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Writer's pictureRav Uriel Aviges

Vayehi 5770

Dans la parasha de la semaine on peut trouver un Rashi très éclairant sur la notion d’identité nationale et l’idée de race dans la torah. Les versets disent: (50-13) ils le transportèrent au pays de Canaan et l'inhumèrent dans le caveau du champ de Mahpelah, ce champ qu'Abraham avait acheté comme possession tumulaire à Éfrôn le Héthéen, en face de Mamré. Rashi commente ces versets en disant:

Ses fils le portèrent, Et non les fils de ses-fils. Car voici ce qu’il leur avait ordonné : « Ne portera mon cercueil ni un Egyptien ni l’un de vos fils, car ils ont pour mères des Kena‘anies, mais uniquement vous-mêmes ! » Il leur avait également fixé à chacun sa place : trois à l’est, et de même pour les quatre points cardinaux, dans le même ordre que celui qui sera institué plus tard pour le défilé des drapeaux des tribus. « Lévi ne portera pas, car il est destiné à porter l’arche sainte. Joseph non plus ne portera pas, à cause de son titre de roi. A sa place se tiendront Menashé et Ephraïm ». (Midrash Tanhouma Bamidbar 12).

Ce midrash rapporté par Rashi est extraordinaire car il résume en très peu de mots l’ambigüité du rapport à la race dans la torah. D’un coté, Jacob interdit à ses propres petits enfants de toucher son corps, même après sa mort, car ils sont les enfants d’une race impure, ce sont des enfants de kenaanith. Cet ordre de Jacob montre une haine extrême! Même après sa mort! Il ne veut pas que ses propres petits enfants touchent son corps! Cette réaction peut paraitre très étonnante de la part de Jacob, car on sait d’autre part que Jacob adorait ses petits enfants et que c’était lui qui leur enseignait la torah.

Les midrashim disent à plusieurs reprises que l’accomplissement ultime de la vie de Jacob c’était de créer les 70 âmes qui allaient fonder le peuple d’Israël, et pourtant il ne veut pas que ces petits enfants le touche par ce qu’ils sont le fruit d’un sang impur.

D’autre part, ce midrash montre bien l’ambigüité qui réside dans l’idéalisation de “la pureté de la race d’Israël”, car ce midrash nous apprends que les juifs de la deuxième génération ne sont pas une race pure. Presque tous les petits enfants de Jacob sont les enfants des “kenaniot”, le sang juif pur de Jacob s’éteint avec Jacob et ses enfants.

Ce midrash est raciste, il pense qu’il y a une race supérieure, celle qui descend d’Abraham, Isaac et Jacob, mais il nous apprend du même coup que cette race supérieure est une race éteinte. La race d’Israël c’est une race idéale qui n’existe que comme une pureté originelle à jamais perdue.

Même si ce midrash montre d’une manière immédiate toute la complexité et l’ambigüité du sentiment humain quand à la race et à l’origine, même si il nous crache à la figure l’insondabilité du problème, on se doit de dépasser la lecture initiale par une analyse critique logique. Comme dit la Mishna dans Pirkei Avoth “celui qui ne fait pas de déduction logique est passible de peine de mort”.

La première question qui se pose sur ce midrash tient au fait que Jacob se contredit lui même. Il ne permet qu’aux juifs au sang pur de toucher son tombeau, alors pourquoi permet-il aux enfants de Joseph Menashé et Ephraïm de le porter? Ces enfants ont pour mère une égyptienne pure “beur” dont la mère et le père ont même cherché à violer Joseph?

La deuxième question est plus fondamentale, elle concerne la nature du sacré selon la torah. Le midrash rapporte plusieurs explications en ce qui concerne la nature de l’arbre de la connaissance du bien et du mal que Eve et Adam ont mangé. Certains pensent que c’était du blé, d’autre que c’était un figuier, d’autre que c’était le cédrat. Le Maharal se demande qu’elle est l’intérêt du midrash d’essayer des théories approximatives sur la nature de l’arbre de la connaissance. Qu’est ce que le midrash veut nous apprendre par son jeu de devinette?

Le Maharal répond que le midrash vient nous apprendre une notion essentielle dans la nature du sacrée selon la torah. Les rabbins veulent nous dire que l’arbre que Adam et Eve ont mangé c’était un arbre quelconque, mais c’est l’interdit de la torah et le commandement de D qui donne à l’arbre une nature sacrée.

La matsah n’a aucune sacralité intrinsèque, la preuve c’est que si on la mange à Pourim on ne fait pas de mitsvah. C’est le commandement de D qui donne une sacralité à la matsah à Pessah. Lorsque que le commandement disparait la matsah est égale au pain. Le Maharal pense que croire qu’il y a une sacralité dans l’objet de la mitsvah indépendamment de la mitsvah c’est déjà de l’idolâtrie. C’est faire des commandements de la torah des objets magiques.

C’est pour cela qu’il y avait beaucoup de rabins qui se sont opposés à la “hassidouth”, car ils pensaient que faire une mitsvah lorsque D ne l’a pas demandé c’est être idolâtre. Par exemple, si un homme va au mikveh avant la prière par ce qu’il croit que le mikveh a une vertu purificatrice intrinsèquement, il fait de l’idolâtrie selon le Gaon de Vilnah! Par ce que le mikveh ne rend pure que lorsque la torah demande d’y aller, pour une nidah ou pour manger de la troumah, ou pour une conversion, mais sans cela le mikveh c’est de l’eau, pas plus.

(Si quelqu’un veut aller au mikveh avant la prière et ne pas faire de l’idolâtrie il doit avoir l’intention de vouloir accomplir le devoir de suivre l’habitude de ses parents ou de ses maitres afin de perpétuer la tradition, à partir de ce moment le mikveh devient une ordonnance de D et il est purificateur.)

Pour revenir a notre sujet, si les enfants de Jacob se sont mariés avec des kenaanith c’est par ce qu’ils avaient le droit de le faire, on ne voit pas que Jacob n’ait jamais dit à ses enfants de ne pas se marier avec des kenaniot, elles devaient surement êtres converties.

Or, si on suit le raisonnement du Maharal une femme non juive de race si elle n’est pas frappée par un interdit halachique devrait être exactement l’égale de la femme juive de race, puisque c’est la loi qui crée la sacralité, comment donc comprendre le racisme de Jacob?

Pour répondre à cette question on peut se rapporter à un autre midrash qui parle de l’enterrement de Jacob. En effet, à un autre endroit Jacob refuse à un membre de sa famille de toucher son corps après sa mort.

En effet, Rachel, qui était le grand amour de Jacob n’a pas été enterrée avec lui. Une des raisons apportées par le midrash c’est que Jacob n’a pas voulu que son corps soit souillé après sa mort par la proximité du corps de Rachel.

En effet, le verset dit : Or, Ruben étant allé aux champs à l'époque de la récolte du froment, y trouva des mandragores et les apporta à Léa sa mère. Rachel dit à Léa; "Donne-moi, je te prie, des mandragores de ton fils." 15 Elle lui répondit: "N'est ce pas assez que tu te sois emparée de mon époux, sans prendre encore les mandragores de mon fils?" Rachel reprit: "Eh bien! Il couchera cette nuit avec toi en échange des mandragores de ton fils." 16 Jacob revenant des champs, le soir, Léa sortit à sa rencontre et dit: "C'est à mes côtés que tu viendras, car je t'ai retenu pour les mandragores de mon fils." Et il reposa près d'elle cette nuit là.

Rachel a préféré recevoir de fleurs de la part de Ruben plutôt que d’avoir des rapports avec son mari. Le midrash juge très durement cette tractation de Rachel.

Rashi explique : Eh bien ! Il couchera avec toi cette nuit C’est à moi qu’appartenait cette nuit. Mais je te la donne en échange des doudaïm de ton fils. Et comme elle avait dédaigné la compagnie nocturne de ce juste, elle n’a pas mérité d’être enterrée dans la même tombe que lui (Beréchith Raba 72, 3).

Les commentateurs expliquent que le dédain dont le verset parle ce n’est pas le fait que Rachel n’a pas voulu avoir des rapports avec son mari. Il arrive à tout le monde de ne pas avoir envie, et si sa sœur pouvait en profiter pourquoi pas!

La faute de Rachel est montrée dans le verset par le fait que lorsqu’elle fait référence au fait d’avoir des rapports sexuelles avec son mari elle dit “il couchera avec toi”, alors que lorsque Léa parle d’avoir des rapports avec son mari elle dit “tu t’es emparé de mon époux”. C’est à dire que Léa comprend que le fait d’avoir des rapports avec son mari ce n’est pas quelque chose de purement physique c’est quelque chose de spirituel, alors que Rachel ne voit les rapports sexuels que comme quelque chose de purement physique. Jacob n’a pas voulu être enterré avec Rachel par ce qu’elle ne saisissait pas toute la portée spirituelle qu’il y avait dans la sexualité de Jacob, elle ne comprenait pas la sacralité du corps.

Jacob devait engendrer le peuple d’Israël, il savait qu’il était lui même le fruit d’un travail de purification de plusieurs générations. Le fait de nier que l’homme puisse faire descendre de la sainteté dans le monde c’est nier tout le travail d’Abraham et Isaac. Jacob ne pouvait être que le fils d’Isaac comme Isaac ne pouvait être que le fils d’Abraham. Les patriarches cherchaient à changer la nature humaine à travers leur service de D et ils cherchaient à faire hériter le fruit de ses changements à leurs enfants. Le fait d’engendrer des enfants c’était pour les patriarches avant tout un travail spirituel, qui permettrait de créer une race élue capable d’une proximité à D. Par conséquent penser que les fils de Isaac ou de Jacob étaient l’égale au fils d’une prostituée avec l’un de ses clients, c’était nier tout le travail d’Abraham, Isaac et Jacob.

Si Rachel pense que la spiritualité est déconnectée de la matière et que l’homme ne peut pas faire descendre une spiritualité dans la matiere alors elle n’est pas apte a être enterrée avec les patriarches dans la grotte de Mahpelah, par ce qu’elle ne comprend pas la base même de la création d’un peuple. De la même manière les petits enfants de Jacob ne peuvent pas toucher son cercueil par ce qu’ils sont les enfants des kenaanith, ils ne sont pas les pures fruits du travail des patriarches. Encore une foi vouloir nier cette inégalité c’est renier tout l’héritage d’Abraham et Isaac.

La sacralité n’existe pas de manière intrinsèque sans la mitsvah, mais une foi qu’un objet a été utilisé pour faire une mitsvah l’homme à la capacité de faire descendre la sainteté sur l’objet lui même. Le Mordehi (ashkénaze 13e siècle) au début de Hulin parle extensivement du minhag de se laver le visage avec le vin de la havdalah, il rapporte plusieurs minhagim qui consistent à conférer un pouvoir surnaturel à “ce qui reste des mitsvoth”, comme le minhag de garder les restes de l’afikoman dans son sac pour se protéger. Le Mordehi explique ces minhagim tirent leurs bases du talmud qui dit “ce qui reste des mitsvoth c’est ce qui protège des malheurs”. Le Mordehi explique que penser qu’un objet a un pouvoir surnaturel c’est de la sorcellerie, mais si on nie le fait que la mitsvah donne un pouvoir surnaturelle aux choses alors on nie l’essence de la torah.

Le talmud dit que la sainteté du mont Sinaï a disparu dès que la révélation de D a prit fin. Le mont Sinaï ce n’est qu’un tas de sable comme un autre aujourd’hui. Pourtant la montagne du temple de Jérusalem reste un endroit saint même après la destruction du temple. Pourquoi y a-t-il une différence entre le mont Sinaï et le mont du temple? Les commentateurs expliquent que la révélation du mont Sinaï n’était pas le fruit du travail de l’homme, c’est D qui s’est révélé sur ce mont de manière gratuite, donc une fois que la révélation disparait il ne reste rien. Par contre le temple a été construit par les juifs, c’était le fruit de leur argent et de leur labeur, donc, bien que la révélation du temple ait disparu la sainteté reste éternelle, car c’est l’action de l’homme qui fait descendre la sainteté dans le monde. C’est l’homme qui crée le sacré et qui lie la spiritualité dans la matérialité.

De même, le talmud dit, que premier temple n’a pas sanctifié Jérusalem pour l’éternité, c’est le deuxième temple qui a donné une sacralité à Jérusalem pour l’éternité, par ce que dans le deuxième temple il n’y avait aucun miracle et aucune révélation surnaturelle, le temple n’était que le fruit de l’action humaine et de sa logique, c’est pour cela que paradoxalement sa sainteté est éternelle.

Le mikveh c’est de l’eau tant qu'on ne l'a pas utilisé pour une mitsvah, mais lorsque l’on a utilisé l’eau du mikveh pour faire une mitsvah l’eau du mikveh prend une sacralité surnaturelle et elle peut être utilisée pour guérir de malades.

Isaac et Jacob était des hommes comme les autres mais comme ils ont utilisé leurs corps pour faire des mitswoth leurs corps ont été sanctifiés et les enfants qui sont sortis de leurs corps sont aussi sanctifiés et ils ne sont pas comparables intrinsèquement à des individus qui serait nés d'une rencontre imprévue et sans lendemain.

C’est idée que l’homme peut faire descendre la spiritualité dans la matérialité et lui donner une transcendance, c’est l’attribut de la sainteté qui est la troisième bénédiction de la amidah qui se rapporte à Jacob.

Revenons maintenant à la deuxième question que nous avions sur le midrash, pourquoi Jacob a-t-il permis aux fils de Joseph de porter son cercueil alors qu’ils étaient eux aussi issus de mariages mixtes?

Pour répondre à cette question le Nahalat Yaacov (un élève du Ramah et du Smah 16e siècle, ashkénaze) demande une autre question. Il y avait parmi les petits enfants de Jacob des enfants qui n’étaient pas les enfants des kenaanith, par exemple Shaoul, le fils de Dinah avec son frere Shimon, et les enfants de Juda avec sa belle fille tamar qui selon le midrash n’était pas kenaanith, alors pourquoi ces petits enfants de Jacob n’ont pas eu le droit d’assister à l’enterrement de Jacob?

Le Nahalaht Yaacov répond que Jacob n’a pas voulu faire de différences entre ses petits enfants. Jacob avait interdit à ses petits enfants qui étaient de race juive à assister à son enterrement par ce qu’il ne voulait pas que ces derniers se sentent supérieurs aux autres petits enfants.

De la même manière Jacob a permis à Ephraïm et Menashé, qui étaient considérés comme les enfants de Jacob, d’assister à l’enterrement, bien qu'ils soient issus de mariage mixtes, par ce que Jacob ne voulait pas faire de différences entre ses enfants, Jacob ne voulait pas que ceux qui étaient issus de mariages mixtes se sentent inferieurs aux autres.

Une petite remarque sympathique

Il y a une discussion entre les auteurs du midrash quand aux femmes des 12 enfants de Jacob, il y a un Tana qui pense que les enfants de Jacob se sont mariés avec des “kenaniot”, un autre tanah pense que des sœurs jumelles étaient nées avec les 12 frères et qu’ils se sont mariés avec elles. Ces deux avis sont rapportés à plusieurs reprises dans Rashi.

Il y a une difficulté pour l’opinion qui tient que les frères étaient mariés à leurs sœurs. Lorsque l’on parle de la venue des enfants de Jacob en Israël on ne compte que 70 âmes qui sont toutes nommées, et parmi les 70 âmes il n’y a que 2 filles Serah la fille d’Asher et Dinah la fille Jacob. Il est donc difficile de dire que Jacob avait 12 autres filles qui ne sont pas mentionnées dans les versets.

Rashi répond à ces questions dans son commentaire sur le verset (46-26) “Toutes les personnes de la famille de Jacob et issues de lui, qui vinrent en Égypte, outre les épouses des fils de Jacob, furent en tout soixante-dix personnes.” Rashi explique “Lorsqu’ils se sont mis en route pour aller en Egypte, ils n’étaient que soixante-six. En revanche, au verset 27, le mot baa est au passé, et l’accent est donc mis sur l’avant-dernière syllabe. En effet, lorsqu’ils sont arrivés à destination, ils étaient soixante-dix, ayant trouvé sur place Joseph et ses deux fils, et Yokhèvèd étant née « entre les remparts ». Quant à l’opinion selon laquelle une sœur jumelle est née avec chacun des fils de Jacob (voir Rachi supra 35, 17 et 37, 35), force nous est de dire qu’elles sont mortes avant leur arrivée en Egypte, puisqu’elles ne sont pas comptées ici. J’ai trouvé ceci dans Vayikra Raba (4, 6)”

Rashi explique que pour celui qui pense que les frères étaient mariés à des sœurs jumelles, ces sœurs étaient mortes avant d’arriver en Egypte puisqu’elles ne sont pas comptées dans le nombre des arrivants. Pourtant, Rashi prouve des versets que Yocheved, la mère de Moshé, est née “entre les murailles” d’une ville égyptienne. Donc, une question se pose: qui était la mère de Yocheved? Puisque toutes les sœurs juives étaient mortes avant d’arriver en Egypte!... Bingo! On est obligé de dire que d’après tous les avis la grand-mère maternelle de Moise et d'Aaron n’était pas juive de race.

(Ce n’est pas moi qui fait ce calcul c’est le Nahalath Yaacov. Le Nahalath Yaacov écrit cela pour expliquer que le midrash où Jacob interdit à ses petits enfants de porter son cercueil peut s’expliquer aussi selon celui qui pense que les frères se sont mariés avec des sœurs jumelles, car même selon cet avis, on peut déduire de l’exemple de la naissance de Yocheved que les frères se sont ensuite remariés avec des kenaniot qui n’avaient rien de juifs).

Revenons à la question de l’identité nationale

Il est intéressant de remarquer que les trois seuls petits enfants de Jacob qui n’avaient pas de sang kenaani: “Shaoul”, le fils de Dinah avec son frère Shimon, et Zerah et Perets qui sont les enfants de Juda avec sa belle fille, sont d’une part le fruit de rapport interdit et d’autre part ce sont les seuls enfants qui sont appelles explicitement par le verset des “kenaanim”. Dans les deux cas le midrash et le talmud s’évertuent à expliquer que le mot kenaani n’est pas à prendre à la lettre. Il est interressant de se demander pourquoi ce sont justement les enfants qui n’avaient pas de sang kenaani qui sont appelles des kenaani par la torah.

Dans la même verve, Le talmud dans Psahim 50 montre que le mot kenaani est toujours utilise comme une insulte par les prophètes de la bible (Isaïe et Osea). C’est une insulte raciale, les prophetes traitent les habitants de telle ou telle ville de “sales kenaani”, c’est à dire d’hommes malhonnêtes qui aiment la fraude. Mais dans tous les cas cette insulte de “sale kenaani” n’est jamais porte par les prophètes a l’encontre des peuple kenaani, ce sont les juifs qui sont toujours insultes d’être des “sales kenaani”. Le prophète n’insultera jamais un palestinien ou un allemand en disant “sale allemand” ou “sale palestinien”, par contre les prophetes insultent les juifs en les traitant de “sale allemand” ou de “sale palestinien”. Le verset le plus explicite sur ce point c’est a mon avis un verset de Jérémie 9 apporte dans la Mishna de Nedarim (31b) “tous les non juifs sont incirconcis, mais tous les juifs ont le cœur incirconcis”.

Il est interressant de s’interroger sur le sens de ces invectives raciales dans la bible.

Dans un débat entre Badiou et Finkielkraut sur l’identité nationale que l’on peut trouver sur le site de libération, Badiou critique l’idée de la recherche identitaire sur trois points principaux, le premier point est que toute recherche identitaire nationale se fait toujours en se définissant en opposition au peuple d’à coté, c’est à dire qu’à chaque fois qu’un peuple cherche à se définir il le fait au détriment d’un autre peuple auquel il se sent supérieur. Le deuxième point de Badiou c'est que la recherche identitaire se fait toujours aussi par le dénigrement d’autres personnes qui sont considérés comme des mauvais représentants du peuple. Il y a les bons français et les mauvais francais, les bon juifs et les mauvais juifs, vouloir rechercher une identité nationale c’est automatiquement condamner des parias, (dans le judaïsme français, c’est très net, depuis 30 ans les juifs modernes passent leurs temps à dire que les juifs orthodoxes sont arriérés et qu’ils sont de mauvais juifs, et les juifs orthodoxes disent la même chose sur les autres). Le troisième argument de Badiou contre la recherche identitaire c’est qu’elle condamne un peuple à la fixité et l’empêche de progresser, or pour subsister un peuple doit s’adapter et donc évoluer en se libérant de son identité. Pour Badiou la seule identité possible ne peut être qu’universelle, l’homme ne peut se définir que dans l’universel en regardant toujours le futur et pas dans le passé, l’identité ne peut se définir que dans un plan qui s’accompli dans le futur qui ouvre une liberté d’action sans racines (Hegel Marx et Sartre).

(Je ne pense pas que Finkielkraut a réussi à répondre aux arguments de Badiou.)

Je pense que les midrashim cités montrent que la torah décrit un rapport à l’identité nationale qui réfute les objections de Badiou sur la nation. L’identité nationale dans la torah c’est un paradis perdu, c’est une virginité que l’on ne peut plus atteindre, c’est le corps de Jacob que même ces petits fils ne peuvent plus toucher. Le passé est un idéal qui nous rend responsable d’un héritage. Cet idéal ne se défini pas par la négation des autres cultures. L’identité nationale pour la torah c’est la négation d’une nature essentiellement bestiale de l’homme. Pour la torah l’homme ne descend pas du singe, c’est nous les singes et nos parents étaient les hommes. Cette idéalisation du passé nie la conception de la vie comme une succession d'instant. L’idéalisation du passé est une volonté d’inscrire la vie dans l’histoire et l’éternité. La torah place l'individu comme l'héritier d'une mission, l'homme ne nait pas par hasard de ses parents il est le fruit d'une intention et d'un choix de leurs parts, de ce fait l'enfant nait avec une histoire et un héritage.

Il faut rappeler que c'est la théorie de l'évolution de Darwin qui a ouvert la porte au racisme, puisqu'il justifie la lutte pour la survie comme étant le moteur du progrès, et qu'il classe le vivant dans des races qui lutent entre elles. Le judaïsme pense au contraire qu'il y a une régression depuis l'origine de l'homme. Il y a des races mais aucun être vivant du présent n'est digne d'être le représentant de sa race. Pour le judaïsme s'identifier à sa race ou a sa famille c'est chercher ce qu'il y a de vénérable en elle, en cherchant d'être l'héritier de cet idéal.

La volonté de se rappeler de nos ancêtres qui ont voulu que nous existions et qui se sentaient porteur d’un message pour leurs enfants, cette recherche d’un idéal perdu ce n’est pas la négation de l’autre ou un complexe de supériorité c’est au contraire la conscience de ne pas être à la hauteur de ceux que l’on vénère. Ce sont les juifs qui sont constamment insultés comme étant des "kenaani" ou des "incirconcis", car ils ne sont pas à la hauteur de leurs idéaux. Cette nostalgie d’un idéal ne fige la nation dans le passé, au contraire, ce discours permet le développement éternel de la nation, puisque l’ideal n’est pas encore réalisé.

Il ne peut pas y avoir de bons ou de mauvais juifs, les juifs sont soit tous mauvais, par ce qu’il ne sont pas à la hauteur de Jacob, soit ils sont tous bons puisqu’il sont tous les porteurs de l’espoir de la réalisation de l’idéal de Jacob.

Le midrash dit que les tributs avançaient dans le désert dans la même formation qu’ils avaient lorsqu’ils portaient le tombeau de Jacob, le midrash veut nous dire que ce qui permet la locomotion du peuple juif dans l’anonymat de l’universel c’est le fait qu’il veut porter le tombeau de Jacob.


 

Quelques questions d’un élève :

1/ Quand tu dis : “Le fait d’engendrer des enfants c’était pour les patriarches avant tout un travail spirituel, qui permettrait de créer une race élue capable d’une proximité à D. Par conséquent penser que les fils de Isaac ou de Jacob étaient l’égale au fils d’une prostituée avec l’un de ses clients, c’était nier tout le travail d’Abraham, Isaac et Jacob.”

Est ce que c’est ton avis personnel ou bien c’est soutenu par d’autres commentateurs?

2/ Je voyais plus Abraham comme quelqu’un qui cherchait à faire venir les autres vers le “judaïsme” et donc on aurait avec lui plutôt une nation qui se conçoit autour de valeurs plutôt que du lien sanguin.

3/ Est ce que ta conclusion c’est ca : être un bon juif c’est aspirer aux l’idéaux des patriarches, ce but est plus facilement atteignable pour un juif ne de parents juifs parce qu’il est le fruit d’une mitsvah.

4/ Le midrash semble dire que l’origine de la mère compte. C’est quoi la différence fondamentale par exemple entre Sarah et Osnath, est ce que l’une est plus juive que l’autre?

Réponse du Rav Uriel Aviges :

Je commence par la question 2 par ce que c'est plus facile pour moi.

C’est vrai qu'Abraham voulait que le monothéisme soit une religion universelle. C’était cela son but ultime. C’est aussi le but de l'avènement messianique, puisque D doit être unique dans tout l'univers c'est à dire que la finalité du judaïsme c'est la reconnaissance universelle du monothéisme.

Maintenant, il est évident qu'Abraham prie constamment pour avoir un fils alors qu'il a déjà des élèves fidèles. On parle "des âmes qu'il a fait à Haran", on voit Abraham suivi par une armée de plus de 300 hommes qui sont appelés les enfants de sa maison.

Il y a aussi Eliezer qui est son élève et qui enseigne la torah d'Abraham à tout le monde. Alors pourquoi Abraham veut-il marier son fils uniquement à quelqu’un de sa famille, alors qu'Eliezer propose sa fille? Et pourquoi Abraham prie-t-il tellement pour avoir un fils qui doit l'hériter spirituellement? (plus que matériellement). Cette contradiction chez Abraham a été très commentée chez les auteurs modernes, il y en a même qui disent (rav Guedj de Genève ancien prof à Yavneh) que c'était ça le sens du ligotage d'Isaac ou Abraham devait être prêt a sacrifié la singularité de son héritage devant l'universalité de son message monothéiste. Si c'est le cas on ne comprend pas clairement quel était la résolution finale?

En tout cas Abraham veut un héritier qui "sorte de ses entrailles" comme le dit le verset et il ne veut le marier qu’à un membre de sa famille. Tout ca c'est très "clan".

Pour répondre à la question 1 l'idée que pour arriver à faire naitre un prophète il faut que les parents se préparent spirituellement et physiquement avant de procréer se retrouve souvent dans les midrashim. Il y a le midrash qui parle des préparations de la mère de Salomon avant la naissance de Salomon et bien d'autres encore.

Maintenant que tu me demandes une source exacte je pense qu'il est possible que cette lecture des patriarches qui cherchent à créer une race qui peut recevoir la prophétie n'est peut être que le fruit d'un brainwashing que j'ai reçu à la yeshivah depuis que je suis petit, je ne sais pas. Mais en tout cas c'est une lecture qui a l'air évidente quand on voit l'esprit de clan qui règne dans la famille des patriarches.

Cependant, à mon avis si on fait de la recherche on peut facilement trouver des sources qui disent explicitement cette idée surtout chez les auteurs kabbalistes du 15e et 16e et chez les auteurs hassidiques.

Pour répondre à la question 3, je pense que c'est vrai partiellement mais je pense qu'il y a plus que cela à mon avis l'idée principale c'est que l'homme juif qui fait un enfant avec une femme juive fait descendre une âme qui a plus de "kedoucha" que celle qui vient d'un autre mariage. Mais personne ne sait ce que c'est que "la kedoucha" donc pour nous ça ne fait aucune différence. (Le rav Louriah -Arizal- pense que la kedouchah c'est une sorte de pourriture spirituelle!)

C’est comme si il y a deux voitures qui roulent sur une autoroute, il y a une des deux voitures qui peut voler par ce qu'elle a un réacteur, mais pas l'autre. Par contre l'autre voiture peut flotter sur la mère come un bateau. C’est une réalité, mais tant que les deux voitures roulent sur l’autoroute les deux voitures ont exactement les mêmes attributs. Le monde dans lequel nous vivons c'est le monde de l'autoroute, nous n'avons pas accès du tout à la kedoucha et au surnaturel, ce sont des choses qui ont une importance dans l'autre monde. C’est pour cela qu’aujourd’hui dans le monde dans lequel nous vivons il n'y a aucune différence entre un juif, né juif et un converti.

Dans le monde des âmes par contre il y a une différence entre le converti et celui qui ne l'est pas, cette différence n'est pas compréhensible du tout pour nous, les vivants. Cette différence ne peut pas être normée en inferieur ou supérieur. Tout le monde a un rôle à remplir dans sa vie, et il n'y a pas un rôle supérieur ou un role inférieur, le principal c'est d'accomplir sa mission. Même si la mission d'un juif ou d'un converti est la même, elle s'exprimera différemment suivant la nature de l'âme humaine, comme une flute ou une contrebasse qui jouent la même partition et qui donne quand même un son différent.

C’est vrai qu'être un bon juif c'est être fidele aux idéaux des patriarches, cependant ces idéaux ne sont pas toujours clairs et les lectures peuvent différer, mais à partir du moment ou il y a un texte commun ou un cercueil commun à porter il peut y avoir une union dans la multiplicité. La multiplicité des lectures ouvre un dialogue commun où tout le monde peut progresser et s'enrichir. La torah a 70 faces, qui correspondent aux 70 âmes qui sont sortis de Jacob. Mais il faut accepter de vouloir porter le cercueil pour faire parti du peuple.

Pour répondre à la question 4, j'ai simplement envie de répondre, regarde le Kouzari au début! Disons qu'il semble que Shem le fils de Noah était le fils élu par son père destiné à être prophète, alors que kenaani c'est la race maudite par Noah après l'épisode de la castration ou du viol de ce dernier. Parmi les shemites qui se considèrent depuis l'antiquité comme la race élue, "Ever" le fils de Shem, et le grand père d'Abraham, était l'héritier spirituel de son père et l'héritage est ensuite passé à Abraham. Sarah, comme Rivkah et Rachel et Leah, descend en ligne directe de Shem et Ever, elle fait donc partie de la race élue. Alors que Putiphar et les égyptiens sont des descendants de kenaani ils font donc parti de la race maudite. Ceci est la réponse classique qui sort du Kouzari, dans mon commentaire sur la haggadah de Pessah j'ai donné une autre explication, plus logique et moins raciste.

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