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  • Writer's pictureRav Uriel Aviges

Politique et Religion

Dans ce cours nous parlons du rapport entre la politique et la religion. Peut-on encore parler de messianique politique? La venue du messie peut elle justifier une action politique? Ou bien doit-on attendre passivement l'arrivée du messie? Les rabbins ont-ils un role politique a jouer? A travers le dialogue entre Benny Levy et Jean Paul Sartre nous tentons d'apporter des éléments de réponse.

Le messianisme politique


La parasha de Vayehi n’est séparée de la parasha précédente que par l’espace de trois mots. Cette parasha est fermée. Rashi explique la raison de cette anomalie en citant le midrash « « Yaacov vécut : Pourquoi ce récit est-il « fermé » [c’est-à-dire non séparé du paragraphe précédent par un alinéa] ? C’est parce qu’il contient le récit de la mort de Yaacov, laquelle a marqué le début de la souffrance de l’esclavage, et donc de la « fermeture » des yeux et des cœurs d’Israël. Autre explication : Yaacov voulait livrer à ses fils le secret de la fin des temps (voir Rachi infra 49, 1), mais sa vision a été « fermée » (Beréchith Raba 96, 1). » Yaacov a voulu décrire les temps messianique à ses enfants, mais D l’en a empêché. Les juifs ne savent pas à quoi vont ressembler les temps messianiques, ils ne peuvent donc pas savoir ce qu’il faut faire pour les faire advenir. Pour cette raison le désir de faire advenir le messie ne peut pas justifier une action politique. 

Ne pas savoir quelle est la nature des temps messianiques, c’est assumer le fait que l’on ne connait pas le but final de l’histoire de l’humanité. Cette ignorance implique que la fin ne justifie jamais les moyens. Puisque l’on ne connait pas le but ultime de l’humanité, on ne peut pas justifier nos actions par le fait que l’on cherche à se rapprocher d’un certain but. Dans la torah l’action politique ou morale doit se justifier par elle-même et pas par ses conséquences.

Un acte immoral est condamnable, même si il va entrainer des conséquences positives. De ce fait, puisque la torah interdit de porter préjudice à un individu donné, on n’a pas le droit de prendre une initiative qui va léser un individu, même si l’action bénéficiera au plus grand nombre. On peut citer deux exemples à ce propos. Le premier est celui de Korah.

Pour le Zohar, Korah possédait un niveau supérieur à celui de Aaron, Korah sera le grand prêtre dans le monde futur, il aurait pu élever le peuple à un niveau de spiritualité qu’Aaron ne pouvait pas atteindre. Pourtant, Korah est puni pour avoir essayé de devenir le grand prêtre à la place d’Aaron. L’action de Korah était condamnable par ce qu’elle lésait Aaron, bien qu’elle ait eu aussi des effets positifs pour le reste des juifs.

De même, Nadav et Avihou sont brulés vifs en apportant de l’encens sur l’autel par ce qu’ils avaient l’habitude de dire « pourvu que ces deux vieux (Moshe et Aaron) meurent, pour que nous puissions prendre leurs places ! ». Pourtant, après leur décès, D dit à Moshe que Nadav et Avihou avaient un niveau supérieur au sien et à celui d’Aaron. D dit aussi, que Nadav et Avihou auraient pu élever le peuple à un niveau de spiritualité impossible à atteindre sans eux. Il n’en demeure pas moins, que leurs ambitions ont été condamnées et punies, par ce qu’elles portaient préjudice à Moshe et Aaron. Ces deux exemples montrent clairement que l’intérêt du plus grand nombre ne justifie pas une initiative politique si elle va désavantager ne serait-ce qu’une partie infime du groupe. L’intérêt général ne peut pas justifier une initiative politique. 

Pourtant, certains midrashim disent qu’une action sociale apportera la venue du messie. Pour le midrash, ce qui peut faire venir le messie c’est faire la fête entre amis. Le midrash dit en effet :

« Pour sauver un juif isolé se trouvant au fin fond du monde, D va traverser milles fleuves et il va le ramener chez lui, comme le verset dit « En vérité, des jours viendront, dit l'Eternel, où l'on ne dira plus: "Vive l'Eternel qui a fait monter les enfants d'Israël du pays d'Égypte!" Mais "Vive l'Eternel qui a fait monter les enfants d'Israël du pays du Nord et de toutes les contrées où il les avait exilés! "Car je les aurai ramenés sur leur territoire, que j'avais donné à leurs ancêtres. ». De ces versets nous pouvons déduire que les juifs seront libérés uniquement de la douleur de la solitude et pas d’un esclavage ou ni d’une déportation, ni d’un éclatement ni de la pauvreté, ni d’un manque de nourriture. Mais uniquement de la solitude. Ils seront libérés par le fait que dix personnes resteront ensembles (en parlant tellement fort), que lorsqu’un des convives appellera son ami il ne pourra plus l’entendre… et c’est ce que nous avons observé chez nos patriarches, qui n’ont été libérés d’Égypte que par la fête. »  (Tana Devei Eliaou Zouta 14)

Le midrash déduit des versets de Jérémie que la venue du messie sera, d’une part, fondamentalement différente de la libération de l’Égypte et qu’elle sera, d’autre part, tout à fait semblable à la sortie d’Égypte. La libération de l’esclavage de l’Égypte était une libération double. C’était une libération physique de l’esclavage et aussi une libération affective. Le midrash pense que la libération messianique sera uniquement une libération affective. Le messie ne va pas libérer les juifs de la pauvreté ou de l’esclavage, mais il va simplement les libérer de l’isolement affectif dans laquelle ils se trouvent.

Les juifs peuvent agir activement pour accéder à cette libération en reconstituant le sacrifice pascal. Pour ce midrash, le sacrifice pascal permettait aux juifs de se retrouver par petit groupe autour d’un repas pour fêter leur liberté dans l’amitié. Le midrash pense que le seul acte politique qui peut amener le messie c’est ce genre de fête. (Goscinny avait mieux compris la bible que Marx).

Chaque sacrifice pascal ne pouvait être mangé que par un nombre limité de participants. Les participants devaient être comptés, il était interdit d’être compté dans deux groupes différents. Il fallait choisir son groupe. Lorsque l’on consommait le sacrifice pascal, il était interdit de sortir de la maison dans laquelle on avait commencé à manger. Le sacrifice pascal symbolise l’amitié restreinte à un groupe de proche. Ainsi, pour le midrash l’homme n’a pas aimer la terre entière il doit simplement aimer un nombre restreint d’amis. Le midrash parle de dix personnes. L’amour n’a pas à être universel mais réel. 

Pour le midrash, il n’est jamais arrivé depuis le début de l’histoire qu’un groupe de dix personnes puisse rester à une table dans la joie, sans qu’aucun ressentiment n’existe entre les convives. Si une telle occurrence s’était avérée, alors le messie serait déjà venu. Le fait que le messie n’est pas venu prouve qu’aucun groupe n’est jamais parvenu à vivre une unité profonde sans ressentiments, on n’aime jamais assez ceux que l’on aime.

Ce qui va apporter la rédemption, ce n’est pas l’implication politique universel de chacun, c’est la pureté des sentiments que l’ont peut vivre avec son entourage proche. 

 Un autre midrash dit au sujet de Mordehai

« Rabi Yaacov le fils de Aha dit « D a dit à Mordehai : « toi tu as pris soin d’une seule âme, car tu allais tous les jours voir comment se portait Esther, je te jure par ta vie, qu’a la fin tu prendras soin de tout un peuple ». C’est ce que le verset dit: « il cherchait le bien de son peuple, et il apportait la paix pour toute sa descendance ».

Dans un premier temps, Mordehai ne s’est occupé que du bien être d’Esther. Mordehai n’éprouvait en aucune manière le désir d’être le sauveur du peuple juif. Mais D lui a dit « puisque tu t’es fatigué tous les jours de ta vie à vouloir le bonheur d’Esther, je te promets que tu va sauver tout le peuple d’Israël ». C’est l’amour que l’on voue à ses proches qui assure la rédemption universelle.

Un autre midrash dit la même chose au sujet de Moshe et de David qui étaient des bergers. David et Moshe ne cherchaient qu’à s’occuper des animaux qu’ils gardaient, mais, comme il l’ont fait avec tout leur cœur, D a décidé de leur donner la garde de tout le peuple. A travers ces exemples, il apparait clairement que l’homme politique ce n’est pas celui qui cherche le bien universel de l’humanité, c’est celui qui s’occupe de ses proches avec amour.

Analysons de plus près l’exemple du roi David. 

Le roi David était rejeté par sa propre famille. Il dit dans les psaumes (69) « Je suis devenu un étranger pour mes frères, un inconnu pour les fils de ma mère, parce que le zèle pour ta maison me dévore, et que les insultes retombent sur moi. Je pleure tout en m’imposant le jeûne, et ceci même a tourné à l’opprobre pour moi. J’ai endossé comme vêtement un cilice, et suis devenu pour eux un sujet de sarcasme ». David était rejeté par sa famille, même son père ne le reconnaissait pas. Comme il n’était aimé de personne, David ne pouvait aimer personne. Il ne pouvait pas s’aimer lui-même.

Il est remarquable que David n’a pas essayé d’aimer ses ennemis, car aimer ses ennemis c’est se haïr soi même, David a cherché désespérément quelqu’un, ou quelque chose à aimer d’une manière saine et constructive. Pour cette raison, David a donné tout son amour aux animaux qu’il devait garder. A partir de la, David a réapprit à s’aimer lui-même et a aimer D. La torah nous dit que c’est ce type de comportement simple et positif qui amène le messie.

C’est l’amour de l’autre qui permet de s’aimer soi même, et c’est aussi l’amour que l’on donne à l’autre qui permet d’aimer D.

Le psaume 23 est le psaume le plus connu de tous les psaumes de David. Le voici.

Psaume de David. L'Eternel est mon berger, je ne manquerai de rien. 2 Dans de vertes prairies, il me fait camper, il me conduit au bord d'eaux paisibles. 3 Il restaure mon âme, me dirige dans les sentiers de la justice, en faveur de son nom. 4 Dussé-je suivre la sombre vallée de la mort, je ne craindrais aucun mal, car tu serais avec moi; ton soutien et ton appui seraient ma consolation. 5 Tu dresses la table devant moi, à la face de mes ennemis; tu parfumes d'huile ma tète, ma coupe est pleine à déborder. 6 Oui, le bonheur et la grâce m'accompagneront ma vie durant, et j'habiterai de longs jours dans la maison du Seigneur.

Dans ce psaume David se compare aux brebis qu’il a lui-même l’habitude de garder, il projette le comportement qu’il a lui-même avec les brebis comme étant aussi celui de D avec lui. David ressent la crainte des brebis qu’il doit garder, il ressent aussi le réconfort qu’il leur apporte par sa présence et par les efforts qu’il fournit pour elles. David ressent le plaisir des brebis à chaque fois qu’il leur lave la tête et qu’il les mets devant un pâturage. C’est par ce qu’il est capable de ressentir le bonheur des brebis, qu’il est capable de ressentir l’amour que D a pour lui. C’est par ce qu’il a de l’empathie avec les brebis, qu’il comprend qu’à chaque fois qu’il mange, c’est D lui-même qui le guide vers un pâturage verdoyant. On ne peut aimer D qu’à la mesure où l’on est capable d’aimer l’autre. On ne peut s’aimer soi même que dans la mesure où on est capable de donner de l’amour aux autres.

Avoir la haine des autres c’est aussi avoir la haine de soi. L’homme ne peut s’estimer que s’il se sait capable d’aimer. David était rejeté par sa propre famille, il ne pouvait pas aimer ses proches, il ne pouvait donc pas s’aimer lui-même. Il a réussit à se reconstruire affectivement a travers l’amour des animaux. Ce n’est que dans un deuxième temps qu’il est devenu le roi le plus aimé d’Israël. L’amour de David n’était pas orienté vers l’humanité universelle, il était destine à ses proches dans leur individualité.

Le talmud, dans le traitée de Guitin rapporte l’histoire de Kamtsah et Bar Kamtsah. Kamtsah est invité par erreur au mariage d’un de ses ennemis. Kamtsah cherche malgré tout à assister au mariage, il va même jusqu'à assurer à son ennemi qu’il est prêt a payer tout le mariage si il le laisse assister à la fête. Le père du marié refuse l’offre et les rabbins ne disent rien. Kamtsah, remplie de ressentiment, va voir l’empereur romain pour lui annoncer que les juifs se sont révoltés contre lui, finalement l’empereur croit au récit de Kamtsah et le siège de Jérusalem commence. Le talmud ne critique pas les sages qui ne sont pas intervenus pour aider Kamtsah à assister au mariage. Au contraire rabbi Yohanan critique les sages par ce qu’ils n’ont pas mis à mort Kamtsah pour l’empêcher de nuire. Ceci peut paraitre étonnant, car à première vue, Kamtsah semble être la victime d’une humiliation injuste. Pourtant le talmud pense que c’est le père du marié qui était dans son droit, par ce que l’on ne peut pas en vouloir à quelqu’un d’avoir des ennemis. On ne peut pas demander à un homme d’aimer ses ennemis, aimer ses ennemis c’est se haïr soi même, cela revient à créer un rapport sado masochiste avec l’autre et avec soi.

L’homme n’est pas obligé d’inviter les gens qu’il n’aime pas au mariage de ses enfants. L’amour ne peut être destiné qu’à un nombre restreint de proche. Kamtsah n’a pas été capable de comprendre cela, c’est lui qui fait une erreur, c’est pour cela que c’est lui que le talmud condamne et pas le père du marié ou les rabbins.

Dans « le meurtre du pasteur » Benny Levy voit dans le judaïsme une tension entre un devoir politique guidé par le souci de chacun dans son individualité et la loi qui s’adresse à tous dans l’anonymat. Je pense pour ma part, que selon la torah l’individu n’a aucun devoir politique, dans le sens où, pour la torah le devoir d’administrer la cité ne repose sur aucun individu. Pour la torah, l’homme à le devoir d’aimer ou d’aider, mais pas celui d’administrer ou de gérer une entité légale qui ne lui appartient pas. De même, la loi adressée anonymement à tous est édictée par D et pas par les hommes. Dans la torah, l’individu ne peut pas avoir de devoir politique, vu que la cité ou la république n’existe pas comme entités légales.

Dans la prière de l’amidah nous disons dans la première bénédiction que « D amène un libérateur aux enfants d’Abraham Isaac et Jacob, pour son nom, dans l’amour.» il est difficile de comprendre ce que signifie le texte lorsqu’il dit que D amène le messie pour « son nom dans l’amour ». Le Nefesh Hahaim (rapporté par Levinas dans « à l’heure des nations » et critiqué par Benny Levy dans « être juif ») explique que le plus grand plaisir que l’homme peut ressentir c’est de voir la gloire de D proclamée dans le monde à travers l’accomplissement de la justice et du bien. La proclamation de la gloire de D est un bonheur pour l’homme. Par contre, D ne tire aucun profit à être révélé et proclamé a travers le monde. D n’est pas un homme politique en cherche de reconnaissance. C’est pour cela que l’on peut dire que la révélation de la gloire divine se fait dans le monde par amour pour l’homme, puisque D lui-même n’a aucun intérêt à recevoir de la gloire. C’est ce que le texte signifie en disant « il amène le messie pour son nom dans l’amour ». D sanctifie son nom dans le monde par amour pour l’homme.

 On peut proposer une explication plus simple et plus proche du texte. En effet, le texte dit que D fait venir le messie « pour son nom dans l’amour », or, selon l’explication du « Nefesh Hahaim » on aurait du dire « par amour ». On peut donc interpréter le texte de l’amidah come signifiant que la venue du messie vient par l’amour, c'est-à-dire que c’est l’amour que les hommes se portent entre eux qui fait venir le messie. 

Le messianisme politique tel qu’il a été envisagé par Marx et Sartre repose sur l’idée que la productivité de la planète et celle de l’homme sont finies et définies. C'est-à-dire que la planète peut produire un nombre donné de richesse et l’homme à la capacité de produire un nombre donné de plus value. Ce chiffre est défini et fini, quoi qu’il arrive le pays produira ce nombre X de richesse et quoi qu’il arrive chaque individu produira un nombre Y de plus value. L’ensemble de ces deux variables définie ce que Platon appelle la cité ou la république. Pour ces deux penseurs, le but de la politique consiste à partager la richesse de la manière la plus équitable possible pour éviter l’existence du « surnuméraire », celui qui va naitre sans rien posséder. Puisque la richesse du monde est finie, pour ces penseurs, la société ne peut être basée que sur le ressentiment de l’injustice et la haine de ceux qui possède. Cette haine entraine aussi chez chaque individu la haine de lui-même. Pour Sartre, c’est ça la politique messianique.

Au contraire, la torah pense que le potentiel de créativité de l’homme et de la terre sont variables. Aucun homme n’est assuré de créer ne serait ce qu’un nombre infime de richesse, la terre elle aussi peut produire un nombre variable de biens, ce nombre n’est pas défini ou assuré. Ce qui permet à l’homme d’augmenter son potentiel créatif et ce qui permet la nature de développer son rendement c’est l’amour qu’on leur porte. Pour la torah, il n’y a pas un gâteau, une citée ou une république, à se partager, il y a un monde à construire. Pour la torah c’est ce rapport au monde qui définit le temps messianique, toujours à venir. La torah n’explique pas ce que va être l’ère messianique, elle pose simplement comme axiome que le rendement de l’homme et de la planète sont indéterminés et indéterminables, de ce fait la torah fait de l’amour un sentiment nécessaire au développement du monde.

Rousseau pense que c’est la propriété qui crée la haine entre les hommes, la torah croit que la haine découle de l’amour. L’homme à besoin d’aimer l’autre pour s’estimer lui-même, pour cette raison il arrive souvent que l’homme cherche à aimer tous les hommes de la planète, même des hommes trop différents de lui qu’il ne peut pas aimer. Ayant du mal à accepter les limites de sa capacité à aimer, l’individu cherche des défauts chez l’autre pour justifier son indifférence. Ce faisant, dans un deuxième temps, il commence à le haïr. Ensuite, le sujet commence à se haïr lui-même. (Cette dynamique était très apparente chez les allemands avant et pendant la deuxième guerre mondiale.) Pour la torah ce n’est pas l’égalité sociale qui va assurer la paix entre les hommes, c’est l’honnêteté sentimentale.


 

Les documents

 

Texte 1 : Pascale Foutrier

Bernard-Henri Lévy avait préféré insister sur le dernier Sartre, celui du dialogue avec son secrétaire particulier Benny Lévy, ex-leader de la Gauche Prolétarienne auto-dissoute en novembre 1973. Dans les années 70, Benny Lévy, rompant avec son activisme maoïste et effectuant son retour vers la pensée juive et la religion judaïque, tente de repenser à nouveaux frais la question politique en la confrontant aux interrogations métaphysiques et religieuses qui sont alors les siennes.

Ce dialogue ultime de Sartre avec l'ex-maoïste a été en effet un moment essentiel de l'histoire intellectuelle, et Bernard-Henri-Lévy avait raison en ce sens de le réhabiliter contre ceux qui ont cherché à le discréditer parce qu'il posait des questions gênantes. Il est vrai que Sartre avait été au plus haut point intéressé par les réflexions de Benny Lévy sur le « messianisme » : Benny Lévy l'avait invité à penser comme « messianisme » son engagement politique, dans un dialogue fécond avec la pensée juive du XXème siècle que Sartre découvrait à cette occasion.

Ce que Bernard-Henri Lévy avait cependant omis de préciser dans son livre, c'est que Sartre n'avait jamais renoncé dans ce dialogue à maintenir deux choses essentielles : 1. Son athéisme, 2. La finalité révolutionnaire de son discours. Mais en somme (et c'est ce qui a fort embarrassé les sartriens historiques), il acceptait la caractérisation de messianisme politique à propos de son propre engagement - sans pour autant y renoncer.

A contrario, Benny Lévy a développé à partir de ce moment-là, et davantage encore dans les dernières années de sa vie, une critique radicale du dit « messianisme politique », accusé d'être la racine profonde des régimes totalitaires du XXème siècle. Pour dire les choses brièvement et clairement, il s'agissait de montrer que la politique, si elle se mêle de Promesse transcendantale, devient potentiellement totalitaire : elle dégénère en une espèce de néo-théocraties sans dieu.

Cette réflexion renouvelait la pensée classique de séparation du spirituel et du temporel : il faut laisser à César ce qui appartient à César (le rationalisme du calcul et de l'emprise sur les choses), et à Dieu ce qui appartient à Dieu (le prix moral de la valeur des choses et des êtres, transcendant le calcul et la politique), nous disait en substance cette pensée du retour au religieux, qu'était devenue la philosophie de Benny Lévy.

Cette critique de Benny Lévy du « messianisme politique » a été intellectuellement victorieuse (même si elle n'a pas été en apparence au centre des débats), précisément parce qu'elle a été significativement reprise, entre autres, par Bernard-Henri Lévy, un des intellectuels les plus influents, si on en croit le numéro de Marianne d'octobre. De cette dévaluation du messianisme politique, est née l'idée qu'il faut laisser la gouvernance à des experts - c'est-à-dire à ceux qu'on appelle désormais les "élites". Corollairement, toute critique des dites « élites » était soupçonnée de néo-stalinisme et de crypto-totalitarisme, et taxée de "populisme".

Cette rupture philosophique avec le messianisme politique (dont il faut insister sur le fait qu'elle a pour fondement un retour du religieux) visait d'abord à invalider toute la pensée du mouvement socialiste et ouvrier née au XIXème siècle du saint-simonisme chrétien ou de la franc-maçonnerie (le premier communiste, Gracchus Babeuf, est d'abord chrétien), et au-delà, le marxisme, ou plus largement le "communisme", j'y reviens.

Mais du même coup se trouvait également invalidé l'esprit messianique de l'État et de la Nation napoléoniens, issu de la Révolution française, et qui en revendiquait les « principes » : à savoir le droit à l'égalité. Sauf les deux restaurations et le régime pétainiste, tous les régimes qui se succèdent jusqu'à la Troisième République s'établissent dans la continuité de cette visée messianique d'une égalité de droit entre des individus reconnus (plus ou moins largement) comme des citoyens. Aucun régime politique ne remettra en cause ce Principe en quelque sorte spirituel du pouvoir d'État (pas même le Second Empire, censé se fonder sur la souveraineté populaire) de tendre à l'égalité de droit principielle, à défaut d'établir l'égalité économique et sociale. C'est encore le principe essentiel du programme du Conseil National de la Résistance, et ce qui justifie la notion de « démocratie sociale » qui en était le cœur, visant à relancer la Promesse révolutionnaire d'égalité comme moteur spirituel et moral de l'esprit des institutions démocratiques.

Le marxisme revendiquera également ce principe, mais en critiquera l'idéalisme, cherchant les moyens de le réaliser (de supprimer la distance entre le principe et le fait) par une réforme drastique de l'état et du droit de propriété. Le marxisme fut ainsi aux démocraties ce que les millénaristes sont aux chrétiens ordinaires. Et ce millénarisme du messianisme politique qu'aura été le marxisme a de fait échoué sur les pratiques réelles du socialisme dit "réel".

Cela signifie-t-il que tout messianisme politique doive nécessairement dégénérer en totalitarisme ? Évidemment non : la pratique même des démocraties parlementaires en découle : leur philosophie du droit se fonde sur le messianisme politique issu de la Révolution française.

Ainsi la critique radicale du messianisme politique ne laisse plus rien debout de l'histoire réelle des démocraties, et c'est bien son vice profond. Jacques Rancière l'a montré, le danger dominant aujourd'hui, n'est pas je ne sais quel néo-théocratisme politique, mais bien la « haine de la démocratie » (cf. Jacques Rancière, La haine de la démocratie).

Pour le dire en termes plus politiques : la tendance naturelle des sociétés est de concentrer tous les pouvoirs entre les mains d'une ou plusieurs oligarchies. Le messianisme politique issu de la Révolution française consiste à légitimer le combat perpétuel contre cette tendance oligarchique naturelle, en s'appuyant sur le principe en effet révolutionnaire et « messianique » de la démocratie sociale ou de l'égalité réelle.

Les bureaucraties staliniennes ont montré ab absurdo que ce combat n'est jamais gagné. Le discours de la prise du pouvoir des classes dominées ou du peuple est en lui-même une imposture, et c'est cette imposture qui est la base des régimes totalitaires. Les classes dominées, par définition, ne prennent pas le pouvoir ; elles ne peuvent être que représentées plus ou moins largement au sein des instances de pouvoir. La tendance naturelle de ceux qui les représentent, quels qu'ils soient, est de perpétuer leur position de pouvoir acquise grâce à cette mission, et indépendamment d'elle. Ainsi la tendance lourde de la bureaucratisation et de la production des oligarchies menace dès les plus petits niveaux de pouvoir à l'intérieur des partis politiques, quels qu'ils soient.

Autrement dit encore, le messianisme politique, dont je me réclame avec le dernier Sartre contre la critique religieuse qu'en avait faite Benny Lévy, et dont la fin est la démocratie, ne peut avoir comme visée qu'une perpétuelle vigilance exercée à l'encontre de tous les pouvoirs, quels qu'il soit, c'est-à-dire à l'encontre de ce que j'appelle la Logique du pouvoir. Le pouvoir est par nature au service de la force et des dominants : ceux qui possèdent les capitaux financiers, immobiliers, symboliques. Par le vote, par la pression sociale (grèves et manifestations), culturelle, morale, spirituelle et en définitive politique, que devraient pouvoir et vouloir exercer tous les citoyens, le Pouvoir peut être dialectiquement et momentanément contraint à prendre en compte l'aspiration à l'égalité et à la souveraineté. C'est ce qui s'est passé en France en 1870 avec la Commune de Paris, en 1936 avec le Front Populaire, en 1945 avec le Programme du Conseil National de la Résistance, en 1968 avec les grandes grèves et en 1981 avec la victoire de la gauche après trente ans d'hégémonie de la droite. Nécessairement dans ces moments, il change en partie de mains : mais les nouveaux gouvernants, quels qu'ils soient, sont pris par la Logique du Pouvoir, qui tend nécessairement à s'appuyer sur la force.

La Logique oligarchique du Pouvoir vient systématiquement et mécaniquement à bout de ces moments de « fusion » démocratique ? Certes. Mais il en reste toujours quelque chose : ce que nous appelons « nos acquis sociaux » ou l'abolition de la peine de mort, ont été intégrés à nos lois sous la pression de ces moments de ferveur démocratique. Et c'est énorme

Texte 2 : Eliaou zoutra

אליהו זוטא (איש שלום) פרשה יד

אפילו יחיד אחד שבישראל שרוי בסופו של עולם, אלף נהרות לפניו, הקב"ה בוקע (עולם) [כולם] ומביאו אצלו, שנאמר הנה ימים באים נאם ה' לא יאמר עוד חי ה' אשר העלה אותנו ממצרים וגו' (ירמיה ט"ז י"ד, כ"ג ז'), ואומר כי אם חי ה' אשר העלה ואשר הביא את זרע ישראל מארץ צפון וגו' (שם /ירמיהו/ כ"ג ח'), מנין, תדע לך שכן, שאין ישראל נגאלין אלא מתוך הצער ולא מתוך השעבוד, לא מתוך הטילטול ולא מתוך הטירוף ולא מתוך הדחק, לא מתוך שאין להם מזונות, אלא מתוך עשרה בני אדם שהן זה אצל זה, והיה אחד מהן קורא לחבירו ואין קולו נשמע, שנאמר ובהר ציון תהיה פליטה והיה קודש וגו' (עובדיה א' י"ז), שכן מצינו באבותינו הראשונים שלא נגאלו ממצרים אלא מתוך הטובה,

Même un juif isole qui se trouve a la fin du monde, même si il ya milles fleuves devant lui, D va tous les traverser et il va le ramener chez lui, comme le verset dit «  voici que les jours arrive parole du D des armées et on ne jurera plus sur l’existence d’hm qui a fait sortir d’Égypte, mais on jurera par le nom de D qui a rassemble la descendance d’Israël de la terre du nord etc. ». D’où le sait-on ? Sache que les juifs ne sont libérés que de la douleur et pas d’un esclavage ou ni d’une déportation, ni d’un éclatement ni de la pauvreté, ni d’un manque de nourriture. Mais uniquement du fait qu’il y est 10 personnes qui sont ensembles et que lorsqu’un appelle son ami il ne peut plus l’entendre… et c’est ce que nous avons vu chez nos patriarches qu’ils n’ont été libérés que par la fête.

Texte 3 Mishna pesahim

משנה מסכת פסחים פרק ז

משנה יג

[יג] שתי חבורות שהיו אוכלות בבית אחד אלו הופכין את פניהם הילך ואוכלין ואלו הופכין את פניהם הילך ואוכלין והמיחם באמצע כשהשמש עומד למזוג קופץ את פיו ומחזיר את פניו עד שמגיע אצל חבורתו ואוכל והכלה הופכת את פניה ואוכלת:

Deux groupes qui mangeaient dans une seule maison ceux la tournent leur tête d’un cote, et ceux la tourne leurs têtes d’un autre cote. Mais ils peuvent mettre la bouilloire au milieu. Lorsque celui qui fait le service coupe le vin avec de l’eau chaude, il doit marcher à reculons et couvrir sa bouche jusqu'à ce qu’il arrive dans son groupe et la il mange. Et la fiancée peut retourner son visage et manger seule.

Texte 4 Mishna pesahim

משנה מסכת פסחים פרק ח

משנה ז

[ז] אין שוחטין את הפסח על היחיד דברי רבי יהודה ורבי יוסי מתיר אפילו חבורה של מאה שאין יכולין לאכול כזית אין שוחטין עליהן ואין עושין חבורת נשים ועבדים וקטנים:

On ne peut pas égorger un sacrifice pascal pour une seule personne selon rabi yehudah et rabi Yossi permet. Même un groupe de 100 personnes si aucun ne peut manger 30 grammes on ne peut pas sacrifier pour eux un sacrifice pascal. Et on ne fait pas un groupe constitue de femmes et d’esclaves, ou d’esclaves et d’enfants.

Texte 5 : midrash Esther Rabah

אסתר רבה (וילנא) פרשה ו

אמר ר' יעקב בר אחא אמר לו הקב"ה אתה דרשת שלום נפש אחת לדעת את שלום אסתר חייך סופך לדרוש שלום אומה שלימה הה"ד דורש טוב לעמו ודובר שלום לכל זרעו.

Rabi yaacov le fils de Aha dit « D a dit a mordehai : « toi tu as pris soin d’une seule âme, car tu allais tous les jours voir comment se portait Esther, par ta vie, a la fin tu prendras soin de tout un peuple, c’est ce que le verset dit « il cherchait le bine de son peuple, et il apportait la paix pour toute sa descendance »

אם הלכה רופפת בידך פוק חזי איך עמא דבר/ אל תאמר דבר שאינו נשמע שסופו להשמע

Si tu as un doute sur un point de la loi regardes ce que font les gens dans la rue, ne dis pas une chose que les gens ne comprennent pas en te disant dans le futur ils comprendront.

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