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  • Writer's pictureRav Uriel Aviges

Bamidbar 5770

Updated: Nov 14, 2018

Ce cours est la conclusion du cours précèdent sur la beauté dans la torah. Il explique qu'un jugement moral ne peut exister que si il est précédé d'un jugement esthétique. la torah revendique un lien entre la sexualité et la beauté, mais la beauté est une sublimation de la sexualité. Le jugement esthétique permet au sujet de se revendiquer en tant que sujet, en sortant de l'objectivation du regard de l'autre.

1- Beauté physique et spiritualité

Les Cohen qui avaient des défauts physiques n’avaient pas le droit de servir au temple. Cela peut paraitre étonnant, vu que le rôle des Cohen dans le temple était de créer un lien spirituel entre D et les juifs, pourquoi un défaut physique empêcherait-il les cohanim de permettre une élévation spirituelle aux juifs ? Pourquoi la torah fait-elle un lien entre la beauté physique et la spiritualité ?

D’autre part la torah précise à plusieurs reprises que les matriarches étaient « belles de corps et belles de visage », comme si une femme ne pouvait pas être vertueuse moralement si elle n’était pas belle physiquement. Comment comprendre une telle association ? Le verset de l’ecclésiaste qu’on lie tous les vendredi soir ne dit-il pas « la grâce est un mensonge, et la beauté est vanité » ! Alors pourquoi la torah s’attarde-t-elle à plusieurs reprises à nous dire que les justes étaient beau physiquement ?

Ce mercredi (28 iyar), c’était l’anniversaire de la mort du prophète Samuel. (Il est intéressant de remarquer que la conquête de Jérusalem par les juifs a eu lieu le jour du yorsheit de Samuel hanavi, en effet, c’est le prophète Samuel qui avait émis l’idée de créer un état juifs sans royauté, dirigé démocratiquement).

En tout cas, un des points qui choque dans la vie de Samuel, c’est qu’il juge toujours les gens par rapport à leurs aspects physiques.

Samuel choisit Saul comme premier roi d’Israël, par ce qu’il est plus beau et plus grand de taille que les autres juifs. Lorsque D commande à Samuel de oindre un autre roi de la famille de Jesse, Samuel choisi un des frères de David, uniquement par ce que ce dernier est plus beau physiquement que David. D arrive à convaincre Samuel d’oindre David même si il est moins beau que son frère, uniquement par ce que David a de plus beaux yeux que son frère. Comment comprendre le lien que Samuel établi entre la beauté physique et la spiritualité et la moralité d’une personne ?

Mais d’abord qu’est ce que la beauté physique ? Est ce que la beauté est liée à la sexualité dans la torah ?

2- Beauté physique et attraction sexuelle

Il semble que la beauté du corps soit toujours liée avec l’attraction physique dans le talmud. Je vais rapporter deux passages qui semblent le montrer.

Le premier passage Ketouvoth 65 concerne une femme nommée « Homa » (« la muraille » en hébreux, la muraille est employée dans le cantique des cantiques pour décrire la beauté de la femme, le personnage féminin du cantique des cantiques se décrit en disant « je suis une muraille et mes seins sont comme des tours »). Cette femme, Homa, était d’une très grande beauté, tout le monde voulait se marier avec elle. Mais c’est une femme fatale elle a tué trois de ses maris. Le dernier des maris de Homa, n’est autre qu’Abaye, le plus grand rabbin de sa génération. Homa va voir Ravah, le rav de la ville et l’ami d’Abbaye, pour qu’il lui fixe la pension alimentaire qui lui revient de par sa ketoubah. Elle demande à recevoir aussi une certaine quantité de vin, Ravah lui répond en disant « je sais que Abayeh ne donnait pas de vin à sa femme, (puisqu’Abayeh ne buvait pas lui-même), et Homa répond « mais si je promets qu’il me servait dans un verre grand comme ca ! » et à ce moment la, Homa dévoile son bras, et une lumière envahie tout le Beth Din. Dès qu’il a vu le bras de Homa, Ravah a couru chez lui et il a tout de suite demandé à avoir des rapports sexuels avec sa femme. Ensuite, (lorsque la femme de Ravah est mise au courant de la cause du désir de son mari), la femme de Ravah a pourchassé Homa hors de la ville pour qu’elle ne puisse plus se marier avec personne. Dans ce passage le talmud fait bien une jonction entre une beauté spirituelle, puisqu’on nous parle d’un rayonnement lumineux qui sort du corps pour illuminer tout le tribunal rabbinique, tout en liant cette lumière a une attraction sexuelle, puisque Ravah est obligé de courir chez lui et d’avoir des rapports avec sa femme pour calmer ses désirs. Est-ce que le talmud pense qu’il y a une spiritualité dans le sexe ? Si c’était le cas le talmud aurait du le dire. Il semble ici que rayonnement dont il est question est un rayonnement esthétique qui émane du corps, mais le talmud ne pense pas que l’on puisse séparer la beauté rayonnante du corps de l’attraction physique.

Un deuxième passage du talmud (Baba Metsiah 85, Berahot 5) concerne rabbi Yohanan. Rabbi Yohanan aussi est considéré comme « le dernier homme sublime qui restait à Jérusalem ». Dans le traité de Berahot, le talmud nous raconte que rabbi Yohanan a dévoilé son bras et qu’une lumière a éclairé toute la maison d’un malade. Le talmud veut donc lier la beauté de rabbi Yohanan à celle de Homa. (Rabbi Yohanan est aussi un homme fatal, il ne tue pas les femmes mais il tue ses élèves, aucun de ses enfants ne lui a survécu, il se promène tout le temps en portant la dent du dernier de ses enfant qui est mort en médaillon.) Le talmud dans Baba Metsiah nous parle de taille de la verge de rabbi Yohanan qui est phénoménale. Ensuite dans le même passage le talmud continue en essayant de décrire la lumière qui irradiait de son corps, un reflet argenté et rougeoyant « comme les graines de grenades et les pétales de rose que l’on met à la lumière du soleil dans un vers en argent massif qui vient d’être fabriqué ». Ensuite le talmud nous dit que rabbi Yohanan se mettait devant les femmes lorsqu’elles sortaient du mikveh, car il disait qu’ainsi les femmes auraient des enfants aussi beau que lui.

En effet la bible nous apprend que lorsqu’une femme a des rapports avec son mari l’enfant qu’elle conçoit ressemble à l’objet de ses pensées au moment des rapports. Rabbi Yohanan voulait que les femmes aient son image devant les yeux lorsqu’elles avaient des rapports avec leur mari, pour que les enfants lui ressemblent en beauté. Le talmud nous raconte encore, comment un rav avait cherché a violé rabbi Yohanan. Quoi qu’il en soit, ici encore plus explicitement que dans le passage qui parlait de Homa, le talmud fait un lien entre le rayonnement d’une beauté physique et charnelle, et un niveau de spiritualité.

Quel est la nature de ce lien ?

3- Jugement moral et jugement esthétique

Il semble qu’un homme ne puisse pas arriver à émettre un jugement moral s’il n’acquiert pas d’abord la capacité d’un jugement esthétique. Si on cherche à apprendre à quelqu’un de juger de part lui-même, il faut d’abord lui apprendre à établir un jugement esthétique. Si on apporte un enfant dans un musée et qu’on le met en face de deux tableaux, et qu’on lui demande lequel il trouve le plus beau, et qu’il nous donne une réponse, on peut lui demander pourquoi est ce qu’il trouve ce tableau plus beau que l’autre ? Quelque soit sa réponse on pourra lui demander de la justifier. Pourquoi préfère-t-il cette couleur plutôt que celle la ? Pourquoi cette forme plutôt que l’autre ? Quelque soit la réponse qu’il nous donnera il va apprendre à articuler une réflexion, et à s’accepter en tant que sujet. Il dira « j’aime le bleu par ce que cela me rappelle le ciel », « je n’aime pas le rouge par ce que cela me fait penser au sang ». L’éducateur peut ensuite répondre à l’enfant qu’il préfère l’autre tableau, et il pourra faire d’autres associations entre les sentiments et les couleurs, et les expliquer à l’enfant, en ouvrant une discussion critique avec l’enfant. Quoi qu’il en soit, dans ce dialogue, l’enfant prend conscience d’être un sujet qui peut émettre un jugement et qui peut le justifier tout en comprenant que ce jugement n’est que subjectif. Par le jugement esthétique l’individu peut comprendre les raisons intimes de ses convictions, il apprend à articuler une analyse cohérente des choses et de lui-même.

L’enfant en devenant critique d’art, arrive à apprendre à se connaitre, il comprend pourquoi il aime le ciel et il n’aime pas le sang, et il apprend à dialoguer avec l’autre. C’est par le jugement esthétique que l’homme apprend à s’affirmer en tant que sujet indépendant.

Au contraire, si on essaie d’apprendre à un enfant à avoir un jugement moral, on ne peut pas facilement apprendre à l’enfant à prendre conscience de lui même et de sa subjectivité. Si on demande a un enfant « est ce qu’il pense que voler c’est mauvais ? », il répondra qu’évidement c’est mauvais, et si on lui demande : « pourquoi c’est mauvais ? » il va répondre, qu’il ne veut pas être la victime lui-même d’un vol. Mais cette réponse est biaisée par ce qu’elle dit implicitement que s’il pouvait voler sans se faire voler lui-même, il jugerait que le vol est bon. Si bien que l’éducateur en arrive à devoir dire à l’enfant que « voler c’est mauvais un point c’est tout, » en faisant cela l’éducateur a nié la capacité de jugement de l’enfant. La maïeutique de Platon et de Montaigne est illusoire lorsqu’elle est appliquée aux valeurs morales, la maïeutique n’a de sens que dans le jugement esthétique.

A partir du jugement esthétique l’homme apprend dans un deuxième temps, à juger les valeurs morales et les choses, mais le jugement esthétique est premier. Dans l’éducation d’un enfant le musée doit venir avant le talmud.

Le jugement esthétique selon le talmud c’est ce qui permet à l’individu de s’affirmer en tant que sujet. C’est ce jugement qui doit permettre à l’homme d’articuler un discours ordonné et rationnel tout en prenant conscience que ce discours est l’expression d’une subjectivité. L’homme apprend dans son rapport à la beauté à démontrer son jugement, tout en sachant que ce jugement n’est pas universel et qu’il n’implique que celui qui le fait.

C’est l’idée du rayonnement de la beauté que l’on trouve chez Homa et chez rabbi Yohanan. Le rayonnement c’est l’acceptation de sa propre subjectivité comme sujet pensant et jugeant indépendant.

3- Jugement esthétique et sexualité

La torah pense que l’homme doit appliquer cette capacité de juger des choses à son propre corps.

Le talmud pense que c’est cette capacité de juger qui doit être l’essence du rapport de l’homme avec sa sexualité. Je vais expliquer cette idée à travers l’exemple de Josef. Josef est considéré comme l’homme le plus beau parmi les juifs, toutes les filles se battent pour le voir. Quelle est la réaction de Josef, est ce qu’il cherche à se cacher ? Non ! Comme rabbi Yohanan, Josef se montre et affirme sa beauté, il rayonne. Mais il ne se montre pas pour être un objet de désir pour les autres, faire cela c’est déjà se transformer en objet.

Or l’affirmation de sa beauté cela doit être la volonté de s’affirmer en tant que sujet.

La torah nous dit que Josef s’affirmait en tant que juif parmi les égyptiens. Il est toujours appelé « un homme juif », il s’affirme ouvertement en tant que juif, il affirme sa différence. C’est dans cette affirmation de lui même que réside de l’affirmation de sa beauté.

Au contraire de Josef, Moshe cache sa judaïté, il est appelle toujours « un homme égyptien » par ce qu’il s’habillait à l’égyptienne. Le midrash Rabah dit que c’est par ce que Josef s’est affirmé en tant que juif, qu’il a eu le mérite d’être enterré en Israël, alors que Moshe qui était discret n’a pas eu ce mérite.

Ce midrash veut nous dire que le rapport à la beauté symbolisée par le rayonnement du corps, c’est d’un coté affirmer son corps et en prendre conscience, et d’un autre coté c’est refuser le fait de désirer les autres en les objectivant, et c’est aussi le fait de refuser le fait d’être un objet de désir pour les autres.

Pour le talmud c’est ce rapport ambivalent au corps qui est la manière de lier la spiritualité à la sexualité. Il y a, par la recherche esthétique, une sublimation de la sexualité, mais pas une négation de cette dernière. Pour le talmud nier son corps, c’est se mentir à soi même, et par la même, juger des problèmes moraux d’une manière fausse.

Celui qui nie son corps et ses désirs ne peut pas prendre les bonnes décisions morale, il risque d’être extrémiste, il aura même tendance à être fasciste, puisqu’il nie la subjectivité.

Mais l’acceptation du corps, pour le talmud ce n’est pas la reddition aux jeux du désir et à l’animalité, l’acceptation du corps est pour l’homme un moyen de se juger lui-même et d’affirmer ses propres valeurs quelles soient esthétiques ou morales. (Le mot beged « habit » en hébreux veut dire révolte, ou guerre, le fait d’affirmer un gout vestimentaire c’est une révolte face à l’autre, c’est l’affirmation de soi.)

4- Devenir un objet ou devenir un sujet par le jugement.

La société moderne essaie, elle aussi de faire rayonner les corps, on nous montre bien des corps de femme qui irradient sur du papier glacé.

Mais, en faisant cela, la société cherche uniquement à détourner et exploiter la volonté de l’homme de s’affirmer en tant que sujet indépendant, pour au contraire l’objectiver et le manipuler. La société moderne fait miroiter l’illusion du rayonnement du corps, pour que l’individu se considère lui-même comme un objet en croyant juger par lui même.

La société de consommation dit a l’homme « Juge ! Choisi cette montre plutôt que celle là ! Par ce jugement tu deviendras un sujet indépendant ! » « Tu connaitras le bien et le mal si tu manges de ce fruit ». Mais dans cette séduction il n’y a pas de choix réel il n’y a qu’une manipulation. Car c’est l’homme qui doit décider librement de juger, si on lui propose un choix devant des options obligatoires, il n’a que l’illusion de juger. Il est possible que si Eve avait mangé de l’arbre sans avoir été séduite par le serpent, elle n’aurait pas fauté et elle aurait connu le bien et le mal. On peut le déduire du verset ou D reproche à Adam d’avoir écouté sa femme et pas d’avoir mangé du fruit. Le fait de manger du fruit de la connaissance ce n’était pas la faute, la faute c’était de s’être laissé séduire, il ne peut pas y avoir de connaissance tant qu’il y a une séduction.

Or, la seule manière d’échapper à la séduction est de ne pas se considérer soi même comme un objet de désir pour les autres, c’est en appliquant un jugement esthétique sur soi même et sur son corps. Par ce jugement on se dégage du regard des autres et de leurs jugements.

Devant la sexualité il n’y a que trois options possibles. Soit on nie son corps complètement, c’est la solution de l’intégrisme islamiste, soit on s’aliène complètement aux désirs de l’autre, c’est la solution de la société occidentale moderne, soit on juge son corps par des critères esthétiques, c’est la solution du talmud.

Le talmud dans (Eruvin 100a) dit que la femme a été maudite de 10 manières après la faute du premier homme. Une des malédictions c’est que la femme cherche à se faire pousser les cheveux pour attirer l’attention des hommes, et une autre malédiction c’est que la femme a tendance à vouloir couvrir ses cheveux comme les endeuillés, elle n’assume pas sa volonté de s’affirmer avec ses cheveux.

Qu’est ce que le talmud veut dire ? Le talmud veut montrer que chez la femme il y a une difficulté avec le rapport au corps, d’un coté elle veut être un objet de désir, elle veut attirer l’attention en se faisant pousser les cheveux. Mais d’un autre coté elle ne veut pas être un objet pour les autres, c’est pour cela qu’elle a tendance aussi à se couvrir les cheveux. La résolution de cette dialectique vient dans l’acceptation de soi comme un sujet qui juge. Le talmud lie le rapport hystérique de la femme à son corps à la séduction du serpent. C’est la difficulté à résister à la séduction qui cause chez la femme une difficulté à juger son corps par elle même.

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