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  • Writer's pictureRav Uriel Aviges

Vaera 5771


Dans la parasha de Vaera D envoie Moshe parler aux enfants d’Israël. Moshe doit annoncer aux juifs qu’ils vont être libérés. Les juifs ne croient plus Moshe par ce qu’ils sont accablés de travail. Les versets disent « Donc, parle ainsi aux enfants d'Israël: ‘Je suis l'Éternel! Je veux vous soustraire aux tribulations de l'Égypte et vous délivrer de sa servitude; et je vous affranchirai avec un bras étendu, à l'aide d e châtiments terribles. 7 Je vous adopterai pour peuple, je deviendrai votre Dieu; et vous reconnaîtrez que moi, l'Éternel, je suis votre Dieu, moi qui vous aurai soustraits aux tribulations de l'Égypte. 8 Puis, je vous introduirai dans la contrée que j'ai solennellement promise à Abraham, à Isaac et à Jacob; je vous la donnerai comme possession héréditaire, moi l'Éternel.’ " 9 Moïse redit ces paroles aux enfants d'Israël mais ils ne l'écoutèrent point, ayant l'esprit oppressé par une dure servitude. »

Le rav Moshe Haim Luzato dans le livre « Messilath Yesharim » explique que Pharaon avait accablé les juifs de travail pour qu’ils ne puissent plus réfléchir ou croire à la libération. Dans la parasha précédente Pharaon dit en effet « Qu'il y ait donc surcharge de travail pour eux et qu'ils y soient astreints; et qu'on n'ait pas égard à des propos mensongers. ». Il semble donc que le plan de Pharaon ait fonctionné. Les juifs ne peuvent plus penser à cause de la surcharge de travail.

Dans la suite de la parasha D envoie Moshe parler à Pharaon. Pharaon n’écoute pas Moshe par ce que D a endurci son cœur. Les versets disent « Toi, tu diras tout ce que je t'aurai ordonné et Aaron, ton frère, parlera à Pharaon pour qu'il renvoie les Israélites de son pays. 3 Pour moi, j'endurcirai le cœur de Pharaon et je multiplierai mes signes et mes preuves de puissance dans le pays d'Égypte. 4 Pharaon ne vous écoutera pas, mais j'imposerai ma main sur l'Égypte et je ferai sortir mes légions, les Israélites mon peuple, du pays d'Égypte, après une vindicte éclatante. ». Dans ces versets D dit qu’il va renforcer le cœur de Pharaon, et qu’il va l’empêcher d’écouter la voix de la raison. Ce passage de la torah est difficile à comprendre, car D n’enlève jamais le libre arbitre de l’homme. Pourquoi D a-t-il donc enlevé le libre arbitre de Pharaon ?

Rashi donne une explication, il dit la chose suivante. « Et moi j’endurcirai : Parce qu’il a résisté avec méchanceté et qu’il s’est dressé contre moi. Il est bien connu devant moi que les nations idolâtres ne trouvent aucun apaisement et ils ne peuvent pas mettre tout leur cœur à revenir [à moi]. Ainsi est-il bon pour moi que son cœur s’endurcisse de manière que je multiplie mes signes contre lui et qu’alors vous reconnaissiez, vous, ma puissance. Telle est en effet la manière d’agir du Saint béni soit-il : Il amène des châtiments sur les nations afin qu’Israël entende et craigne, ainsi qu’il est écrit (Tsefania 3, 6-7) : « J’ai anéanti des nations, leurs tours d’angle sont en ruines… J’ai dit : “Aussi me craindras-tu et en tireras-tu une leçon” » (voir Yevamoth 63a). Cependant, pour les cinq premières plaies, il n’est pas écrit : « Hachem endurcit le cœur de Pharaon », mais : « le cœur de Pharaon s’endurcit » (Midrach tan‘houma) ».

Ce Rashi est étonnant à plusieurs titres, mais avant de questionner l’explication de Rashi nous devons d’abord l’analyser.

Dans un premier temps Rashi fait une distinction entre les juifs et les nations idolâtres. Rashi pose comme postulat que les nations non juives ne peuvent pas faire un retour parfait vers D. « Il est bien connu devant moi que les nations idolâtres ne trouvent aucun apaisement et ils ne peuvent pas mettre tout leur cœur à revenir [à moi]. » Les nations idolâtres ne peuvent pas faire de techouvah chelemah, alors que les juifs ont cette capacité.

Rashi explique la cause de la différence essentielle entre les juifs et les nations «les nations idolâtres ne trouvent aucun apaisement ». En hébreux le terme employé par Rashi est « nahat ruah », Rashi traduit lui-même ailleurs cette expression en français par le mot « apaisement ». On peut aussi traduire calme sérénité. Pour Rashi les juifs sont calmes et sereins alors que les non juifs ne sont pas calmes ni sereins. C’est pour cela que les juifs peuvent faire un retour complet vers D alors que les non juifs ne le peuvent pas.

A ce niveau de l’analyse on peut déjà demander deux questions. Premièrement comment Rashi peut il dire que les juifs étaient sereins, alors qu’ils étaient accablés par l’esclavage. Comment Rashi peut-il dire que Pharaon n’est pas serein, alors que Pharaon possède le pouvoir absolu sur le pays le plus puissant et le plus riche de son époque, pourquoi ne serait il pas serein ?

La deuxième question que l’on peut demander concerne la nature du lien que Rashi fait entre la sérénité, le « nahat ruah » et la « techouvah chelemah ». Pourquoi selon Rashi le retour vers D est conditionné par la sérénité ?

Beaucoup de gens font techouvah lorsqu’ils sont déstabilisés par des événements difficiles. Pourquoi Rashi pense-t-il que la « techouvah chelemah », « le retour parfait » ne peut advenir que grâce à la sérénité ?

Si on continue à analyser les paroles de Rashi on peut découvrir un troisième problème. En effet Rashi dit « Ainsi est-il bon pour moi que son cœur s’endurcisse de manière que je multiplie mes signes contre lui et qu’alors vous reconnaissiez, vous, ma puissance ». par la conjonction « ainsi » Rashi semble faire un lien entre le fait que D montre sa puissance aux yeux des juifs pour leur faire peur, et la distinction qu’il avait faite précédemment entre les nations qui ne sont pas sereines et les juifs qui eux sont toujours essentiellement sereins. Le lien logique entre ces deux idées parait incompréhensible. Cette dernière question est la question du « Nahalath Yaacov » un auteur du 16ème siècle, l’un des plus grands rabbins ashkénaze de son époque.

On peut tenter de répondre à ces trois questions à partir d’un passage du talmud dans Baba Batra page 78. Le talmud dit « Rav Shmuel fils de Nahman dit « quel est le sens du verset « ainsi disent ceux qui dominent etc.. » ceux qui dominent sont ceux qui dominent leur nature. « venez faire des comptes », venez faire le compte universel, la perte que cause une mitsvah comparé à ce qu’elle nous fait gagner, et le salaire d’une faute par rapport à ce qu’elle nous fait perdre. « que tu sois construit et renforcé », si tu fais cela tu te construiras dans ce monde et tu sera renforcé dans le monde futur. »

Ce passage du talmud dit que lorsqu’un homme fait un choix, il perd toujours quelque chose et il gagne en échange quelque chose d’autre. Si un homme décide de faire une bonne action, il gagne le mérite de la mitsvah et la bénédiction divine, mais il perd le plaisir physique qu’il aurait pu avoir dans ce monde s’il n’avait pas fait la mitsvah.

On aurait pu penser que l’homme doive minimiser au maximum la conscience de la perte que lui occasionne la mitsvah, car, de cette manière, l’homme peut plus facilement choisir le bien.

Pour se faciliter la tache, l’homme devrait se dire lorsqu’il fait le bien « je ne perds rien, le plaisir est futile », « D me repayera mille fois ce que j’ai perdu » etc.

Le talmud vient nous dire qu’au contraire l’individu doit prendre conscience de ce qu’il perd lorsqu’il fait le bien. Le talmud demande à l’homme de prendre pleinement conscience de la perte que son choix lui apporte.

Le talmud dit que l’homme doit être pleinement conscient de ce qu’il perd lorsqu’il accomplit la volonté de D. Pour le talmud cette capacité de comprendre ce que l’on perd lorsque l’on choisit un chemin, c’est ce qui permet à l’homme d’être heureux dans ce monde. L’homme heureux c’est celui qui est capable d’évaluer honnêtement les enjeux de ses décisions.

Pharaon n’est pas serein, par ce qu’il n’est pas capable de prendre une décision. Lorsqu’il est frappé par D, il veut libérer les juifs pour être sauvé. Mais lorsqu’il se rend compte de ce qu’il perd lorsque les esclaves partent, alors il part à leur poursuite. Pharaon est toujours dans une position hystérique. Il est incapable d’assumer la perte de quelque chose, il veut le beurre et l’argent du beurre.

Les juifs par contre sont tout à fait conscients de ce qu’ils ont à perdre s’ils quittent l’Egypte. Ils comprennent que D n’est pas le père noël. Les juifs voient à travers les plaies d’Egypte la dureté du jugement auquel ils s’exposent en acceptant la torah. Les juifs contrairement à Pharaon sont tout à fait conscients de ce qu’ils ont à perdre s’ils choisissent la liberté. Les juifs, malgré, et même grâce, à leur esclavage sont plus sereins que Pharaon car ils voient clairement les enjeux de leurs choix.

C’est ce que Rashi dit en liant la sérénité des juifs avec la peur que leur procure les plaies.

Nietzsche disait que ce qui différencie l’ancien testament du nouveau, c’est que dans l’ancien testament on ne cherche pas à consoler l’homme de ses défauts pour lui procurer un confort. Au contraire dans l’ancien testament on prend le désir de richesse et de puissance de l’homme comme un fait, le pauvre est un frustré.

Pour la torah, il est normal et sein que le pauvre veuille devenir riche. La torah dit simplement qu’il y a des valeurs qui sont plus élevées que ce désir et que l’homme doit dans certains cas frustrer ce désir pour faire la volonté de D mais le désir de l’homme est une réalité inaltérable.

La Mishna dans Pirkei Avoth dit « Ceci est le chemin de la torah, mange du pain et du sel, bois de l’eau d’une manière limitée, et dort par terre et vie une vie de douleur, et fournis des efforts dans l’étude de la torah. Si tu fais cela « heureux sois tu, et le bien et pour toi », tu seras heureux dans ce monde et le bien sera à toi dans le monde futur ».

Les commentateurs de la Mishna disent que l’homme n’a pas à accomplir cette Mishna à la lettre.

La Mishna veut simplement dire que lorsque l’homme prend la décision d’étudier il doit être prêt à le faire de cette manière. Lorsque l’homme fait un choix il doit le prendre en calculant tout ce qu’il peut perdre en faisant ce choix.

Lorsqu’un homme ne se ment pas à lui-même en choisissant il est serein et il peut être heureux dans ce monde. Le bonheur est lié à la sérénité et la sérénité vient du fait que l’on peut assumer ses choix d’une manière claire et honnête.

C’est cette sérénité que les nations du monde n’arrivent pas à atteindre par ce que cette sérénité est diamétralement opposée au confort. C’est cette sérénité qui permet le retour parfait vers D.

Le talmud dans Avodah Zarah rapporte l’histoire suivante. « Rava est parti apporter un cadeau à Bar Chichah le jour de Noël. Il a dit « je sais qu’il n’est pas croyant et qu’il ne fait pas l’idolâtrie. Il est donc permis de lui donner un cadeau le jour de Noël ». Rava a trouvé Bar Chichah dans un bain couvert de pétales de roses entouré de prostituées nues. Bar Chichah a dit à Rava « est ce que vous aurez la même chose dans le monde futur? » et Rava a répondu « bien sur, nous avons même mieux que cela ». Et Bar Chichah répond « mais qu’est ce qui peut être mieux que ca ? Rava lui répond « toi, tu as toujours peur que l’empereur vienne et te prenne tout ce que tu as, nous dans le monde futur nous n’avons pas peur du roi »… ayant dit cela les envoyés de l’empereur sont venu chercher Bar Chichah. Bar Chichah en voyant la prédiction de Rava s’accomplir a dit « que l’œil de celui qui pense du mal des juifs explose » Rava a répondu « amen » et l’œil de Bar Chichah a explosé. »

Le Maharsha explique que du fait que la malédiction de Bar Chichah s’est accomplie on peut déduire que Bar Chichah était sincère dans sa malédiction, Bar Chichah voulait honnêtement que l’œil de celui qui est l’ennemi d’Israël explose. Or, si c’était le cas, Bar Chichah était l’ami d’Israël. Alors pourquoi son œil a-t-il explosé ?

Le Maharsha répond que Bar Chichah souhaitait au juif le même confort qu’il avait lui-même. Le bain de pétale de rose et les prostituées, mais ce confort pour les juifs c’est une malédiction. C’est pour cela que l’œil de Bar Chichah a explosé.

Il est intéressant de noter que Rava est d’accord ava Bar Chichah pour dire que le confort et le plaisir sont désirables, puisque Rava dit que ce même confort sera atteint par les justes dans le monde futur.

(Ici le talmud se rapproche de l’islam dans sa vision du paradis, ceci est encore plus claire dans la suite du passage cité ou différents rabbins rapportent des sources de la bible pour prouver que les plaisirs physiques de ce monde sont garantis aux justes.) Mais, malgré tout, Rava pense que le juif ne doit pas s’attendre à assouvir ses désirs. Le juif doit savoir qu’il sacrifie son désir pour faire la volonté de D.

Si par la suite le juste n’a pas à dormir par terre, et qu’il se retrouve entouré par tous les plaisirs, tant mieux pour lui. Mais ces plaisirs ne doivent lui arriver que comme une surprise, pas comme un but recherché en soi.

Cette disposition au sacrifice ce n’est pas du dolorisme, c’est la condition pour être heureux dans ce monde. L’homme malheureux c’est l’homme qui n’est pas capable d’envisager ce qu’il perd lorsqu’il fait un choix. Paradoxalement les juifs en Egypte étaient plus libres que Pharaon. Par ce que les juifs pouvaient faire un choix, alors que Pharaon était complètement incapable d’assumer un choix.

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