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  • Writer's pictureRav Uriel Aviges

Behaaloteha 5773


Royauté et prophétie


A la fin de la parasha de Behaaloteha, deux prophètes prédisent que Moshé ne parviendra pas à faire entrer les juifs en Israël, et que Josué fera entrer les hébreux en terre sainte. Josué demande à Moshé de mettre les deux prophètes en prison, par ce qu’ils manquent de respect envers Moshé, et qu’ils sapent la confiance du peuple envers leur leader. Mais Moshé refuse, et il encourage au contraire les prophètes à divulguer leur vision.

Le texte dit en effet « Un jeune homme courut l'annoncer à Moïse, en disant: "Eldad et Médad prophétisent dans le camp." 28 Alors Josué, fils de Noun, serviteur de Moïse depuis sa jeunesse, prit la parole et dit: "Mon maître Moïse, empêche-les!" 29 Moïse lui répondit: "Tu es bien zélé pour moi! Ah! Plût au Ciel que tout le peuple de Dieu se composât de prophètes, que l'Éternel fit reposer son esprit sur eux!" » Et Rashi commente « Enferme-les (kelaém): « Mets-les en prison (kèlè), parce qu’ils ont prophétisé que Moshé va mourir et que c’est Yehochou‘a qui fera entrer Israël dans le pays. » (Sanhédrin 17a).

Ce texte est à mettre en regard avec un texte de la parasha de Korah. Là bas, Korah, dit que tous les juifs possèdent tous un don prophétique, puisqu’ils ont tous assisté au don de la torah sur le mont Sinaï , de ce fait, pour Korah, tous les juifs devraient avoir un accès directe avec D et rien ne justifie que Moshé et Aharon soient des intermédiaires entre D et les juifs. Or, dans cet épisode Moshé ne donne pas raison à Korah, au contraire il prie pour que Korah soit tué avec toute sa famille.

Le texte dit en effet : « s'étant attroupés autour de Moïse et d'Aaron, ils leur dirent: "C'en est trop de votre part! Toute la communauté, oui, tous sont des saints, et au milieu d'eux est le Seigneur; pourquoi donc vous érigez-vous en chefs de l'assemblée du Seigneur?" » Rashi dit « Assez pour vous : Vous vous êtes approprié beaucoup trop d’honneurs pour vous-mêmes. Tous des saints : Ils ont tous entendu au Sinaï les paroles prononcées par le Tout-Puissant. Vous n’êtes pas seuls à y avoir entendu : « Je suis Hachem, ton Eloqim » (Chemoth 20, 2), mais toute la communauté l’a entendu (Midrach Tan‘houma). Et pourquoi vous érigez-vous en princes : Tu n’aurais pas dû, après t’être attribué la royauté, faire un prêtre de ton frère. »

Par la suite, Moshé prie pour que Korah soit tué comme le disent les versets «Alors Moïse dit: "Par ceci vous reconnaîtrez que c'est l'Éternel qui m'a donné mission d'accomplir toutes ces choses, que je n'ai rien fait de mon chef: 29 si ces gens meurent comme meurent tous les hommes; si la commune destinée des hommes doit être aussi la leur, ce n'est pas Dieu qui m'a envoyé. 30 Mais si l'Éternel produit un phénomène; si la terre ouvre son sein pour les engloutir avec tout ce qui est à eux, et qu'ils descendent vivants dans la tombe, vous saurez alors que ces hommes ont offensé l'Éternel." 31 Or, comme il achevait de prononcer ces paroles, le sol qui les portait se fendit, 32 la terre ouvrit son sein et les dévora, eux et leurs maisons, et tous les gens de Coré, et tous leurs biens. » 

Comment se fait-il, que, lorsque Moshé entend la prophétie d’Eldad et Médad, il ne s’offusque pas d’un manque de respect en son égard, et qu’il souhaite que tous les juifs soient des prophètes comme lui, alors que, lorsque Korah fait remarquer que si tous les juifs sont des prophètes, il n’a pas à être leur guide, il s’offusque et demande la mort de ce dernier ?

Pour répondre à cette question il faut distinguer entre les deux agressions qui sont faites contre Moshé. Dans le cas d’Eldad et Médad c’est la prophétie de Moshé et son message qui sont critiquées. Eldad et Médad pensent qu’il y a un défaut dans le système que Moshé propose au peuple et que par conséquent inévitablement il ne réussira pas à les amener en Israël. Moshé ne s’oppose pas à ce type de critique, au contraire, il l’encourage.

Par contre, dans le passage de Korah ce n’est pas la prophétie de Moshé qui est mise en doute c’est sa royauté, comme le dit Rashi. Or, un roi, n’a pas le droit de laisser bafouer sa royauté.

Dans ce cours je vais expliquer, qu’à l’image de Moshé, chaque juif a en lui-même deux attributs, il est d’une part un roi et d’autre part un prophète. Lorsqu’un homme est agressé, pour savoir comment réagir, il doit d’abord déterminer si celui que l’on agresse en lui, c’est le roi ou bien si c’est le prophète.

Le talmud dans kidouchin 32 dit « rav Ashi dit « même si on pense qu’un rav peu nullifier les honneurs qui lui son du, il est certain qu’un prince ne peu pas nullifier les honneurs qu’on lui doit. On objecte, il est arrive que rabbi Eliezer et rabbi Yehoshuah et rabbi Tsadok étaient attablés a un banquet donné par le fils de raban Gamaliel, et raban Gamaliel servait les convives. Rabi Eliezer a refusé le verre qu’on lui tendait, alors que rabbi Yehoshuah l’a accepté. Rabbi Eliezer a dit à rabbi Yehoshuah « qu’est ce qui t’arrives Yehoshuah ! Nous sommes assis et raban Gamaliel nous sert ! (raban Gamaliel était un descendant de David, un prince d’Israël). Rabi Yehoshuah a répondu : « nous voyons dans la torah, qu’Abraham, le plus grand de sa génération, a servi des arabes idolâtres !, si Abraham a pu servir des arabes de passage, il est certain que raban Gamaliel peut nous servir ! rabbi Tsadok a dit « jusqu'à quand vous allez délaisser l’honneur du à D, pour vous occuper des honneurs des créatures, n’est ce pas que D est le roi des rois qui fait souffler le vent et gonfler les nuages et tomber la pluie, et c’est pourtant lui qui nous sert à manger tous les jours et jours mangeons quotidiennement à sa table. Si D peut nous servir à manger tous les jours, à plus forte raison, que raban Gamaliel peut nous nous servir du vin. Cette histoire nous montre bien, que même un prince peu nullifier les honneurs qui lui sont dus. Il faut donc interpréter les parole de rav Ashi de la manière suivante, même si un prince peut nullifier les honneurs qui lui sont dus, un roi n’a pas le droit de nullifier les honneurs qu’on lui doit, par ce que le verset dit « mets sur toi un roi, que sa crainte soit sur toi »

Le talmud pense donc qu’un rav ou un prince peuvent passer outre les honneurs qu’on leur doit, mais pas un roi. Il est cependant difficile de comprendre qu’est ce qui justifie cette différence. A première vue, il semble que l’argument de rabbi Tsadok soit valable même pour un roi ! Si déjà D est capable de passer outre les honneurs qui lui sont dus, à plus forte raison, un roi devrait être capable de faire la même chose !

Rav Elhanan Wassermann explique le roi ne peut pas nullifier les honneurs qui lui sont du par ce que le roi lui-même est obligé de s’honorer lui-même. Du fait qu’il y a un commandement positif envers chaque juifs d’honorer le roi, et que le roi lui-même est astreint par ce commandement, il n’est pas en pouvoir du roi de transgresser ce commandement et de passer outre les honneurs qu’on lui doit.

Par contre, bien qu’il y ait une mitsvah d’honorer un rav ou un prince, cette mitsvah ne concerne par le rav lui-même ou le prince lui-même, c’est pour cette raison qu’ils peuvent nullifier les honneurs qu’on leur doit.

La royauté, selon la torah c’est reconnaitre qu’il y a en nous une partie divine qui nous dépasse et que l’on n’a pas le droit de dénigrer soi même, ou de laisser dénigrer par les autres.

Cette partie divine ce n’est pas une abstraction métaphysique, c’est le meilleur de nous même.

Le talmud (Sanhédrin 90a) dit qu’il y trois rois qui n’ont pas de part dans le monde futur. Jéroboam, Ahav et Menashe. Pourtant ces trois rois étaient très érudits en torah et pratiquaient la religion en suivant la halacha. A titre d’exemple, lorsque le roi de Syrie menace d’attaquer le château d’Ahav avec une armée de plusieurs centaines de milliers d’hommes, les syriens donne la possibilité à Ahav de se rendre à condition que le roi syrien prenne sa femme ses enfants et toutes ses richesses, le roi Ahav ne voyant aucune possibilité de gagner la bataille, accepte les conditions. Pourtant, dans un deuxième temps, le roi de Syrie demande aussi à prendre le sefer torah du roi Ahav, Ahav n’accepte pas cette condition, et il livre une bataille désespérée contre le roi syrien uniquement pour préserver son sefer torah ! On voit bien que le roi Ahav tenait à la torah plus qu’à ses enfants et à sa femme et ses richesses, pourtant la bible nous dit que ces rois étaient des idolâtres et qu’ils aiment encore plus leurs idoles que la torah. Comment comprendre cette contradiction ?

Le Maharal de Prague fait remarquer que ces trois rois correspondent aux trois patriarches Abraham Isaac et Jacob. Le talmud montre que certains attributs décrivant Isaac dans la bible sont utilisés pour parler de Menashe. Alors que des attributs concernant Abraham sont rapportés à Jéroboam, et des attributs concernant Jacob sont rapportés par la bible au sujet d’Ahav.

Il y avait dans le système fondateur du judaïsme établi par les patriarches « un défaut », et ce défaut entrainait qu’à terme la royauté d’Israël était vouée à la destruction. Si les trois patriarches sont la phase ascendante de la royauté d’Israël, les trois rois cités sont la phase décroissante cette royauté.

Quel était le défaut du judaïsme des patriarches ? Les patriarches sont des justes parfaits, ils font toujours ce qu’il faut faire. Ce sont aussi de prophètes, D leur parle à travers des révélations. Cependant ces deux choses, la droiture morale d’une part et le rapport à D d’autre part, sont deux phénomènes qui ne sont pas liés chez les patriarches. Abraham reçoit des invités, puis il reçoit une prophétie, il doit interrompre sa prophétie pour recevoir les invités. Il n’a pas la prophétie en accomplissant la mitsvah elle-même de recevoir les invités.

Cette déconnection entre le rapport au divin et la rectitude morale, entraine qu’il peut exister un roi comme Ahav qui est d’une rectitude morale exemplaire, (au point ou il est appelé « le frère de D » par le talmud,) mais qui est dans le même temps idolâtre. Puisque le rapport à D est déconnecté de l’action morale elle-même. Il est possible d’être un homme parfaitement moral et parfaitement déconnecté de D.

Or, la royauté dans le judaïsme, c’est justement ressentir le divin à travers l’action morale, c'est-à-dire à travers ce qu’il y a de mieux en nous.

Si, par exemple, un homme a un talent et une prédilection pour donner de la joie de vivre aux autres, il ne doit pas se dire, « bon, et alors ! tout le monde peu le faire, à quoi bon utiliser ce talent !» Il doit se dire au contraire « ce talent est divin, il ne m’appartient pas, c’est D qui se révèle en moi à travers ce talent, je n’ai pas le droit de le dénigrer ou de ne pas l’utiliser, et c’est à travers l’utilisation de ce talent que j’accède au divin. »

Lorsqu’on lit les psaumes de David on voit bien que c’est l’essence première du rapport qu’il a avec D. Il voit D à travers lui-même, il se sent responsable des attributs divins qui s’expriment en lui lorsqu’il cherche à donner le meilleur de lui-même. C’est pour cela que le roi qui n’a pas le droit d’outre passer sur les honneurs qui lui sont dus, puisque ces honneur ne lui sont pas dus personnellement, ils sont du à D qui s’exprime à travers lui.

Lorsque Korah dit « tous le monde est saint », il dit « tous le monde se vaut, personne n’est divin. » il s’attaque à la royauté qu’il y a dans l’homme.

2- Le rapport à la royauté n’est pas un humanisme

Il faut cependant remarquer que pour la torah le fait de retrouver le divin dans l’homme n’est pas un humanisme. En effet, pour la torah, le bien qu’il y a en nous ne nous appartient pas.

Le talmud dit que le roi a le droit de passer outre les honneurs qui lui sont dus pour honorer la torah. Le roi Agrippas s’est levé pour lire la torah alors qu’il aurait pu rester assis, il peut aussi se faire cracher dessus lors de la cérémonie de la « halitsah », bien qu’il soit humilié en faisant cette mitsvah, car le roi a le droit de s’humilier pour faire une mitsvah qui honore D directement. Par contre, le roi n’a pas le droit servir des invités, bien que ce soit une mitsvah et il n’a pas le droit de laisser passer une mariée devant lui pour la réjouir, car ces deux mitsvoth honorent D par l’intermédiaire d’un service rendu à d’autres hommes. (Tosafoth Sotah 41b)

Le roi n’est plus astreint de se respecter lui-même lorsqu’il rend honneur à D directement, (en lisant la torah ou en faisant la mitsvah de halitsah), mais il reste astreint de s’honorer lui-même lorsqu’il va honorer d’autres hommes. Cette distinction montre que ce que le roi honore en lui-même c’est le divin et pas l’humain.

En faisant cette distinction entre les mitsvoth directement orientées vers D et celles orientées vers d’autres être humains, le talmud montre que l’honneur que le roi doit se donner a lui-même, n’est pas un honneur rendu à l’homme, mais un honneur rendu au divin qui habite l’homme.

Le talmud montre bien que la royauté divine qui habite l’homme n’appartient pas à l’homme, elle le dépasse et il n’en est que le gardien. Ce n’est pas l’homme qui est divinisé, c’est D qui se dévoile à travers l’homme.

D n’apparait pas dans le visage de l’autre, comme le pense Levinas, il apparait dans le visage de l’autre qui est en nous même. C’est lorsque l’on perçoit l’autre qui vie en nous que l’on est en rapport avec le divin. Comme dit le talmud (Taanith 11b) « un homme doit toujours ressentir qu’il y a un saint habitant dans ses entrailles ».

Dans la même veine, Le roi David a le droit de danser de toutes ses forces devant l’arche sainte, par ce qu’il danse devant D et pas pour les hommes. Comme il le dit à sa femme Michal après sa danse « David rentra pour bénir sa famille; Michal, fille de Saül, vint à sa rencontre et dit: "Combien s'est honoré aujourd'hui le roi d'Israël, se donnant en spectacle aux servantes de ses serviteurs, comme eût pu le faire un homme de rien!" 21 David répondit à Michal: "C'est devant l'Eternel, qui m'a élu de préférence à ton père et à tous les siens, en m'instituant prince du peuple de Dieu, prince d'Israël, c'est devant l'Eternel que j'ai dansé et danserai encore; 22 et volontiers je m'humilierai davantage et me ferai petit à mes propres yeux; pour ces servantes dont tu parles, c'est auprès d'elles que je me glorifierai!"». Dans ce texte David explique à sa femme, que s’il est roi sur Israël c’est par ce qu’il danse devant D et pas devant les hommes. David est roi par ce qu’il est conscient du divin qui se révèle à travers l’homme.

3- Le prophète ou le rav ne sont pas astreint à s’honorer eux même

Le rav ou le prophète peuvent passer outre leurs honneurs. Lorsqu’un rav pense quelque chose ce n’est pas D qui parle à travers lui, c’est son interprétation personnel du message de D.

De ce fait, Moshé n’était pas outré par le fait que d’autre prophètes critique se prophétie. Au contraire, il était heureux d’entendre d’autres points de vue. Ce qu’il y a de divin en l’homme ce n’est pas ce qu’il produit c’est le potentiel qu’il a en lui.

Moshe devait diviniser le potentiel prophétique qu’il y avait en lui, il ne pouvait pas laisser quelqu’un le dénigrer, il n’avait pas le droit de le dénigrer lui-même, puisque c’était la partie divine qu’il y avait en lui. Mais il n’avait pas le même devoir envers sa production prophétique.

Korah pensait que Moshé n’avait pas un potentiel prophétique plus grand que celui des autres juifs, Moshé n’avait pas le droit de rester silencieux devant un dénigrement de ses capacités, c’est pour cela qu’il demande la mort de Korah. Par contre, Eldad et Médad ne dénigrent pas la nature prophétique de Moshé, ils pensent seulement que cette prophétie a des défauts et qu’elle risque de ne pas aboutir. Moshe est heureux d’entendre une telle critique, car elle ne l’attaque pas personnellement, elle vise son message.

La société moderne nie la divinité et la spécificité du potentiel de chacun, de ce fait, l’homme moderne ne peut se juger qu’à travers ce qu’il produit. C’est pour cela qu’il a constamment besoin de s’évaluer et de compter ses points. Pour se libérer de l’obsession de l’évaluation, il faut accepter la nature divine de ses capacités personnelles. (Plusieurs idées de ce texte sont de Johann Cohen.)

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