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  • Writer's pictureRav Uriel Aviges

Shelah Leha 5771

Quel peut être l’intérêt d’une nation juive pour le judaïsme?


Avertissement : dans ce texte je ne m’intéresse pas à l’intérêt d’un état juif pour le peuple juif, cette question est une question politique et je ne fais pas de politique. Je m’intéresse à la question de l’intérêt d’un état juif pour le judaïsme, cette question est une question théologique. Pour lire ce texte sans être trop choqué il suffit de faire un petit effort d’imagination, il faut s’imaginer vivre au 18ème siècle. Je vous garantis que ce n’est pas une expérience pénible, bien au contraire.

Dans la parasha de Chelah Léha les juifs refusent de conquérir la terre d’Israël. Ils ne veulent pas faire la guerre. Les juifs sont punis durement par D. D les condamne à errer dans le désert pendant quarante ans. La conquête de la terre d’Israël était une obligation primordiale pour les juifs de cette époque. Mais le texte n’explique pas la raison de cette obligation.

A première vue, le fait de créer une nation semble être opposé a la mission que les juifs ont reçu au mont Sinaï. En effet, si D est unique et universel, il est logique que sa loi et sa croyance soit unique et universelle. Or, Le peuple juif a été désigné au moment du don de la torah comme « une nation de prêtres ». Il aurait donc été logique de penser que le peuple d’Israël doive s’éparpiller dans le monde pour propager la croyance de D. Le fait de créer une nation dans un endroit donné et défini semble s’opposer à la mission universelle d’Israël.

De plus, le fait d’exterminer des peuples pour prendre leur terre n’est pas l’action politique la plus efficace pour promouvoir une religion comme étant une religion d’amour et de compassion.  On ne comprend donc pas pourquoi D demande impérativement aux juifs de faire la guerre pour conquérir la terre d’Israël. Il y a une deuxième question que l’on peut demander concernant l’obligation de conquérir la terre d’Israël. Une question, peut être encore plus difficile que la première. Dans le deutéronome la torah dit que les lois de la torah sont inaltérables, elles ne peuvent pas être changées de quelque manière qu’il soit. Si un prophète veut changer une des lois de la torah il est passible de peine de mort. Pourtant il semble que la mitsvah de conquérir la terre d’Israël fasse exception à cette règle. En effet le talmud dans Ketouvoth 111a dit :« Rav Yehudah dit il y a un autre verset (qui interdit aux juifs d’habiter la terre d’Israël aujourd’hui). Le verset dit « je vous ai fait jurer vous les filles de Jérusalem par les gazelles ou par les daims des champs si vous réveillez l’amour jusqu'à ce que je le désir. » (Ce verset nous apprend métaphoriquement que les juifs sont astreints par un serment de ne pas retourner en Israël jusqu’à ce que le messie vienne). Et rabbi Zerah dit « ce verset interdit uniquement aux juifs de rentrer en Israël en y construisant une muraille ». (C’est-à-dire de rentrer en Israël contre la volonté des nations, en ayant besoin de créer un mur défensif.)  Le talmud continue en commentant la suite du verset précédent « par les gazelles et les daims des champs » rabbi Eliezer dit « D a dit au peuple juif, si vous observez ce commandement, celui de ne pas construire un mur défensif en Israël, alors tout va pour le mieux, si non, je vais laisser votre chair en pâture aux idolâtres comme la chair des daims et des gazelles des champs. »  Le talmud dit explicitement qu’il est aujourd’hui interdit de faire la guerre pour conquérir la terre d’Israël. Il est difficile de comprendre pourquoi la torah a envisagé un changement si radical dans le commandement de conquérir la terre d’Israël. Pourquoi jusqu'à l’exil de Babylone il y avait une obligation de conquérir la terre d’Israël et pourquoi après l’exil de Babylone il devient au contraire interdit de conquérir cette terre.  Avant de donner ma réponse je vais donner celle du rav Leibtag pour ensuite la critiquer. Le rav Leibtag pense dans son commentaire sur le livre de Samuel que le rôle du pays d’Israël était de servir d’exemple pour les autres nations. Il fallait que le pays d’Israël ait la meilleure organisation possible, pour sanctifier le nom de D aux yeux des nations. Il fallait que le peuple d’Israël ait une justice exemplaire, un système social exemplaire, une armée exemplaire, une économie exemplaire pour servir d’exemple aux nations. Les nations en voyant la perfection et la grandeur du peuple d’Israël seraient portées, par la suite, à adopter la croyance du D. d’Israël. Si la mitsvah de conquérir la terre d’Israël a été abrogée c’est uniquement par ce qu’à travers les milles ans d’histoire dans le pays, les juifs se sont montrés incapable de réaliser le plan divin. Ils sont donc condamnés à errer pour expier leur faute, en attendant une rédemption miraculeuse. Voila la théorie du rav Leibtag, qui a le mérite d’être simple et claire. (Je vous avertis d’avance que cela ne sera pas le cas de ma théorie propre, ceux qui lisent mes cours souvent savent que ce n’est pas surprenant). Il y a deux objections majeures sur la théorie du rav Leibtag. La première, c’est qu’à la lecture de la bible et du talmud il ne semble pas que la direction politique d’Israël ait pu servir d’exemple aux nations, même quand les juifs se conformaient au plan divin. Par exemple, le premier roi d’Israël, Saul, est destitué de son trône pour avoir eu pitié du roi d’Amalek et des enfants. Pourtant le raisonnement de Saul est très humaniste il se dit « si les adultes ont fauté qu’ont fait les enfants ? » pour avoir pensé cela, D puni Saul et lui enlève le trône. Saul n’aura plus qu’à se suicider avec ses enfants. Par contre, le roi David décide de son propre chef de massacrer un tiers de la population de Moav. Après avoir vaincu l’armée moabite il organise un tirage au sort et tout individu moabite qui reçoit un multiple de trois et mis à mort qu’il soit un homme une femme ou un enfant. Là, D ne dit rien on a presque même l’impression qu’il applaudit, et il promet à David et à sa descendance de régner sur Israël pour l’éternité.  Le talmud enfonce le clou en rajoutant des histoires qui ne sont pas mentionnées dans la bible. Le talmud dit dans le traitée de Berahot (5) que David pensait que les juifs n’avaient pas à travailler leurs champs, ils devaient simplement se nourrir du butin qu’ils amassaient en attaquant les peuples voisins. Pour David la guerre devait être la source première de revenue pour le pays. Dans Chabath le talmud dit que David avait violé 400 femmes capturées lors de ses batailles et qu’il avait eu des enfants avec ces 400 captives. Avant d’attaquer un pays David faisait défiler les 400 enfants pour avertir l’ennemi de ce qu’il risquait d’arriver à ses femmes, s’il voulait vraiment livrer bataille. J’ai vraiment du mal à comprendre comment la politique de David qui recevait pourtant l’assentiment divin pouvait être un exemple pour les nations environnantes ! Le seul roi qui a eu une conduite exemplaire, Saul, a été évincé du pouvoir justement par ce qu’il a voulu être trop humain. La deuxième objection que l’on peut formuler sur la thèse du rav Leibtag concerne le deuxième point. Celui de l’abrogation de la mitsvah de la conquête. Selon le rav, les juifs auraient démérité, ils auraient failli à leur tache et ils doivent expier. Le Maharal de Prague s’est déjà opposé à cette thèse pour des raisons logiques. Le fait que l’exil soit déjà prédit dans la torah, implique que cet exil était une fatalité qui ne dépendait pas d’un comportement fautif d’Israël. La promesse de la terre d’Israël et la promesse de l’exil sont toujours juxtaposées dans la torah. Il apparait donc qu’inévitablement pendant un certain temps (1000 ans) les juifs devaient avoir un état, et qu’ensuite pendant un autre laps de temps ils devaient vivre en exil. Dans cet exil les juifs doivent attendre passivement une rédemption miraculeuse.

La prédictibilité de l’exil prouve qu’il est faux de penser que les juifs avaient un devoir auquel ils ont failli.

Il parait plus logique de penser que, d’une manière ou d’une autre, les juifs ont accompli ce qu’ils devaient accomplir en Israël, et que lorsque leur mission a été accomplie, ils devaient accomplir une autre mission en exil. Il semble qu’il y avait depuis le début de l’histoire trois phases dans le rôle d’Israël. La phase de l’état nation, la phase de l’exil et la phase messianique. Je n’ai pas l’ambition de supputer sur le sens de la phase messianique, mais je pense que l’on peut chercher un éclairage sur l’articulation qui existe entre la phase de l’état nation et la phase de l’exil.

On peut proposer une autre théorie sur le rôle de l‘état nation d’Israël à partir d’un passage du talmud dans Avodah Zarah 9a. Le talmud dit « le monde est établi pour durer 6000 ans. Pendant 2000 c’est la période du tohu. Pendant 2000 c’est la période de la torah. Pendant 2000 ans c’est la période du messie. » Le talmud explique que les 2000 ans du don de la torah commencent avec le prosélytisme d’Abraham lorsqu’il convertit des âmes à Haran. Ces années de torah s’achèvent un siècle après la destruction du deuxième temple. Les années du messie commencent là ou les années de la torah s’achèvent un siècle après la destruction du temple.

Le rav Yehudah Halévy dans le Kouzari explique que don de la torah perdurait pendant toute la période du temple. C’est pour cela que l’on peut faire une bénédiction commençant par les mots : « bénis sois tu D qui nous a sanctifié par ses commandements » avant d’accomplir les mitsvoth instituées durant cette période.

Par exemple, on fait une bénédiction commençant par les mots : « bénis sois tu D qui nous a sanctifie par ses commandements » avant de lire la Megilah ou avant d’allumer les bougies de Hanoukah, bien que ces mitsvoth ont été instituées par les sages. Car, tant que le temple existait, le don de la torah perdurait et c’est D lui-même qui s’exprimait à travers le sanhédrin.

Le fait que la période du don de la torah s’achève lorsque les juifs quittent Israël montre que la terre d’Israël était nécessaire aux juifs pour recevoir la torah. Lorsque le don de la torah est achevé la terre d’Israël n’est plus nécessaire. Dans la période messianique les juifs doivent s’éparpiller parmi les nations. Jusqu'à ce que le rédempteur vienne pour les rassembler à nouveau à Jérusalem de manière pacifique.

Il reste donc à comprendre pourquoi la conquête d’Israël était nécessaire aux juifs pour recevoir la torah. Pourquoi une partie de la torah devait être donnée à l’extérieur d’Israël dans le désert, et une autre partie devait être donnée en Israël après une conquête violente. Dans la période où les juifs sont sur la terre d’Israël, les juifs ne reçoivent pas de nouveaux commandements de la part de D. Le don de la torah se poursuit en Israël par la parole des prophètes. On a du mal aujourd’hui à comprendre en quoi la parole prophétique de la période du temple est nécessaire au développement de l’histoire. On à du mal à trouver une actualité à la parole prophétique c’est pour cela que peu de gens étudient encore sérieusement les prophètes.  Pourtant, si les guerres d’Israël n’étaient justifiées que par le dévoilement de cette prophétie, il est évident que ces prophéties étaient nécessaires au déroulement de l’histoire. De quelle manière la prophétie donne un sens nouveau à l’histoire ? En quoi ce sens ne pouvait pas être déduit des cinq livres de la torah ? Lorsqu’on lit les lettres de Kafka à ses amis après la parution de « la métamorphose » on se rend compte qu’il est perplexe par la critique de certains lecteurs. Ce qui le rend perplexe c’est le fait que certains critiques qualifient son œuvre de totalement juive, et d’autre critique disent que son œuvre est l’héritière de la littérature allemande. Kafka se demande lui-même quelles sont les véritables racines de son inspiration, et il n’est pas capable lui-même de les déterminer, il se dit qu’en fin de compte, les lecteurs sont des imbéciles, son œuvre n’est ni juive ni allemande. Le problème de Kafka vient du fait qu’il ne sait pas lui-même déterminer ce qu’est l’identité juive. Tous les écrivains ou les hommes politiques juifs d’Europe n’ont jamais été capable de déterminer en quoi ils étaient juifs, et qu’est ce que cela voulait dire « être juif ». Apres la Shoa l’identité juive se définie de plus en plus, en tout cas dans le courant orthodoxe, comme une acceptation radicale de la loi. La loi est première elle n’est pas subordonnée au sens, elle doit être appliquée d’une manière totale et incontestable. L’acceptation de cette loi, c’est l’identité juive. C’est de cette manière que Liotard définie lui-même l’identité juive dans une de ses conférences. Cette définition aurait pu être suffisante si les juifs n’avaient reçu que le pentateuque ; s’ils s’étaient éparpillés parmi les nations après avoir reçu la torah au Sinaï. Mais, le fait que le don de la torah se perpétue à travers la conquête d’Israël montre que la torah ce n’est pas uniquement un code de loi c’est aussi autre chose. Mais quoi ? Il y a deux choses qui s’opposent radicalement à la loi : la guerre et la monarchie absolue. Ces deux éléments sont les éléments constitutifs de la période où les juifs sont restés en Israël. Un très grand rabbin du 14ème siècle (le Sefer Hahinouh) a provoqué l’hilarité de ses contemporains lorsqu’il a écrit dans un de ses livres, qu’à l’époque de la bible, dans les guerres de conquête d’Israël, le soldat n’avait pas le droit de mettre sa vie en danger dans le champ de bataille. Le calcul de se rav était simple : puisque le fait de sauver la vie humaine est au dessus de tous les commandements de la torah, il était évident que le principe du respect de la vie était au dessus de la mitsvah de faire la guerre. Il fallait donc faire la guerre sans mettre en danger personne. Les rabbins ont répondu à ce rav que la guerre c’était par définition un moment de « non droit » ou toutes les lois morales étaient levées, et que cela n’avait aucun sens de penser que l’on puisse faire la guerre sans se mettre en danger.  La guerre c’est le moment ou la loi divine ne s’applique plus. Pourtant, tous les soldats savent que c’est sur le front que l’homme devient le plus croyant, sur le front le soldat établit un autre type de relation avec D, une relation qui ne dépend plus de la loi. Selon la torah, (Nahmanide fin du livre du lévitique) le monarque absolu n’est pas soumis à la loi, il peut tuer qui bon le semble sans apporter de justification. Le régime de la monarchie c’est aussi un régime où la loi divine ne s’applique plus, c’est un régime de non-loi, et pourtant, c’est ce mode de gouvernement qui était nécessaire pour constituer un nouveau lien avec D.

La prophétie donnée en Israël s’oppose radicalement à l’écrasement de l’individu par la loi du Sinaï. En Israël, l’identité juive se constitue par un rapport à D qui ne dépend plus uniquement de l’acceptation de la loi.

Mais pourquoi ce rapport à D était-il nécessaire à la constitution du peuple juif ? Et en quoi ce rapport a D est primordiale dans le message qu’Israël doit apporter aux nations ? 

Dans la parasha de la semaine il y a un héro tout à fait central que l’on ne mentionne pas, ce héro c’est Job. 

Le talmud dans Baba Batra explique que la principale raison pour laquelle Moshé a envoyé des explorateurs pour visiter la terre d’Israël, c’était pour savoir si Job était encore en vie. Les versets disent :

« Vous observerez l'aspect de ce pays et le peuple qui l'occupe, s'il est robuste ou faible, peu nombreux ou considérable; 19 quant au pays qu'il habite, s'il est bon ou mauvais; comment sont les villes où il demeure, des villes ouvertes ou des places fortes; 20 quant au sol, s'il est gras ou maigre, s'il est boisé ou non. Tâchez aussi d'emporter quelques-uns des fruits du pays. »

Et le talmud dans Baba Batra interprète « Y a-t-il arbre : Y a-t-il parmi eux un homme vertueux, Job, dont les mérites soient à même de les protéger comme un arbre qui protège du soleil (Baba Batra 15a). »

Lorsque les explorateurs rentrent, l’un d’entre eux Kaleb, dit « Mais ne vous mutinez point contre l'Éternel; ne craignez point, vous, le peuple de ce pays, car ils seront notre pâture: leur ombre les a abandonnés et l'Éternel est avec nous, ne les craignez point!" » Et Rashi interprète : Leur ombre s’est retirée : Leur bouclier et leur vigueur. Ceux parmi eux qui étaient vertueux sont morts, comme Job qui les avait protégés (Baba Batra 15a, Sota 35a). » Les juifs ont peur des géants et d’Amalek. Kaleb leur explique qu’ils n’ont rien à craindre par ce que Job, un lépreux qui dormait sur du fumier est mort. Je suis sure que les juifs ont du se sentir énormément rassurés par cette information. La volonté du talmud de placer le personnage de Job au centre de l’affaire des explorateurs parait tout à fait gratuite et très étrange.  On peut cependant avancer une explication. Nahmanide explique que l’histoire de Job est une allégorie sur le rôle d’Israël par rapport aux nations. Au début Job est riche, il a tout, il est celui qui enseigne la morale aux autres, il est le chef des juges. Puis il perd tout, il est éprouvé gratuitement par D. Les amis de Job ne supportent pas de voir Job dans cet état, le fait que Job soit frappé par le sort remet les amis de Job en questions. Ils ne sont que les élèves de job, or si la foi de Job est véridique si ses lois sont justes, comment ce fait il que Job soit à ce point frappé et anéanti par D. Au lieu d’éprouver de la compassion pour Job, les amis-élèves de Job vont l’agresser verbalement en l’accusant de toute sorte d’immoralité. Pour ces élèves seul l’impureté morale de Job peut expliquer le fait qu’il soit tellement mis à mal par D.  Si Job n’a pas fauté, alors cela veut dire que tout le message de Job est faux et ceci est inadmissible. Les amis de Job ne peuvent exister que par ce qu’ils croient au message de Job. Ensuite un « outsider » vient et prend le parti de Job et il convainc les amis de Job de sa droiture et il leur explique qu’ils doivent éprouver de la compassion pour lui et qu’ils doivent l’aider. A la fin du livre, les amis de Job réunissent des fonds et ils permettent à Job de refaire un business, ensuite Job redevient riche et il est guéri de ses maladies, et il a de nouveaux enfants. Pour Nahmanide, cette histoire schématise le rôle d’Israël en exil. Le fait même qu’Israël soit en exil remet en question la véracité du message de justice et de foi d’Abraham. Les nations pensent que si D existe et qu’il est juste, alors les juifs sont le peuple le plus mauvais du monde, puisque c’est un peuple déchu et battu. Le message d’Abraham ne peut pas être faux puisqu’il est le discours fondamental de la société civilisée. Les juifs sont donc coupables et ils méritent d’être agressés. Finalement, grâce à un mystérieux « outsider » les nations découvrent que si Israël est déchu c’est uniquement pour apprendre aux nations à donner, et c’est par l’aide des nations que la rédemption messianique arrive. Mais, si les nations avaient besoins d’apprendre à donner, les juifs aussi avait besoin d’apprendre quelque chose, ils devaient apprendre à recevoir. Le peuple d’Israël doit apprendre à recevoir pour faire venir le messie. C’est en apprenant à recevoir que le peuple d’Israël peut faire venir la rédemption.

Or fondamentalement, le livre du pentateuque ne donne pas la possibilité aux juifs d’apprendre à recevoir.

C’est le message prophétique israélien qui permet aux juifs de recevoir. 

Je vais essayer d’expliquer cette idée de la manière la plus brève possible. Le pentateuque a une vision très masculine du rapport au divin. Alors, que la prophétie israélienne exprime un rapport au divin plus féminin. Dans toute la prophétie (le Cantique des Cantiques, Isaïe, Jérémie, etc..) le peuple d’Israël est comparé a une jeune femme qui cherche son époux. Cette métaphore est complètement absente dans le pentateuque.

Or l’homme et la femme ont deux manières opposées d’appréhender le divin et la conscience de soi face au divin. L’homme prend conscience de lui-même, et il se définit lui-même par sa capacité à s’opposer aux pulsions de son corps. Le moi de l’homme se définit par la sensation qu’il a de pouvoir s’opposer et dominer son corps et ses pulsions. Pour l’homme le rapport à D passe par l’application de la loi et la capacité de se discipliner. Plus un homme sait se discipliner plus il s’oppose à ses pulsions, plus il se sent proche de D. Pour l’homme le rapport à D est très difficilement dissociable de l’application d’une loi ou de la conformité à une discipline. Pour l’homme la conscience du moi se constitue par le fait qu’il est étranger à ses pulsions et qu’il peut les contrôler. C’est donc à travers cette interface qu’il peut envisager le rapport au divin. C’est ce qui explique que l’homme a beaucoup plus d’obligation religieuse que la femme.

Par contre, la femme intègre ses pulsions dans la conscience qu’elle a d’elle-même. La femme se définit comme conscience indépendante, non pas, par opposition à son corps, mais par opposition à la réalité objective. La femme a besoin de transcender et d’idéaliser la réalité pour prendre conscience d’elle-même. C’est à travers cette idéalisation de la réalité qu’elle se perçoit comme une subjectivité existante et indépendante. C’est aussi à travers cette idéalisation du monde que la femme élabore son rapport à D. 

La femme n’est pas capable d’envisager le monde de manière objective, par ce que si elle le fait elle se sent violée par la société. L’homme peut envisager la réalité objective du monde sans se sentir agressé par la société. En effet l’homme utilise l’antagonisme face à son corps comme une interface protectrice de l’univers social. En se séparant de son corps l’homme devient indépendant du rôle social. Comme la femme ne fait pas ce rejet du corps elle est obligée d’idéaliser le monde réel pour se ménager une intimité à l’ abri de la société. (La femme cherche à travers son conjoint une interface qui lui permet de s’ouvrir à l’objectivité du monde toute en l’idéalisant, ça peut marcher si l’homme joue le jeu, et l’homme attend une idéalisation de la réalité en idéalisant sa femme, ca peut marcher si la femme joue le jeu. Dans les deux cas D peut prendre la place du conjoint et en général ca marche mieux.) Essentiellement, l’homme ne peut pas recevoir. L’homme se définit par la volonté de s'opposer à son corps, et « l’autre » ne peut donner qu’au corps. (Même si on peut recevoir du réconfort moral, le réconfort est encore une forme de confort à laquelle l’homme s’oppose essentiellement, dans son désir de contrôle).  L’homme est une rupture. Une rupture avec lui-même et une rupture avec le monde. C’est cette rupture qui définit le judaïsme du pentateuque. Le juif du pentateuque ne peut pas recevoir. La femme peut recevoir puisqu’elle s’identifie a son corps, cette intégration du corps et du pulsionnel dans le moi s’oppose à la possibilité d’une transcendance par la loi et la discipline. C’est dans ce rapport d’intégration à lui-même que le peuple d’Israël pouvait accomplir sa destinée messianique et recevoir les cadeaux des nations. Le dépassement de la loi ne pouvait se faire que par la guerre et la dictature, la guerre et la dictature était donc nécessaire au déroulement de l’histoire juive et à la venue messianique.

 

Precision : Quand je parle de recevoir et donner il ne s'agit pas de recevoir de D mais de recevoir des autres nations. Pendant la période de la torah les juifs ne recoivent rien des autres nations si ce n'est les cadeaux de pharaons à Avraham et les cadeaux des egyptiens aux juifs lorsqu'ils sortent d'egypte. Ce que je voulais dire c'est que dans la troisieme période les juifs doivent apprendre à donner et à recevoir, la période messianaique est une synthese des deux periodes précédentes. Le juif n'est pas simplement défini par le fait qu'il accepte la loi, mais aussi par ce qu'il a une culture et une identité qui s'exprime independament de la loi. C'est par cette synthese qu'il peut contribuer à l'avenement messianique.

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