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Writer's pictureRav Uriel Aviges

Bereshit 5770


Nous avons parlé dans le cours de la semaine dernière de l’importance du rapport homme femme dans la torah. Ce rapport garde une signification même après la venue du messie, et même après la mort du messie comme le dit le verset de Zacharie rapporté par le talmud dans Succah 52a. Le rapport homme femme restera à la fin des temps et c’est aussi ce rapport qui est à l’origine de l’existence humaine selon la torah. Le rapport homme femme a été une réalité centrale pour l’homme avant le don de la torah, avant même la connaissance du bien et du mal, et ce rapport restera important même après la venue du messie. Nous avons vu la semaine dernière que ce rapport homme femme n’est pas vu dans les temps post messianique comme la réalisation d’une fusion entre l’homme et la femme, mais au contraire comme une mise à distance qui permet un vis à vis.

Dans la parasha de Bereshit on retrouve la même idée, puisque selon un avis du midrash Adam et Eve avaient été créés dans un premier temps dos à dos, selon ce midrash la création d’Eve est avant la création d’une séparation entre Adam et Eve. C’est “le grand arrangement de la mehitsah” évoqué dans le talmud du traité de Succah. (il est intéressant de remarquer que de la même manière que la mehitsah n’avait pas été prévue dans le plan du temple de Salomon, et qu’elle a été ensuite rajoutée dans un deuxième temps par les sages, de la même manière, Adam et Eve avaient été créés collés par D et ce n’est que dans un deuxième temps qu’ils ont été séparés.)

Abrabanel s’allonge énormément dans son commentaire sur la torah au sujet de la séparation d’Adam et d’Eve qu’il décrit comme étant l’action fondatrice de l’humanité. Le rav Abrabanel semble dire que l’évolution du rapport homme femme est le moteur de l’évolution de l’humanité qui aboutira aux temps messianique et aux temps post messianique. Le Zohar semble vouloir dire la même chose lorsqu’il dit que le Cantique des Cantiques est l’explication du sens de tous les exils et celui de toutes les rédemptions. Pour le Zohar le Cantique des Cantiques explique ce que sera le temps du messie et les temps post messianique. Il est à noter, encore, que le Cantique des Cantiques est aussi l’histoire d’une séparation puisque la femme ne retrouve jamais son bien aimé.

Mon rav (Nathan Wachtfoygel zatsal) avait l’habitude de dire qu’il est évident que le rapport homme femme, selon la torah, n’est pas basé sur le fait d’avoir une famille ou des enfants et ou de tenir une maison. On peut le déduire de notre parasha où D dit “il n’est pas bon pour l’homme de rester seul, je vais lui créer une aide contre lui” or, à ce moment l’homme n’avait pas besoin de travailler ni d’avoir des enfants car il n’avait pas de mitsvah de procréer. De plus, Adam et Eve mangeaient directement ce que le jardin d’Eden produisait, personne n’avait besoin de cuisiner ou de faire la vaisselle, et comme ils étaient nus il n’avaient pas besoin de faire de lessive. On peut donc en déduire que le rapport homme femme s’inscrit essentiellement en dehors de la tenue d’un foyer ou d’une famille. Si D dit qu’Adam a besoin d’une aide, on ne peut pas traduire “il avait besoin d’une femme de ménage”. Si Adam a besoin d’une aide de la part d’Eve c’est dans un rapport a la spiritualité. Dans la même verve, le midrash dit que les anges faisaient la cuisine pour Adam et Eve. Ce que le midrash veut nous dire c’est que le rôle d’Eve n’était pas de faire la cuisine.

Or, si le rapport homme femme est la colonne vertébrale qui amène à l’accomplissement de la finalité du monde, et, si ce rapport est avant tout un rapport spirituel, on était en droit de s’attendre à ce que la torah soit un livre très romantique qui nous décrive avec minutie et sentimentalité les évolution nécessaires et possible du rapport homme femme. Pourtant il n’en n’est rien. Lorsqu’un homme aime une femme dans la torah c’est uniquement “par ce qu’elle a un beau visage et un beau corps”, pour ne rien arranger la polygamie est fréquente, et elle entraine des relations en demi-teinte dans les couples. Comment comprendre la rupture entre la parasha de Bereshit, d’une part, ou le rapport homme femme est le centre de l’histoire, et le reste de la torah ou ce rapport est presque complètement occulté?

Je vais tenter de répondre à cette question par la théorie suivante: le rapport homme femme est vu par la thora comme un rapport dynamique, une sorte de mécanisme qui met en mouvement l’homme et la femme d’une certaine manière. Il ne faut pas réfléchir pour comprendre ce mouvement à partir d’une définition de l’essence de l’identité masculine ou l’essence de l’identité féminine, car il n’est pas évident que de telles identités existent réellement selon la torah. Ces identités sont pour une grande partie le fruit des cultures ambiantes. Or, la torah qui est eternel doit avoir un message qui s’adresse à toutes les cultures et à toutes les constructions identitaires possibles. Pour comprendre le message de la torah sur le rapport homme femme il faut donc des-essentialiser l’homme et la femme.

Il ne faut plus réfléchir sur “l’homme” et “la femme” mais sur l’espace qu’il ya entre eux, sur le rapport qu’ils entretiennent, il faut réfléchir sur “la mehitsah”. Ce qui est eternel c’est le rapport homme femme. C’est de ce rapport dont la torah parle.

Deuxième alinéa de ma théorie, “ce rapport homme femme est dynamique” c’est à dire que ce rapport, cet espace, qui existe entre l’homme et la femme, est un espace en constante évolution. De plus, cet espace conditionne le positionnement de l’homme et de la femme l’un par rapport a l’autre, en créant une dynamique dans la relation. Troisième et dernier alinéa de la théorie, les forces qui animent ces relations spirituelles sont décrites dans la parasha de Bereshit, le lecteur doit les généraliser pour les appliquer au reste de la torah ou de l’histoire.

Pour être bref, la réponse à la question (pourquoi ne parle-t-on pas de sentiments entre l’homme et la femme dans la torah à part dans bereshit ?) consiste à dire, que si on ne parle plus du rapport “homme femme” d’une manière spirituel dans le reste de la torah, c’est par ce que ce rapport a déjà été décrit parfaitement dans Bereshit et que ce n’était plus la peine d’en parler.

Il ne nous reste plus qu’essayer de dégager certaines phases de la relation homme femme décrites dans la parasha de Bereshit.

La première phase la rotation

Dans la première phase l’homme est la femme sont collés dos à dos. Abrabanel explique que cette fusion ne permet qu’un seul mouvement c’est un mouvement rotatoire. L’homme et la femme dans ce corps unique, où il n’y a pas de face à face sont condamnes à tourner en rond. (C’est une des bases du minhag de la calah qui tourne autours du hatan.) Qu’est ce que cela veut dire? A simhat torah nous avons tourné autour du sefer torah, on a fait les hakafoth, à hoshanah rabah aussi. La rotation c’est le point d’où tout commence et où tout se termine aussi. Jéricho a été la première ville conquise par Josué en Israël, le premier acte de guerre que les juifs ont du faire en entrant en Israël c’est une rotation autours des murailles.

Pour expliquer la symbolique de la rotation je vais citer le premier Rashi de la torah

Au commencement Rabi Yitzhak a enseigné : La Tora, [en tant qu’elle constitue essentiellement un code de lois], aurait dû commencer par : « Ce mois-ci est pour vous le commencement des mois » (Chemoth, 12, 2), puisque c’est par ce verset qu’est édictée la première mitsvah prescrite à Israël. Pourquoi débute-t-elle avec Bereshit ? « La puissance de Ses hauts faits, Il l’a révélée à Son peuple, en lui donnant l’héritage des nations » (Tehilim 111, 6). Ainsi, si les nations du monde viennent à dire à Israël : « Vous êtes des voleurs, vous avez conquis les terres des sept nations ! », on pourra leur répondre : « Toute la terre appartient au Saint béni soit-Il. C’est Lui qui l’a créée et Il l’a donnée à qui bon lui a semblé. (Cf. Yirmeya 27, 5). C’est par Sa volonté qu’Il les a données à ces peuples, et c’est par Sa volonté qu’Il les leur a reprises et qu’Il nous les a données ! » (Yalqout chim‘oni, Bo 187) ce Rashi est très étonnant, car selon Rashi le récit de la création du monde a pour but de justifier la conquête de la terre d’Israël par les juifs aux yeux des nations. Or il est évident que les nations ne reconnaissent pas la torah comme véridique, de la même manière qu’ils ne reconnaissent pas le droit des juifs à Israël, on ne peut donc pas convaincre les nations avec des versets de la torah. De plus verset lui même dit “La puissance de Ses hauts faits, Il l’a révélée à Son peuple”, ce qui implique que le récit de la torah est adressé à Israël et non pas aux nations. Que veut donc dire Rashi? De plus le raisonnement de Rashi est dangereux, car par les versets de la genèse Rashi semble justifier les conquêtes des nations et celles d’Israël, alors que ces conquêtes ont été faites par la violence et l’extermination des populations autochtones. Le raisonnement de Rashi est tout a fait darwinien, il dit en substance, si nous avons gagné et que nous avons massacré les autres c’est que D l’a voulu, on ne peut donc pas nous en vouloir! Pour Rashi la raison du plus fort est la meilleure puisque c’est D qui donne la force au plus fort.

Comment Rashi peut il commencer son commentaire sur la torah par un raisonnement aussi révoltant?

Ces deux questions se répondent l’une l’autre. Si on fait attention aux mots de Rashi, on se rend compte que la justification que l’on cherche à donner à travers le récit de la genèse, ce n’est pas une justification face aux nations, la torah ne peut en aucun cas être une justification de la possession d’Israël face aux nations. Celui que l’on cherche à convaincre c’est nous même. Nous avons besoin de nous justifier nous même de notre droit à exister. Et, la seule manière de justifier à nos propres yeux notre droit à exister, c’est le fait de nous rattacher à un discours fondateur.

Rashi doit se lire dans l’optique de la question levinassienne “est ce que j’ai le droit d’exister”. Le peuple d’Israël se demande lui même “est ce que j’ai le droit à la terre d’Israël?” “De quel droit je prive les autres de quelque chose?” Rashi répond en citant le midrash: le peuple d’Israël ne peut justifier son droit à l’existence à ses propres yeux, qu’à travers un discours fondateur qui admet D comme créateur du monde. Ce que Rashi explique à l’échelle nationale peut se comprendre aussi dans l’optique de l’existence de tout un chacun. L’existence personnelle de l’individu est une entrave à celle d’un autre individu. Si je prends un job ou un deal, j’entraine qu’un autre ne pourra pas prendre pas ce même job ou ce même deal, quand je mange je prends le pain d’un autre. De quel droit je peux justifier le fait que j’ai pris quelque chose qui aurait pu revenir à quelqu’un d’autre?, de quel droit j’existe?

Rashi nous dit que la seul réponse possible est de justifier son existence par l’acte créateur de D, je dois me dire “j’existe par ce que D a voulu que j’existe”, je suis donc obligé de survivre et j’en ai le droit et le devoir. L’homme pour se donner le droit à exister est obligé de se rattacher un discours fondamental.

C’est une réfutation de pose post modern qui pense que les discours fondamentaux n’existe plus, Rashi réfute cette possibilité, car tant qu’il y aura des conflits d’intérêt entre les hommes, ils seront obligés de se justifier par un discours fondateur.

Ce discours fondateur pour qu’il justifie une existence il ne doit pas être remis en question, cela doit être une doctrine indiscutable, sinon, ce discours ne peut plus rien justifier.

Il y a donc au départ de la torah, avant même d’ouvrir le livre, comme un point d’arrêt. L’homme doit justifier son existence en acceptant la torah, cette acceptation ne peut être qu’aveugle et bornée.

C’est la symbolique du mouvement rotatoire autour de la torah à simhat torah, le mouvement rotatoire c’est par là ou commence l’étude de la torah et par là où elle s’achève. C’est un point d’arrêt. C’est le bereshit.

Dans le rapport homme femme on va découvrir que “la mehitsah” est le rapport de force qui gère la distance entre l’homme et la femme. Il commence par une volonté de se justifier soi même, d’une part “par soi même” et d’autre part “dans le monde”.

Le message de la rotation initiale de l’homme attaché à la femme, c’est la nécessite vitale pour eux de justifier leurs existences. Il est nécessaire pour cela dans un premier temps de se justifier en se mettant en orbite autour de quelque chose de fondamental cela peut être la torah ou D, ou bien encore l’homme pour la femme ou bien la femme pour l’homme.

(Ce thème est repris dans la parasha en ce qui concerne le crime de Caïn par Abel, le midrash rabah explique que Abel était plus fort que Cain, son agresseur, mais qu’Abel n’a pas eu le courage de tuer Cain, car il ne voulait pas faire de la peine à ses parents, il a donc préféré mourir assassiné par son frère. Le midrash juge durement Abel pour sa faiblesse, pour le midrash Abel est responsable de sa propre mort, car il n’a pas su justifier son existence. Le midrash affirme ici avec force le contraire de la morale levinassienne qui pense que “mieux vaut être une victime qu’un bourreau, “ le midrash dit au contraire que si l’homme a le choix entre ces deux options, l’homme est coupable si il choisit d’être la victime, car choisir d’être une victime c’est un manque de respect pour sa vie, qui est un cadeau personnel de D, de plus l’homme pourchassé est considéré comme le juste, et se laisser abattre par un assassin c’est se montrer complice du succès du mal dans le monde. Abel était un tsadick le monde aurait été bien meilleur si c’était lui qui avait survécu et pas son frère qui était un rasha, et les parents aurait eu moins de peine si Abel avait survécu. Abel a été coupable d’être une victime, comme disait mon rav “tsi nit poshut” - ce n’est pas simple.)

La deuxième étape les noms

Pour introduire cette partie je vais citer les versets de la torah qui parlent de la création d’Eve.

8 L’Éternel-Dieu dit: "Il n’est pas bon que l’homme soit isolé; je lui ferai une aide digne de lui." 19 L’Éternel-Dieu avait formé de matière terrestre tous les animaux des champs et tous les oiseaux du ciel. Il les amena devant l’homme pour qu’il avisât à les nommer; et telle chaque espèce animée serait nommée par l’homme, tel serait son nom. 20 L’homme imposa des noms à tous les animaux qui paissent, aux oiseaux du ciel, à toutes les bêtes sauvages; mais pour lui-même, il ne trouva pas de compagne qui lui fût assortie. 1 L’Éternel-Dieu fit peser une torpeur sur l’Homme, qui s’endormi; il prit une de ses côtes, et forma un tissu de chair à la place. 22 L’Éternel-Dieu organisa en une femme la côte qu’il avait prise à l’homme, et il la présenta à l’homme. 23 Et l’homme dit: "Celle-ci, pour le coup, est un membre extrait de mes membres et une chair de ma chair; celle-ci sera nommée Icha, parce qu'elle a été prise de Ich."

Rashi commente le premier verset cité (le verset 18) L’Éternel-Dieu dit: "Il n’est pas bon que l’homme soit isolé; je lui ferai une aide digne de lui." en disant “Il n’est pas bon... Pour qu’on ne dise pas qu’il y a deux autorités : le Saint béni soit-Il en-haut, seul et sans compagnon, et l’homme ici-bas, seul et sans compagnon (Pirqé deRabi Eliezer 12)”. Il semblerait donc de Rashi que la création de la femme avait pour but de créer une distance entre en l’homme et D pour que l’homme ne soit plus autant à l’image de D, pour qu’il ne soit plus unique. Il semblerait qu’après la création d’Eve l’homme n’est plus unique il n’est plus à l’image de D.

Pourtant après la faute du premier homme où Adam et Eve mangent de l’arbre de la connaissance, D décide de les rejeter du jardin d’Eden et il invoque cette raison L'Éternel-Dieu dit: "Voici l'homme devenu comme l'un de nous, en ce qu'il connait le bien et le mal. Et maintenant, il pourrait étendre sa main et cueillir aussi du fruit de l'arbre de vie; il en mangerait, et vivrait à jamais.” Rashi commente Devenu comme l’un de nous Le voici unique en bas, de même que moi, qui suis l’Unique en haut (Targum Yonathan). Et en quoi est-il unique ? Par la connaissance du bien et du mal, que ne possèdent pas les animaux, domestiques ou sauvages”. Évidement ce deuxième Rashi pose une difficulté par ce que Eve aussi connaissait le bien et le mal. Depuis la création d’Eve, Adam n’était plus unique. Alors, comment D peut-il dire qu’après la faute Adam redevient unique, comme avant la création d’Eve? La faute a-t-elle créé une nouvelle séparation entre Adam et Eve?

Avant de répondre à cette question je veux citer encore un autre passage de la torah. Après la faute le verset dit : L'homme donna pour nom à sa compagne "Ève" parce qu'elle fut la mère de tous les vivants. Apres la faute Adam change le nom de “icha”, elle ne s’appellera plus “icha” mais “Havah”. Il faut déjà s’interroger sur le sens de ce changement de nom. Mais il y a lieu aussi de s’interroger sur le commentaire de Rashi sur ce point il dit L’homme appela le nom. Le texte revient ici au sujet précédent, où « l’homme appela par des noms tout le bétail » (supra 2, 20). Le récit s’était interrompu pour apprendre que c’est par ce qu’il donnait les noms, que Havah lui a été attribuée comme compagne, ainsi qu’il est écrit : « et pour l’homme, il ne trouva pas d’aide qui lui convienne…” que veut dire Rashi? Pourquoi c’est par ce qu’il donnait des noms qu’Eve a eu Adam comme compagne?

Nous avions déjà dit que le fait de donner des noms chez Adam cela voulait dire attribuer des rôles. Adam est capable d’atribuer des rôles aux animaux, il leur donne un nom et les annimaux s’identifient à leurs noms, les annimaux s’identifient à leurs roles. Havah qui cherche un discours justificateur se lie avec Adam par ce qu’il est capable de lui donner un rôle, Adam arrive à justifier l’existence d’Eve par ce rôle qu’il lui attribut. Son nom au début est icha celle qui vient de l’homme celle qui tire toute sa justification de son mari.

Mais que se passe-t-il ensuite ?

Revenons à simhat torah.

Lorsque l’homme tourne autours de la torah et qu’il trouve une justification à son existence dans ce discours fondateur, dans un premier temps, l’homme est obligé de ne pas remettre en question ce discours, sinon il ne serait plus justificateur. Mais dans un deuxième temps du fait que ce discours n’est plus remis en question il perd de son sens il devient un dogme. De ce fait, ce discours devient de moins en moins solide, il parait de plus en plus superficiel, il semble de moins en moins capable de justifier l’existence de l’individu, car ce discours est devenu une parole morte. C’est pour cela qu’après la rotation il y a la deuxième étape où on étudie à nouveau le texte fondateur pour le renouveler et lui donner un sens.

Apres avoir tourné autours du sefer torah on l’ouvre à nouveau pour lire Bereshit.

La raison pour laquelle il y a une érosion du discours s’il n’est pas réinterprété c’est par ce que l’individu cherche une autonomie dans sa justification. Il veut s’approprier le discours fondateur et justificateur. Il faut que ce discours fondateur soit son discours, pour l’individu si ce discours n’est pas le sien alors il ne peut pas justifier sa vie. Un homme ne peut pas justifier son existence en s’appuyant sur un discours qui lui parait étranger. La justification de l’existence est toujours une quête d’autonomie.

On comprend que pour Eve le fait d’être “icha” celle qui tire sa justification de son mari cela ne peut être qu’une première étape. C’est l’étape de la rotation. Dans la deuxième étape elle veut avoir la connaissance du bien et du mal, elle veut acquérir son propre discours, c’est ce que le serpent dit à Eve “tu seras comme D connaissant le bien et le mal” Adam n’a pas cette soif de connaissance car il est déjà D pour sa femme. Adam est en quelque sorte autonome. Même si il tire sa justification du rôle qu’il donne à sa femme ou aux annimaux, il est très bien comme cela, puisqu’il est le maitre de son discours fondateur, Adam est celui qui donne des noms.

Eve doit acquérir la connaissance car elle veut pouvoir se justifier de manière autonome c’est pour cela qu’elle mange du fruit de l’arbre.

Cependant ici on arrive à un autre paradoxe celui de “l’intérêt dans la recherche du savoir”. Eve a un intérêt à chercher le savoir et la connaissance c’est pour cela qu’elle mange de l’arbre, elle veut pouvoir se justifier de manière autonome, elle veut maitriser son propre discours. Cette volonté de connaitre est créatrice de savoir. Celui qui n’a pas d’intérêt à chercher la connaissance, comme Adam par exemple, ne va pas chercher à connaitre. Pourtant, le fait même que cette recherche de la connaissance soit intéressée, (l’intérêt d’Eve est qu’elle veuille justifier son existence de manière autonome) entraine de manière inéluctable qu’Eve ne peut pas acquérir la connaissance réelle absolue. Car pour acquérir la connaissance absolue l’individu doit faire abstraction de lui même et de ses intérêts. C’est pour cela que Rashi dit qu’il n’y a qu’Adam qui a mangé de l’arbre de la connaissance par ce qu’il l’a mangé par inadvertance sans intérêt (le midrash dit qu’Eve a fait une purée avec le fruit défendu pour qu’Adam ne sache pas ce que c’était) pour Rashi il n’y a qu’Adam qui acquiert la connaissance du bien et du mal, Eve n’atteint pas cette connaissance.

Cette connaissance entraine la solitude d’Adam après la faute. Adam se retrouve séparé d’Eve par le savoir. La solitude d’Adam oblige D à rejeter Adam du jardin d’Eden. Car Adam ne peut justifier son existence que par Eve, soit pour lui donner un rôle soit pour en recevoir un. Parallèlement “icha” devient “havah” elle a acquis une certaine indépendance en créant une distance entre elle et Adam. Mais cette independence n’est pas absolue car elle ne connait pas le bien et le mal.

Pour résumer le mécanisme du rapport homme femme, qui apparait après une lecture de Bereshit : on se rend compte qu’il y a deux forces contraires, deux paradoxes, qui gèrent le rapport spirituel entre l’homme et la femme, d’une part le paradoxe de la justification et de l’autonomie, et d’autre part le paradoxe de l’intérêt à la connaissance.

Le premier paradoxe découle de la nécessite de se justifier. Car la volonté de justification est paradoxale en elle même. En effet, le désir de justification émane d’une volonté d’indépendance, on veut se justifier pour exister face aux autres dans le monde. Mais d’autre part, toute justification ne peut être acquise que par un rapport de subordination à quelque chose auquel on devient dépendant. On ne peut se justifier que par quelque chose d’autre.

Le deuxième paradoxe c’est le paradoxe du rapport au savoir, on cherche à savoir par intérêt, c’est l’intérêt qui crée la connaissance, (cet intérêt est un désir d’autonomie) mais l’intérêt est ce qui empêche de comprendre la vérité objective. On reste la victime de sa passion. C’est à travers le croisement de ces deux désirs paradoxaux celui du rapport à la connaissance et celui du désir de justification qu’évolue le rapport homme-femme. Les roles peuvent s’inverser l’homme peut être Eve, ou Eve Adam mais la distance reste la même.

Question : A la fin tu résumes les deux paradoxes et tu dis que les rôles sont symétriques. Quand je lis ca, je me dis que ce mécanisme est tout aussi vrai entre deux hommes.

En fait tu pourrais refaire ton raisonnement en disant qu’au début Adam est seul et après il est avec quelqu’un d’autre, et les deux vont évoluer l’un par rapport a l’autre. Qu’est ce que ca apporte que Hava soit une femme ?

Ma question serait : qu’est ce que le rapport homme-femme a de plus que le rapport homme-homme ?

Réponse du rav Uriel Aviges : Je veux simplement expliquer ma démarche. Je ne nie pas le fait qu'il y a une différence entre l'essence de l'homme et l'essence de la femme. Je suis d'accord que ce n'est que dans cette perspective de différenciation essentielle que l'on peut comprendre l'idée de la "mehitsah" c'est à dire du rapport qu'il y a entre l'homme et la femme. Cependant j'ai voulu adopter une méthode cartésienne dans mon analyse, (j'ai voulu écarter de mon analyse tout ce qui est flou et douteux) c'est à dire, que puisque je suis incapable de définir la différence identitaire entre l'homme et la femme, (puisque je suis tributaire de ma culture dans la définition de mon identité), (et que d'autre part je ne pense pas comme Foucault que l'on puisse par une étude épistémologique prendre un recule décisif face à sa propre culture), je me suis dis que la manière la plus objective possible d'envisager ce problème dans la torah, c'était de faire abstraction des identités de l'homme et de la femme en regardant seulement la "mehitsah". Je suis d'accord avec le fait qu'il y a une différence essentielle et irréductible entre l'homme et la femme mais comme je suis incapable de la définir, je préfère travailler sur la partie la plus facile à décrire, c'est à dire la relation entre l'homme et la femme, telle qu'elle est décrite dans la torah. A partir de cette analyse on a peut être une base pour définir une identité plus globale de l'homme et de la femme. Une identité qui résiste à la construction culturelle. Mais je ne suis pas capable de pousser mon analyse jusque là. 

Je fais aussi abstraction du yetser harah et de la sexualité dans mon analyse, ainsi que des différences physique entre l'homme et la femme. si je fais ce saut théorique ce n'est pas par ce que je nie ces réalités, mais par ce que la torah envisage la relation homme femme en faisant abstraction de ces réalités, il y a selon la torah un rapport homme femme qui est déconnecté du désir charnel, il y a un rapport homme femme à envisager en faisant abstraction complètement du yetser harah, puisque le yetser harah et le désir charnel n'existeront plus après la venue du messie, et par ce que ces désirs n'existaient pas avant la faute de l'homme. Il faut remarquer que c'est dans ces deux étapes de l'humanité que le rapport homme femme est le plus décrit, ce qui veut dire que c'est dans ces étapes de la relation où le désir n'existe pas ou n'existe plus, que la relation homme femme atteint sa plénitude selon la torah.

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