La signification de la lune
Introduction :
Cette semaine nous lisons la parasha "du mois" qui parle de la première mitswah donnée à Moshe, celle de fixer le premier mois de l'année, lorsqu'il voit le renouveau de la lune.
D demande à Moshe de fixer un calendrier semi lunaire, par ce que le mois de Nissan doit toujours tomber au printemps, or il y a toujours un décalage d'à peu près 11 jours entre l'année lunaire et l'année solaire, c'est pour cela qu'à peu près une fois tout les 3 ans on ajoute un mois à l'année pour que le mois de Nissan tombe au printemps. Le mot mois en hébreux Hodesh vient du mot "nouveau" hadash car c'est le renouveau de la lune.
A partir de cette loi, j'ai fait cette petite étude sur la signification de la lune dans la torah, l'idée du temps, et du renouveau. Cette étude amènera en conclusion à s'interroger sur certaines idées de Baudrillard, à savoir, comment le renouveau est possible dans la société moderne, où tout se recopie et tout est remplaçable, on opposera Perec à Baudrillard en passant par Goethe et André Neher.
1- Nahamnide sur la parasha de Zarah et Perets
Une des première fois où l'on parle de la lune dans les midrashim c'est a travers l'histoire de "Zerah" et "Perets".
Juda a deux enfants avec sa belle fille tamar, se sont des jumeaux, lors de leurs naissances Zerah sort son bras, la sage femme noue un ruban autour de son bras pour qu'il soit reconnu comme ainé, mais le temps qu'elle noue le ruban né l'autre, Perets, qui dépasse son frère et qui sort le premier. Le verset dit que Zerah est appelé Zerah par ce qu'il a rayonné, Zarah veut dire rayonner et le deuxième Perets, par ce qu'il a ouvert une brèche, perets en hébreux veut dire brèche.
Nous savons que le roi David et le messie descendent de Perets, c'est ici que nait l'association que fait le talmud entre David et la lune.
Le midrash dans le Sefer Habair, le livre de la clarté, montre une relation entre Perets la brèche et la lune, sur deux points:
- la lune est ébréchée c'est à dire qu'elle n'est pas toujours pleine.
- la lune ouvre une brèche sur le soleil puisqu'elle peut apparaître aussi durant la journée.
Ceci symbolise aussi Israël (et la dynastie de David) qui a des hauts et des bas comme la lune, et qui crée une brèche dans l'existence des nations.
Nahamnide qui cite le Bahir remarque aussi que le verset lorsqu'il parle de Perets celui qui fait la brèche ne parle pas spécifiquement de la chose sur laquelle on fait la brèche il semble au contraire que la brèche est appliqué à Perets lui même (c’est un peu dans cette direction qu’Even Ezra; un autre exégète, interprète les versets), pourtant Nahamnide dit qu'il est évident que la brèche est appliqué à Zarah.
Il semble à la lecture de Nahamnide que la lune et Perets ont une double relation avec le soleil et son rayonnement, d'un cote la lune se nourris du rayonnement du soleil qui est l'essence même de sa lumière, mais d'un autre cote, la lune crée une brèche dans ce rayonnement et une compétition avec lui en le dépassant. Cela semble s'appliquer à la relation d'Israël avec les nations, mais aussi dans la relation entre la transascendance davidique et la torah.
J'explique ce dernier point, nous voyons que le mashiah n'est pas mentionné dans la torah, en tout cas pas dans la prophétie de Moise, d'un autre coté on peut remarquer que dans les Psaumes de David on ne parle jamais de halacha de loi, tout le rapport à D est subjectif. On sait d'autre part que la torah de Moise est comparée au soleil le nombre de Parashiot est "hama", il ya beaucoup de gematriot dans le midrash qui compare soit Moise soit la torah au soleil, par ce que les lois de Moise sont immuables comme le soleil.
Le double rapport lune-soleil, qui est le rapport de "source - brèche et dépassement", est le rapport entre la transcendance subjective avec D de David, et le rapport objectif de la halacha, la transcendance tire sa source de loi, c'est la mitswah qui apporte le sainteté, le rapport à D (sanctifie nous par tes mitsvot) mais la transcendance dépasse la halacha, et crée même une brèche par rapport à elle, car on chercherait un dépassement de ce rapport à D par la loi, par une proximité subjective comme dans les Psaumes.
Une autre idée de Nahamnide expliquant le Bahir c'est que Zarah est l'essence des choses alors que Perets est la forme, normalement dans la nature l'essence vient avant la forme, c'est pour cela que Zarah sort le bras le premier, mais c'est D qui veut que Zarah soit le premier, par ce que pour D qui est plus proche de l'esprit et de l'intentionnalité, c'est la forme qui prime sur l'essence. Cette idée de tout ce qui est plus proche de l'intellect est plus proche de D que ce qui est matière, se retrouve souvent dans le Maharal et chez Maimonide. Cette idée a été vivement critiquée par Levinas Buber & Co (les existentialistes juifs) qui ne veulent pas rejeter D en dehors de l'existence, et ne trouve pas dans le raisonnement logique de la causalité une proximité à D, vu que ce raisonnement logique est tout a fait humain, et n'a aucun sens pour D.
Nous reviendrons sur cette idée.
2- Le sacrifice pour D au moment de la nouvelle lune
Dans les Nombres, dans le passage du sacrifice expiatoire qui est apporté au début du mois au renouvellement de la lune, la torah utilise l'expression "c'est une expiation pour D", et le talmud explique, que D a fauté en amoindrissant la lune, et il dit aux juifs "apportez un sacrifice expiatoire pour moi", pour me pardonner d'avoir amoindris la lune.
Qu'est ce que cela veut dire?
Dans les psaumes David dit "D a créé la lune pour le calcul des fêtes (des rendez vous)" Qu'est ce que cela veut dire? Le soleil est nécessaire à la vie, le monde ne tiendrait pas sans le soleil, mais le monde peut il exister sans la lune?
Le roi David dit dans les Psaumes, "bien sure que oui", mais alors à quoi sert la lune? La lune n'a qu'une seule fonction et elle est pour l'homme, c'est de prendre conscience du temps qui passe. C’est pour cela que D a créé la lune. La lune c'est une horloge, mais, pourquoi l'homme aurait-il besoin d'une horloge, ou d'un réveil, plus que les autres animaux? Par ce qu'il doit servir D, il a un job, même si il gagne au loto, il est obligé de se lever au lever du soleil, et d'être conscient du temps qui passe.
Le fait d'avoir créé la lune uniquement pour servir l'homme en tant que signifiant est un amoindrissement dans l'existence du monde "en soi" auquel l'homme est inutile, c'est pour cela que D demande une réparation sur l'amoindrissement du monde.
Le Rashbah, lorsqu’il commente ce passage du talmud, dit, que l'on trouve une contradiction dans les verset en ce qui concerne le but de l'univers; certains versets disent que l'on ne peut pas comprendre le but de l'univers, alors que certains verset disent que le but de l'univers c'est l'homme; et il répond que l'univers qui est sous la lune a pour but l'homme, alors que l'univers qui est au dessus de la lune n'a pas l'homme comme nécessité (cette idée se trouve déjà chez Aristote).
La lune symbolise l'univers qui n'existe pas en soi, et n'existe que dans la signification qu'il a pour l'homme, mais toutes cette nécessite de sens pour l'homme ne vient que par D et pour D, D demande à se faire pardonner pour ca.
En tout cas on retrouve le rapport à D par le sens et non par l'existence en soi, et ce sens est symbolisé par la lune.
3- L'art et la science comme proximité avec D
Dans la parasha de la semaine on nous nome les artistes qui ont fait les tentures, les bijoux et les sculptures nécessaires à la construction du temple. Nahamnide s'interroge: si tout les juifs étaient esclaves en Egypte, ou ont-ils trouvé tout les artisanats et les architectes et les artistes nécessaire à la construction de ce temple ? Dans sa réponse il note dans un premier temps que les versets disent que ces juifs se sont portés volontaires et qu'en suite D leur a donné la sagesse, mais, demande Nahamnide, d'où ces gens savaient-ils eux même, qu'ils bénéficieraient de l'aide divine pour qu'ils se portent volontaire en premier lieux?
Il répond que par le fait qu'ils ont voulu se rapprocher de D et faire une place pour D dans leurs cœurs ils se sont rendu capables d'accomplir l'élan de leurs désirs, car si on se rapproche de D on reçoit automatiquement la sagesse et la raison, car la raison et la sagesse sont la proximité avec D.
Or ceci est étonnant, car si déjà les philosophes modernes ont du mal à voir un D proche de la raison, comment pourraient ils concevoir un D proche de l'artisanat?
Une idée similaire, le midrash dit que D a demandé la construction du mishkan après le don de la torah par ce que D ne pouvait pas se séparer de la torah, après l'avoir donnée aux hommes, il a donc demandé une résidence parmi eux. Or, nous savons que les mitsvot que nous faisons sont pour nous même, pour atteindre un certain degrés de perfection, selon Nahamnide, ou pour réguler notre lien à l'univers selon Maimonide, mais elle ne sont pas pour D, alors, pourquoi D aurait-il du mal à se séparer de la torah?.
A mon avis la réponse vient du fait que bien que D soit au-dessus des mitsvot de la torah et de l'esprit, le rapport de l'homme à D passe par la signification et par l'esprit, c'est pour cela qu'il a du amoindrir la lune, pour qu'on le serve. Un D de l'absurde et du chaos qui nierait la raison serait un non-dieux. Nier la raison c'est nier D.
4- Le rapport entre la signification et le temps
La signification d'une chose est liée à une valeur que l'on donne à une chose, un monde sans valeur est un monde sans signification. Dans notre société tout est basée sur la production, et de par là même, tout le monde est remplaçable, et surtout que l’on peut tout copier et tout reproduire en série, on peut parler de monde sans valeur et sans signification. Or cette perte de sens est justement venue du fait que l'on a cherché un but au monde, en cherchant un monde de bien-être maximum on a rendu l'homme absurde et inutile par ce que le bien-être n'a pas besoin de l'homme pour exister. C’est pour cela que toute la philosophie moderne (a l'exception d' Althusser) c'est élevé contre le sens, en
essayant d'adapter l'homme à sa nouvelle condition d'absurdité, on a beau tout les deux ans nous ressortir cette pensée de l'absurde sous toutes les sauces et dans toutes les variantes philosophique et même religieuse possible personne n'est convaincu par tout ce tintamarre de blanc-bonnet bonnet-blanc qu'est devenue la philosophie depuis les années 50.
En fait ce n'est pas la pensée qui a un problème, ni même la société c'est le rapport à la vie. Ce qui rend la vie précieuse c'est la mort, Gabriel Marcel disait "on ne meurt que pour les autres", je pense que c'est ce que pense la plus part des gens aujourd'hui, or c'est une erreur on meurt d'abord pour soi même, les kabbalistes disent que si l'homme vieillit et perd de l'énergie chaque jours c'est par ce qu'il y a une partie de son âme qui meurt tous les jours, il faut être conscient de cette mort pour prendre conscience de la valeur de la vie de tous les jours, le renouveau ne vient pas du monde mais de l'homme qui change et ce changement c' est sa mort, de même que l'homme doit d’abord mourir pour ensuite recevoir la résurrection dans le temps messianique, ainsi tout les jours l'homme doit mourir pour recevoir le renouveau de la vie.
(Contrairement à ce que disait Einstein, ce n'est pas le temps qui est relatif au mouvement, c'est le sens de l'existence qui est relatif au temps. Par ce que le temps ce n'est pas le temps cosmique mais le temps perçu. Le temps cosmique n'est la que pour éclairer l'homme dans sa perception; c'est le tribunal rabbinique qui décide la date du nouveau mois, celui ci peut être décalé du renouveau astronomique. )
5- Le renouveau par le cycle perpétuel
La torah nous dit que le renouveau c'est le renouveau de la lune, dans la bénédiction de la lune on dit que de la même manière que la lune se renouvelle, les juifs aussi vont se renouveler pour servir D, mais, qu'est ce qui est moins nouveau que la lune! Son mouvement est prévisible et répétitif perpétuel.
C'est vrai, mais justement c'est sa le message le renouveau vient de sa disparition, et que c'est nous qui ne la voyons jamais deux fois de la même manière, par ce que c'est nous qui avons changé, il en va de même avec la torah on ne fait que la relire de manière circulaire, mais elle est un miroir qui nous renvoie à nous, à notre changement, (c'est par les miroirs que la mort voyage) à notre mort, qui est notre résurrection et notre renouveau.
Baudrillard qui a été l'analyste le plus profond de la société moderne ne voyait de changement dans cette société qui exclue l'homme, que dans un renversement radical, il avait deux exemples pour montrer ca dans l'actualité, le coup de tête de Zidane, où il montrait que la finale de la coupe du monde était une cérémonie de fête de communion de toute la planète dans le néant qu'est le football, et Zidane, en donnant son coup de tête a brisé cette communion justement par ce qu'inconsciemment il en a ressenti l'absurdité, il explique la même chose au niveau des attentats du 11 septembre où c'est le système
implacable de la mondialisation qui a créé son propre anticorps.
Il est à remarquer que cette démarche avait été remarqué par André Neher lors de la montée du nazisme ou les allemands sentant leur avenir déjà tracé et sans renouveau possible, par ce que sans horizons dépassables, ont cherché un renouveau radical dans le nazisme en vendant leurs âmes au diable pour retrouver leurs jeunesses comme le docteur Faust.
Je pense à mon avis que la solution à cet état d'absurdité se trouve plus chez Perec qui parlait l'infra ordinaire et des bombes de temps.
(L'infra ordinaire, c'est se rendre compte que, malgré les apparences, il n'y a pas deux choses parfaitement identiques, il n'y a pas deux paires de chaussures, ni deux voitures qui sont exactement pareilles, il y a toujours une brèche, une cicatrice qui fait une différence, simplement l'homme ne sait pas s'y attacher.)
Comment fabrique-t-on une bombe de temps? C’est en allant dans une place, et en notant tout les détails de ce que l'on voit, les habits des gens les magasins, les façades, les animaux les voitures ce que l'on ressent et ce que ce dont on se rappelle à ce moment, puis mettre ce papier dans une enveloppe, et le garder. Puis revenir sur la place, un an plus tard, ou à une autre saison, recommencer ainsi plusieurs fois, et un jour lire toutes les enveloppes, ainsi on aura fabrique une bombe de temps, on l'on verra tout ce qui a changé dans le monde et en nous.
Qu'est qui ressemble plus à ces bombes de temps que les fêtes juives où l'on se retrouve tous les ans et où l'on voit comment on a changé où comment on n'a pas changé ? L'immuabilité de la fête nous renvoie à nous comme le reflet spectral de la lune. (Il est amusant que Gabriel Marcel n'a jamais réussit à comprendre quel était le sens des fêtes religieuses, je pense aussi que par la résurrection de jésus les chrétiens ont voulu conjurer le mort et par la même ont glissé vers l'absurde de manière irrémédiable c'est ce que disait Esaü le patriarche des chrétiens si je vais mourir à quoi sert le service divin)
Pour donner un sens a notre vie il faut prendre conscience de sa mort c'est a dire de son vieillissement ou de sa maturité, c'est ce qui va nous permettre de nous renouveler, car le renouveau vient de nous pas des choses
Cependant la torah dit de faire coïncider le renouveau lunaire au renouveau du soleil, le renouveau de soi avec celui du monde, il faut donc envisager ce changement en nous en rapport au changement du monde: pour donner un exemple si jusqu'à maintenant je m'habille en Zara je ne dois pas m'attendre à un renouveau du fait que je vais m'habiller en Boss, mais par contre je dois envisager les changements de mon corps et de mes gouts dans son rapport au changement de la mode.
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