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  • Writer's pictureRav Uriel Aviges

Chemot 5767

La Torah rapporte les paroles de pharaon qui dit "complotons contre les juifs de peur que si une guerre arrive il se joindra a nos ennemis et il partira de la terre", la dernière préposition et il partira de la terre se rapporte aux juifs, dit Rashi dans la première explication. Les égyptiens ne voulaient pas que les juifs partent, c'est pour cela qu’ils les rendent esclaves, pourquoi? Les juifs étaient venus et sont restés en Egypte, de leur pleins grés jusqu'à maintenant, pourquoi partiraient-ils si ils sont heureux ? On dirait aussi que les égyptiens se sentaient dépendants des juifs, ils voulaient posséder les juifs, ils savaient que sans les juifs l'Egypte n'était rien. Pourquoi avaient-ils ce sentiment?

1) La Torah dit dans le verset précédent que les juifs pullulèrent et que la terre en fut remplit

Le midrash dit que ce sont le théâtres et les stades qui furent remplis de juifs et que c'est pour cela que les égyptiens en eurent marre de les voir, or ceci est étonnant si les égyptiens ne voulaient pas que les juifs partent comme le dit le verset précédent, ils auraient du être heureux de les voir assimilés.

En réalité le midrash dit ailleurs (Genèse Rabah 80 1) que le théâtre et les stades sont le miroir culturel des peuples c'est à dire qu'ils se retrouvent dans ces combats pour exulter leurs combats et leurs dilemmes intérieurs. Que font les juifs là-bas si ils sont une nation à part entière?

Pourquoi les juifs vont ils encourager l'équipe de France même si ils savent que les français les haïssent, (il y a plein de juifs qui sont restés très patriotique envers l'Allemagne même après la shoah (rav Nathan Shulman Zal et je pense beaucoup d'autre)

Il faut comprendre en fait pourquoi les juifs couraient tous au théâtre et aux stades.

2) Ce qui choque lorsque l'on étudie la Torah c'est l'absence d'humour; on ne rigole jamais; en plus de cela il y a aussi une absence du tragique, (peut être a part dans les Psaumes et encore); on n'entend personne pleurer quand Avraham ou Isaac meurent ; la mort de Joseph et des frères est mentionnée dans la parasha par le verset "et Joseph et tous ses frères sont morts avec leur génération", c'est assez rapide.

Il n'y aucune théâtralité dans la Torah pourquoi?

3) Une autre remarque: il n'y a aucune condamnation du théâtre ou de l'humour dans la Torah; il y a un silence complet à ce sujet or ceci est étrange car c'est une grande part de l'âme humaine. (Il est amusant de remarquer que les exégètes de Freud ont trouvé la même impasse, dans son oeuvre Freud parle de tout, sauf du rire).

Il semble que cela veuille dire que cette partie de l'âme humaine ne regarde pas la Torah. (on pourrait m'objecter du talmud Avodah Zarah 18 qui interdit d'aller au théâtre par ce que c'est du bitul zman l'annulation du temps, que l'on pourrait consacrer a la Torah; cependant dans la halacha on sait que lorsque le talmud interdit quelque chose à cause de "bitul Torah" cela veut dire que cela est permis si la personne n'aurait pas étudié de toutes les manières, ou si il en retire une idée qui veut l'aider dans l'étude de la Torah ou si il sera plus relax pour étudier ou faire les mitsvot (cette interprétation et cette décision ne sont pas les miennes se sont celles de rav David Feinstein Schlitta - je crois même au nom de son père-)

4) Dans le Deutéronome la Torah dit que lorsque D a sorti le peuple juif d'Egypte "il a sorti une nation de l'intérieure d'une autre nation "goy mikerev goy", le maharal parle d'un embryon du ventre de sa mère, de même que le midrash tehilim (114), qui ajoute même, que D lui même n'était pas sure d'y arriver, de pouvoir séparer l'inséparable. Pourtant nous lisons dans la haggadah que les juifs étaient séparés des non juifs et reconnaissables par leurs noms, leurs habits et leurs langues. Comment résoudre cette contradiction?

5) Il est aussi curieux de remarquer que c'est à ce moment la, ou les juifs sont inexistants politiquement, qu’ils ne sont pas dans leurs pays, et qu’ils n'ont rien, qu’ils sont assimilés, que D choisit pour créer le peuple juif et lui donner la Torah.

7) A mon avis le message est le suivant l'idée de goy mikerev goy n'est pas un accident de l'histoire "la nation dans la nation", c'est l'essence du judaïsme.

Partons d'une constatation évidente que l'on peut voir si l'on va aujourd'hui en Israël, Israël est peuplé par à peu près 75 % de juifs, pourtant tous ne se ressemblent pas et ne se rassemblent pas, les juifs américains restent ensembles, les français de même les marocains et les russes; etc..; les juifs israéliens sont encore une autre nationalité de juifs, cela se voit clairement en Amérique ou (les chiffres sont clairs) il y a plus d'israélien qu'en Israël, ces juifs constituent eux aussi une minorité séparée des juifs américains ou autre. Pourquoi est ce comme cela?

Justement par ce que la Torah a laissé un vide culturel, la Torah est une loi un point c'est tout, le reste ne peut venir que de l'extérieur le "goy mikerev goy", "le peuple dans le peuple".

8) Rousseau explique à plusieurs reprises (en particulier dans "les considérations sur le gouvernement de Pologne et sur sa reforme projetée" chap. 2) que la raison pour laquelle le peuple juif est éternel c'est par ce qu’il est né par la loi, car la loi n'est pas venu défendre un intérêt national ou un état ou même une culture; au contraire les lois ont créé le peuple qui n'avait rien, c'est pour cela que le peuple est éternel comme la loi. (Il explique aux polonais que c'est maintenant que leur pays est complètement ravagé et conquis qu'il faut qu'ils pensent à établir des lois qui les rendront éternel à l'image des lois de Moshé, Rousseau explique qu'il est nécessaire que la loi existe avant le peuple et avant la nation, et que c'est pour cela quels juifs ont reçu la Torah lorsqu'ils étaient esclaves.)

Il faut se demander cependant pourquoi la loi est éternelle?

Tout simplement par ce que la loi dépasse l'homme, c'est à dire qu'avant que l'homme prenne conscience de ce qu'il est, en se demandant "que suis-je ?", il se demande d'abord "est ce que j'ai le droit d'exister ?", vu que la conscience du monde extérieur est simultanée à la conscience de soi, (Levinas très simplifié) il est donc normal que la loi précède l'existence culturelle d'un peuple ou d'un individu, et que d'un autre coté que la loi soit éternelle, par ce qu'elle est une relation à l'autre; tant que l'autre existe la loi existe et fait du même coup exister celui qui l'applique. (La haine antisémite, -et par la même Israël en tant que peuple différent-, dit Rousseau, vient de l'interdit des mariages mixtes, et cette idée - incroyablement- est déjà dite par le prophète Jeremie dans les lamentations et est explicité dans Rachi au nom du midrash ad hoc) c'est la loi qui crée la nation. Israël est la seule nation a proprement parler éternelle, par ce qu'elle est la seule à avoir une loi à proprement parler objective; une loi qui n'est pas motivée essentiellement par la distribution d'un pouvoir ou d'un bien ou d'une culture.

Cela implique aussi que la Torah ne donne pas d'identité culturelle car la loi doit justement gérer cette identité culturelle et c'est en faisant ceci qu'elle crée une nation, ou un individu.

C'est en ce sens que le midrash dit que le peuple juif était en Egypte comme un embryon dans le ventre de sa mère, c'est à dire que même si les juifs avaient une langue et des coutumes, tant qu'il n'y avait pas de lois pour régir leur société et leur rapport aux autres nations, la nation d'Israël n'existait pas, que comme un embryon qui ressent les choses diffuses mais qui n' a pas conscience de son corps ou de lui même en propre, il ne sait pas qui est sa mère et qui il est lui même. (Ce n'est que par l'interdit que l'enfant prend conscience de lui même, (Lacan); il est intéressant de voir ici un recoupement inattendu entre la pensée de Lacan et celle de Levinas).

Pour expliquer la réaction des égyptiens qui ne voulaient pas que les juifs partent, nous devons dire qu'en fait les égyptiens savaient qu'ils avaient besoin de la fécondation de leur culture par les étrangers, ils étaient conscients que sans les étrangers leur culture était momifiée, sans possibilité de renouveau. C'est pour cela qu'ils ne voulaient pas que les juifs s'assimilent car s’ils s'assimilaient il n'y aurait plus de fécondation possible. C'est l'idée de pharaon qui laisse les filles en vie, la Torah dit que la culture passe par les mères, c'est elles qui vont rapprocher un enfant au service de D ou au contraire le détourner, pharaon voulait une continuation de la culture hébraïque, mais comme une culture métissée.

Revenons au rapport de la Torah avec la culture égyptienne. nous avions déjà mentionné que la faute du veau d'or était le retour à une idolâtrie égyptienne, que D condamne, cependant, lorsque D commande la construction du tabernacle le temple portatif,en disant "qu'ils me fassent un temple et je résiderai parmi eux", la ressemblance de structure avec les temples égyptiens est frappante, le tabernacle est un Louxor portatif (aucun rapport avec les autels construits par les patriarches), de plus dans le tabernacle on retrouve les chérubins qui sont des représentations , qu'elle donc est la différence essentielle entre le veau d'or et le tabernacle, qui fait de l'un une faute et l'autre une mitswa.

La différence est que le rôle du mishkan est d'être un temple c'est a dire que l'on consacre un endroit au service de D, sans que cette chose représente D de quelque manière que ce soit, alors que le veau d'or est une représentation, c'est de idolâtrie. Le kouzari explique que selon la Torah le fait de faire des synagogues est condamnable, une synagogue est comparable a une bamah (des autels secondaires, construits de manière spontanés, que la Torah a clairement interdit car ils divisent le peuple en différents groupes). mais il dit que la Torah donne à l'homme la possibilité de sanctifier quelque chose même si cet objet n'a pas de sainteté par lui même, si je fais le voeux de consacrer quelque chose au service divin, c'est un fait que cette chose devient sainte par ma décision. Le rôle de la culture pour la religion, peut être le fait d'être consacré pour le service de D, il est certain qu'il n'y a pas de sainteté intrinsèque dans le shtraimelech ou la dafinah, mais si quelqu'un décide de consacrer ces éléments culturels au service divin il deviennent un temple pour cette personne, a cause de sa décision, et la présence divine va venir se reposer en lui grâce à cela, car essentiellement l'homme est avant tout sa culture et son histoire, faire résider D dans sa culture c'est faire résider D en soi. (Ce qui est vrai pour le streimelech peut être vrai pour Rousseau ou Sacha Guitry, à chacun sa dafina).

C'est peut être une manière d'expliquer l'insistance de la Torah à répéter que les juifs étaient aux nombre de 70 quand ils sont descendus en Egypte c'est en rapport aux 70 nations du monde et des soixante dix langues que devait connaître les 70 membres du sanhédrin qui sont l'instance juridique suprême pour Israël, pour montrer que les 12 tribus contenaient déjà en prémisse la possibilité de créer une loi qui permettrait de gérer les 70 cultures, qui sont les 70 faces de la Torah. (Pour expliquer le nombre 70 c'est la multiplication de 2 nombres parfaits 7 c'est le nombre parfait dit le maharal que l’on trouve dans la nature (semaine, système solaire sans la terre etc..) et 10 c'est le nombre parfait des systèmes humains (les 10 commandements, la base 10 etc..;) les 70 nations c'est la combinaison des possibilités de l'homme d'appréhender ou de systématiser l'univers.

Le verset dit dans le Deutéronome 4 -6 "et vous garderez et vous ferez ces préceptes, ça c'est votre sagesse aux yeux des non juifs qui entendront ces lois et qui diront cela na peut être qu'un peuple sage et profond cette grande nation", les lois de la Torah s'adresse aussi aux non juifs! pas dans leurs détails mais dans leur esprit général, c'est pour cela qu'il fallait les traduire en 70 langues à l'entrée de la terre d'Israël, et qu'il faut créer une exemplarité en accomplissant la loi, la différence essentielle entre le juif et le non juif pour prendre une comparaison avec l'informatique c'est que le juif est dans l"'operating system" c'est-à-dire le système d'exploitation, alors que le non juif est dans l'application, l'operating system doit dans sa globalité être capable de gérer toutes les applications. C'est pour cela que les70 nations, par leurs cultures, doivent être représentées dans le peuple juif. C’est pour cela aussi que les parisiens se reconnaissent dans le PSG ou les français dans l'équipe de France par ce qu’ils sont de culture française même si la France les rejette.

Pour conclure je ne résiste pas a vous dire un hidoush halacha sûrement faux mais très amusant et mathématiquement juste. Rousseau nous l'avons vu parle de l'éternité d'Israël liée "à idolâtrie qu'il voue à sa loi", il est cependant intéressant de se demander est ce que la Torah considère les autres nations comme éternelles ou non. Au sujet des égyptiens, la Torah dit, de ne pas accepter de converti qu'à partir de la 3e génération, le shoulhan harouch dit que cela s'applique même au égyptien de son époque (15e 16e siècle) c'est l'avis du Roch qui dispute l'opinion de Rachi qui pense que l'interdit n'a plus cours vu que les égyptiens d'aujourd'hui ne sont plus ceux de la sortie d'Egypte. Or l'avis du Roch est historiquement très difficile. Mais selon notre hidoush basé sur la combinaison de Rousseau sur Levinas, tout s'explique c'est l'interdit de la Torah qui fait exister le peuple égyptien éternellement, par delà sa réalité historique, c'est pour cela que selon la Torah il existe toujours. (Pour expliquer Rashi on pourrait dire qu'il suit Lacan qui perçoit l'interdit comme uniquement constitutif à la personne qui doit le suivre, et non pas lié à la personne sur lequel l'interdit est porté).

Post scriptum

1. Un post scriptum halachique: au niveau de la position de la halacha face au théâtre et au cinéma, j'ai apporte le psak du rav feinstein qui est base sur l'avis du choulhan harouch et de Maimonide, il faut cependant savoir que rachi sur le humash lévitique 18 3 et a plusieurs endroits dans le talmud, pense que c'est un interdit de la Torah de s'associer a une pièce de théâtre avec les non juifs, le maharal si je me souviens bien dans le gur arye ad hoc semble cautionne cet avis, et rav vasserman dans le kovets hearot sur le traite de yebamot aussi, cependant Maimonide et le shoulhan harouch pense que l'interdit ne serait que sur des pièces qui représentent des idoles.

2. un post scriptum philosophique je me sent oblige pour des raisons d'honnêteté d'aller au fond et d'expliquer plus clairement le rapport a l'interdit et a la loi chez Lacan et chez Levinas vu que je les ai cites, même si cela ne fait aucune différence au niveau du dvar Torah sur la parasha.

Levinas est un philosophe. Dans son livre de d' qui vient a l'esprit, il cherche a trouver un sens a la transcendance. C'est a dire qu'il se demande, si l'on prend pour hypothèse qu'il y a dans l'être quelque chose d'irréductible, une relation a l'absolue qui le dépasse, et que nous appelons cela transcendance, est ce que cette transcendance peut avoir un sens? C'est la ou il répond que oui, justement a cause de cette constatation dont nous avions parle, que l'homme se demande avant même de savoir ce qu'il est, "est ce qu'il a le droit d'être" et ceci par ce que l'être irréductible, qu'est l'homme, prend conscience simultanément a lui même de l'autre, (comme être irréductible), il doit donc donner un sens a ce rapport et ce rapport c'est la loi. Grosso modo la transcendance à un sens par ce qu'elle est une transcendance vers un autre, et ce sens c'est la loi, et la loi est simultanée a la conscience.

Par contre Lacan est un docteur. Il constate que le nouveau- né prend conscience de son corps que lorsqu'il subit la loi et l'interdit, (en général lorsqu'il est séparé de sa mère) et jusque la il ne sent pas la faim si il tète ce n'est que pour faire plaisir a sa mère. C'est pour cela que j'ai parle d'un recoupement inattendu du rapport a la loi qui précède le conscience de soi chez Levinas et Lacan. Cependant il y une grande différence entre Levinas et Lacan, pour Lacan l'interdit ne dépend pas d'une transcendance quelconque, il est avant tout nécessaire a la constitution de la conscience de l'individu, l'interdit n'est pas une ouverture sur l'autre il n'a pas de sens intrinsèque, ce qui n'est pas le cas chez levinas. Il est amusant de remarquer que cette même discussion existe entre Maimonide et nahmanide (dans le commentaire sur le deutéronome au début de la parasha ki tetse) ou Maimonide pense que les mitsvot sont une responsabilité de l'homme envers l'univers alors que nahmanide pense que les mitsvot sont essentiellement pour l'homme lui même.

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