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Writer's pictureRav Uriel Aviges

Éloge de la complémentarité et de l'harmonie

Updated: Jan 7, 2021

Propos recueillis par Alexandre Nemni pour https://www.leclaireur.org


La tradition juive semble insister sur l’opposition et la complémentarité entre le masculin et le féminin. Pourquoi est-ce si important ?

Selon le récit de la Tora, toutes les espèces vivantes ont été créées mâles et femelles tandis que le couple humain originel a été créé en deux temps : d’abord Adam, seul, puis Eve. Autrement dit, soit le premier homme était androgyne, soit Eve fut secondairement créée à partir d’un mâle, Adam. Pourquoi l’homme et la femme n’ont-ils pas été créés séparément et simultanément ? Le Maharal de Prague explique (voir Netsa’h Israël, ch. 3) que Dieu étant le seul être parfait, toute création (ou créature) est par essence imparfaite. Et Dieu crée également les moyens de parfaire toute création ontologiquement imparfaite. L’homme devait donc être imparfait, un être de désir, pour incarner le cheminement vers la perfection qui est l’enjeu de la Création. Idem pour la femme qui est incomplète et dont le rôle, par ailleurs, est d’apporter la contradiction à l’homme. C’est dans la rencontre du masculin et du féminin que se joue la perfectibilité, la tentative de retrouver progressivement quelque chose de l’unité divine à laquelle le Créateur a délibérément renoncé en créant le monde. C’est une idée que l’on trouve également dans la Kabbale lourianique : la Création (dans laquelle Dieu renonce, en un sens, à son unité et crée du multiple) est comparée à un vase brisé. La mission de l’homme est de réparer (tikoun) ce vase, de « recoller les morceaux ». Le couple, qui repose sur la différence essentielle de deux êtres et leur complémentarité, restaure l’unité divine originelle. Le manque est donc essentiel pour amorcer cette dynamique. On est loin de l’aspiration moderne à l’autosuffisance et de la volonté de gommer toutes les différences.

Dieu est-il un « être » masculin ?

Il faudrait pour vous répondre entrer dans les profondeurs de la mystique juive. Mais, en gros, selon la Kabbale, Dieu, c’est l’unité. C’est pourquoi il n’est pas plus masculin que féminin. Sa dimension masculine s’exprime surtout à travers les forces de la nature, dans le déterminisme physique et quand l’homme n’est pas présent dans l’histoire, tandis que sa dimension féminine (appelée Chékhina) est davantage exprimée quand l’homme établit avec lui – ou plutôt avec elle ! – une relation spirituelle et religieuse.

Et le Messie, est-ce un homme ?

Je ne sais pas. Mais il ne fait aucun doute, si c’est un homme, qu’il sera aussi porteur d’une grande dimension féminine puisque ce sera un descendant du roi David dont la part féminine est indéniable. Certes, le Messie sera un roi et, comme le rappelle Maïmonide, un roi ne peut pas être une femme selon le droit biblique. Mais on sait aussi que la halakha (loi juive) changera aux temps messianiques… donc allez savoir ! N’oubliez pas, de plus, qu’il y a, selon nos textes, deux messies. Le « Messie fils de Joseph » (préparant le terrain au suivant) qui sera un homme, et le « Messie fils de David » dont personne ne peut dire avec certitude s’il sera un homme ou une femme.

Et un rabbin, est-ce nécessairement un homme ?

C’est une question difficile qui nécessiterait de clarifier le statut halakhique du rabbin (qui n’existe pas en tant que tel dans la Tora). Pour faire simple, même dans une approche orthodoxe, il n’est pas évident qu’il soit interdit à une femme d’exercer la fonction de rabbin. Il existe un principe talmudique que je n’ai pas le temps de développer ici et selon lequel les positions de pouvoir reviennent uniquement aux hommes (Talmud de Babylone, Yévamot p.45b). Mais il n’est pas sûr, par exemple, que ce principe s’applique en diaspora. On apprend cela du fait que Moïse, bien qu’ayant le statut de roi, n’observait pas (lui qui n’est jamais entré en terre d’Israël) toutes les prérogatives royales (Sefer Hamakneh sur Kidouchin 32b). Par ailleurs, il n’est pas du tout certain que le rabbinat soit considéré, en droit juif, comme une position de pouvoir. Dans la communauté dont je suis le rabbin, je vous assure que j’ai hélas rarement le dernier mot dans les décisions qui sont prises ! Bref, en tant que rabbin orthodoxe, je ne vois pas de problème à ce qu’une femme soit rabbin en diaspora.

Une femme peut-elle être juge (rabbinique) ou témoin (religieux) ?

Si les gens acceptent l’autorité d’une femme en tant que juge, elle peut l’être, comme ce fut le cas de Déborah à l’époque biblique.

En revanche, pour être témoin religieux (ed), c’est une autre histoire. Le Talmud semble douter de la capacité d’une femme à être totalement objective et à faire complètement fi de ses émotions, ce qui pose un problème par rapport au statut de témoin religieux (pour un homme aussi, d’ailleurs, les critères sont incroyablement exigeants et n’est pas témoin qui veut). Je sais bien que mes propos sont inaudibles et sans doute pas du tout « politiquement corrects », mais vous m’avez demandé de vous parler en toute franchise et je vous rapporte ce que disent les textes qui fondent le droit rabbinique.

Que vous inspire le féminisme ?

Il faudrait définir ce mot. Je vous l’ai dit, je crois que le déséquilibre masculin/féminin est fécond. Mais, à la limite, que l’homme prenne l’ascendant sur la femme ou la femme sur l’homme – ce à quoi nous assistons peut-être aujourd’hui ! – n’est pas l’essentiel. La tradition compare parfois l’homme au Soleil et la femme à la Lune. Ces deux astres, dit un midrash cité par Rachi, furent créés égaux en taille mais Dieu rapetissa finalement la Lune, créant un déséquilibre nécessaire pour qu’advienne l’histoire. Toutefois, la Lune aspire à grandir et le Soleil, disent nos textes, a besoin de la Lune autant que la Lune a besoin du Soleil. Il se pourrait, d’un point de vue symbolique, que la Lune devienne un jour plus grande que le Soleil.

Je peux comprendre le combat féministe et j’ose dire qu’il fait, à sa façon, avancer l’histoire vers les temps messianiques ! Mais il est essentiel d’accepter que les hommes ne peuvent pas vivre sans les femmes ni les femmes sans les hommes. Sans cette reconnaissance, on en arrive à l’idée d’une sorte d’autosuffisance ontologique de la femme qui n’a pas de sens pour moi. Toute définition du masculin ou du féminin qui nie la dépendance à l’autre sexe me semble erronée. Je me méfie de tout ce qui occulte la différence, et notamment la différence sexuelle.

Je me demande également si certaines formes d’homosexualité moderne ne sont pas la résultante d’une impuissance sexuelle masculine vis-à-vis des femmes, générée par la disparition progressive de l’asymétrie hommes-femmes. Quand André Gide ou François Mauriac évoquent leur homosexualité, ils le font en soulignant aussi le fait qu’ils évoluent auprès de femmes fortes, indépendantes, « impressionnantes » et très critiques envers les hommes. En tout cas, cela me semble différent de l’homosexualité décrite dans Le Banquet de Platon, présentée par Aristophane comme un signe de virilité et pratiquée par des hommes qui, par ailleurs, avaient des épouses et continuaient à avoir des relations hétérosexuelles. De la même manière, l’homosexualité condamnée par la Tora s’adresse à un homme qui peut aussi avoir des relations avec une femme mais qui, ne cherchant que son plaisir, choisit ponctuellement de s’adonner à une relation avec un autre homme.

Quand j’ai lu Le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir, j’ai eu l’impression d’une attaque envers la gent masculine plus que d’une contribution à une définition et à un enrichissement de l’identité féminine. Je crois que le féminisme ne gagne rien à adopter une position antagoniste envers les hommes. Cette attitude est d’ailleurs, politiquement et socialement, contre-productive. En revanche, il est tout à fait légitime, de lutter – qu’on soit femme ou homme et dans la reconnaissance de la complémentarité et de la différence des sexes – pour la dignité des femmes, pour leur sécurité, leur éducation, leur épanouissement professionnel, etc.

Vous l’avez dit, la Tora condamne avec une grande sévérité l’homosexualité. Pourquoi ? Cette position est-elle encore audible aujourd’hui ?

La condamnation biblique de l’homosexualité masculine concerne des hommes bisexuels et non des personnes qui n’ont absolument aucune attirance pour les femmes. La Tora exige que la sexualité permette tout à la fois le plaisir pris et donné, la procréation et la rencontre de la différence, ce que la relation homosexuelle ne permet pas. Mais il n’y a d’interdit que s’il y a choix. La gravité d’un interdit biblique est généralement fonction de l’aisance avec laquelle on pourrait l’éviter. Quand l’homosexualité ne résulte pas d’un choix délibéré, elle ne me semble pas du tout concernée par l’interdit de la Tora. (Sefer Or Hayoshor de rabbi Aharon Shimon ben Yaakov Avraham, p.38.)

Un grand maître du XVIIIe siècle, rabbi Y. Landau (auteur du Noda Biyhuda), explique que, d’une manière générale, si une personne ne peut pas contrôler, durablement, un certain type de comportement interdit par la Tora, cette personne est exempte du commandement en question (car un commandement ne peut s’adresser qu’à une personne dotée de libre arbitre). De ce fait, un homosexuel ne peut pas être témoin dans un mariage religieux (ou célébrer un mariage s’il est rabbin), puisque seul celui qui est astreint à un commandement peut en acquitter un autre Juif.

Il est sain et souhaitable que les homosexuels, hommes ou femmes, assument ce qu’ils et elles sont. Un homme marié avec une femme mais attiré presque exclusivement par les hommes ou une lesbienne qui ne s’assume pas et qui est mariée à un homme sont malheureux, sexuellement frustrés, et rendent malheureux leurs conjoints quand ils refoulent ou cachent ce qu’ils sont, ou qu’ils/elles font un coming out tardif. La possibilité croissante d’assumer son homosexualité évite bien des drames humains et familiaux. En tant que rabbin, j’ai souvent été confronté à la grande souffrance de personnes dont le conjoint ou la conjointe n’avait pas assumé son homosexualité. Ces drames peuvent être évités si les homosexuels assument ce qu’ils sont, ce qui devient un peu plus facile ces dernières décennies, ce qui est une très bonne chose.

Quand quelqu’un constate un décalage entre son genre (homme, femme) biologique et son identité sexuelle ressentie, ou qu’il ou elle ne se sent pas plus femme qu’homme, peut-on lui en faire le reproche ? Comment peut-il/elle concilier cela avec sa foi ou sa pratique religieuse ?

On ne peut pas exclure le fait que le monde moderne ait rendu plus floues les identités sexuelles, même si ce n’est sans doute pas l’unique origine des cas que vous évoquez. Des situations familiales particulières peuvent aussi expliquer certains de ces décalages ou troubles dans l’identité sexuelle. C’est pourquoi les personnes concernées ne doivent pas se sentir responsables ou coupables de telles situations.

Le Talmud (traité Souka p.55) dit que même si la sexualité (au sens de la génitalité) devait disparaître dans le monde futur, la différence sexuelle, elle, devrait être maintenue. Cela nous apprend que l’identité sexuelle différenciée est fondamentale, qu’il faut la construire et l’entretenir, même si cela se fait indépendamment du désir génital et des relations sexuelles physiques.

A-t-on le droit de changer de sexe selon la loi juive ? Quel est le statut halakhique d’un transgenre ?

Il me semble important que l’esprit et le corps soient en harmonie. La Kabbale appelle cela le Yésod, « le fondement ». Et il est aujourd’hui, pour certains, plus facile de modifier le corps que l’esprit. Je ne porte donc pas de jugement de valeur négatif sur les personnes recourant à la chirurgie pour mettre en adéquation leur corps et leur identité sexuelle vécue. Mais je ne sais pas si cette solution est idéale et j’ai souvent entendu parler de personnes qui, après une première opération, en font une seconde pour revenir à leur sexe biologique initial. C’est donc rarement une solution parfaite mais chacun fait au mieux avec les difficultés de son existence, et la vie n’est pas toujours simple ! Quoi qu’il en soit, je ne considère pas qu’une telle opération constitue une interdiction religieuse.

Selon la halakha, si une chirurgie a été pratiquée, la présence d’organes sexuels masculins (verge et testicules et ce même si l’érection n’est pas possible) donne le statut de mâle à l’individu tout comme la présence d’organes sexuels féminins (le vagin suffit, même sans ovaires) donne le statut de femme. La loi juive repose ici sur des éléments factuels. Si une petite fille subit une opération qui fait d’elle un garçon, il devra théoriquement faire sa bar-mitsva, mettre les téfilin, etc. Un homme devenu femme et ayant un vagin pourrait en théorie se marier religieusement et serait dispensé des mitsvot incombant aux hommes. Le statut d’androgyne (présence simultanée de caractères féminins et masculins), évoqué dans le Talmud, est plus complexe. Aux États-Unis, le fait d’avoir les deux sexes en même temps est de plus en plus répandu. Le statut halakhique d’une telle personne dépend de chaque situation rituelle.

Cependant, la Tora interdit formellement l’émasculation et la castration masculine (Lévitique 22, 24 et Choul’han Aroukh Even Ezer 5). Un homme aurait le droit de s’ajouter un vagin mais il n’a pas le droit d’enlever son sexe mâle, il prendra dans ce cas le statut d’androgyne. Mais si un homme n’a pas suivi la halakha, qu’il s’est fait émasculer et ajouter un vagin, il (elle) sera alors considéré comme une femme à part entière. En revanche, une femme pourrait, selon la plupart des opinions, se faire retirer ses ovaires et son vagin pour les faire remplacer par un sexe mâle et elle serait dans ce cas considérée comme un homme.

Quel accueil les communautés juives doivent-elles offrir aux gays, lesbiennes, bisexuels, transgenres, queers, etc. ?

Il importe d’enseigner, sans rien en changer, les principes de la Tora et de la halakha, y compris tout ce qui concerne la différence sexuelle – le message de la Tora est intemporel –, mais cela tout en accueillant dans nos communautés tous ceux qui le souhaitent, quelle que soit leur orientation sexuelle. Parce que, comme je vous l’ai dit, il serait faux de croire que les gens choisissent délibérément, aujourd’hui, d’être gay ou hétérosexuel. Autrement dit, les normes traditionnelles doivent perdurer et être assumées mais chacun doit trouver sa place dans la communauté.

En revanche, je suis contre les synagogues homosexuelles ou l’idée d’un mariage religieux homosexuel, car cela repose sur l’idée d’une halakha revisitée. Pour moi, c’est comme le fait d’accueillir les Juifs qui viennent en voiture dans une synagogue orthodoxe durant le chabbat. Ils sont les bienvenus, chacun fait ce qu’il veut et cela ne change rien au respect et à l’amour que j’ai pour eux. Mais je ne vais pas pour autant ouvrir le parking de ma synagogue le samedi. La norme demeure.



 

Masculin et féminin

dans le judaïsme


L’entretien avec le Rav Aviges dans le n°10 de la revue de pensée juive L’éclaireur a suscité de nombreuses réactions et nous nous en réjouissons.

Il nous a semblé opportun de clarifier certains points et le Rav a accepté de répondre à nos demandes d’éclaircissement.


Alexandre Nemni,

membre du comité de rédaction de L’éclaireur



Rav Aviges, certains de nos lecteurs ont été surpris par vos propos concernant l’homosexualité moderne dont vous semblez dire qu’elle n’est pas visée par l’interdit de la Tora. Pouvez-vous préciser les choses ?

C’est une position personnelle que je défends.

Il s’agit de considérer l’homosexualité comme un cas comparable à celui de la maladie mentale (non pas que je considère l’homosexualité comme une pathologie mais je compare des catégories juridiques qui ont en commun de reposer sur l’absence de choix). Le malade mental, en droit juif, (« le fou » dont parle la Michna) est celui qui n’a pas de libre arbitre et qui est de ce fait dispensé des mitsvot.

Le Or Hayachar et le Noda Biyéhouda évoquent le cas d’un psychotique qui a donné le guét à son épouse. Après la procédure du divorce, le beau-père a contesté la validité du guét au prétexte de son état mental : le mari avait des comportements délirants malgré un discours plutôt rationnel. Les décisionnaires n’ont cependant pas invalidé le guét en élaborant l’idée originale de « choté bedavar é’had », c’est-à-dire d’une forme de folie appliquée à un unique domaine mais n’invalidant pas toutes les actions de la personne pour autant.

Je m’inspire de cette idée pour définir l’homosexuel moderne (voir l’article pour une précision de ce que j’entends par-là) de façon comparable, celui d’un être libre sauf dans un domaine particulier, celui de la sexualité, pour lequel il n’y a pas de responsabilité ni de faute car il n’y a pas de libre arbitre.

Je comprends tout-à-fait qu’on puisse contester ce psak (décision rabbinique).

J’ajoute que des rabbins orthodoxes et des directeurs de yéshivot m’ont sollicité à ce sujet, dépourvus qu’ils étaient face à des cas concrets d’homosexualité pour lesquels ils avaient besoin qu’on envisage un statut pour les personnes concernées. L’interdit biblique est très grave et je ne vois pas d’autre ouverture (pitaron) halakhique permettant de disculper les formes modernes d’homosexualité. La vie d’un ben Tora homosexuel est infernale. On ne peut pas laisser ces personnes sans réponse. J’aurais préféré ne pas avoir à répondre à ces questions mais on ne peut pas laisser ces gens hors de la communauté et sans réponse.

Il existe un précédent un peu similaire avec le cas de l’enterrement des personnes suicidées. Normalement, on n’enterre pas un suicidé. Mais les décisionnaires ont considéré que le dépressif était malade et donc dénué de libre arbitre. (Certes, l’interdit en question n’est pas aussi grave, selon les sources, que l’homosexualité, mais je vous explique l’esprit de ma démarche).


Plusieurs personnes souhaiteraient que vous précisiez ce que vous voulez dire quand vous évoquez la nécessité d’assumer son homosexualité pour éviter des souffrances conjugales ou familiales.

Je parlais du fait d’assumer très tôt son homosexualité, avant de se marier et de rendre malheureux le conjoint/la conjointe. C’est surtout cela que j’évoquais dans l’article de L’éclaireur.

Quant à la vie sexuelle de l’homosexuel en question, s’il ne peut pas demeurer abstinent, il existe des pratiques sexuelles moins graves que d’autres (sans pénétration anale).

Je résume : il faut tout faire pour éviter le mariage d’un homosexuel et il doit éviter d’avoir une activité sexuelle. Mais lorsque c’est absolument impossible, je le considère comme irresponsable (anous) et sa sexualité n’est donc pas une faute.


En parlant de la possibilité pour une femme d’être rabbin, vous distinguez Israël de la Diaspora. Sur quoi vous appuyez vous ?

J’ai cité mes sources dans L’éclaireur. L’explication du Sefer Hamiknéh (sur Kidouchin p.32b) à laquelle je faisais référence s’appuie sur le texte biblique lui-même qui relie les règles relatives à la royauté au fait d’être en terre d’Israël (Ki tavo el haaretssom tassim alékha mélekh). Si le rabbinat est l’exercice d’une autorité, les règles diffèrent en Diaspora, comme nous le voyons avec Moïse qui n’appliquait pas toutes les prérogatives royales du fait qu’il résidait en dehors de la terre d’Israël.

Cependant, un lecteur a émis des objections concernant ce ‘hidouch du Sefer Hamiknéh sur la base d’un passage du Talmud dans le traité de Yébamot p.45b qui est la source talmudique interdisant une position de pouvoir à une femme et à un converti. Le Talmud dit en effet : « Rava a décidé que le Rav Mari bar Raḥel, qui était le fils d'un père païen et d'une mère juive, était apte à se marier dans la congrégation d'Israël, et il l'a en outre nommé comme l'un des fonctionnaires [pursei] de Babylone. Et bien que Rav ait dit qu'à partir du verset Tu mettras sur toi un roi que l'Éternel, ton Dieu, aura choisi ; tu mettras sur toi un roi parmi tes frères (Deutéronome 17,15) que non seulement en ce qui concerne la royauté mais aussi en ce qui concerne toutes les positions d'autorité, les titulaires ne peuvent être choisis que parmi tes frères, ceux qui partagent ta lignée juive. Néanmoins, en ce qui concerne celui-ci, c'est-à-dire Rav Mari bar Raḥel, étant donné que sa mère est de lignée juive, nous l'appelons parmi tes frères, et il est donc éligible. » On pourrait déduire de ce passage du Talmud que l’interdit de nommer une femme ou un converti s’applique aussi à l’extérieur d’Israël, puisque la position qui doit être attribuée à un homme (mâle) d’ascendance juive se trouve à Babylone. Cependant, il y a deux manières de réfuter cette preuve : la première est qu’il est possible que lorsque Rav a nommé un fonctionnaire en Babylonie, il se trouvait lui-même en Israël (Rav a passé une grande partie de sa vie en terre d’Israël). Il se peut donc que même si la position de pouvoir que l’on attribue est elle-même à l’extérieur d’Israël, il est interdit pour quelqu’un habitant en Israël de l’attribuer, mais si l’attribution a lieu à l’extérieur, il est possible qu’il n’y ait pas d’interdit. Il y a une deuxième manière de réfuter cette preuve, et c’est celle qui me paraît la plus probable. La position dont il est question dans le passage de Yébamot est une position de pouvoir permettant de juger des litiges financiers, (Rashba & Tossafot ad hoc), or la source dans la Tora qui accord à un juge la faculté de régler des litiges financiers (et d’agir contre le gré des intéressés ou même de saisir les biens d’une personne - « hefker Beth din hefeker ») est déduite du pouvoir qui a été donné à Josué ou à Ezra de partager la terre d’Israël (Guittin p.36b) ; il est donc possible que, de ce fait, toute position qui donne la possibilité de saisir les biens d’une personne même en Golah, s’apparente à la mitsva de placer un roi en Israël, puisque cette position s’apparente au partage de la terre d’Israël. Il va sans dire que de nos jours un rabbin de communauté n’a pas la possibilité légale ou halakhique d’exproprier une personne ou de saisir ses bien, il pourrait donc être, à l’extérieur d’Israël, une femme ou un converti.


Merci beaucoup pour toutes ces précisions.

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