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  • Writer's pictureRav Uriel Aviges

Le rapport au père

Etudes et variations sur des thèmes du Rav Mregen ou le rapport au père

Le cours du Rav Mregen était basé sur un passage du Talmud dans le traité de Nidah page 31a que voici : "Il y a trois associés dans l'homme D, son père et sa mère".

Ici le rav Mregen (rm) a remarque que le Talmud ne dit pas qu'il y a trois agents dans la création d'un homme, mais qu'il y a 3 associés, c'est à dire que chaque être humain est partiellement son père et sa mère ainsi que D.

Le rm a beaucoup développé l'idée de l'homme comme étant essentiellement son père et sa mère, mais il a très peu parlé de l’idée comme l'homme étant essentiellement D, qui découle aussi de cette interprétation sur l'association. Je vais m'y arrêter, puisque c'est un point qui nécessite un éclaircissement.

Mais je continue d'abord à citer le talmud : "Le père sème le blanc d'ou sortent les os, les nerfs, le cerveau qui réside dans la tête, et le blanc des yeux. La mère sème le rouge d'où (sort) la peau, la chair, les cheveux, le noir des yeux. Et D donne le rouah (vent) la neshamah (le souffle) l'expression du visage, la vue de l’œil, l'écoute de l'oreille, la parole de la bouche la marche des pieds, l'intuition et la compréhension."

Le talmud dit donc que D donne dix choses et le père et la mère chacun cinq.

Revenons donc maintenant sur idée d'association de D dans l'homme.

A mon avis il y a deux lectures possibles de ce passage soit une lecture spinoziste à la manière du Baal Hatania ou de rav Kook qui exprimerait la présence de D dans la matérialité, soit une lecture anti spinoziste qui au contraire rejette D hors de la matière.

La première lecture spinoziste: le talmud nous montre que D est dans l'homme en le comparant aux parents, qui sont effectivement présent en l'homme lui même, par le patrimoine génétique qui se retrouve dans le corps de l'enfant, le talmud veut dire que D est présent à l'intérieur de l'homme lui même et de la matière comme l'âme qui est une partie de D.

On peut même pousser plus loin cette analyse en disant que le talmud a voulu par cette exemple nous montrer la nature du rapport de D à l'homme. De la même manière que l'enfant est essentiellement par les gènes son père et sa mère, sans pour autant qu’il soit effectivement son père qui est une autre personne, de la même manière D est dans la nature sans pour autant être la nature.

On peut avoir une autre lecture de ce passage ou au contraire le talmud viendrait dire "il est évident que l'homme n'est pas D", donc, lorsque le talmud compare l'association avec D et les parents il veut nous dire que l'association avec les parents dont il est question n'est pas l'association génétique, mais plutôt une association symbolique et que les éléments que le talmud cite ne sont pas à prendre au mot, mais plutôt a titre de symboles et d'images. On ne parle plus de corps mais de psychisme et de représentation mentale.

C'est cette lecture qu'a choisie le rm.

Il s'est donc interroge sur la symbolique des os et du blanc du père et du rouge de la mère.

Sa conclusion était que le père c'est l'image et la réussite puisque ce sont les os qui structurent le corps alors que la mère c'est la souche et l'essence d'ou poussent les choses.

J'avais pour ma part dit quelque choses de similaire dans un cours a Stern College l'année dernière mais avec quelques nuances.

C'est à dire que la mère c'est la conscience de soi tel que l'on se conçoit au présent alors que la conscience du père c'est la conscience de soi tel que l'on se projette dans le futur ce que l'on voudrait être C'est ainsi que j'avais expliqué le talmud dans Pesahim qui dit que la mère d'Israël c'est l'Irak et l'avis du midrash Shohar Tov qui disait que la mère d'Israël c'est l'Egypte et le père Irak, ceci son trouve aussi dans la haggadah.

Ensuite le rm a dit que le peuple d'israel est essentiellement axé sur le rapport à la mère et que "le père c'est le problème du peuple juif". Il a cité comme source le fait que Yaacov aime sa mère plus que son père alors qu'Esaü a le culte de son père, c'est à dire le culte de l'image.

Cette idée est très nettement discutable.

Premièrement, il n'est marqué nulle part à ma connaissance que Yaacov aimait sa mère plus que son père. Deuxièmement, le rapport d'Esaü à son père n'est pas si clair, mon rav avait toujours l'habitude de noter qu'Esaü explicitement souhaite la mort de son père et il dit après s’être fait voler les bénédictions "le deuil de mon père va se rapprocher". En faite la différence qu'il y a entre Jacob et Esaü c'est que Jacob veut prendre la suite de son père alors qu'Esaü veut prendre sa place.

Qu'est ce que ça veut dire?

Avant de répondre à cette question il faut en poser une autre comment se fait-il que l'homme lorsqu'il se projette dans le futur a besoin de se projeter dans une image et dans quelqu'un d'autre, pourquoi un homme a du mal à s'envisager tel qu'il est dans le futur, pourquoi doit il se projeter dans quelqu'un d'autre.

Si quelqu'un va voir le film "300" il apprendra que selon Arthur Miller la racine de la démocratie c'est l'héroïsme, d'abord Sparte Homère & Co inventent l’héroïsme ensuite vient la démocratie et la philosophie logique quel est le lien?

A priori c'est évident un idéal de dépassement est le début de la conceptualisation, qui est le début du dialogue politique de la cité.

Idéal de dépassement c'est l'image du père, on apprend aussi en voyant le film que ce dépassement est un suicide, on se tue pour devenir un autre, et cet autre c'est l’idéal que l'on veut atteindre.

Si on revient à l'histoire d'Esaü on comprend qu'il y a un double crime un suicide du fils et le meurtre du père de l'image. Par exemple si je vois la pub d'un type en Reebook qui dit " I am what I am" et je me projette en lui je tue symboliquement deux personnes la première moi-même puisque je me tue pour me transformer en quelqu'un d'autre qui n'est pas moi, puis je tue le type sur l'image pour prendre sa place. C'est ça le rapport d'Esaü à son père et le rapport à l'image et à l’idéal (ici la nouveauté de Reebook c'est que l’idéal c'est rien "what I am" le vide).

Est ce qu'il y aurait une autre manière d'envisager le rapport au père ou à l’idéal? A mon avis, oui, j'ai dit tout à l'heure Jacob veut prendre la suite de son père pas sa place

Qu'est ce que ça veut dire?

Esaü voit son père comme quelque chose d'indépassable qu'il peut au maximum imiter et donc aussi remplacer, cloner, on comprend qu'il soit content que son père meurt pour enfin devenir lui même le père.

Par contre Jacob comprend que son père n'est pas une image indépassable mais un potentiel en mouvement qui se dépasse lui même tant qu'il est vivant, et qui tant qu'il est en vie peut évoluer à travers une multitude de possibilité, et que le fils n'est lui même peut être qu'une modalité de ces possibilités, une face de cette évolution, il ne souhaite pas la mort de son père au contraire car plus son père évolue plus il en tire lui même un enrichissement, pour qu'il se connaisse mieux lui même, et qu'il puisse mieux se juger.

C'est cette vision de l'homme et de l’idée qui permet d'échapper à l'homicide. J'ai vu moi même plusieurs fois des élèves qui étaient heureux de la mort de leurs maîtres pour eux la vie commençait maintenant, ils pouvaient devenir eux mêmes les maîtres, ces élèves en général étaient ceux qui étaient les plus intransigeants sur les enseignement de leurs maîtres et ne les remettaient jamais en question, ce sont ceux la même qui était heureux de voir la mort de leur maître, je l'ai vu!, ceux qui remettaient en questions les enseignements qu'on leur donnait, ceux la, savaient que l'enseignement était perdu par la mort du maître, puisque maintenant il rentrait à l'état fossile d'un enseignement mort sans discussions et dépassement possible.

Si quelqu'un dit ceci est vrai par ce que mon maître l'a dit ou parce que Rashi l'a dit ça veut dire "je veux tuer mon maître, je veux tuer Rashi, je veux être le maître".

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