jacob et la faire revivre.

Nahmanide dit que lorsque l'on parle à quelqu'un il ne faut ne pas observer son visage, car observer le visage de l'autre c'est déjà lui donner une limite. Nahmanide explique que de la même manière que Moshé ne pouvait pas voir la face de D, ainsi on ne peut pas voir la face de l'autre puisqu'il est à l'image de D. (Nahmanide au 14e siècle allait en deux lignes beaucoup plus loin et beaucoup plus vite que Levinas en cinq tomes). La vérité subjective de l'homme dépasse son visage et son corps, c'est ici la différence essentielle qu'il y a entre le vison du sujet chez Nietzche et celle de la torah. L’étude de la torah ce n'est pas recherché la partie subjective qu'il y avait chez un auteur mais au contraire c'est chercher la partie éternelle qu'il y a en lui.

Le Hazon Ich dit "à toute question on peut trouver une réponse", pour le Hazon Ich ceci est l'axiome de base qui régit la logique du talmud. Il n'y a pas de preuve absolue, la raison est infinie elle ne peut donc être la que pour exprimer une subjectivité. Mais la subjectivité ne peut s'exprimer que dans un combat face à la raison, plus la raison est poussée vers sa limite plus l'âme se rapproche de l'éternité.

Dans les livres de kabbale la résurrection des morts est liée à l'attribut de la "binah", c'est à dire la construction logique par déduction d'une chose à partir d'une autre, car c'est dans cet effort de déduction que l'on peut faire revivre l'âme de l'autre.

4- Vaincre les anges c'est être esclave pour une femme

Si le talmud dans Yomah pense que la mère du messie c'est Rome, Rashi, par contre, explique dans la parasha de Balak que le messie c'est celui qui va tuer le pape. Freud avait raison de dire qu'il y avait une histoire de meurtre dans la torah, mais ce meurtre c'est le meurtre de la mère pas celui du père. C’est ce que le midrash dit quand il explique que sarah est morte lorsqu’Abraham a ligoté Isaac. C’est une interprétation possible de la brith milah ou l'homme doit couper une partie de l'attachement maternelle qu'il y a en lui. Le Maharsha explique que l'homme ne peut ressusciter vraiment que si il est créé de la terre et pas du ventre de sa mère, c'est pour cela que l'homme doit mourir pour être recréer dans l'éternité. Pour le Maharsha la vie qui amène à la mort ce n'est qu'un long processus de détachement de sa mère. Ce qui permet à l'homme de se détacher de sa mère, c'est la confrontation avec la raison logique.

Jacob est décrit par la torah comme l'homme qui a dominé les anges et qui a été esclave pour une femme. Dans les autres religions monothéistes c'est le contraire qui est idéalisé, le juste c'est celui qui est esclave de D et qui maitrise les femmes. L’idée que la torah veut montrer dans cette définition du juste, c'est que l'homme existe éternellement en face de D, la subjectivité de l'homme c'est son éternité, mais la subjectivité profonde de l'homme c'est l’esclavage pour une femme.

La subjectivité de l'homme ne devient éternelle que dans un combat, ce combat c'est un détachement d'avec sa mère. Le talmud dit "la torah ne peut exister que chez celui qui vomit le lait qu'il a tété des seins de sa mère". Ce détachement ce n'est pas un assassinat de la mère, au contraire, c'est par ce combat que l'homme comprend que l'essence même de la subjectivité qu'il rend éternelle c'est sa mère.

"Jacob a été esclave pour une femme", cela ne veut pas dire que Jacob passait sa journée à draguer ou aider sa femme à la maison. Jacob a été esclave pour une femme par ce qu'il a permit à ses femmes d'avoir des enfants tsadikim, c'est à dire qu'il a sorti les femmes de leurs stérilités.

Le talmud explique que l'homme n'accède à l'éternité que par l'étude de la torah, le talmud demande "mais alors, comment les femmes qui n'étudient pas la torah peuvent elles accéder à l'éternité?" et le talmud répond "c'est par ce qu'elles aident leurs enfants en les envoyant étudier la torah et qu'elles laissent leurs maris étudier tard le soir qu’elles peuvent accéder à l'éternité".

On a compris comment une mère accède à l'éternité a travers l'étude de ses enfants, puisque les enfants ne font qu'exprimer l'essence de leurs mères dans leurs études. Mais comment une femme accède-t-elle a l'éternité par l'étude de son mari? À mon avis la réponse tiens au fait que l'éternité c'est d'abord faire revivre le passé dans le présent, faire revivre le passé dans le présent ce n'est pas faire une cérémonie commémorative c'est faire revivre les morts.

Dans l'étude théorique il n'y a pas de résurrection totale du mort, puisque la parole reste une abstraction, c'est lorsque la parole de l'autre se manifeste dans la réalité de l'action qu'elle est vraiment recréée. La parole de quelqu'un devient éternelle lorsqu'elle crée quelque chose de nouveau dans la réalité, c'est ce que dit le premier verset de la torah.

Si j'étudie les paroles de Rabenou Tam je le fait moins revivre que si je mets les tefillins de Rabenou Tam. La femme permet de donner une consistance réelle à l'étude du mari, elle permet à l'étude de s'exprimer dans la réalité du monde. Dans ce sens la femme est une actrice directe de l'accomplissement de l'éternité dans le temps. C’est ce que le verset veut dire lorsqu'il dit que Jacob a été esclave pour une femme, c'est à dire que l'éternité de Jacob a pour finalité un accomplissement dans un présent éternel.

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