1. Peut-on s’aimer soi-même ?
« Il a été dit que R. Akiba avait douze mille paires de disciples, de Gabbatha à Antiparis, et tous sont morts en même temps parce qu'ils ne se traitaient pas avec honneur. Le monde est resté désolé jusqu'à ce que R. Akiba vienne à nos Maîtres dans le Sud et leur enseigne la Torah. Il s'agissait de R. Meir, R. Judah, R. Jose, R. Simeon et R. Eléazar b. Shammua ; et ce sont eux qui ont ranimé la Torah à ce moment-là. Un Tanna a enseigné : Tous sont morts entre la Pâque et la Pentecôte. R. Hama b. Abba ou, pourrait-on dire, R. Hiyya b. Abin a dit : Tous sont morts d'une mort cruelle. Qu'est-ce que c’était ? - R. Nahman a répondu : haskarah ». Yevamot 62b
Les élèves de rabi Akivah sont morts pendant la période du Omer par ce qu’ils ne se rendaient pas des honneurs les uns les autres. Le talmud ne dit pas, qu’ils ne s’aiment pas les uns les autres, ou qu’ils se manquaient de respect les uns les autres, il dit simplement qu’ils ne donnaient pas des honneurs les uns les autres.
Le fait de ne pas donner des honneurs semble être une faute bénigne, qui ne peut pas être sanctionnée par la peine de mort, alors, pourquoi les élèves de rabi Akivah sont-ils morts uniquement pour avoir fait cette erreur.
De plus il est important de définir la notion même d’honneur « kavod » pour le talmud.
Le traité « pirkei avot » finit avec la baraitha suivante : « tout ce que le créateur a créé dans l’univers, il ne l’a créé que pour son honneur (kavod) comme le dit le verset : « tous ceux qui se réclament de mon nom, tous ceux que, pour ma gloire (mon kavod), j'ai créé, formés, organisés. ».
Le Maharal de Prague explique (Derek Haïm ad hoc, Béer Hagolah 4, 6) que si la création du monde peut avoir une sens pour D, ce sens ne peut être que la gloire ou les honneurs, puisque la gloire et les honneurs sont la seule chose qu’un individu ne peut pas se donner a lui-même, il doit les recevoir de quelqu’un d’autre. D peut tout faire, mais il ne peut pas se donner des honneurs a lui-même, D a eu besoin de créer l’univers, l’autre, pour pouvoir recevoir des honneurs.
Il est évident que cet enseignement nous pose deux questions. La première : « est-il vrai qu’un individu ne peut pas se donner des honneurs a lui-même ? », l’homme pourrait s’honorer lui-même, en s’achetant de beaux habits, une belle voiture ou une belle maison, par exemple.
C’est un concept très en vogue aujourd’hui, on parle de « self love », puisque dans le monde moderne on ne peut plus recevoir d’amour de l’autre, il ne nous reste plus qu’a nous le donner à nous même. Pourquoi D aurait il besoin de quelqu’un d’autre pour lui donner des honneurs ou du respect ? Spinoza parle, au sujet de D, d’un « narcissisme ontologique », pourquoi D ne pourrait-il pas être narcissique ?
La deuxième question est ; pourquoi D aurait-il besoin d’honneur ou de reconnaissance pour exister ? ou en tout cas, pourquoi D a-t-il éprouvé le besoin, si ce n’est la nécessité, de recevoir des honneurs.
Pour répondre à ces deux questions, il faut faire un détour par un récit de mythologie grecque, « le mythe de narcisse », ce mythe est rapporté de la manière suivante par Ovide dans « les métamorphoses ».
« À sa naissance, le devin Tirésias, à qui l'on demande si l'enfant atteindrait un âge avancé, répond : « Il l'atteindra s'il ne se connaît pas. » Il se révèle être, en grandissant, d'une beauté exceptionnelle mais d'un caractère très fier : il repousse de nombreux prétendants et prétendantes, amoureux de lui, dont la nymphe Écho. Une de ses victimes éconduites en appelle au ciel. Elle est entendue par la déesse de Rhamnusie — autre nom de Némésis — qui l'exauce9. Un jour, alors qu'il s'abreuve à une source après une dure journée de chasse, Narcisse voit son reflet dans l'eau et en tombe amoureux. Il reste alors de longs jours à se contempler et à désespérer de ne jamais pouvoir rattraper sa propre image. Tandis qu'il dépérit, Écho, bien qu'elle n'ait pas pardonné à Narcisse, souffre avec lui ; elle répète, en écho à sa voix : « Hélas ! Hélas ! » Narcisse finit par mourir de cette passion qu'il ne peut assouvir. Même après sa mort, il cherche à distinguer ses traits dans les eaux du Styx. Il est pleuré par ses sœurs les naïades. À l'endroit où l'on retire son corps, on découvre des fleurs blanches : ce sont les fleurs qui aujourd'hui portent le nom de narcisses. »
Ce que le mythe nous montre, c’est l’incapacité de l’homme à s’aimer lui-même, la relation d’amour est une fonction transitive, qui passe d’un sujet a un autre, si homme décide de s’aimer lui-même, il est obligé de se dédoubler, or ce dédoublement est une haine de soi, puisque l’on doit de facto créer une partie de soi que l’on aime et une partie que l’on déteste.
De plus, la partie que l’on aime ce n’est pas soi, c’est uniquement une image idéalisée de soi. L’amour de cette image, c’est au fond une haine du moi réel qui ne fait que languir et admirer son image. Se faire des honneurs à soi-même, c’est au fond une manière de se haïr.
Rav Aharon Kotler avait l’habitude de dire qu’il n’y avait rien de plus déprimant pour un homme que de s’acheter une belle maison ou une belle voiture ou une belle montre, lorsque l’on dont on n’en éprouve pas le besoin, car ces achats ne font qu’exprimer une volonté de se gratifier soi-même, ils sont des preuves d’amour narcissique, or l’amour narcissique est par définition déprimant. Se gratifier soi-même ne fait qu’augmenter la sensation de vide affectif que le narcissique ressent. L’auto gratification est un puits sans fond, car plus on se gratifie, plus on se sent seul, et vide.
Or, il est intéressant de remarquer que dans le judaïsme D a deux caractéristiques, premièrement il est « un », et deuxièmement il n’a pas d’image. Dans le judaïsme, D est l’exacte oppose de narcisse. C’est pour cette raison que la Mishna nous dit qu’il ne peut recevoir des honneurs ou de l’amour que des autres, c’est-à-dire de ses créatures, contrairement à ce que dit Spinoza, même D ne peut pas s’aimer lui-même.
2. La relation au divin est-elle une aventure solitaire ?
Dans le même traité de « pirkei avot », les sages définissent l’honneur d’une manière différente plus énigmatique encore.
« Celui qui apprend de son ami, ne serais ce qu’une seule section, ou une seule règle, ou un seul verset, ou une seule expression, ou même une lettre unique, il est sous l'obligation de le traiter avec honneur ; car nous retrouvons David, roi d’Israël, qui a appris d'Achitophel deux choses seulement, qui l’a appelé son maître, son compagnon et son ami, comme il est dit, mais tu es, un homme mon égale, mon compagnon et mon ami.
N’est-ce pas un raisonnement a plus forte raison ? Si déjà David, le roi d’Israël ? Qui n’avait appris d’Achitophel que deux choses seulement, [encore] il a appelé son maître, son compagnon et son ami ; à plus forte raison, celui qui apprend de son partenaire une section, une règle, un verset, une expression ou même une lettre, il est sous l'obligation de le traiter avec honneur. Et « l’honneur » n’est rien d’autre que la torah, comme on l'a dit, le sage doit hériter l'honneur »
Le sens littéral de la Mishna est difficile, comment peut-on vraiment comprendre que « l’honneur c’est la torah » ? Si c’est vrai, comment peut on dire que celui qui apprend de son ami un chapitre doit lui donner des honneurs, est ce que cela veut dire qu’il doit lui enseigner en retours une loi de la torah ? si c’est le cas lorsque l’on dit que les élèves de rabi Akivah ne se donnaient pas des honneurs est ce qu’il faut comprendre qu’il ne s’enseignaient pas la torah les uns les autres ? c’est mathématiquement impossible, puisque selon la Mishna, on doit justement donner des honneurs a celui qui nous enseigne la torah. Or si les élèves de rabi Akivah ne s’enseignaient pas la torah les uns les autres, ils n’avaient donc aucun devoir de se donner des honneurs les uns les autres, puisque les honneurs ne sont dû qu’à celui qui enseigne, et s’ils s’enseignaient les uns les autres la torah, alors il se trouve qu’il se donnaient des honneurs, puisque donner des honneurs c’est justement enseigner la torah, alors comment peut-on dire que les élèves de rabi Akivah ont fauté ?
De plus, la Mishna pose un autre problème, elle veut déduire l’obligation de donner des honneurs à celui qui nous enseigne ne serait-ce qu’une lettre ou une loi, du fait que David a donné des honneurs a Achitophel bien qu’il n’eût appris de lui que deux choses. Or, il y a ici une erreur de logique évidente, car tout le monde sait que 2 est plus grand que 1, donc, on ne peut pas faire un raisonnement a fortiori pour déduire l’obligation d’honorer celui qui nous a appris une seule loi du cas du roi David, puisque David a appris deux choses d’Achitophel. Comment donc comprendre le sens de la Mishna ?
Pour comprendre la Mishna, il faut donc savoir quelles sont les deux choses qu’Achitophel a enseigné à David. Dans le traité de Kala Rabati chapitre 5 halacha 4, le talmud explique que David avait l’habitude d’étudier seul et de prier seul. Achitophel lui a appris qu’il valait mieux étudier dans un groupe et prier dans un groupe. Voila les deux choses qu’Achitophel a enseigné à David.
Lorsqu’on lit les psaumes de David, il apparait clairement que sa relation à D est une relation solitaire, plus il est proche de D plus il est loin des autres hommes. David est sensible à la beauté de l’univers, de la nature ; des arbres, des fleurs de la neige de la pluie, des planètes, du cosmos, il admire la beauté de la torah et de D, mais il a du mal à apprécier les hommes.
Dans les psaumes les autres humains sont souvent décrits comme des ennemis, plutôt que comme des amis, l’un des seuls personnages décrit de manière positive dans les psaumes est Achitophel, mais, même a son sujet, les compliments donnés ne sont en fait que des insultes déguisées, il lui dit (dans le psaume citée) par la Mishna, « tu étais mon meilleur ami, mais tu m’as poignardé dans le dos ». David n’arrive pas à concevoir une ascèse spirituelle et un lien avec D qui ne soit pas automatiquement un isolement. Etre proche de D, c’est être seul.
Achitophel a enseigné à David que la relation à D, doit être aussi une ouverture sur l’autre. La torah cela doit être un honneur que l’on donne, cela doit être une ouverture sur l’autre. C’est pour cette raison que le talmud peut déduire de l’enseignement d’Achitophel qu’il faut donner des honneur a celui qui enseigne ne serait ce qu’une lettre, puisqu’il semble que la seul chose que David a appris d’Achitophel, c’est qu’il fallait étudier en groupe ou prier en groupe, mais en réalité, David lui-même n’a rien appris du groupe, il était plus fort que les autres, puisque la seule chose qu’il a appris c’est qu’il fallait étudier en groupe, et malgré tout il a accepté l’enseignement d’Achitophel et il a donné des honneurs au groupe. En réalité David a donné des honneurs au groupe d’Achitophel, bien qu’il n’ait rien appris du groupe lui-même. C’est pour cela que le talmud peut en déduire, à fortiori, que celui qui apprend quelque chose de quelqu’un, même une seule lettre, il doit lui donner des honneurs.
Le roi David était un grand philanthrope, il a consacré sa vie au peuple d’Israël, mais il y avait chez lui deux relations qui ne communiquaient pas et qui au contraire s’opposaient. Ces deux relations étaient verticales, d’une part David voulait donner aux autres, il était celui qui donnait, il était en haut et les autres en bas. Et d’autre part il voulait se rapprocher de D, et dans cette relation, David était en bas et D en haut. David n’arrivait pas à faire communiquer sa volonté de s’élever spirituellement avec sa relation aux autres. Il n’arrivait pas retrouver une élévation spirituelle dans le rapport a l’autre.
Achitophel a appris à David qu’il fallait faire communiquer l’ascèse spirituelle et le rapport a l’autre, que l’on pouvait s’élever spirituellement dans le rapport à l’autre, même si l’on n’apprend rien de l’autre.
Les élèves de rabi Akivah s’entraidaient, ils étaient unis, ils s’enseignaient la torah les uns les autres, mais ils ne pouvaient pas se faire des honneurs, se faire des honneurs, pour le talmud, c’est vivre une ascèse spirituelle à travers la relation à l’autre. Pour eux comme pour David la relation à D était une ascèse solitaire et plus on montait spirituellement plus on était seul.
Le talmud dans le traite de nedarim raconte « R. Akiba était un berger de Ben Kalba Sabua. La fille de ce dernier. Voyant que le berger était modeste et noble, il lui dit : Si je devais te fiancer. Voulez-vous aller étudier dans une académie ? « Oui », répondit-il. Elle a ensuite été secrètement fiancée à lui et l'a renvoyé. Quand son père a entendu [ce qu'elle avait fait], il l'a chassée de sa maison et lui a interdit par serment de tirer profit de sa succession. [R. Akiba] est parti. Et a passé douze ans à l'académie. Quand il rentra chez lui, il amena avec lui douze mille disciples. [Dans sa ville natale], il a entendu un vieil homme dire à sa femme : "Combien de temps peux-tu mener la vie d'un veuvage ? - S'il m'écoutait, répondit-elle. Il dépenserait [à l'étude] douze autres années. R. Akiba se dit : "C'est alors avec son consentement que j'agis". Et il est reparti et a passé douze autres années à l'académie. Quand il revint enfin, il amena avec lui vingt-quatre mille disciples. Sa femme entendit [son arrivée] et sortit au-devant de lui quand ses voisins lui dirent : « Prends des vêtements respectables et mets-les », mais elle répondit : « Un homme juste considère la vie de sa bête ». Elle tomba sur son visage et embrassa ses pieds. Ses assistants étaient sur le point de la repousser, quand [R. Akiba] leur cria : « Laisse-la, ma torah et la votre sont à elle »
Les 24 milles élèves de rabi Akivah, sont le fruit de la décision de sa femme de le renvoyer de la maison pour qu’il aille à la yeshiva, là encore l’ascèse spirituelle est décrite sous l’angle de la solitude, pour étudier, rabi Akivah doit quitter sa famille. C’est pour cette raison que les élèves de rabi Akivah meurent et ne se font pas des honneurs les uns aux autres, puisqu’ils ne peuvent pas envisager la spiritualité comme l’expression d’une ouverture sur l’autre.
3. En quoi la relation à D, nous permet de nous ouvrir sur l’autre et de comprendre nos amis (ou nos ennemis.)
Dans le livre de la genèse au début du chapitre 5 on peut lire le verset suivant
« Ceci est le livre des générations de l'humanité. Lorsque Dieu créa l'être humain, il le fit à sa propre ressemblance. »
La torah est appelée dans ce verset « le livre des générations de l’humanité », la torah ne serait pas l’expression de la volonté divine, elle serait plutôt l’expression de la destinée humaine. Ceci peut paraitre étonnant puisque dans la torah, c’est pratiquement toujours D qui parle. Cependant le verset s’explique lui-même, puisque l’homme a été créé à l’image de D, parler de D, c’est parler de l’homme. Mais qu’est-ce que cela veut dire ?
Le midrash Rabah (24) commente ce verset en disant « Ben Azzai a dit : "Ce sont les générations d'Adam" est un grand principe dans la Torah. Rabbi Akivah a dit : C'est un grand principe de la Torah : "Tu aimeras ton prochain comme toi-même" (Lévitique 19 :18). Ainsi, il ne faut pas dire : « Puisque je suis méprisé, je devrais mépriser mon prochain aussi, puisque j'ai été maudit, je maudirai aussi mon compagnon. » Rabbi Tanhouma a dit, si vous agissez ainsi, réalisez qui c'est que vous êtes prêt à avoir humilié - "celui qui a été fait à la ressemblance de Dieu." Rabbi Tanhouma dit, "Si vous le faites, vous devriez savoir qui vous méprisez – c’est D lui-même, car « à la ressemblance de Dieu, Il l'a créé. »
Rabi Akivah nous explique qu’aimer son prochain comme soi-même, c’est un grand principe dans la torah, par ce que l’homme a été créé à l’image de D. en recherchant D. on doit retrouver l’homme.
Nous avons vu plus haut que l’auto gratification n’est qu’une source de dépression, l’amour narcissique n’est qu’une haine de soi.
Alors pourquoi l’homme a-t-il naturellement une tendance a l’amour narcissique et a l’auto gratification ?
La réponse se trouve dans le mythe de narcisse, l’homme ne se connait pas, il doute même de son existence, le rapport narcissique est une volonté de se connaitre de s’assurer de sa propre existence. Comme le dit le mythe « À sa naissance, le devin Tirésias, à qui l'on demande si l'enfant atteindrait un âge avancé, répond : « Il l'atteindra s'il ne se connaît pas. » or l’homme ne peut pas vivre sans se connaitre. L’homme a besoin de se donner une identité.
Lorsque David étudie la torah seul, et qu’il écrit les psaumes seul, il n’est pas déprimé, au contraire son étude et sa prière sont pour lui une source de réconfort malgré sa solitude. Pourquoi ?
En fait, la relation à D par l’étude ou la prière, ou la création artistique est une ouverture sur la présence objective de l’univers du monde sensible. En écrivant les psaumes, David s’ouvre à la nature, au cosmos et à D. En priant et en étudiant, il exprime l’écho que provoque en lui cette ouverture.
Il regarde un arbre, il sent son cœur vibrer en lui, et il cherche à exprimer cette vibration dans la composition des psaumes. De même, lorsqu’il étudie la torah, il ressent une vibration et il va chercher à exprimer cette vibration à travers son étude. Comme le dit le mythe grec, ce qui s’oppose à narcisse c’est l’écho, l’écho que l’univers provoque en nous. Lorsqu’un homme prie ou qu’il étudie, il s’ouvre à la présence objective du monde ou du texte de la torah, il ressent un écho, en ressentant ou en exprimant cet écho, il prend conscience de lui-même et il se définie.
David savait qui il était et ce qu’il était, par ce qu’il savait résonner en s’ouvrant sur le monde, par ce qu’il savait exprimer la vibration qu’il ressentait lorsqu’il étudiait la torah ou lorsqu’il regardait un arbre.
Rechercher cet écho ou cette vibration dans la relation avec son prochain est malsain, puisque si on regarde l’autre sous cet angle on l’instrumentalise, il devient pour nous un symbole, il n’est plus pour nous qu’une source d’inspiration, il n’est plus une personne ou un ami, il devient une chose ou un concept. C’est pour cette raison que David ne parle pratiquement pas de ses relations dans les psaumes.
L’univers et D nous échapperons toujours, on ne peut percevoir que leur écho, et par leur écho on peut se découvrir, cependant nos amis ne peuvent pas rester des symboles étrangers, ils ne doivent pas résonner dans le lointain.
Ce qui empêche un individu de s’ouvrir à l’autre et de l’accueillir dans sa psychè, c’est son amour narcissique. L’homme aspire à se connaitre lui-même, il veut s’assurer de sa propre existence, et naturellement, il en vient à chercher à se connaitre à travers ses relations avec les autres.
Dans cette dynamique, l’individu ne peut pas vraiment « s’ouvrir » pour accueillir l’autre dans toute son altérité, il reste au contraire fermé sur ses propres problématiques. Il essaie même de rendre l’autre à son image.
Mais, plus un homme apprend à se connaitre à travers la relation à D, moins il est narcissique dans sa relation à l’autre.
Car ce qui empêche l’homme de de s’ouvrir a l’autre, c’est le fait qu’il s’échappe à lui-même et que de ce fait il est constamment à la recherche de lui-même. L’homme doit apprendre à se connaitre grâce à sa relation à D, (en vibrant devant la réalité objective du monde) pour être ensuite capable de s’ouvrir à l’autre.
C’est ce que rabi Akivah veut exprimer en disant « tu aimeras ton prochain comme toi-même, c’est une grande règle dans la torah, car l’homme a été créé à l’image de D. » c’est en se découvrant soi-même dans une relation avec D, que l’on devient capable d’aimer son prochain comme soi-même.
Les élèves de rabi Akivah ne cherchaient pas à se découvrir eux même dans leur relation à D, ils restaient narcissiques dans leur vie religieuse, ils voulaient copier une image. C’est pour cette raison qu’ils ne pouvaient pas vraiment construire une relation entre eux. Ils étaient tous des clones. Dans les livres de Kabbalah il est écrit que les 24000 élèves de rabi Akivah étaient le guilgoul des gens de la ville de chehem qui s’étaient convertis pour se marier avec des filles juives. Les gens de chehem aussi cherchaient l’homme sans chercher D., or dans ce cas on ne fait que percevoir l’autre à notre image, on ne le voit pas vraiment tel qu’il est, on le voit tel qu’on voudrait qu’il soit. Puisque les gens de Shehem voient les autres a leur image, ils sont incapables de déceler le complot des enfants de Jacob. C’est le rapport au divin qui nous permet de nous connaitre et de comprendre l’autre.
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