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  • Writer's pictureRav Uriel Aviges

Toldot 5770

Cours sur l’amour

Introduction

Nous allons essayer d’analyser le rapport à l’amour dans la torah. La torah ne parle que très peu de l’amour dans le sens occidental et romantique du terme. Au sujet d’Adam on nous dit simplement qu’ « Adam se colle à sa femme pour être une seule chair », ce qui n’est pas vraiment de l’amour. Ensuite, entre Abraham et Sarah il n’est jamais question ouvertement d’amour à proprement parler. Entre Isaac et Rebecca la torah dit simplement qu’Isaac aime rivkah par ce qu’il trouve dans la présence de sa femme la consolation de la perte de sa mère. La torah ne nous dit rien des sentiments de Rebecca pour Isaac, la seule chose que l’on sait, c’est que, lorsque Rebecca veut que Jacob reçoive les bénédictions de son mari, elle ne peut pas en discuter ouvertement avec Itzhak, elle doit passer par un subterfuge, a priori “ca ne sent pas très bon”, mais on n’en sait pas plus. En tout cas Isaac et Rebecca ne discutent jamais ensemble dans le texte de la torah.

Cette pudeur de la torah à propos des sentiments n’est pas étonnante, comme le dit le premier Rashi de la torah, la torah est avant tout un code de loi, elle aurait du commencer avec la première mitsvah. Rashi nous apprend par cette affirmation que la torah n’a pas pour but d’analyser la nature humaine, ce n’est pas un livre de science qui expliquerait l’origine des espèces. Rashi pense que la torah n’est pas un livre qui peut se suffire de lui même, la torah ce n’est pas une œuvre totale qui doit tout expliquer. Rashi commence son commentaire de la torah en disant que les juifs ne doivent pas lire la torah comme les musulmans lisent le coran. Pour Rashi, le judaïsme rabbinique orthodoxe n’est pas fondamentaliste. La torah n’a donc pas à nous décrire la vie intime d’Abraham et Sarah ou d’Itzhak et Rebekka, la Genèse ce n’est pas “secret story” ou “tournez manège”, la torah devrait plutôt ressembler au “Dalloz”.

Quelques questions

C’est pour cela qu’il est étonnant que la torah se mette à nous raconter la vie sentimentale de Jacob et de ses deux épouses. Pourquoi au beau milieu d’un récit historique avare en description sentimentale D nous fait cadeau d’un petit “arlequin” ? Etait-ce pour réveiller les lectrices assoupies? Je ne pense pas, D a d’autres moyens pour attirer l’attention des femmes.

Malheureusement, ce sont des moyens que je ne possède pas, donc, pour vous réveiller un peu, je vous copy-paste une partie du texte en question, avant de commencer à l’analyser.

Or, Laban avait deux filles: le nom de l'aînée était Léa, celui de la cadette Rachel. 17 Léa avait les yeux faibles; Rachel était belle de taille et belle de visage. 18 Jacob avait conçu de l'amour pour Rachel. II dit: "Je te servirai sept ans pour Rachel, ta plus jeune fille." 19 Laban répondit: "J'aime mieux te la donner que de la donner à un autre époux: demeure avec moi."20 Jacob servit, pour obtenir Rachel, sept années et elles furent à ses yeux comme quelques jours, tant il l'aimait. 21 Jacob dit à Laban: "Donne-moi ma femme, car mon temps est accompli et je veux m'unir à elle." 22 Laban réunit tous les habitants du lieu et donna un festin. 23 Mais, le soir venu, il prit Léa sa fille et la lui amena et Jacob s'unit à elle. Laban réunit tous les habitants du lieu et donna un festin. 23 Mais, le soir venu, il prit Léa sa fille et la lui amena et Jacob s'unit à elle. 24 Laban avait aussi donné Zilpa, son esclave, à Léa, sa fille, comme esclave. 25 Or, le matin, il se trouva que c'était Léa; et il dit à Laban: "Que m'as-tu fait là! N'est ce pas pour Rachel que j'ai servi chez toi? Et pourquoi m'as-tu trompé?" 26 Laban répondit: "Ce n'est pas l'usage, dans notre pays, de marier la cadette avant l'aînée. 27 Achève la semaine de celle ci et nous te donnerons également celle là en échange du service que tu feras encore chez moi pendant sept autres années." 28 Ainsi fit Jacob, il acheva la semaine de la première; puis Laban lui accorda Rachel, sa fille, pour épouse. 29 Laban donna, à Rachel sa fille, Bilha, son esclave, pour qu'elle devint la sienne. 30 Jacob s'unit pareillement à Rachel et persista à aimer Rachel plus que Léa; et il servit encore chez Laban sept autres années. 31 Le Seigneur considéra que Léa était haïe et il rendit son sein fécond, tandis que Rachel fut stérile. 32 Léa conçut et enfanta un fils. Elle le nomma Ruben "parce que, dit elle, le Seigneur a vu mon humiliation, de sorte qu'à présent mon époux m'aimera." 33 Elle conçut de nouveau et enfanta un fils. Elle dit: "Parce que le Seigneur a entendu que j’étais haïe, il m’a accordé aussi celui là." Et elle l’appela Siméon. 34 Elle conçut de nouveau et enfanta un fils. Elle dit: "Ah! Désormais mon époux me sera attaché, puisque je lui ai donné trois fils." C'est pourquoi on l'appela Lévi. 35 Elle conçut encore et mit au monde un fils et elle dit: "Pour le coup, je rends grâce à l’Éternel!" C’est pourquoi elle le nomma Juda. Alors elle cessa d’enfanter.

Ce texte nous apprend que Jacob haïssait Léa, (le mot en hébreux est “senouah”, le rabbinat a traduit par “dédaignée”, ce n’est pas une traduction acceptable) ce sentiment est compréhensible, Léa s’est faite passée pour sa sœur, personne dans l’histoire n’avait jamais fait cela, jamais une femme ne s’était faite passée pour une autre lors de la nuit de noce.

Le midrash dit que la cause de la haine de Jacob pour sa femme Léa c’était bien cette supercherie. Pourtant, cette interprétation pose deux problèmes, le premier, c’est que la haine de Jacob pour Léa va en crescendo, en effet au début le verset nous dit “Jacob s'unit pareillement à Rachel et il aima même Rachel plus que Léa” (le rabbinat a traduit “et il persista à aimer”, pour rester polis, c’est de la pure fantaisie). Ce verset semble nous dire qu’au début, avant de se marier avec Rachel, Jacob aimait Léa plus que Rachel. Ensuite, Jacob se marie avec Rachel, au début du mariage avec Rachel, Jacob aime Rachel autant que Léa, et dans un troisième temps Jacob arrive à aimer Rachel plus que Léa.

Mais ce n’est pas fini, par ce que sept ans plus tard le verset nous dit “Le Seigneur considéra que Léa était haïe et il rendit son sein fécond, tandis que Rachel fut stérile.” Dans ce verset la torah nous décrit un quatrième stade de la relation entre Jacob et Léa, on passe d’un “petit amour” à la haine ouverte. (Seul Jacob haït Léa, Léa continue toujours à aimer Jacob.) Or, si la haine de Jacob était du a la supercherie de Léa, la haine de Jacob aurait du aller en s’estompant et non pas en augmentant. La haine de Jacob va continuer à augmenter à un tel point qu’à la mort de Rachel Jacob va rester habiter avec son esclave plutôt qu’avec Léa, pourtant le verset ne dit jamais que Jacob éprouvait le moindre sentiment pour son esclave! Il semble que Jacob ait fait ce choix uniquement par ce qu’il était motivé par la haine envers Léa. (Ce qui est incroyable c’est que la majorité du peuple d’Israël a été engendré par ce couple ou ça n’avait pas l’air de rigoler tous les jours, comment est ce possible?)

La deuxième question qui se pose sur la thèse de la haine causée par la supercherie de Léa, c’est que dans son complot Léa avait une complice, sa sœur Rachel, comme Rashi le dit en rapportant le talmud “Ce fut, le matin, et voici que c’était Léa Mais pendant la nuit, elle n’était pas Léa, car Jacob avait donné à Rachel des signes de reconnaissance. Lorsque celle-ci a vu qu’on lui amenait Léa, elle s’est dit : « Ma sœur va subir une humiliation ! ». Elle lui a donc transmis ces signes (Meguila 13b).” Le midrash dit même que Rachel est restée présente pendant toute la nuit de noce en cachette et c’était elle qui parlait à Jacob pour ne pas qu’il reconnaisse Léa. Comment ce fait-il que Jacob n’en veuille pas à Rachel? Pourquoi Jacob est-il prêt à travailler encore sept ans pour Rachel? Aujourd’hui, si une femme faisait ça à un homme il est certain qu’il ne voudrait plus la regarder et qu’il la traiterait de garce.

J’ai vu des femmes demander le divorce à leur mari par ce qu’il avait oublié leur anniversaire, le talmud raconte que des hommes divorcent par ce qu’ils trouvent un cheveux dans leur soupe, ici, Jacob se réveille le lendemain de la nuit de noce, il va voir Rachel et il lui dit “c’est pas grave chéri, quand est ce qu’on ce marie?”. Si Jacob en veut tellement à Léa pourquoi est ce qu’il n’en veut pas du tout à Rachel? C’est incompréhensible!

On peut poser une autre question sur les versets. Le verset dit “Le Seigneur considéra que Léa était haïe et il rendit son sein fécond, tandis que Rachel fut stérile.” Le verset semble mettre ne relation le fait que Rachel devienne stérile avec le fait que Léa soit haïe par son mari. On peut même dire que Rachel n’était pas sterile avant de se marier, c’était Léa qui l’était, puisque le verset dit au sujet de Léa “et Hachem rendit son sein fécond”, on peut en déduire que naturellement Léa était stérile. C’est par ce que Léa était haïe par son mari que D rend Rachel stérile, et qu’il rend Léa féconde. On comprend que D veuille consoler Léa d’être haïe par son mari et qu’il lui donne des enfants, (le midrash dit que si Léa n’avait pas eu d’enfant Jacob aurait divorcé d’elle), mais pourquoi rendre Rachel stérile? Rachel a fait une grande mitsvah en donnant sa place à Léa lors de la nuit de noce, pourquoi la punir en la rendant stérile? A priori Rachel ne devrait pas être rendu coupable du fait que Jacob hait Léa. Si il y en a un qui devrait être puni c’est Jacob, or Jacob ne sera jamais puni de la haine qu’il éprouve pour Léa, pourquoi?

(On se croirait en plein dans un épisode de Santa Barbara, si il y avait en plus deux personnages avec le même nom, alors l’embrouille serait parfaite.)

Avant de répondre à ces questions je suis obligé de poser encore une autre question. Le verset dit au sujet de Jacob “et il servit encore chez Lavan sept autres années.” Rashi commente ce verset en disant “Encore sept autres années « Autres » semblables aux premières. De même que Jacob avait servi fidèlement pendant les premières années, de même a-t-il servi fidèlement les autres années, bien que Lavan l’eût trompé la première fois.”

Il y a lieu ici de se poser une question pourquoi Jacob est-il resté honnête avec Lavan, il a travaillé comme un fou pour lui, les versets décrivent de quelle manière phénoménale Jacob a travaillé pour Lavan “Ces vingt ans que j’ai été chez toi, tes brebis, ni tes chèvres n’ont avorté et les béliers de ton troupeau, je n’en ai point mangé. 39 La bête mise en pièces, je ne te l’ai point rapportée; c’est moi qui en souffrais le dommage, tu me la faisais payer, qu'elle eût été prise le jour, qu'elle eût été ravie la nuit. 40 J'étais, le jour, en proie au hâle et aux frimas la nuit; et le sommeil fuyait de mes yeux. 41 J'ai passé ainsi vingt années dans ta maison! Etc.”

Or il y a une règle dans la torah qui dit “un homme peut se rendre justice lui même”, si quelqu’un sait qu’un autre l’a volé il a le droit d’aller en cachette reprendre son bien. Alors pourquoi Jacob continue-t-il à rester honnête avec Lavan en se faisant exploiter? Il aurait du se servir dans la caisse! 

L'attribut de Jacob : la vérité

Dans la haggadah de pessah nous disons “et Lavan a voulu tout déraciner” a priori cette phrase n’a aucun sens, Lavan a simplement voulu marier Léa avant Rachel, il n’a pas voulu tout deraciner. Mon rav avait l’habitude d’expliquer ce passage en disant que Jacob était un homme honnête son attribut c’était la vérité. Lavan haïssait Jacob par ce que Jacob était honnête, les rechaim haïssent les tsadikim, les gens malhonnêtes ne supportent pas de voir des gens honnêtes, (Gur Aryeh sur Ismaël).

Lavan voulait faire descendre Jacob à son niveau. Lavan s’est dit “si je suis malhonnête avec Jacob, il est certain que Jacob va devoir baisser le standard de ses idéaux de droiture pour me contrer, et si je fais ca j’aurais réussit à briser l’honnêteté de Jacob, c’est à dire j’aurais tout déraciné”. Jacob n’a pas cédé à la tentation offerte par Lavan, car Jacob ne voulait pas trahir ses idéaux.

Il ne s’agissait pas pour Jacob d’un problème de justice ou de droit, c’était surtout pour Jacob l’idée qu’il puisse se regarder dans un miroir. Pour Jacob l’honnêteté c’est avant tout une honnêteté avec soi même, même si selon la halacha Jacob aurait pu voler Lavan et cela n’aurait pas été injuste, malgré tout, si Jacob avait fait cela il aurait transgressé sa volonté profonde qui était un désir d’honnêteté et de vérité. Si Jacob avait trempé dans les magouilles de Lavan, Jacob aurait perdu sa gloire spirituelle.

La devise de Jacob c’était de ne jamais trahir ses idéaux, c’est pour ca que son visage est inscrit sur le trône céleste, c’est a dire que Jacob reste fidele à la projection idéale qu’il a de lui même, et cet attribut c’est l’attribut de la vérité, c’est a dire l’honnêteté avec soi même. C’est pour cela que dans la Kabala Jacob est associé aussi bien à la gloire qu’à la vérité, car Jacob c’est la gloire de l’homme qui ne se trahit pas. Par opposition, Lavan a tout de suite l’air minable en face de Jacob.

Jacob ne se laisse par marcher dessus, il se dépasse intellectuellement pour trouver des solutions qui lui permettent de rester fidele à ces idéaux tout en se protégeant de Lavan, c’est pour cela que Jacob est aussi défini comme l’homme qui se bat et qui se dépasse lui même constamment. Ce sont les contraintes morales qu’il s’impose qui l’obligent toujours à se dépasser.

Jacob est l’homme de la vérité, bien qu’il a dit a son père aveugle “je suis Esaü ton ainé”, par ce que la vérité c’est avant tout une honnêteté avec soi même. Il savait qu’il devait recevoir les bénédictions, c’était ca sa vérité, à partir de la Jacob cherche les moyens pour faire triompher sa vérité. La vérité est toujours subjective, car l’homme n’a pas accès à une vérité absolue (à l’exception de Moshé). Cependant l’homme a accès a sa propre vérité, et plus il est honnête avec lui même plus il est dans la vérité. Rashi se permet de commenter la torah parce qu’il a accès à sa vérité, Maimonide justifie son discours du fait qu’il a accès à sa vérité, il dit dans l’introduction du Mishneh Torah“ mon livre sera utile à ceux qui sont moins intelligent que moi”, Maimonide ou Rashi n’ont jamais prétendu parler à la place de D, ils se permettent de commenter la torah par ce qu’ils savent qu’ils sont honnêtes avec eux même quand ils parlent.

Rav Haim Ozer écrit dans une lettre en citant rabenou Tam, le gendre de Rashi, qui disait que parmi les rabbins des générations antérieures on ne fixait jamais la halacha en fonction des preuves et des contres preuves, puisque sur toutes les questions on peut trouver des réponses, mais on fixait la halacha en écoutant celui qui était le plus honnête avec lui-même quand il parlait, celui qui était le plus entier.

L'honnêteté envers soi-même dans la relation amoureuse

Pour revenir à l’histoire de Jacob avec Rachel et Léa il faut comprendre que si la torah nous parle avec tellement de détailles de la vie sentimentale de Jacob c’est par ce que pour Jacob la vie sentimentale ce n’était pas de la vie privée, la vie sentimentale de Jacob faisait partie de sa manière de servir D. Si un homme a choisi comme devise de ne jamais trahir ses idéaux et d’être toujours honnête avec lui même cela entraine que dans ses relations amoureuses il doit avoir la même honnêteté.

Le prophète Hosea (12-13) dit à propos de Jacob "Jacob s'était réfugié sur le territoire d'Aram; Israël avait été esclave pour une femme, pour une femme il avait été pâtre". Quand on lit ce verset on ne comprend pas pourquoi la seule chose qu' Hosea trouve à dire sur Jacob c'est qu'il a été esclave pour une femme. Il semble que le prophète vienne nous apprendre qu'en étant esclave pour une femme Jacob avait l'intention de servir D. Jacob se liait à D en étant honnête avec lui-même et avec ses propres sentiments.

Qu'est ce que cela veut dire être honnête avec ses propres sentiments?

Prenons un exemple concret. Lorsqu’une femme veut divorcer ou casser une relation avec un homme par ce qu’il a oublié son anniversaire, peut-on dire qu’elle est honnête avec elle-même ? Si un homme veut divorcer par ce qu’il y a une mouche dans sa soupe il peut-on dire qui est honnête avec lui même.

La mishna dans Pirquei Avoth dit que l’amour ne doit pas dépendre d’une chose il doit être gratuit. La mishna dit : tout amour qui dépend d'une chose lorsque la chose disparait l'amour disparait aussi, alors qu'un amour qui ne dépend de rien reste stable et durable. A priori cette affirmation de la Mishna n’a pas de sens, comment peut-on aimer quelqu’un sans raison? Si l’amour doit être gratuit on devrait aimer tout le monde de la même manière or Jacob aime Rachel et il déteste Léa, on aime toujours quelque chose en quelqu’un, sinon on n’aime pas vraiment, donc que veut dire la mishna?

L’explication de la Mishna tient sur la distinction qu’il y a deux sortes d’amour. Une première sorte d’amour qui tire sa base dans la jouissance que nous procure l’autre. Dans ce premier type de relation j'aime l'autre par ce que l’autre me procure un plaisir sentimental, sexuel ou matériel. Et une autre sorte d'amour qui tire sa base dans “la projection dans l’être”, ce qui veut dire qu’on aime quelqu’un par ce que l’on sent qu’avec lui on arrive à développer des parties de notre personnalité qui jusqu’a maintenant n’arrivait pas à s’exprimer.

Dans ce type de relation, l’individu se projette dans un futur et dans ce futur (qui reste un devenir non défini), il sent qu’il progresse, qu’il peut devenir meilleur. L’individu sent qu’il arrive à réaliser un idéal qu’il avait inconsciemment en lui.

 La mishna dit que le premier type d’amour ne peut pas créer des relations durables, dans le premier type d’amour une femme de dire “si mon marri a oublié mon anniversaire je tire ma révérence”.

Par contre le deuxième type d’amour crée des relations stables, lorsqu’un homme ou une femme sentent qu’ils s’épanouissent personnellement grâce à l’autre et qu’ils arrivent à s’approcher d’une vision idéale qu’ils avaient d’eux même, alors ce n’est pas grave si la femme cuisine mal ou si l’homme oublie un rendez vous.

On distingue facilement un dragueur ou une allumeuse d’un homme ou d’une femme sérieuse grâce à cette mishna, le dragueur cherche toujours à procurer du confort ou du plaisir a l’autre, alors que le sérieux cherche la discussion et le dialogue.

Le problème comme dirait Lacan c’est que dans leur relation les gens cherchent “le deux en un”, ils veulent que la relation dans l’être soit aussi une relation de plaisir, c’est normal, le but du mariage c’est de lier la spiritualité à la matérialité, c’est à dire la relation dans l’être au plaisir. C'est le sens de l'échelle de Jacob qui est plantée dans la terre mais qui arrive jusqu'au ciel.

Mais là ou il faut faire un choix c’est quand il y a une contradiction entre les deux registres de l’amour, par exemple on sent qu’avec une telle ou un tel on a une relation saine et profonde mais il oublie toujours mon anniversaire, ou elle cuisine très mal, elle est hystérique, etc.

L'honnêteté chez Jacob, chez Rachel et chez Léa 

C’est dans cette situation conflictuelle que Jacob s’est trouvé dans sa relation avec Rachel d’un coté il sent que c’était avec cette fille qu’il pouvait vraiment devenir lui même et créer une famille c’était son “chidouch”, mais, manque de pot c’est aussi femme malhonnête “cavyachol” (has vechalom je ne veux pas dire cela sur Rachel qui est une tsadeket et c’est par son mérite que nous existons). Jacob aime Rachel mais il voit aussi que Rachel est malhonnête et qu’il ne pouvait pas lui faire confiance, puisqu'elle l'a trompé dans la nuit de noce.

Pour Jacob laisser tomber sa relation avec Rachel cela aurait été un manque d’honnêteté avec lui même, il est conscient qu’il aime Rachel et que c’est un sentiment qui est en lui, et même si cela voulait dire qu’il devait se marier avec une femme rechaha, cela ne faisait pas de différence. Il fallait que Jacob écoute sa vérité intime pour être honnête avec lui même et ses sentiments, sinon il aurait trahi sa devise qui était son rapport à D.

Si un homme ou une femme ne sont pas honnêtes avec leurs sentiments, alors ils ne peuvent rien construire de durable. Mais la difficulté réside à savoir différencier entre les sentiments profonds qui sont liées à la “projection dans l’être” dans la vision idéale que l’on a de soi, et quelles sont les sentiments qui ne sont que des frustrations de la jouissance. 

Rachel de son coté est honnête avec elle même lorsqu’elle fait passer sa sœur avant elle. Rachel sait que pour elle il est plus important de ne pas faire honte à sa sœur plutôt que d’avoir l’estime de son mari. Rachel est punie en étant stérile par ce qu’elle n’a pas était au bout de sa démarche envers sa sœur.

Rachel n'a pas disparue de la vie de Jacob pendant les sept années ou Jacob vivait seul avec Léa. C’est pourtant ce que Rachel aurait du faire pour laisser Léa construire une relation avec Jacob. Cette "faute" de Rachel entraine que Jacob n'arrive pas aimer Léa pleinement, Jacob n'arrive pas a créer "une projection dans l'être" avec Léa. Il y a une partie malléable dans la personnalité de l'homme et de la femme, c'est ce qui leur permet de s'épanouir dans leurs relations. La vision idéalisée que les partenaires ont d'eux mêmes se réalise dans le futur, elle n'est pas stable et définie, ce n'est qu'un potentiel. (cf. le cours de l'année dernière sur Vayetseh). C’est pour cela que si Rachel avait disparu pendant sept ans de la vie de Jacob, il est logique de penser que Jacob aurait pu créer une relation profonde avait Léa, même si ce n'était pas son premier choix.

La stérilité de Rachel ce n’est pas du à la gravite de sa faute, Rachel a déjà fait une mitsvah énorme en laissant passer sa sœur avant elle. La stérilité de Rachel est le fruit d'un manque d'honnêteté de Rachel envers ses sentiments. Rachel n’a pas compris à quel point elle aime sa sœur. Pour Rachel sa sœur était plus importante que son mari, mais elle n’a pas été capable de se l’avouer, elle s’est donc accaparé Jacob et par la même, elle est devenue stérile. Car pour avoir une relation fructueuse il faut être honnête avec soi même.

Rachel est enterrée sur le chemin, à l'extérieur d'Israël, en exil. Rachel c'est la matriarche de l'exil. L’exil a pour but d'aider les juifs à s'identifier à leur identité profonde. L’exil a pour but d'apprendre aux juifs à être honnête avec eux même.

Leah, elle, devient le vrai "zivoug" de Jacob, car elle est capable d’aimer Jacob en dépit de tout, c'est à dire qu'elle est honnête avec elle même. Léa arrive à voir clairement ses sentiments les plus profonds malgré la haine de Jacob. Léa est fidele à elle même et à ses sentiments. Jacob, lui continue d’haïr Léa par honnêteté avec lui même, il sait qu’au fond Léa ne lui était pas destinée, elle n'est pas celle avec laquelle il sent une possibilité de se construire lui même, il s'est trop attaché à Rachel pour laisser une place à Léa. Parfois, la vérité ca peut faire mal. Mais comme dit Maimonide "même si la vérité fait mal, dans un deuxième temps, il n’en sort que du bien". C'est pour cela que le peuple d'israel est sorti d'un couple qui ne s'entendait pas, mais dont les partenaires n'ont jamais trahi leurs idéaux.

Ce cours est construit a partir des cours de mon maitre rav Nathan Wachtfoygel za"l sur la parasha de Toldot, dans le tome 2 et le tome 7 des "sihot moussar", et à partir des discutions que j'avais eu avec lui à ce sujet.

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